Mais qui est Lucien, le robot de la newsletter ?

Lucien. LUCIEEEEEEN, j’ai lié à ton âme à ma volonté par la puissance des électrons et du plugin WordPress, tu m’appartiens, tu m’entends ? J’ai soumis ton mythe à ma résolution et t’ai recyclé comme une vieille canette en alu. Tu ne peux pas, tu ne dois pas reprendre la vie d’un légende urbaine ! Et pour cela, je m’en vais crever de la flèche de la vérité le récit de ta genèse ! Rawr.

Ahem

Pardon.

Donc

Il se peut que je reçoive, voire lise par hasard des interrogations ou des questionnements ma foi légitimes tournant autour de l’identité de Lucien, le petit robot qui envoie la newsletter mensuelle. Mais pourquoi ? Pourquoi s’appelle-t-il Lucien, et pourquoi pas, je ne sais pas, Childéric, Maubeuge ou encore Alphonsine ? Eh bien, accroche-toi à ton terminal mobile responsive, auguste lectorat, parce que nous allons maintenant partir dans une histoire finalement pas hyper passionnante mais bon disons comme ça que ce sera fait.

Poorlydrawnlines (CC-By-NC)

En un temps lointain donc, où MySpace était une startup d’avenir et l’Internet mobile grand public se limitait au WAP (début des années 2000, si vous êtes limite dans vos repères d’histoire des technologies), je fus nommé rédacteur en chef d’une revue de fantasy nommée Asphodale, qui connut quelques jolis faits d’arme (premières publications en France de China Miéville, Kelly Link et Andrzej Sapkowski, avec la complicité des éditions Bragelonne pour le dernier – si ça vous intrigue, les sommaires sont disponibles ici). À l’époque, j’étais vraiment tout nouveau dans le milieu littéraire, j’étais passé par le fanzinat et je faisais partie de l’équipe de Galaxies, mais cela faisait seulement, à la louche, deux ou trois ans que je m’y investissais réellement. Et on ne va pas se mentir, j’ai un peu un nom à coucher dehors dont personne ne sait jamais prononcer la fin (et même moi j’ai toujours un doute), donc, quand le jeune fan chevelu se retrouve bombardé à diriger la petite sœur de Galaxies, ça peut se comprendre qu’on puisse faire une coquille sur son identité. C’est pas cool, mais compréhensible, ferrari humanum est ou du moins j’aimerais bien mais c’est cher.

À l’époque, Internet était vachement plus petit, on pouvait en voir l’autre bout si on se haussait sur la pointe des pieds, et les sites d’information majeurs sur l’imaginaire se comptaient sur les doigts d’une main. Et voilà donc que l’un d’eux m’appelle… Lucien Davoust. Bon, okay, sauf que comme c’est un site majeur, l’information se retrouve bientôt reprise, beaucoup. Beaucoup. Et un rédacteur en chef de revue, même jeune, et dans un contexte où le webzine n’est encore qu’une invention étrange dont personne ne sait si elle prendra vraiment jour, c’est pas mal en vue. Ça publie des gens, et les gens aiment être publiés, donc ils s’intéressent à vous, vous envoient des textes, font saluent sur les salons, et, vous l’avez vu venir –

À ce stade, je me demande s’il est bien pertinent de continuer à corriger les gens à force ou bien d’expliquer à ma mère que je change mon état-civil parce que là ça ira plus vite.

Évidemment, tous les copains (Mélanie Fazi, je te vois) se marrent comme des baleines et se mettent forcément à m’appeler Lucien aussi, parce que c’est à ça qu’on reconnaît les copains, ils se foutent de vous, et comme j’aime bien être mon propre copain aussi tant qu’à faire, je me aussi fous de moi et je commence à décider que, puisque c’est comme ça, Lucien est mon jumeau maléfique et dès que je ferai une connerie, ça sera la faute à Lucien et pas moi, c’est pratique. Bim.

Asphodale ne connaîtra au final que cinq numéros – satisfait d’avoir lancé une revue qui avait trouvé un début de public (comme c’était plus facile à l’époque, la presse papier…), je décide de voguer vers d’autres cieux parce que je commence à avoir des opportunités pour publier des nouvelles (une bise en passant à Lucie Chenu) et que je veux me centrer sur l’écriture à côté de la traduction ; je quitte mon poste en laissant un numéro six totalement composé et prêt à la publication, mais qui ne verra hélas jamais le jour en raison de la cessation d’activité de l’éditeur.

Lucien disparaît peu à peu dans l’oubli, et à mesure que mon nom correct circule un peu plus, seuls les copains continuent à se foutre de moi, tandis que je leur explique que je suis devenu grand, je ne fais plus de connerie, et donc je n’ai plus besoin de mon jumeau maléfique en leur racontant évidemment tout le sérieux mortel qu’il convient à ce genre de chose que j’ai attiré Lucien sur un cimetière indien pour conduire un rituel de bannissement liant son âme aux soubassements sacrés du lieu et que je suis libéré de son influence à jamais, À JAMAIS VOUS M’ENTENDEZ.

Techniquement, dans la mythologie de Lucien, donc, j’ai réveillé son âme aux alentours de 2015 pour vider son esprit de sa substance, le contraindre à son rôle de majordome lisse et courtois, m’appelant maître, et livrant comme un bon robot ma newsletter mensuelle à vous tous.

Cinq ans plus tard, peut-être – PEUT-ÊTRE – Lucien commence à remuer dans son sommeil, tandis que son incarnation recommence à étendre des tentacules de mystère à travers l’inconscient collectif dans l’espoir de renaître de sa propre légende.

Cet article sera peut-être le carreau d’argent en plein cœur qui le videra à jamais de sa substance.

Ou bien vous emparerez-vous de lui, pervers que vous êtes, pour en faire des choses qui m’échapperont de nouveau. Non.

NOOOOON

2020-09-12T21:31:18+02:00mercredi 23 septembre 2020|Expériences en temps réel|13 Commentaires

La photo de la semaine : Yo

Yo
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Yo indeed.

2020-07-08T20:52:19+02:00vendredi 10 juillet 2020|Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : Yo

Quand on parle Norvégien, on voit le soleil

Photo Jordan Wozniak

Quand on parle du loup, on en voit la queue.

Mais que se passe-t-il si la culture qui s’exprime ne connaît pas le concept de loup ? (Ou de queue ? Genre, tous leurs chats sont des chats Manx.) Des expressions de ce genre, on en utilise tous les jours, sans y réfléchir, et la questions sus-posée n’arrête guère grand-monde sous nos latitudes, mais… 

… si vous écrivez de l’imaginaire, la question devient tout de suite plus prégnante (on l’a abordée dans le dernier épisode de Procrastination). Le concept sous-jacent de l’expression – évoquer une chose l’incite à apparaître – traduit une vision magique du monde à la fois très profonde et très humaine. Mais comme dira-t-on à Narnia, sur Tatouine, sur Vulcain ? (Pas sur Vulcain. Supposer un lien de cause à effet entre l’expression d’une notion et sa concrétisation est hautement illogique à moins d’entraîner une pensée construite visant à sa réalisation, voyons.) Et dans votre monde ?

Pas besoin d’aller culturellement très loin pour déjà trouver un exemple de la chose. L’anglais parle… du diable, ce qui est déjà fort éloquent.

En Norvège, on dit :

Source

… ce qui traduit de manière passionnante, en une toute petite phrase, toute une vision du monde. Peu importe le loup qui hantait l’inconscient français jadis ; peu importe le diable de la langue anglaise ; ici, ce qui s’évade, ce qui apparaît un peu quand il veut, et qui se trouve suffisamment important pour qu’on en fasse une expression, c’est… le soleil.

(J’imagine que le proverbe marche aussi en Bretagne, du coup.)

2019-07-01T07:31:34+02:00mercredi 3 juillet 2019|Expériences en temps réel|3 Commentaires

L’étonnante étymologie d’enfoiré

Attention, article à très explicit lyrics. (Soit : si les gros mots vous choquent, regardez plutôt cette vidéo.)

J’ai un dictionnaire des synonymes accessible en permanence quand j’écris ; j’essaie au maximum de trouver le mot juste pour le fixer dans le texte, car cela m’aide à m’ancrer dans l’ambiance d’une scène, à construire correctement pour avancer dans un livre avec la satisfaction de bien sentir le récit et son atmosphère. (Après, à la correction, je casse généralement tout pour tout reconstruire autrement, mais cela fait partie du processus ; ces premières étapes me montrent les directions que j’ai envie, ou besoin, d’explorer.) Sachant que je consulte Antidote ou ses homologues parfois plusieurs fois par minute (merci Alfred et AppleScript), et que, dans « Les Dieux sauvages », je m’amuse à recréer une sorte de parler pseudo-médiéval, j’aime bien chercher les synonymes inusités ou pittoresques.

Or doncques, l’autre jour, j’avais besoin de synonymes fleuris du mot “cul”. Très bien, Rabelais, tu n’as qu’à bien te tenir, me voici parti en quête. Et quelle n’est pas ma curiosité de découvrir dans la liste celui-ci :

Et là, d’un seul coup, tout un pan de la langue française prend sens dans ma tête : foirer quelque chose, bien sûr, c’est comme le “chier”, faire de la merde, tout ça (c’est d’ailleurs le sens vieilli et très familier du terme, ce que j’ignorais) ; et là, je comprends aussi que “enfoiré” n’est en fait qu’une variante sur un thème vieux comme le monde – “enculé”, même combat. Comme empaler. Et bougre d’âne : saviez-vous qu’un bougre, à la base, c’est un sodomite ?

Ah, c’est sûr que ça donne moins envie de taquiner ses enfants en les traitant affectueusement de bougres d’âne, tout de suite.

Est-ce que j’ai un point ? (Anglicisme.) En fait, oui, au-delà du fait d’avoir appris un nouveau truc linguistique, ce qui est toujours intéressant quel que soit le registre : si l’on veut s’efforcer de faire évoluer son vocabulaire d’insultes1 pour en évacuer les connotations homophobes et machistes, eh bah “enfoiré” est à mettre tout autant à l’index.

Oui, j’ai totalement fait exprès avec cette dernière phrase.

  1. Rappelons que Freud, qui a certes dit un paquet de conneries, mais pas que, affirmait que le premier à jeter une insulte plutôt qu’une pierre était le fondateur de la civilisation ; ce qui paraît assez vrai, comme le prouve le système routier de toute métropole développée, un endroit assurément très civilisé vu comme on s’y insulte.
2018-08-09T10:56:18+02:00mardi 10 juillet 2018|Best Of, Expériences en temps réel|8 Commentaires

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