Kafka, cet auteur de hopepunk

Intéressante divergence de perception l’autre jour sur Facebook (où je suis de retour, pour mémoire, parce que mon âme est noire comme la nuit) – je postais cette citation bien connue du célèbre auteur entomologiste :

We need the books that affect us like disaster, that grieve us deeply, like the death of someone we loved more than ourselves, like being banished into forests far from everyone, like a suicide. A book must be the axe for the frozen sea inside us.

Franz Kafka

Des mots que j’ai toujours appréciés pour leur puissance et leur obsession presque létale de l’exaltation ; quelle ne fut pas ma surprise quand les réactions furent au contraire un appel à l’espoir et à l’amour mutuel.

Ahem. OKAY OUI BON je vois bien comment on peut AUSSI prendre la citation dans un sens, euh, torturé. (Kafka n’était-il pas cet homme connu pour son goût du fun ?) Mais cette divergence d’interprétation est instructive : alors que l’on peut retenir l’aspect “like a suicide”, je suis par ma part obsédé par la puissance de “the axe for the frozen sea inside us” ; personnellement, je ne veux pas de frozen sea inside me, et je veux lui péter la gueule à la hache, ouais – ce qui implique la totalité de l’existence, le fun et son contraire.

Combattre, le cas échéant, l’inertie rassurante de son existence peut représenter, oui, un désastre et une mort ; c’est une porte terrifiante, puissante et merveilleuse que de constater, éventuellement, l’étroitesse de sa propre conceptions. C’est une expérience terrible, mais qui peut être salutaire. (Si l’on est branché haches et océans. Ça n’est pas le truc de tout le monde.)

Toute réalisation implique la fin de quelque chose, ce qui nécessite un processus de deuil. Et sortir de l’inertie est une expérience violente (sinon, ça ne serait pas de l’inertie).

2023-04-05T15:57:43+02:00jeudi 6 avril 2023|Humeurs aqueuses|4 Commentaires

Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

Je l’avais envoyée aux abonnés de la lettre d’informations, mais je me rappelle si souvent cette citation, alors que ma date de finalisation pour L’Héritage de l’Empire arrive à grands pas, et surtout, j’ai pu tellement en vérifier la vérité :

[W]hen we sit down day after day and keep grinding, something mysterious starts to happen. A process is set into motion by which, inevitably and infallibly, heaven comes to our aid. Unforeseen forces enlist to our cause; serendipity reinforces our purpose. This is the other secret that real artists know and wannabe writers don’t. When we sit down each day and do our work, power concentrates around us. The Muse takes note of our dedication. She approves. We have earned favor in her sight. When we sit down and work, we become like a magnetized rod that attracts iron filings. Ideas come. Insights accrete.

Steven Pressfield, The Art of War

(Livre chroniqué ici.)

Le plus difficile dans l’écriture est souvent de s’y mettre. Mais dès que l’on prend la résolution sincère de le faire, réellement, ou que l’on prend au moins soin de maintenir le projet présent à son esprit, alors les efforts de chaque jour s’accumulent et le total est supérieur à la somme des parties. Combien de sessions ai-je entamé à reculons pour découvrir une super idée une heure plus tard, qui valait à elle seule l’effort ? N’aurait-il pas été dommage de céder à la Résistance, aux bonnes excuses, au fait de me dire que “je ne suis pas dans l’esprit aujourd’hui” ?

Est-ce facile ? Oh diable, non. Mais j’ai décidé que c’était important. Alors, je le fais, quoi qu’il arrive. En ce qui me concerne, c’est ainsi qu’au bout d’un moment, je me retrouve avec une nouvelle, un livre, une saga écrits. (… et j’en suis souvent le premier étonné, pour tout dire.)

(J’avais dit que je partagerais des choses plus brèves et aléatoires ici cette année. Considère, auguste lectorat, que c’est une tentative en ce sens.)

2020-01-22T00:53:24+01:00mercredi 22 janvier 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Persister, chaque jour (Steven Pressfield)

Du sentiment d’être bon ou pas [Des brèves et des liens]

Toujours ça que les réseaux commerciaux n’auront pas. Tu te rappelles, auguste lectorat, l’époque où l’on faisait des compilations de liens pour nos blogs MySpace ? C’était mieux avant ? Non, clairement pas, mais il y a un certain nombre de choses qu’il vaut mieux conserver pour sa propre plate-forme. Donc, expérimentation avec un retour sur une forme de compilation de brèves, d’idées aléatoires, de liens rigolos ou pas, mêlée d’une petite compilation des posts des semaines passées.

Et avec ces déboires en ligne, justement, une citation pas mal dans l’air du temps pour moi :

Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, et qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver.

Albert Camus

Et dans le même genre :

You can’t be an artist and be safe.

Francis Coppola

Donc, après s’être fait rouer de coups, j’imagine qu’on est un laissé-pour-compote ?

J’avais une vidéo potentiellement rigolote à montrer mais elle n’aura pas lieu car :

NON

La France a voté une taxe visant spécialement les géants du numérique, et Donald Trump, évidemment, s’en offusque et lance une enquête sur le sujet. Je suis peut-être pessimiste, mais le résultat m’en semble couru d’avance ; il va finir par faire une guerre commerciale au monde entier. Tremble, Donald, on va taxer ton champagne en représailles.

Mais consolons-nous, car la justice américaine a décrété qu’il lui était interdit de bloquer des gens sur Twitter, ce que je trouve particulièrement satisfaisant.

Du génie : cette extension de Chrome transforme Netflix en site de visioconférence (si t’as envie d’utiliser Chrome, ce qui est moins génial)

Foutus verbes défectifs, ce serait quand même vachement plus simple si le verbe pleuvoir était en fait pleuver, non ?

Une perle d’Antidote : « chiard » est en québécois un synonyme familier d’« anarchie ». Sachant que c’est aussi un synonyme grossier d’enfant en français, y aurait-il une origine commune à ce terme quant au désordre qu’ils sont capables de répandre ?

J’ai explosé de rire en lisant que pour le PDG de Huawei, Apple est son modèle quant à la protection de la vie privée de ses utilisateurs.

D’ailleurs, si tu continues à dire dans ta tête « pomme-X » pour le raccourci-clavier de Couper au lieu de « commande », frappe dans tes mains (mais pas trop fort à cause de ton canal carpien) car félicitations, tu es vieux aussi.

J’ai reçu une kouryelle. Plein de messages électroniques, quoi.

Quand je me dis introverti, ça surprend parfois parce que j’ai l’air à l’aise en public, je donne des conférences et ateliers, etc. En fait, je suis un « introverti hautement socialisé » (terme inventé par John Scalzi) et ça donne ça (je coche toutes les cases).

Certains vivent avec la certitude de ne pas être de mauvaises personnes : ils ont de la chance. Je vis pour ma part avec la certitude que si j’avais cette certitude, je serais méchant.

2019-07-16T09:09:14+02:00mercredi 17 juillet 2019|Expériences en temps réel|4 Commentaires

La litanie contre la peur

Écrire. […] J’ai peur. […] J’ai tellement de travail. Je suis angoissée. J’ai l’impression de ne pas maîtriser correctement l’histoire. […] C’est la vérité : je ne la maîtrise pas. Mais voici ce que je vais faire : je vais avancer le roman de cinq pages par jour. Je vais croire que je fais ce que je suis censée faire […] : écrire. Je vais croire que les mots sont là, en moi, que les idées sont là, en moi. Je vais croire que je suis pleinement capable de conduire ce projet à son terme. Je vais me rappeler que j’ai toujours eu peur, et que je me suis toujours frayé un chemin à travers la peur, dépassant la peur, pour la transformer en foi.

Elizabeth George, Journal of a Novel, 4 nov. 2001

Cette citation, tirée de Write Away (Mes Secrets d’écrivain en français), figure dans mon bureau depuis des années, quasiment sous mes yeux (photo ci-contre). Et si c’est bon pour Elizabeth George, ma foi, ça l’est pour moi aussi, ça l’est pour nous tous – en tout cas nous qui sommes frappés par cette angoisse et par son symptôme le plus courant, la procrastination. Camarades, nous sommes en bonne compagnie : George, William Gibson (« Je préfère largement le fait d’avoir écrit à celui d’écrire », confiait-il), Fredric Brown aussi, me semble-t-il, et j’en passe.

J’ignore si cette peur disparaît jamais vraiment avec le temps ; à en croire George, il n’en est rien et, selon ma modeste expérience, elle aurait plutôt tendance à empirer. La question n’est donc pas tant de chercher à l’annihiler, ce qui semblerait un combat perdu d’avance, et encore moins d’en concevoir de la culpabilité. Il s’agit de faire la même chose que George : la reconnaître, puis travailler autour, avec, au travers. Et, pour cela, il n’y a qu’une seule chose à faire : sauter dans l’arène, et agir maintenant. C’est une tautologie, mais, pour avoir conscience qu’on a déjà su transcender la peur pour la “transformer en foi”, pour se fonder sur cette expérience afin d’alimenter les suivantes au moment où les craintes montrent les crocs, il faut l’avoir déjà fait. Et cela n’arrivera pas demain, mais aujourd’hui, maintenant, à votre prochaine plage de temps libre, qu’elle dure deux heures ou bien cinq minutes. Si vous n’en profitez pas, demain, vous serez toujours au même point – et peut-être en pire condition, car vous éprouverez la culpabilité de ne pas avoir agi hier au moment où vous l’auriez pu. Robin Hobb affirme, et elle a raison, que “vous n’aurez jamais plus de temps libre qu’aujourd’hui”.

C’est tout simplement la première règle de Robert Heinlein, et le conseil en apparence tout simple que bien des écrivains chevronnés donnent aux plus jeunes (j’ai par exemple entendu Terry Brooks le répéter des dizaines de fois aux Imaginales l’année de sa venue) :

Règle n°1 : Tu dois écrire.

2014-08-05T15:24:32+02:00vendredi 6 août 2010|Best Of, Technique d'écriture|14 Commentaires

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