Découvrez en avant-première le premier chapitre de La Messagère du Ciel !

Couv. Alain Brion

La publication de La Messagère du Ciel approche, et j’avoue une certaine fébrilité tandis que je viens de franchir le premier quart du deuxième tome, La Fureur de la Terre : comment ce début sera-t-il reçu ? Dans le même temps, c’est aussi une bonne chose ; forcé d’avancer, je ne le fais qu’en me fiant à mes instincts, ce qui, en ce qui me concerne, est souvent une bonne chose.

Ça n’empêche qu’après tout ce temps de préparation et d’écriture, je commence à être très impatient de la sortie ! J’ai reçu mes exemplaires (voir ci-contre), le livre est solide, épais (700 pages !), superbement fabriqué comme toujours avec Critic.

Et, à l’approche de la sortie (qui aura lieu le 4 mai, contrairement à ce que j’ai dit il y a un mois – et soit le même jour que Port d’Âmes chez Folio SF : c’est pile dans une semaine !), nous vous proposons avec les éditions Critic de découvrir le prologue et le premier chapitre entier dans leur intégralité.

Il est lisible ci-dessous dans votre navigateur, sinon, pour davantage de commodité, sur cette page à part.

Bonne lecture ! 

2017-05-12T18:12:39+02:00jeudi 27 avril 2017|À ne pas manquer|3 Commentaires

La démocratie, c’est perdre avec grâce

Bon, j’ai plein d’infos sympas sur les actualités, les bouquins à sortir, les interventions, mais à voir la température sur les réseaux sociaux du monde français entier, je vois clairement que ce n’est pas le moment, donc un mot rapide sur les élections.

Je lis beaucoup – notamment chez les mélenchonistes – que cette élection a été “volée”, que c’est un “simulacre de démocratie”, etc. Beaucoup des mêmes, écœurés par la défaite de leur candidat – ou par le fait, simplement, que leur sensibilités ne se retrouvent pas au second tour – prônent l’abstention ou un vote blanc.

Ceux-là me font exactement le même effet que tous ceux qui ont déserté Benoît Hamon au lendemain du résultat de la primaire : on prétend consulter le peuple, et puis le résultat ne convient pas aux plans établis ou aux espoirs ? Tirons-nous et clamons à la trahison !

La démocratie, c’est la consultation du peuple. Le résultat ne vous enchante pas, d’accord. (Moi non plus. À commencer par le fait de voir à nouveau l’extrême-droite en finale me consterne, désole, me met en colère. Je ne vous fais pas le couplet, il est connu depuis le temps.) Mais la voix du peuple, le résultat du peuple, ne sont-ils pas souverains ? Nous n’avons pas un système à deux étages à l’Américaine. Chaque bulletin mis dans l’urne est une expression exprimée, directement.

Beaucoup avaient l’espoir d’un changement de fond conformément à leurs convictions ; la déception est proportionnelle à la hauteur de cet espoir, ce qui est pleinement compréhensible. Mais que cette déception se transforme en négation totale du droit de vote – un droit pour lequel nos ancêtres se sont battus, ont saigné, sont morts ; un droit qui est, oui, confisqué ou refusé dans d’autres États – est une déclaration de nanti qui m’échappera toujours. Entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il y a d’un côté un candidat dont on peut hautement critiquer, voire détester la politique si on le souhaite, mais dont le parti n’a jamais employé la discrimination et la peur comme tactique. L’autre représente un parti issu à l’origine d’un courant reconnu comme néo-fasciste.

Et vous resteriez chez vous le 7 mai ?

Il est impossible de dire, après le premier tour de cette élection, que le système est “confisqué” quand les deux partis historiques se sont fait battre et que Jean-Luc Mélenchon termine dans un mouchoir de poche avec les trois qui le devancent, totalisant un score historique. (Oui, le système dans l’ensemble peut toujours fonctionner bien mieux, mais, si Jean-Luc Mélenchon n’a pas fini plus haut, ce n’est pas la faute du système électoral, ici.) Emmanuel Macron et Marine Le Pen n’ont pas tiré leurs premières places d’un chapeau, mais des urnes. (Aussi ahurissant que ce soit dans le cas de la seconde.) Ils n’ont pas “acheté” leur victoire, ils la reçoivent du suffrage universel direct. Ça ne vous fait pas plaisir, à moi non plus. Mais vous ne pouvez pas – vous n’avez pas le droit de dire que certains ont “mal voté” et que le résultat est “volé”. Je vous renvoie à l’histoire pour faire le tour des États qui enseignaient comment “bien voter” à leur électorat – dans leur propre intérêt, vous comprenez, pour faire leur éducation.

Ce n’est pas un second tour Macron / n’importe qui d’autre, les amis. Des deux finalistes de ce premier tour, un candidat me semble clairement républicain, l’autre, not so much. Faut-il autre chose ? 

Oui, tiens. Allons écouter Jean-Luc Mélenchon himself en 2002 :

Le vote d’extrême droite doit être réduit au minimum par nos propres forces. Quelle conscience de gauche peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder l’essentiel parce que l’effort lui paraît indigne de soi? Ne pas faire son devoir républicain en raison de la nausée que nous donne le moyen d’action, c’est prendre un risque collectif sans commune mesure avec l’inconvénient individuel.

(Graissage de mon fait : une déclaration de haute noblesse à laquelle je souscris totalement. Pour ma part, dans deux semaines, je serai ce fameux “voisin” qui ira faire l’effort.)

Il faut se rappeler qui est l’adversaire, et continuer à mener ses combats en employant les règles de la démocratie et de la république, car c’est là-dessus que le pays fonctionne et s’est fondé, c’est notre fierté, et que c’est par ce biais qu’on s’engage à le changer. On prépare les combats du lendemain, l’opposition, le débat, la contestation si nécessaire, en allant voter pour que la possibilité de le faire, sacré bordel de dieu, existe encore demain ! La France insoumise, c’est environ 1/5 des suffrages exprimés ! S’il n’y a pas un après avec ça, un élan à prolonger, un dynamique à faire grossir davantage pour ceux qui la partagent – que faut-il ? Cette dynamique devait parvenir à convaincre, et c’est ce qu’elle n’a pas fait suffisamment dimanche ; tirez-en les conclusions que vous voulez, mais c’est ça, la démocratie. 

Bref. Résumons en un échange de tweets :

Pour aller plus loin, voir cet article de Slate pour la citation de Jean-Luc Mélenchon et une analyse que je partage en large partie.

EDIT : Je rappelle qu’un embargo sur l’apologie de l’abstention est toujours en vigueur dans les commentaires de ce blog (parce que ça prend des heures à modérer et que je ne souhaite pas offrir une plate-forme à ce discours). Veuillez donc vous… abstenir de rédiger ce genre de messages, qui seront supprimés. 

2017-04-25T17:38:56+02:00mardi 25 avril 2017|Humeurs aqueuses|32 Commentaires

Retrouvons-nous ce week-end à Nice Fictions !

Tous les printemps, c’est la première saison des festivals littéraires, et, auguste lectorat, cette année, je serai sur les routes jusqu’à Pluton. (En Roumanie.) (Pluton est une ville en Roumanie.) (Bon, en fait, j’irai même pas jusque là, mais j’irai partout ailleurs.) (Presque partout.)

Ce week-end, j’ai le plaisir d’être invité par le festival Nice Fictions pour un événement riche en rencontres, dédicaces, tables rondes… Les salons sont rares dans le sud, donc c’est une occasion à ne pas manquer de venir fêter l’imaginaire. Les informations pratiques sont en ligne ici, le programme là. Attention : en raison du plan Vigipirate, une inscription sur cette page est requise au préalable pour accéder à la manifestation (dont l’entrée est par ailleurs gratuite).

J’interviendrai sur les sujets suivants :

avril

pas d'événement

À très bientôt ! 

2017-05-01T17:14:24+02:00lundi 24 avril 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Retrouvons-nous ce week-end à Nice Fictions !

Islande 2017

Travail intense oblige, je n’ai plus autant l’occasion de partir en volontariat qu’auparavant – non pas que je me plaigne : dans mon domaine, avoir du boulot est une excellente chose ! Cependant, la mer et ses drôles d’habitants noirs et blancs, aussi tendres et joueurs que redoutables au squash à l’otarie commençaient à me manquer puissamment, or doncques, une partie de la semaine dernière, j’ai délocalisé la machine à écrire à Grundarfjörður en Islande.

Délocalisation couronnée de succès grâce à Láki Tours

Foraging orcas

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… au moins pour le premier jour, car, des trois jours suivants, aucune des sorties prévues n’a pu se faire. L’adage dit qu’en Islande, si l’on n’aime pas la météo, il suffit d’attendre cinq minutes pour qu’elle change, mais là, le vent est resté tenace pour le reste de mon (bref) séjour, empêchant toute autre expédition en raison de l’état de la mer (même s’il faisait grand beau).

Cela a été l’occasion de faire le tour de la péninsule du Snæfellsnes, du coup. L’Islande au printemps est étrangement semblable et différente à la fois de l’hiver ; la température y paraît presque plus froide, le vent est assurément plus coupant, mais la neige s’est retirée vers les sommets, et surtout, les journées sont déjà bien plus longues que partout ailleurs (coucher du soleil à 21h).

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La Snæfellsnes en avril ressemble parfaitement à l’image populaire qu’on se fait de l’Islande : de longues landes et champs de lave où rien ne pousse pendant des kilomètres, veillées par des montagnes abruptes qui jaillissent soudainement là où elles l’ont décidé. Le glacier du Snæfellsjökull règne sur la péninsule, régulièrement couronné de nuages, toujours inaccessible. Les oiseaux n’y sont pas encore nombreux, ils reviendront plus tard ; les touristes de l’hiver sont partis (tant mieux) ; contrairement à l’ambiance feutrée de décembre, il plane là une sorte de préparation, de métamorphose. J’ai rarement senti ailleurs – mais peut-être est-ce simplement l’effet du dépaysement – la justesse de ce cliché d’un printemps qui “retient son souffle” au retour de l’été.

Cliquez pour agrandir (et voir les deux langues des glaciers du sud-est)

Image qui n’est pas vraie en mer, car orques et cétacés, de manière générale, sont fréquents en cette saison : ils suivent les bancs de harengs, de retour en masse. Je fais l’objet d’une curieuse loi karmique, voire d’une malédiction : chaque fois que j’ai vu une espèce rare (orques, notamment) en milieu sauvage, je vois un échouage peu après ; chaque fois que j’assiste à un échouage, je vois une espèce rare. Malheureusement, ce voyage n’a pas fait exception ; au matin de partir en mer, j’ai repéré sur la plage d’Olafsvík une carcasse très fraîche de dauphin à nez blanc (Lagenorhynchus albirostris) que, de loin, je craignais être un jeune orque. Les vieux réflexes ont repris le dessus – en mode CSI échouage de dauphin –, bloquant toute émotion pour rassembler efficacement d’éventuelles informations précieuses, tandis que j’appelais la directrice d’Orca Guardiansancienne camarade de volontariat qui dirige l’organisation sur place, quant à d’éventuelles données qui pourraient lui être utiles, étant un brin dépourvu sans avoir le moindre kit d’analyse sur moi (évidemment). Vivent les smartphones qui permettent au moins de prendre quantité de photos détaillées. La mort devait remonter au plus à vingt-quatre heures.

D’après ma camarade, nous avons vus ce jour-là entre 30 et 40 orques, même si seule une dizaine restait non loin du bateau. Nous avons eu le plaisir de voir un tout jeune en bonne santé, nageant encore un peu maladroitement, pour une rencontre qui a duré, quoi, une heure ? J’ai perdu la notion du temps, tandis que je déclenchais l’appareil en rafale, sans me soucier du tri à faire ensuite (bilan : 750 images, ouch). Néanmoins sans oublier, parfois, de le mettre volontairement de côté, pour juste me pénétrer de l’instant, contempler le spectacle avec mes yeux, avec le cœur, sans penser à aucun artifice technologique.

Néanmoins, j’ai maudit ma malédiction.

En plus il s’agissait d’une troupe rare, ce qui donné à Marie, d’Orca Guardians, des données potentiellement précieuses (auxquelles j’espère avoir un peu contribué de mon côté, même si je ne cherchais pas à prendre spécialement des photos pour l’identification des individus). Je ne peux que vous recommander de jeter un œil au site de la fondation et à la page Facebook qui publie presque chaque jour des images et des récits stupéfiants de rencontres avec les géants des océans. Orca Guardians met un point d’honneur à n’effectuer que des recherches non-invasives (c’est-à-dire tirées uniquement de l’observation régulière et suivie).

 

2017-04-19T14:48:33+02:00jeudi 20 avril 2017|Carnets de voyage|2 Commentaires

Le prix Joël Champetier 2017 est lancé – avis aux nouvellistes

Par Boréal; Ewe Aya – CC BY-SA

Le prix Joël Champetier est une occasion très précieuse pour tous les auteurs de nouvelles d’imaginaire : lancé l’année dernière en hommage à l’écrivain (que la critique comparait régulièrement à Stephen King, excusez du peu), il est reconduit cette année et s’annonce d’ores et déjà comme un rendez-vous de première importance. Il est ouvert à tous les nouvellistes non canadiens écrivant en français, et propose une prime ainsi qu’une publication dans Solaris. C’est donc une splendide occasion de donner un coup de projecteur sur sa plume !

La date limite est fixée au 31 août 2017, et le règlement, ainsi que les modalités d’inscription, se trouvent sur cette page.

2017-04-18T21:31:05+02:00mercredi 19 avril 2017|Le monde du livre|Commentaires fermés sur Le prix Joël Champetier 2017 est lancé – avis aux nouvellistes

Y a-t-il un ghost dans le film ?

Ghost in the Shell, c’est LA référence du cyberpunk – on serait tenté de dire même du post-cyberpunk, puisque l’œuvre traverse allègrement les âges sans rester ancrée dans la fin des années 1980 qui l’a vue naître (une des caractéristiques sur laquelle certains critiques définissent, et bornent à présent le genre). À ce jour, peu (voire aucun) de récits ont traité avec une telle profondeur et une telle totalité l’évolution de l’humanité dans le cadre de sa fusion avec la machine, abordant avant tout la transcendance (notamment à travers la notion de ghost, qui définit l’humain), mais aussi la politique internationale (dans la série Stand Alone Complex) et la vie privée. Ghost in the Shell, c’est un monument, et quand l’annonce d’une adaptation en prise de vues réelles a été annoncée sérieusement en 2008 (après une rumeur tenace impliquant que James Cameron s’y collerait au tournant des années 2000), on était en droit de frémir.

L’œuvre d’origine est foisonnante, profonde, visionnaire et carrément métaphysique par moments – comment cela allait-il résister à la moulinette d’Hollywood ?

Cette adaptation retrouve le futur proche où la cybernétique est reine. Mira Killian a été sauvée d’une noyade mortelle par Hanka Robotics et cybernétisée totalement : seul son cerveau survit dans un corps augmenté. Elle travaille pour la Section 9 du gouvernement, un groupe d’intervention anti-terroriste semi-secret avec une immense latitude de moyens. Or, un certain cyber-hacker nommé Kuze s’en prend aux hauts responsables d’Hanka ; Mira Killian, devenue le Major, apprendra les secrets de ses origines et de sa fabrication à travers une enquête qui la conduira aux plus hauts échelons de la compagnie.

Là où cette adaptation est une réussite incontestable, c’est dans le domaine visuel. La Hong-Kong ? Tokyo1 ? du futur est impressionnante, avec ses tours démesurées, des hologrammes publicitaires de dizaines de mètres de hauteur. On serait quand même tenté de glisser que le film n’invente rien (Blade Runner est passé par là il y a 35 ans), mais l’aspect poisseux, bondé, interlope de ce futur sombre va un cran plus loin que tout ce qu’on a pu voir. Plus impressionnant à mon sens, c’est la fidélité aux personnages : on a amplement critiqué le fait de donner à une Occidentale (Scarlett Johansson) le rôle d’une Asiatique, mais il faut avouer qu’elle est parfaite dans le rôle du Major (au moins sur le plan de l’esthétique), dans ses poses et son jeu toujours à la limite de l’uncanny valley. (Même si un peu trop sérieuse, mais c’est le scénario qui veut ça – voir plus bas.) Takeshi Kitano en Aramaki est un délice, coupe de cheveux improbable incluse (et parle en japonais dans le texte), et Batô (joué par Pilou Asbæk) est splendide, même si son rôle est un peu mineur. Le film montre résolument les corps cybernétiques en construction, réparation, etc. ce qui suscite bien cette étrange distance avec la chair mise en avant notamment dans le premier long-métrage de 1995, et les scènes d’action sont impressionnantes – comme on est en droit de l’attendre en 2017.

Si je commence par là, auguste lectorat, c’est que tu te doutes qu’il y a un “mais”. Le “mais”, et il est de taille, et il est fort regrettable quand on dispose d’un matériau aussi puissant que Ghost in the Shell, c’est le scénario. Avec cette toile de fond magnifique, ces concepts passionnants comme le ghost dans la trousse à outils, le film ne nous pond qu’une histoire des origines du Major totalement convenue vue et revue y compris hors science-fiction (coucou, Jason Bourne), et dont le spectateur un tant soit peu réveillé (et surtout le passionné par la licence, qui a déjà navigué sur des mers conceptuelles autrement plus audacieuses) aura vu venir la fin à douze kilomètres. Que dis-je, la seule bande-annonce (“où suis-je, qui suis-je, que m’ont-ils volé”) suffit à comprendre ce qu’il en sera. Sur ce plan, le premier Matrix (qui a déjà… 18 ans) frappait cent fois plus fort et plus juste.

Et c’est là qu’on entre dans des choix qui deviennent franchement incompréhensibles et qui poussent sincèrement à s’interroger sur les forces présidant à la narration dans l’industrie cinématographique aujourd’hui. Ce film avait à sa disposition plusieurs épais manga, quatre longs métrages, trois séries télévisées pour puiser concepts et histoire : et le réalisateur / les scénaristes ont indubitablement fait leur boulot de recherche. On ne compte plus les scènes culte reprises verbatim du premier long-métrage : la construction du corps cybernétique du Major ; sa plongée dans le vide du haut du gratte-ciel ; le combat dans l’eau en camouflage optique (repris à l’identique ou presque) ; la plongée dans le port et j’en passe. Jusqu’à des plans entiers, comme l’envol d’oiseaux / le passage de l’avion vus dans le ciel depuis une rue étroite des quartiers populaires ou la sémantique des reflets, mais hélas, tout cela se trouve tiré hors contexte et sans la force symbolique de base, et sonne comme un simple décalque non compris. Le jeu avion / oiseau traite de l’évolution du biologique vers le mécanique, mais l’ordre est bêtement inversé dans ce film et ça ne signifie plus rien ; à la base, le jeu sur l’image vient du fait que le Major est, du moins sur l’apparence extérieure, un modèle courant et donc peut croiser ses propres copies dans la rue, d’où la signification du miroir. Or, si le Major, dans cette version, est unique en son genre, l’image perd son sens…

Le fan service est également omniprésent : les interfaces informatiques en cercles viennent directement des représentations de la matrice de Stand Alone Complex ; on trouve parmi les chiens errants un basset, le chien favori de Mamoru Oshii qu’il colle dans tous ses films dont, notamment, le premier long-métrage de 19952 ; le dactylographe fou à vingt doigts fait une apparition éclair ; on a un Saito (le sniper apparu dans Stand Alone Complex) qui a droit à une ou deux secondes à l’écran ; le thème immortel de Kenji Kawai (UTA) fait son apparition…

Et tout ça pour… pour… une origin story totalement Batô (alors là, pardon, mais ça fait vingt-cinq ans que je rêve de la caser).

Pourquoi, grands dieux, avoir repris l’esthétique, les codes (sans forcément tous les comprendre), des scènes entières du premier film, et n’avoir pas calqué le scénario – encore puissant aujourd’hui – du premier long-métrage3 ? Trop “audacieux” pour les pontes du cinéma ? Quand comprendront-ils qu’à jouer la prudence – sur une licence éprouvée depuis bientôt trente ans, grands dieux ! – ils ne conduiront au mieux qu’à des résultats tièdes ? Je suis sûr qu’un jour, quelqu’un sur YouTube va remixer toutes ces scènes esthétiquement bluffantes et coller dessus les dialogues du film de 1995…

Bon, je coupe court aux diatribes4, mais sincèrement, que reste-t-il de cette adaptation ?

Passées les cinq premières minutes qui feront s’exclamer “WHAT THE PINNIPÈDE ?” au connaisseur de la licence, avec l’avertissement qu’il ne faut pas en attendre un “vrai” scénario à la Ghost in the Shell, on passe un moment correct. L’aficionado que je suis a éprouvé un plaisir sincère à voir, tournées en images réelles, toutes ces scènes devenues mythiques. Mais l’impression de creux, de manque, restera, y compris à celui ou celle qui découvre l’univers. On sait depuis longtemps que l’univers de Ghost in the Shell fonctionne un peu comme une licence de comics : les récits ne se succèdent pas forcément, il s’agit plutôt de versions parallèles reliées par les mêmes personnages et les mêmes problématiques. Dans ce cadre, ce film forme un récit parallèle de plus, probablement le plus impressionnant visuellement, et l’un des moins profonds conceptuellement. (Mais après tout, comparé au globiboulga du manga Man-Machine Interface, ce film ne s’en sort pas si mal.)

Des images plein les mirettes, avec l’enthousiasme de retrouver cet univers que j’adule, une fois sorti de la salle, je n’avais qu’une seule envie, me remettre devant le film de 1995 pour retrouver justement toutes ces scènes, mais AVEC la profondeur.

 

  1. Probablement Tokyo, vu qu’un morceau de la bande-originale fait référence au quartier d’Aokigahara, même si Ghost in the Shell se déroule classiquement dans une ville inspirée de Hong-Kong et que l’esthétique du film y correspond davantage.
  2. Et aussi, notamment, Avalon.
  3. L’arc narratif du Marionnettiste, bien sûr.
  4. Il faudrait encore parler de l’attitude sous-jacente des œuvres respectives vis-à-vis du transhumanisme, le film jouant plutôt la carte de l’angoisse de la transformation alors que toutes les versions précédentes jouaient, au pire, celle de l’inquiétante étrangeté, mais exhibaient plus souvent un sincère positivisme – mais je pense qu’il y aurait là carrément matière à un article universitaire…
2017-04-18T16:52:08+02:00mardi 18 avril 2017|Fiction|12 Commentaires

Procrastination podcast ép. 15 : “Conseils de survie pour les dialogues”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Conseils de survie pour les dialogues“.

Le dialogue, outil de base et convention narrative, c’est la communication verbale dans un média verbal, un moyen fondamental et immédiat pour passer de l’information, mettre en scène des personnages… voire transmettre au lecteur le contraire exact de ce que les personnages disent. Mélanie Fazi, Laurent Genefort et Lionel Davoust proposent un tour d’horizon de cet aspect fondamental de la littérature à travers des conseils fondamentaux et les grands pièges qu’il leur semble falloir éviter.

Références citées :
– The Writer’s Tale, Russel T. Davies & Benjamin Cook
– Elizabeth George, Mes secrets d’écrivain

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:48:36+02:00lundi 17 avril 2017|Procrastination podcast, Technique d'écriture|3 Commentaires

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