Pourquoi les boutiques en dur peinent-elles ? Petite leçon de commerce

service_failEDIT 15 septembre 2016 : Dans l’intérêt de l’équité, il me faut signaler que j’ai eu par la suite au téléphone, en personne, le directeur de l’établissement mentionné plus loin, très soucieux de régler les dysfonctionnements. Cette conscience professionnelle mérite d’être soulignée, saluée et applaudie !

Or doncques, il était une fois un type quelconque (appelons-le Moi), allant dans une grande surface dont nous cacherons le nom (appelons-la la Fnouque) dans une ville où il pleut fréquemment (appelons-la Rain, tiens). Nous sommes le matin, très peu de clients dans les rayons, disponibilité maximale.

Moi à un vendeur : Bonjour, j’aurais voulu savoir si vous aviez des informations sur la sortie de futurs modèles Zouip et Waah de la marque Duguchnu ?

Le vendeur : Holà, alors là, moi, je suis spécialiste Tribidi, vous savez, donc j’en sais rien. En plus, je déteste la marque Duguchnu, mais d’une force ! Alors, je peux pas vous dire.

Moi (un peu courroucé) : Okay, c’est pas écrit sur vous, que vous êtes un vendeur Tribidi.

Le vendeur : Ah ouais, c’est vrai, je sais. Mais vous voyez, on a un vendeur Duguchnu, d’habitude, mais là, c’est lundi, il n’est pas là. Et en plus, du coup, depuis qu’il y a ce système, les représentants de Duguchnu ne passent même plus nous voir, donc on n’a plus les infos. Attendez, je vais quand même demander à Bob. Bob ? Tu sais s’il y a des Zouip ou des Waah qui sortent chez Duguchnu ?

Bob : Nan, on sait rien.

Le vendeur (satisfait d’avoir accompli son devoir) : Bah voilà, désolé, on peut pas avoir d’infos. Si vous pouvez repasser quand le vendeur Duguchnu sera là peut-être ?

Moi : Peut-être. Pensant en réalité : Jamais de la vie. Je suis con aussi à espérer un conseil qualité de la Fnouque, à chaque fois j’espère, et à chaque fois je me fais avoir, c’est peine perdue. Fnouque that, je vais faire comme tout le monde, aller sur Internet, demander des avis sur les forums, et quand j’aurai arrêté mon choix, je commanderai sur Matos.com, le cul sur ma chaise.

Hé, toi, le Jeune (ou tout autre quidam de description aléatoire) qui passe un diplôme de commerce actif ou d’action commerciale, stay a while and listen : voilà donc ce qu’il ne fallait pas faire.

a) Ridiculiser le choix du client (et le client par extension) : “je hais Duguchnu” transmet en substance “je m’en carre le dongle Wi-fi de ta demande d’information et tu fais des choix de merde”.

b) Expliquer par le menu toute l’étendue de son incompétence. Le commercial n’est pas là, de toute façon, j’y connais que dalle à ton truc et en plus on n’a pas les infos, donc je demande à Bob, mais Bob il s’y connaît pas mieux que moi. Content ?

c) Demander au client s’il peut repasser à l’ère où le moindre smartphone donne accès au savoir du monde entier et, par extension, tous ses magasins. Leçon durement acquise dans les salons littéraires, auguste lectorat : les gens ne repassent jamais. JAMAIS.

Le pire, c’est que la marque Tribidi, dont le vendeur était représentant, venait de sortir un modèle Patapata qui aurait peut-être pu convenir à mes besoins. Mais est-ce que le vendeur, confit dans son rôle bien délimité, s’est intéressé à la demande de son putatif client ? Nope. Pour ma part, agacé d’avoir l’impression dès la première phrase que je perdais mon temps, je ne cherchais plus qu’à une façon de mettre un terme à cette interaction regrettable sans trop laisser transparaître ma basse opinion du fâcheux interlocuteur.

Que faire dans ce cas-là ? Pas compliqué. Une simple phrase en deux temps aurait suffi :

a) Je suis désolé,

b) car je suis spécialiste de la marque Tribidi (pas de mal à ne pas savoir), mais venez avec moi, je vais demander à un collègue qui sait.

Il ne sait pas non plus, okay : face à l’indisponibilité de l’information, demander : “C’est pour quel usage ? Quel produit cherchez-vous ?”

Et là, chercher un produit de substitution – justement le Tribidi Patapata qui se serait prêté à ce besoin. Le faire tester, faire la retape. “Vous savez, Duguchnu le fait, mais Tribidi, c’est tellement mieux parce que : regardez ! Il est en titane de carbone siliconé et en plus il a des paillettes.”

Ne pas faire une vente, peut-être. Mais laisser son client sans avoir l’impression qu’il a perdu son temps et, surtout, l’inciter à revenir au lieu du résultat contraire. 

Parce que, dans ces conditions, c’est bien beau de chouiner sur la concurrence déloyale d’Internet, mais si on n’apporte pas, justement, en boutique, la plus-value du conseil et du contact, alors le client n’a aucun intérêt à sortir de chez lui.

Heureusement qu’il reste des commerçants qui savent faire : qu’ils en soient mille fois loués.