La création se nourrit aussi de silence

Réflexion aléatoire parce qu’on en a parlé lors de la table ronde à Sirennes sur “Vivre de son écriture”, ainsi, un peu plus avant, dans l’épisode de Procrastination sur le burn-out – à de très rares exceptions de constitution près, le cerveau se nourrit d’activité mais aussi de repos. Notre société ultra productiviste qui pousse à voir les êtres humains comme des machines – et donc à considérer la créativité comme un processus industrialisable – y laisse peu de place, mais : créer se nourrit de temps, d’attention, de mûrissement et de vagabondage.

Cela n’exclut pas l’application de la discipline, de prendre soin de toucher son manuscrit tous les jours, de s’efforcer de raffiner son approche pour créer plus facilement. Si l’on n’investit pas le temps qualifié en anglais de BICHOK – butt in chair, hands on keyboard (le cul sur la chaise, les mains sur le clavier), il ne se passe rien, et c’est là que bloquent 95% des aspirateurs écrivain·es. Mais il y a une raison pour laquelle le slogan de Getting Things Done est “la productivité sans stress” : s’organiser réduit le stress, ce qui permet de travailler plus facilement donc de façon plus productive, mais c’est une conséquence et non le but. Le but devrait toujours être un art de vivre qui permet de se rapprocher toujours davantage de ses vœux – en l’occurrence, écrire des récits dont l’on est content et avec le moins de difficulté possible. Produire des pages à la chaîne est très impressionnant, mais, si on y arrive, c’est une conséquence d’un épanouissement dont, je crois, la source est ailleurs (comme la vérité).

Le processus de création de la bande originale de Psycho Starship Rampage a été l’un des plus doux que j’aie connus, parce qu’un jeu vidéo, ça prend des années à se faire, alors qu’une production sonore, beaucoup moins. J’ai pu accompagner de loin en loin le développement et fournir des sons par étapes successives, permettant d’alterner les phases d’incubation / réflexion / fredonnements ridicules dans l’enregistreur de mon téléphone et de production concentrée devant Ableton. Quand j’ouvrais l’application, je savais parfaitement ce que j’allais faire, comment, ce qui m’a permis d’être comparativement très rapide dans l’exécution, mais cette vitesse n’a aucun sens : elle existait justement parce que, de loin en loin, j’avais réfléchi des semaines.

Il y a un moment où l’on a besoin de laisser reposer, et un moment où l’on a besoin de mettre un coup de collier et de s’autocoudepiéaucuter. On met souvent l’accent sur le second car il est, évidemment, plus difficile. L’action est infiniment (au sens très strictement mathématique) plus difficile que l’inaction. Mais l’inaction a sa valeur, au même titre que l’on insiste sur show, don’t tell, mais le tell a aussi sa valeur. Il est juste beaucoup plus facile, donc on met constamment l’accent sur le show.

Comment décider au moment où l’on passe de l’un à l’autre ? Ma foi, vous êtes de grandes personnes ; au final, celui ou celle qui crée, c’est vous ; celui ou celle qui sait ce dont il ou elle a besoin, c’est vous. Une part de la maturité de la création consiste à reconnaître le mode dont on a besoin à un moment donné. Et le professionnalisme à s’astreindre à observer celui que les obligations du moment dictent alors qu’on pencherait vers l’autre.

Tant que cela ne devient justement pas une habitude.

2024-04-14T15:50:14+02:00mercredi 17 avril 2024|Technique d'écriture|0 commentaire

De l’émergence des idées à leur structuration (Geekriture 06)

L’une des forces du Zettelkasten est de ne pas imposer d’ordre a priori, en permettant simplement une exploration libre de ses idées et de ses recherches, et, à travers le tissage constant de liens et d’analogies, de voir les idées et les structures émerger par constellations et reflets d’intérêts. Mais évidemment, si l’on peut avoir une vision d’ensemble de ses notes ou fiches quand il en existe quelques dizaines, quand l’on dépasse la centaine voire, quand on atteint le chiffre vertigineux de 90000 comme dans le cas de Luhmann, la vision d’ensemble est impossible.

À un moment, il faut arriver à rassembler tout ça, à se donner des points d’entrée dans sa collection de notes, au risque de retomber dans le syndrome Evernote : une vaste boîte noire où l’on jette des pensées, mais dont on ne ressort jamais rien. Un Zettelkasten, un système de gestion du savoir doit vivre ; Luhmann lui-même qualifiait son système de « partenaire dans une conversation ».

➡️ … l’article Geekriture du mois traite de L’émergence des idées et de leur structuration, à lire sur ActuSF.

2021-06-17T10:48:32+02:00mercredi 23 juin 2021|Geekriture|2 Commentaires

Comment un sociologue allemand a publié 70 ouvrages sans jamais avoir l’impression de bosser (Geekriture 03)

Désolé pour le titre à la Buzzfeed, mais ça s’imposait quand même…

Né à Lunebourg en Allemagne, Niklas Luhmann (1927-1998) est fils de brasseur. Dans les années 1960, après des études de droit, il est fonctionnaire au tribunal de sa ville. Il n’est pas spécialement passionné par sa carrière dans l’administration, mais les horaires fixes de son métier lui laissent le loisir de s’adonner à sa vraie passion – lire de la philosophie et de la sociologie.

Sauf qu’après un temps certain à prendre des notes en marge pour le pur plaisir intellectuel, il s’aperçoit d’un problème auquel nous avons toutes et tous été confrontés. Il lit, parvient peut-être à des compréhensions et des illuminations sur le moment, mais il n’en fait rien. C’est quand même dommage… 

➡️ … l’article Geekriture du mois traite ENFIN (depuis le temps que je vous en parle) de la méthode Zettelkasten, à lire sur ActuSF.

2021-03-20T12:29:55+01:00mardi 23 mars 2021|Geekriture|Commentaires fermés sur Comment un sociologue allemand a publié 70 ouvrages sans jamais avoir l’impression de bosser (Geekriture 03)

Procrastination podcast ép. 16 : “De ta vie à Google Maps”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “De ta vie à Google Maps“.

« Écrire ce qu’on connaît » est un des conseils les plus répandus, qui a généré au fil de l’histoire littéraire des positions assez polarisées. La narration se nourrit bien sûr de l’expérience de l’auteur, mais cette notion s’effondre tout particulièrement dans les domaines de l’imaginaire, qui ont par nature un rapport à la réalité particulier. Toute la clé, on le verra, se trouve dans le sens que l’on donne au mot « connaître ».

Références citées
– Nécropolis, Hebert Lieberman
– La Séparation, Christopher Priest
– Neverwhere, Neil Gaiman

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:48:36+02:00lundi 1 mai 2017|Procrastination podcast, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Procrastination podcast ép. 16 : “De ta vie à Google Maps”

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