Amazon entube la chaîne du livre : la vente d’ebooks d’occasion

fail_fish(Finalement, ma dent ne serait qu’un problème périphérique. Je suis donc en mesure de revêtir mon armure antiémeute et de lancer à un post à polémique.)

D’après cet article d’Actualitté, Amazon étudie la vente de livrels1 de seconde main. C’est-à-dire, la possibilité de transférer un livre acheté par un client à un autre contre un coût. Le fichier disparaît du compte du premier, pour arriver sur celui du second (avec une commission au passage pour Amazon). Magie, se dit le client content : enfin, on me permet de disposer de mon livre comme je l’entends, et de le revendre comme bon me semble. Justice !

Non, Amazon entube tout le monde. La chaîne du livre, l’éditeur en premier, et l’auteur avec. Mais le public – vous – aussi. Démonstration.

Ce qui scandalise les acteurs du livre

C’est simple : Amazon semble bien placé pour créer une économie parallèle du livre, où les fichiers s’échangeront hors du circuit traditionnel. Éditeurs et auteurs veulent une part de ces échanges, si Amazon prélève sa commission. Cela scandalise en retour le public, qui ne voit pas pourquoi ceux-ci toucheraient quoi que ce soit sachant que le fichier a été déjà acheté. Et le marché de l’occasion traditionnel fonctionne sans. Alors, qu’est-ce qu’ils veulent, ces vilains auteurs et éditeurs déjà pleins aux as ? (HINT : pour la majorité, ils ne le sont pas.)

Le problème, c’est que nous parlons de dématérialisé, et non de biens physiques.

Le dématérialisé pose un problème de propriété et de consommation

adam_appleLes activistes du dématérialisé répètent à l’envi que ce marché obéit à des règles différentes du marché physique (d’accord) et que donc, pour les plus extrémistes d’entre eux, les gens qui voudraient gagner de l’argent de leur travail n’ont qu’à fermer leur gueule (pas d’accord). Les questions et les problèmes nouveaux que posent ces marchés ne se résolvent pas d’un coup de baguette magique (pour les activistes) ni par la transposition d’un modèle existant (pour les conservateurs). Nous sommes face à de vrais dilemmes dont il convient d’étudier les fondements si l’on veut pouvoir construire une réflexion.

Quel est le principe de l’idée de consommation ? La destruction du bien. Consommer, c’est détruire. À plus ou moins long terme, et en fonction de l’usure susceptible du bien. Une pomme s’use plus vite qu’une voiture, mais l’idée est la même : au bout d’un moment, elle ne sera plus (ou plus utilisable), j’en aurai retiré toute la jouissance potentielle.

C’est l’idée fondatrice du marché de l’occasion. Un bien dont un tiers a déjà joui sera usé, donc perdra de sa valeur, et un acheteur de seconde main peut accepter ce compromis contre un prix réduit. C’est le cas avec le livre : un livre qui a tourné entre de nombreuses mains est défraîchi, il a peut-être été abîmé, et le deuxième acheteur accepte cette perte de valeur au profit de l’oeuvre qui s’y trouve. Additionnellement, le nombre fini d’exemplaires physiques crée une rareté artificielle qui va donner, ou non, une valeur à l’oeuvre imprimée.

Mais dans le cas du dématérialisé, cette clause de destruction, d’obsolescence, fondamentale au principe de consommation disparaît. (J’aimerais d’ailleurs bien que les Benjamin Bayart et consorts, qui exposent très bien le mécanisme, poussent un peu leur réflexion sur le bouleversement économique fondamental que cela implique – c’est rien moins que toute la théorie économique, fondée sur la notion d’usure, qui fout le camp.) Si je copie un livre, de la musique, rien de tout cela ne s’use. Je consomme mes produits culturels autant de fois que je le souhaite, ils ne s’usent pas. Le matériel employé pour ce faire s’use, lui, mais le support physique devient découplé du contenu (et avec la généralisation du cloud, on n’aura bientôt même plus à se soucier d’espace de stockage, juste d’un terminal léger). Si vous voulez faire fortune aujourd’hui, ne fondez pas les Beatles : fabriquez des iPhone.

L’occasion en dématérialisé équivaut à du neuf

Quand un éditeur de jeu vidéo, qui fournit un support physique, réclame sa part d’une vente en occasion ou s’efforce de la circonvenir par des mécanismes de clés à usage unique, on hurle au scandale, et à juste titre. Un support physique obéit aux principes de consommation énoncés ci-dessus, et la circulation du contenu (ainsi que son usage) connaîtra une fin plus ou moins proche en fonction du soin apporté au média. C’est le risque inhérent aux biens de seconde main.

Mais que l’on se mette à vendre d’occasion des fichiers numériques : c’est exactement la même chose que de vendre le contenu neuf. Il peut circuler dans un nombre infini de mains, dans un état identique à son premier jour. Le mot “occasion” devient par là même fallacieux. C’est la raison pour laquelle, si les contenus sont indistingables du neuf, les acteurs du livre – auteur et éditeur – réclament leur pourcentage, si Amazon – ici simple diffuseur et plate-forme d’échange – prélève sa commission.

Les droits du consommateur bafoués

boromir-handcuffs-meme-generator-one-does-not-simply-handcuff-superman-5be09aAmazon semble séduire le consommateur en lui proposant un service laissé pour compte jusqu’ici dans l’économie numérique : disposer de son fichier comme bon lui semble. C’est effectivement un problème : actuellement, un “bien” numérique (livre, jeu vidéo acheté sur Steam par exemple, même votre épée légendaire de Diablo III) n’est pas un bien réel, au titre d’un livre dont vous disposez souverainement, que vous pouvez prêter, donner, utiliser pour caler un meuble. C’est un accord de licence – le fournisseur de contenu vous octroie une licence d’utilisation révocable sur le contenu dont vous avez acheté, non pas la propriété, mais l’usage. Rien ne l’empêche d’effacer votre bibliothèque s’il considère que vous avez violé les termes de cette licence (voir cette affaire kafkaïenne).

Amazon n’offre que le mirage d’un marché de l’occasion et d’une liberté de transfert de vos biens (qui n’en sont pas). En effet, pour qu’un tel système fonctionne, cela implique

  1. L’usage de DRM (on en a parlé ici) pour recréer un simulacre de rareté (laquelle induit de la valeur)
  2. La création d’un marché clos de formats compatibles (l’écosystème Amazon)

Ce qui entraîne :

  1. Non, vous ne disposez pas de votre contenu comme bon vous semble (puisque restriction d’accès par DRM)
  2. Vous êtes enchaîné(e) à Amazon, puisque vous ne pouvez transférer le bien (ou accord de licence) qu’au sein de son écosystème.

Droits du consommateur, vraiment ?

I have a dream

Il semble juste de posséder ce que l’on paie. Qu’on puisse en disposer comme bon nous semble ; mais, dès lors que tout transfert de propriété numérique est impossible (comme les activistes ne manquent pas de le marteler, copier n’est pas voler), puisque je transmets à l’identique ce que je possède, on ne peut que donner. Il découle que tout marché de l’occasion, fondé sur l’idée d’obsolescence et de transfert, ne peut exister dans un monde numérique. Et que toute tentative de l’instaurer, comme semble vouloir le faire Amazon, nuit à tous, du créateur au consommateur – sauf à la plate-forme, qui bénéficie d’une source de revenus illégitime tout en enchaînant davantage les consommateurs à son écosystème. Il s’agit là d’une manoeuvre démagogique et grotesque.

Un tel marché, à tout le moins, ne pourrait s’imaginer qu’avec un système de DRM unique, fonctionnel, interopérable, de manière à le dégager de tout fabricant. Autant dire qu’on ne le verra jamais, et qu’il est probablement plus souhaitable de trouver de nouvelles manières de rémunérer et faire vivre la création en tirant avantage des fantastiques possibilités d’échange que permet le numérique plutôt que calquer les principes très mal adaptés de l’économie classique de la rareté et de l’obsolescence.

  1. Livres électroniques, pour se passer du disgracieux anglicisme “ebook ».
2013-02-19T22:23:50+01:00mercredi 20 février 2013|Le monde du livre|14 Commentaires

Ce blog maintenant en livre électronique

ebook_glue

Hop ! Grâce à la magie d’Ebook Glue (merci à Siloane), tout le blog est à présent disponible en livre électronique, aux formats Epub et Mobi. Ce n’est pas entièrement magique non plus, il vous faudra télécharger le nouveau fichier à chaque mise à jour mais si, disons, il vous prend l’envie de rattraper votre retard sur les absurdités précédentes dans une grotte non couverte par la 3G, hey ! Vous saurez quoi faire !

Bon, OK, l’usage est peut-être limité, mais comme c’est possible et gratuit, on ne va pas s’en priver.

> Cliquez ici pour télécharger votre livre électronique <

Ebook Glue est un service qui convertit un flux RSS en fichiers lisibles par les liseuses ; tout ce que vous avez faire est de lui donner l’adresse du blog à convertir. C’est le cas pour le flux de ce blog. (Évidemment, tous les insert multimédia sont désactivés.)

2013-01-29T12:16:06+01:00vendredi 1 février 2013|À ne pas manquer|4 Commentaires

Compte-rendu de l’audition du Droit du Serf par la misson Lescure

artist_freeLe Droit du Serf (page Facebook) est un “collectif de réflexion et d’action créé en octobre 2000 pour faire respecter le droit des auteurs à jouir décemment de leurs œuvres, réactivé fin 2009 pour faire valoir ce droit dans la commercialisation numérique de leurs ouvrages ». La mission dite “Pierre Lescure” portant sur l’exception culturelle réfléchit aux nouveaux modes de diffusion et d’exploitation des oeuvres, dont les conclusions informeront ensuite le législateur.

Le Droit du Serf a rencontré la mission récemment, et a produit un compte-rendu très intéressant de cette rencontre, que je vous propose de découvrir ci-dessous. Le gras est de mon fait ; le texte étant un peu long, pour les personnes pressées, j’ai pris la liberté de souligner les points qui mettent bien en relief les enjeux actuels.

À titre personnel, je suis toutefois beaucoup plus favorable à une contribution prélevée sur les abonnements Internet, ou même payée en sus, pour rémunérer l’exception de copie privée, plutôt qu’une taxe supplémentaire sur la publicité en ligne. Je pense que taxer celle-ci pourrait freiner le développement de l’économie numérique, ce qui n’est pas souhaitable, alors qu’il me semble important que les fournisseurs d’accès, qui ont grandement profité de l’essor du téléchargement illégal, passent à la caisse. Il me semble aussi logique de faire porter le coût de la copie privée (= du téléchargement) sur le consommateur final, qui est celui qui profite des oeuvres pour lesquelles, quand il y a lieu, il ne s’est pas acquitté de la contrepartie financière exigée.

Même si ce n’est pas, il me semble, l’intention du collectif, la solution proposée par le Droit du Serf a toutefois l’intérêt de ne pas faire de cette contribution une “licence a télécharger » dans l’esprit du consommateur en déportant le mécanisme financier loin de lui. Parce que j’entends d’ici les cris d’orfraie de Numerama et autres médias de mauvaise foi si l’on se met à toucher au prix de l’abonnement Internet… Et honnêtement, ce qui compte au point où on en est, c’est que cet argent revienne dans la chaîne culturelle d’une manière ou d’une autre – peu importe comment.

Bref, assez de mon bavardage, voici le compte-rendu.

Audition du collectif par la Mission Culture Acte 2 de l’exception culturelle.

Le collectif était représenté par Sara Doke, Gérard Guéro et Ayerdhal.

La mission était représentée par Pierre Lescure, Juliette Mant et Raphaël Keller.

En préambule, nous avons présenté Le Droit du Serf, en insistant sur la diversité des acteurs du monde du livre qui le composent et les avantages qu’offre cette solidarité multidisciplinaire en matière de réflexion. Puis nous avons rappelé que la filière économique du livre est en France la 1ère des industries culturelles en matière de chiffre d’affaire, alors que, paradoxalement, la situation des créateurs en matière littéraire (auteurs, traducteurs, dessinateurs, etc.) est financièrement la plus précaire de celle de tous les créateurs culturels et artistiques. En effet, avec un revenu moyen avoisinant les 600 € mensuels, les 55 000 auteurs recensés, dont 25 000 publient régulièrement et moins de 1200 gagnent plus que le smic, sont de très loin les acteurs les plus pauvres de toute la chaîne du livre, alors que le fruit de leur travail génère 80 000 emplois salariés dans l’ensemble du secteur.

Nous nous sommes ensuite concentrés sur ce qui concerne spécifiquement la Mission Culture Acte 2 de l’exception culturelle qui, pour mémoire, peut se résumer à « formuler des propositions de dispositifs d’action publique permettant de favoriser le développement des œuvres et des pratiques culturelles numériques et d’assurer l’accès de tous à celles-ci, de soutenir la création et la diversité, de valoriser leurs retombées économiques pour le territoire national, et de lutter contre la contrefaçon commerciale. »

Nous avons ainsi fait valoir que :

– Par l’abaissement conséquent des coûts de fabrication, de stockage, de promotion et de diffusion, la publication numérique des œuvres littéraires offre l’opportunité de rééquilibrer les relations économiques et contractuelles entre les différents acteurs de la chaîne du livre et, conséquemment, celle de valoriser financièrement le travail des auteurs. Il convient donc de trouver un modus vivendi et de prendre des dispositions qui rendent ce rééquilibrage possible, ce que les nouvelles exceptions introduites dans le Code de la propriété intellectuelle mettent en péril puisqu’elles affaiblissent le droit de l’ayant droit moral au profit de celui de l’ayant droit patrimonial. Le discours du Syndicat national de l’édition est sur ce point symptomatique, particulièrement lorsqu’il prétend que la question du support de l’œuvre est seconde pour revendiquer un droit de suite éditorial exclusif sur toutes les formes d’exploitation de l’œuvre.

– Si le numérique permet théoriquement aux auteurs d’améliorer leur situation et leur condition, il génère ses propres écueils dont le seul médiatisé, sous le terme générique et abusif de piratage, est la contrefaçon commerciale. La contrefaçon commerciale ne doit pas être confondue avec la notion de partage, que celui-ci soit légal, donc entre dans le cadre de l’exception de copie privée, ou illégal, c’est-à-dire sortant du cercle de famille ou d’amis proches, même sans contrepartie financière.

Le Droit du Serf se sent très concerné par les dangers que la contrefaçon commerciale fait peser sur la pérennité du métier d’auteur, puisque aucune œuvre culturelle ou artistique ne pèse moins lourd en nombre d’octets qu’un ouvrage littéraire qui, quelle que soit la méthode employée, peut circuler sous forme numérique à une vitesse extraordinaire, sans déperdition de contenu (par rapport aux fichiers audio, visuels ou audiovisuels que l’on est obligé de compresser, donc d’appauvrir, pour faciliter le transfert). Ainsi, techniquement, il ne faut pas plus de temps ni d’espace mémoire pour transférer 1000 romans impeccablement numérisés qu’un seul film mal encodé, or il existe déjà des packs de centaines de titres réunis en un seul répertoire qui circulent sur le web, et ce seront peut-être de véritables bibliothèques qui leur succéderont.

– Le Droit du Serf a aussi une conscience aiguë de l’impossibilité d’empêcher les contrefaçons numériques d’être diffusées sur la toile ou par d’autres voies numériques sans recourir à des lois, à des techniques de surveillance et à des rétorsions tellement coercitives qu’elles s’apparenteraient aux mesures liberticides à laquelle aucune démocratie ne devrait s’abaisser. Le collectif se demande d’ailleurs sur quelle base légitime le partage d’œuvres, qu’il s’agisse d’un don ou d’un prêt, pourrait être légal sous la forme matérielle et illégal sous une forme immatérielle. En outre, puisque la pénalisation du partage ne permettrait pas d’assurer l’accès à tous des œuvres culturelles numériques, il est d’autant plus aberrant d’incriminer le lecteur « fautif » que plusieurs études ont montré que les utilisateurs de contenus illégaux sont aussi les plus gros consommateurs légaux de biens culturels et qu’ils participent pour beaucoup à leur diffusion au sens promotionnel du terme.

Par contre, les services publics doivent lutter aussi efficacement contre la contrefaçon commerciale numérique que contre la contrefaçon commerciale physique, et mettre en place un dispositif juridique qui pénalise fortement la marchandisation illégale des œuvres numériques. En sus de la poursuite des sites qui tirent profit de la contrefaçon, de manière directe (ventes ou abonnements) ou indirecte (revenus publicitaires), ce dispositif permettrait de condamner lourdement les annonceurs qui financent les contrefacteurs par le biais de la publicité, de l’annonce ou de liens vers leurs propres sites. Les amendes ainsi récoltées seraient reversées à une société de gestion qui se chargerait de les répartir aux ayants droit.

– D’une manière plus générale, plutôt qu’instituer une taxation supplémentaire de tous les usagers d’outils numériques ou de tous les clients de fournisseurs d’accès pour contrebalancer l’éventuel manque à gagner des ayants droit provoqué par les échanges numériques non marchands et non « sponsorisés », le Droit du Serf propose de créer une taxe supplémentaire sur la publicité en ligne. Cette taxe serait elle aussi versée à une société de gestion chargée de la répartir aux ayants droit.

– Même si cela sort quelque peu de la problématique propre à la création numérique, l’augmentation régulière des cotisations et des contributions sociales, ainsi que l’apparition plus récente d’une contribution à leur propre formation, le tout pendant que leurs revenus ne cessent de diminuer, participent aussi à la paupérisation des auteurs. Or, puisque les auteurs sont les premiers contributeurs à la culture et à l’éducation de tous les citoyens et que la Mission a pour vocation de soutenir la création, il ne serait pas inconvenant de soumettre les revenus d’auteur à un abattement fiscal supplémentaire plafonné et d’instituer un crédit d’impôt majoré pour les auteurs non-imposables.

– Un pourcentage significatif du prix de vente HT des œuvres tombées dans le domaine public et commercialisées par voie d’édition physique ou de diffusion numérique devrait être versé à une société de gestion qui se chargerait de sa répartition auprès des auteurs en activité.

Le livre numérique ne doit pas être assimilé à une licence d’utilisation (cf. celle des applications logicielles), en l’occurrence de lecture, mais être la propriété de l’acquéreur qui bénéficiera au même titre que l’acquéreur du livre physique de l’exception de copie privée. La différence entre les deux supports consistant dans l’interdiction de revente d’un ouvrage numérique, assimilable à une contrefaçon. Ce, bien que le livre physique soit l’objet d’un commerce d’occasion sur lequel les auteurs ne perçoivent heureusement aucun droit (équivalant par exemple au droit de suite concernant les œuvres graphiques et plastiques de l’Article L122-8 du Code de la propriété intellectuelle).

Dans une deuxième phase, nos interlocuteurs nous ont posé des questions sur les sujets que nous avons abordés pour préciser différents points, notamment pour comprendre pourquoi nous préférons le principe de la société de gestion à celui de la subvention (type CNL) et comment nous envisageons la répartition. Ce qui nous a permis d’expliquer que l’équité de répartition, par opposition à la répartition au chiffre de vente, est la seule garantie que ceux dont la situation est la plus précaire bénéficieront utilement des sommes reversées.

Avant de se quitter, Pierre Lescure a suggéré que Juliette Mant reste en contact avec nous et nous tienne informés de l’avancée des travaux de la Mission, se réservant la possibilité d’une autre rencontre courant février pour approfondir certains points.

En conclusion, nous avons le sentiment d’avoir été écoutés par des gens qui ont une bonne connaissance du sujet, sont sensibles aux problématiques que nous avons abordées et semblent avoir été intéressés par certaines de nos propositions.

2013-01-16T09:01:10+01:00mercredi 16 janvier 2013|Le monde du livre|4 Commentaires

Conclusion : comment choisir son livre électronique ? (5)

Retrouvez tous les articles précédents de cette série :

Nous arrivons au terme de ce panorama des problématiques relatives au livrel. Maintenant que vous êtes armé de connaissances théoriques, vient l’heure du choix. Comment ? À mon avis, la décision se fait en trois temps.

  • Choisissez liseuse ou tablette. Si vous voulez avant tout lire, liseuse, sans hésitation. Si vous voulez un machin polyvalent qui vous permettra aussi de lire quelques pages ici ou là, tablette. Mais ne vous mentez pas : avec une tablette, vous allez surtout jouer à Angry Birds.
  • Décidez comment vous vous sentez vis-à-vis des DRM. Vous n’avez pas froid aux yeux ? Vous considérez que c’est drôlement pratique d’avoir vos bouquins sur tous vos terminaux sans manipulation supplémentaire ? Ou bien vous refusez catégoriquement le spectre du flicage et l’idée de ne pas jouir librement de votre contenu vous hérisse ?
  • Réfléchissez à ce que vous voulez lire. Oui, je sais, ce n’est pas un réflexe habituel – normalement, on achète un livre, point barre – mais tous les livres ne sont pas disponibles sous forme électronique. Qui a la meilleure offre par rapport à vos envies, vos habitudes ? Promenez-vous sur les sites des commerçants, regardez votre bibliothèque (ou pensez aux goûts de la personne à qui vous voulez l’offrir) et examinez qui vous correspond le mieux. En fonction de cela, achetez la machine propriétaire du fournisseur qui vous plaît, ou bien trouvez un modèle tiers qui offre la meilleure compatibilité.

Use case : “et toi, mec ?”

Selon cette logique, voici comment s’est constitué mon propre choix, au cas où ça vous serve – ou pas.

J’ai commencé il y a trois ans par une Sony PRS-300 (libre, donc) parce que je voulais lire du domaine public (donc pas de verrouillage), que j’étais fondamentalement hostile aux DRM et que je voulais la compatibilité maximum avec tous les formats. Points positifs : très content du confort de lecture (j’ai découvert la puissance de l’encre électronique et cela a fait voler en éclats tous mes préjugés : j’ai relu L’Aiglon dans un aller-retour Paris Rennes avec plus d’aisance que sur du papier), compatibilité impressionnante même avec des fichiers lourds ou mal foutus. Points négatifs : pas de dicos embarqués (ça ne se faisait pas encore, c’est maintenant standard) et surtout une vie de batterie très décevante. Pour cette raison, j’ai fini par remiser l’engin.

Il y a un an, j’ai changé de besoins et d’habitudes. J’achète de la musique numérique en masse sur Amazon depuis que c’est possible, toutes mes données ou presque sont dans le cloud, j’utilise les services de Google au quotidien avec bonheur (même si oui, je sais, Google veut tous nous manger), j’achète des jeux sur Steam sans heurt (je suis donc familiarisé avec ce genre de DRM et je trouve le confort que ça apporte supérieur aux problèmes éthiques). D’autre part, je lis beaucoup en langue anglaise, fiction mais surtout essais afin de me documenter pour mes livres, et faire venir les bouquins est toujours onéreux. J’ai donc opté pour un Kindle (ce qui fait de moi un social-traître) en raison de son immense librairie anglaise et sur lequel je lis exclusivement dans cette langue pour des questions de coût, ainsi que du domaine public, des articles et documents que je m’envoie en Wi-Fi. Je synchronise le tout sur mon smartphone et même mon ordinateur fixe quand je veux reprendre la lecture d’un terminal à l’autre. J’ai le modèle de base et je suis pourtant enchanté par l’expérience ; la batterie tient trois siècles, je l’ai toujours sur moi, dès que je suis quelque part à attendre, je grignote un bout de nouvelle ou de roman (et, dans les salons littéraires calmes, c’est beaucoup moins repoussant pour les éventuels visiteurs que de feuilleter L’Equipe). EDIT de 2014 : mon attitude à l’égard d’Amazon a quelque peu changé. Lire un complément ici

Ainsi se termine ce petit guide de lecture sur les livres électroniques (retrouvez-en commodément l’intégralité par ce lien). N’hésitez pas à partager votre expérience et vos modèles préférés en commentaires : lâchez-vous, c’est le moment, conseillez-vous mutuellement. Auguste lectorat, quel choix as-tu fait et surtout pourquoi ? Que recommandes-tu ? Parle, nous t’en conjurons. 

2014-07-11T11:28:13+02:00mardi 18 décembre 2012|Geekeries|22 Commentaires

Protection des données, la pomme de discorde des DRM (4)

Nous avons parlé des fonctionnalités, du débat liseuse ou tablette, vient maintenant le choix du fabricant et de la boutique. Or, choisir son modèle de liseuse ou de tablette, il me semble, est étroitement lié à une prise de position que chaque consommateur devrait adopter en son âme et conscience, et c’est pour cela que je ne peux recommander de modèle de précis. Cette prise de position est, j’ai nommé : confort contre ouverture, et c’est le débat des DRM (Digital Rights Management).

Qu’est-ce qu’un DRM ?

Internet a rendu l’échange de données quasi-instantané, le piratage de biens culturels est légion et taille des croupières dans l’économie de la création, entraînant quantité de répercussions néfastes pour la société, en particulier une réduction des prises de risque financiers et donc une contraction de la diversité de l’offre. Pour tenter de contrecarrer cela, les fabricants ont créé les DRM. Ceux-ci sont un excellent cas d’école d’enfer animé de bonnes intentions.

L’intention : faire en sorte que le seul le consommateur ayant légalement acheté un bien culturel puisse en profiter, ce qui va de soi dans le cas d’un support physique (si j’ai acheté un livre, mon voisin ne peut pas le lire en même temps que moi, ou alors nous sommes très très proches sur le canapé et dans ce cas il vaut mieux avoir une bouteille de champagne au frais et Norah Jones en fond sonore). L’enfer : il arrive tristement fréquemment que le consommateur légitime ne puisse tout simplement pas profiter de son achat tant les méthodes de protection sont compliquées ou même dysfonctionnelles (ce qui rend le piratage d’autant plus séduisant : non seulement on ne paie pas, mais ça marche…).

D’autre part, les DRM soulèvent tout un tas de problèmes de consommation débordant sur l’éthique.

  • Si je perds ma liseuse avec mes certificats de lecture dessus, il n’est pas garanti que je puisse re-télécharger mes fichiers sur la nouvelle et les faire fonctionner.
  • Si j’ai besoin du feu vert du fournisseur de contenu pour profiter de ma bibliothèque, que se passe-t-il si celui-ci fait faillite ? Cela signifie-t-il qu’en l’absence de fournisseur pour donner le feu vert, ma bibliothèque restera verrouillée à jamais ?
  • Que se passe-t-il si le fournisseur m’accuse à tort d’avoir violé ses conditions d’utilisation ? Les erreurs arrivent, et je peux me trouver avec un compte bloqué – donc pas d’accès à mes achats – sans moyen de recours. C’est arrivé récemment et les débuts du Kindle ont été rendus célèbres par le retrait des achats de 1984 (en plus !) des liseuses des acheteurs.
  • Quelqu’un, quelque part, sait ce que j’ai acheté, ce que je lis, ce qui est un peu inconfortable. Apple est connu pour appliquer une censure très bien-pensante sur son offre d’applications et de même de couvertures de livres ; censure et littérature vont très mal ensemble. Quis custodiet ipsos custodiet ?

Après, pour être juste, il convient d’ajouter deux points :

  • Si les DRM sont bien faits, ils sont transparents pour le consommateur et l’association à un compte nominatif permet de retrouver toute sa bibliothèque sans problème sur les terminaux compatibles, et de récupérer les fichiers si l’un d’eux est volé. J’ai testé chez Amazon, et ça marche très bien.
  • Un DRM, ça se, ahem, contourne. ATTENTION JUDGE DREDD a dit la loi c’est lui mais surtout contourner une mesure de protection est illégal et entraîner des amendes peines de prison poursuites à la Starsky et Hutch amputation des doigts de pied descente en enfer. Mais c’est possible de le faire si l’on n’a pas confiance envers le fournisseur de contenu. Un mot cependant : c’est contraignant, compliqué, et un pis-aller, car, pour 1 consommateur qui déplombe ses livres, 99 ne le font pas. Si vous êtes farouchement anti-DRM, acheter chez un fabricant qui s’en sert puis déverrouiller le contenu ensuite est contradictoire, car vous donnez quand même votre argent – et approuvez – ce mode de protection des données.

Ceci étant dit, nous pouvons arriver au choix de la machine. Et là, deux écoles s’affrontent, lesquelles découlent directement, à mon sens, de votre attitude vis-à-vis des DRM.

Un choix philosophique

Soit vous achetez la liseuse (ou la tablette) d’un fabricant possédant sa boutique en ligne. En gros, un iPad (Apple), un Kindle (Amazon), une Kobo (Fnac). Ces appareils sont souvent bon marché (sauf Apple, mais les zélotes d’Apple tirent une incompréhensible fierté du fait d’acheter plus cher), parce que derrière, implicitement, vous vous « enchaînez » à la boutique de ce fabricant, dont l’accès est facile et immédiat depuis votre terminal. On peut le voir comme un avantage (l’achat est d’une facilité déconcertante, testé chez Amazon), ou une restriction (et si je veux lire autre chose ?). Bien sûr, ces appareils « propriétaires » peuvent lire d’autres formats, comme le PDF ou le .doc mais l’achat chez un commerçant sera toujours plus facile en allant sur la boutique pour laquelle l’appareil est prévu. (Mentionnons le Kindle qui est curieusement incapable de lire nativement l’ePub, pourtant le format standard de livrels libres…)

Sinon, vous achetez une liseuse « autre » (Sony en fait d’excellentes). Celle-ci sera compatible et généralement optimisée pour les formats libres, mais vous risquez (à moins de déplomber les fichiers – ce qui est MAL, ne le faites pas OU VOUS BRÛLEREZ EN ENFER) d’avoir pas mal de soucis quand il s’agira d’acheter chez les commerçants qui verrouillent leurs fichiers avec des formats propriétaires (Amazon et Apple). Heureusement, de plus en plus de libraires indépendants proposent des solutions différentes et de plus en plus d’éditeurs travaillent avec eux en plus des géants de la grande distribution.

Maintenant que tout cela est dit, comment choisir ? Ce sera la conclusion pour demain. Quant à toi, auguste lectorat, quelle est ton attitude vis-à-vis des DRM ? Mal nécessaire, avantage pratique, Grand Satan à brûler sur l’autel de l’EFF ? 

2012-12-17T09:01:04+01:00lundi 17 décembre 2012|Geekeries|15 Commentaires

Liseuse, tablette, quoi t’est-ce, que prends-je ? (3)

Retrouvez les précédents articles de cette série : Introduction, nécessité ou non d’un livre électronique

Hier, nous discutions de l’intérêt du livre électronique (livrel) ; aujourd’hui, nous allons parler du matos en soi et des deux supports rois de la lecture sur support informatique, la tablette, et la liseuse, une distinction souvent mal comprise.

La tablette (qui n’est pas du chocolat)

Une tablette, c’est facile à définir. Vous voyez un smartphone ? Vous voyez un ordinateur portable ? C’est le chaînon manquant entre les deux. Une tablette fait souvent fonctionner un système d’exploitation hérité du monde mobile (Android, iOS, maintenant Windows 8) et en récupère la polyvalence des applications (Internet, bureautique, courriel, jeux…) ainsi que l’autonomie et la simplicité d’usage. Là-dessus, on peut, comme sur un smartphone ou un ordinateur, importer et lire des fichiers numériques, ainsi qu’installer les applications de lecture propriétaires des grandes librairies numériques (Kindle). Une tablette est donc un appareil polyvalent mais assez cher (quelques centaines d’euros), équipée d’un écran classique, ce qui, dans l’optique de la lecture, n’est pas le plus agréable. En résumé, avec une tablette, on fait plein de trucs, dont lire.

La liseuse (qui n’est pas une lampe)

Au contraire, la liseuse est un appareil avant tout destiné à la lecture. À cette fin, elle est équipée, non pas d’un écran, mais d’encre électronique, et ça fait vraiment toute la différence. L’encre électronique est visuellement identique à une page imprimée ; des billes microscopiques bicolores insérées dans l’épaisseur du support se disposent de manière à composer la page consultée, à la manière de gouttes d’encre que l’on pourrait réagencer comme on le souhaite. Le résultat équivaut au confort du papier, il est même supérieur, tant l’« impression » est fine. On n’a pas le désagrément de la luminosité du rétroéclairage comme sur un écran classique ; cela se lit parfaitement en plein soleil – en contrepartie, si la clarté ambiante est basse, il faudra une lampe d’appoint (une… liseuse). Exactement comme avec du papier. Si le but est avant tout de lire, il faut une liseuse, pas de doute là-dessus. En plus, elles sont bien moins chères que les tablettes (on commence à voir des modèles à moins de 100 euros). Certaines commencent à importer des fonctionnalités des tablettes – lecteur de musique, navigateur Internet, applications de prise de notes – mais c’est un luxe.

Tactile ou pas tactile ?

Les liseuses se déclinent de plus en plus en modèles d’entrée de gamme, non tactiles, et modèles avancés, tactiles. Il apparaît que le tactile reste un luxe superflu si le simple but est de lire : tourner les pages d’un bouton et naviguer dans les menus d’un curseur n’est guère plus inconfortable que de le faire au doigt. On pourra en revanche se poser la question dans le cas de la prise de notes. Prendre des notes avec une liseuse non tactile et sans clavier équivaut à lire Guerre et Paix en le recopiant à la main. C’est tellement fastidieux qu’on approche de l’impossible. Si vous désirez pouvoir griffonner dans la marge tout ce que vous inspire votre lecture ou que vous souhaitez prendre des notes sur l’intégrale de Michelet pour votre agreg’, alors un modèle tactile (ou doté d’un stylet) pourra s’imposer.

Jusqu’ici, nous ne sommes toujours pas entrés dans ce qu’on pourrait considérer comme le vif du sujet : les fabricants. Ce sera le sujet de lundi, avec le nœud du problème : les DRM. Quant à toi, auguste lectorat, qu’est-ce qui te fait envie entre les deux approches ?

2014-08-30T16:35:31+02:00vendredi 14 décembre 2012|Le monde du livre|8 Commentaires

Une liseuse ? Mais pourquoi, en fait ? (2)

Oh, mais comme c’est bien fait, c’est exactement la dernière phrase de l’article précédent ! On dirait qu’une intelligence supérieure est à l’œuvre.

Bon, OK. Tout le monde parle du livre électronique, vous vous dites « Ben faudrait p’tet que j’my mette, non ? Après y aura plus que ça et moi avec mes yeux et mes lunettes j’pourrai pu lire Guillaume Musso. » Qu’est-ce donc à dire que ce truc ?

Alors déjà, non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livre électronique. (Serait temps que l’Académie Française nous ponde un terme bien laid pour remplacer ebook, tiens. Dans la veine de leurs créations précédentes, je suppose qu’ils instaureront ibouque. Par conséquent, j’instaure céans le terme livrel, par calque sur les excellents courriels et pourriels québecois, et parce que j’en ai marre de taper livre électronique.)

Donc. Non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livrel. Le papier a encore de beaux jours devant lui et je doute qu’il soit remplacé un jour, ce qui est également l’avis d’Umberto Eco (c’est la classe). En revanche, c’est une nouvelle manière d’apprécier la lecture, d’en profiter partout, c’est drôlement pratique pour les ouvrages techniques.

Quels sont donc les avantages du livrel ? Faisons une liste à puce, Power Point-like.

  • Ultra léger et petit. Ca tient dans un sac féminin, une sacoche de cadre sup’, un baise en ville, une poche d’anorak. Alors qu’un bouquin est pesant et s’écorne (et donc, on le laisse à la maison), un livrel se fourre partout, s’oublie merveilleusement bien, ce qui permet de le ressortir dans un moment de creux pour croquer une ou deux pages. (D’ailleurs, je me demande si le fait que la lecture soit majoritairement féminine aujourd’hui a puisse être corrélé avec le fait que ces foutus grand formats de 3 kilos et demi ne peuvent rentrer que dans un sac à main.)
  • Toute une bibliothèque dans la poche. Conséquence de ce qui précède.
  • Confort de lecture. Que ce soit sur liseuse ou tablette, on a affaire à du caractère généré par l’électronique, donc « parfait », contrairement aux erreurs d’impression de poches de mauvaise qualité. Ecrit trop petit ? Augmentez la taille des caractères. La police vous déplaît ? Passez en Old English pour une petite touche gothique qui fera sensation (et vous niquera les yeux en deux heures.) (Le débat liseuse ou tablette fera l’objet d’une entrée à part, demain.)
  • Dictionnaires embarqués. Et ça, c’est le méga pied, encore plus si vous lisez en langue étrangère. Les livrels modernes sont fournis avec d’imposants dicos qui vous permettent d’obtenir la définition d’un mot d’un simple clic. Plus besoin de sortir l’Universalis de Papa.
  • Annotations et surlignements. Pour les fétichistes du livre (j’en fais partie) qui refusent ne serait-ce que de corner une page, c’est une merveille. Une citation vous a plu ? Surlignez-la et retrouvez-la d’un claquement de doigts. Le fichier n’aura pas mal.
  • Place gagnée. Ben ouais, mine de rien, quand on lit beaucoup, les bouquins, ça prend de la place. Si vous ne tenez pas spécialement à l’objet papier (roman de gare, livre de poche), le livrel est votre ami : zéro place, à part sur le disque dur.
  • Monstrueuse offre gratuite. Tout le domaine public, en gros, disponible sur des sites comme le Projet Gutenberg ou la BNF. Vous voulez relire Les Trois Mousquetaires ou tout Victor Hugo ? C’est là, votre seul investissement sera l’appareil.
  • Maintenant, tout de suite. Vive la culture de l’immédiat instaurée par le Net. Vous voulez un livre, là ? Achetez-le en ligne, cinq minutes plus tard, il est chez vous.
  • Périodiques et articles. La presse est disponible sur nombre de livrels. Cela permet de recevoir facilement, à moindre coût, vos supports préférés, ou même de vous faire votre propre revue de presse à partir d’articles glanés sur le Net ; tout cela sans encombrer les étagères de vos toilettes.

Maintenant, ce n’est pas magique non plus.

  • Ca ne se consulte pas pareil. Eh bien, oui. Le papier a un énorme avantage : c’est un objet mécanique sur lequel tout le contenu est disponible. C’est idiot, mais un livre, ça se feuillette. Un livrel, non. Parcourir un fichier et retrouver un passage qu’on n’a pas repéré au préalable, c’est la croix et la bannière. Difficile de picorer un extrait, mais surtout d’avoir une vision d’ensemble du volume que l’on a entre les mains. Pour de la fiction, c’est un moindre mal.
  • Pas de batterie, pas de gloire. Les batteries modernes tiennent bien la charge, mais quand même, c’est à signaler.
  • Pas sexy. Et c’est un geek qui le dit. Mais un livrel, qu’on le veuille ou non, qu’Apple brevette toutes les formes géométriques du monde pour faire la pige à Samsung, le livre est charnel, a été vivant, sent la vieille maison, a une jolie image parfois en relief en couverture, se range sur une étagère et s’admire. Le livrel, c’est juste un bout de plastique perfectionné qu’on changera dans deux ans parce qu’une nouvelle version sera sortie.
  • Offre incomplète. Vous n’aurez pas tous les livres de la Terre en électronique. Même dans dix ans, il va falloir un travail de numérisation titanesque (et qui constitue un colossal enjeu économique, n’est-ce pas, Google).
  • Facilité d’emploi sous réserve. Formats, Wi-Fi, connectivité, réseaux sociaux, incompatibilités, boutiques propriétaires, DRM, le monde du livrel a hérité des joies de l’informatique. Même si les concepteurs ont fait des prouesses d’ergonomie pour rendre ça utilisable par tata Cunégonde, le livrel instaure des soucis potentiels que le papier ne pose jamais.
  • La question des DRM. Parmi ces problèmes, celui-là mentionne un point à part. Pour limiter le piratage – et pour enchaîner le consommateur à un écosystème économique – les fichiers sont protégés contre la copie, mais parfois tellement bien qu’ils sont aussi protégés contre leur usage légitime… Le débat est si vaste qu’il méritera lui aussi son entrée.

Que retenir de tout ça ? En gros, qu’un livrel est un complément du papier, mais un sacré complément, immédiat, léger, documenté et disponible un peu partout. Personnellement, je m’en sers pour lire des articles récupérés un peu partout, des textes quand je fais de la direction d’ouvrage, des essais en anglais dont je ne veux pas qu’ils m’encombrent et, question fiction, pour lire du domaine public et en langue étrangère (les tarifs étant très intéressants, puisque libérés des frais de port et souvent inférieurs au poche).

Voilà donc pourquoi. Te sens-tu concerné par ces usages, ô auguste lectorat, ou bien voues-tu le livrel aux gémonies ? (Ca doit pas être un nom facile à porter. Vous imaginez, dans la rue ? « Hé, Gémonie ! »)

(Demain, nous parlerons machine : liseuse, tablette, quoi t’est-ce, que prends-je ?)

2012-12-13T10:20:50+01:00jeudi 13 décembre 2012|Geekeries|40 Commentaires

Noël arrive, paix heureuse, achetons tous des liseuses (1)

Nous nous levons à l’heure où l’aube blanchit la campagne et rougit les pommettes, de suspects personnages avinés et victimes d’obésité morbide secouent des cloches en faisant ho ho ho, bref c’est l’époque du chiffre d’affaires : Nowel. Et j’ai reçu en rapide succession des messages de camarades et proches formulant tous la même question : « toi qui as forcément étudié la question, j’offre quelle liseuse à Noël ? »

Ahem.

Non, j’ai pas étudié la question. Du moins, pas en mode guide d’achat pour éliminer scrupuleusement un à un tous les modèles candidats jusqu’à brandir le LD Seal of Approval sur ce modèle, c’est çui-là qu’il faut, la quadrature du cercle. En revanche, j’ai étudié comment ça marche, je m’en sers, j’essaie de suivre à quelle sauce les commerçants veulent manger les auteurs et donc les lecteurs. Je voudrais également en profiter pour établir quelques notions de base sur le sujet, faire des articles qui pourront servir de référence plus tard.

Donc, pour cinq articles (ouais, cinq !), on va causer livre électronique et aide à l’achat, mais pas comme un guide Fnac : on va parler principes et fonctionnement, les points auxquels prendre garde. Et après, auguste lectorat, comme tu es la Communauté la Plus Cool du Net (vainqueur du prix Lionel Davoust 2012 de la Communauté la Plus Cool du Net), tu feras ton choix comme tu l’entends, en fonction de ce qui se sera dit. Par ailleurs, ce qui se reflète ici est le résultat de mon expérience et ma vision (voir les caveats d’usage).

Un fil de discussion est déjà né sur mon mur Facebook autour de la question ; pour cette série d’articles, je te demande, auguste lectorat, de t’aider toi-même. Vous avez certainement des bonnes ou mauvaises expériences, des réactions à ce qui se dira : donnez-vous vos bons plans, vos recommandations, de manière à ce qu’on en sorte tous grandis (enlarge your IQ).

Demain, on lance les hostilités avec la question fondamentale : une liseuse ? Mais pourquoi, en fait ? 

2012-12-08T16:00:06+01:00mercredi 12 décembre 2012|Geekeries|13 Commentaires

Créer du lien : du fond sur l’ebook, Despentes dit vrai, zap la nuke, awaywaywayway, dark water watches you, et al.

Hey, je crois que cette formule, avec cette compilation de trucs intéressants ou étranges trouvés ici et là dans teh intertubes semble être une bonne maniière de passer de l’info. Dans un monde idéal, auguste lectorat, j’aurais un temps infini pour faire des articles sur tout, tu aurais un temps infini pour les lire, nous aurions un temps infini pour en débattre, mais nous sommes des êtres finis, et faut bien se démerder avec (Lao-Tseu, apocryphe, un soir où un garçon de salle facétieux avait épicé son thé au jasmin d’une lichette d’alcool de riz).

Ça parle beaucoup de numérique, toujours, et l’Atalante a lancé son offre fort intéressante avec un article à la fois drôle et fort bien construit sur les contraintes financières que cela comporte. À lire absolument pour commencer à comprendre, ici. Sur le même sujet, une contribution très technique mais exhaustive sur le sujet des contrats numériques, à s’archiver quelque part, sur le blog de l’avocat Pascal Raynaud.

Sujets d’actualité toujours, pour boucler la question des souris empoisonnées par les OGM, le Nouvel Obs fait un tour d’horizon plutôt réfléchi des critiques et bénéfices de l’étude. Sur le mariage homosexuel, Virginie Despentes colle quelques mandales bien placées en répondant à Lionel Jospin et autres adversaires de la loi. À lire et faire tourner. Morceau choisi :

Les enfants de divorcés se fadent des beaux parents par pelletées, alors chez eux ce n’est plus un papa et une maman, c’est tout de suite la collectivité. On sait que les hétérosexuels divorcent plus facilement qu’ils ne changent de voiture. On sait que l’adultère est un sport courant […] Mais pourquoi tant de souplesse morale quand ce sont les hétéros qui se torchent le cul avec le serment du mariage, et cette rigidité indignée quand il s’agit des homosexuels? On salirait l’institution? On la dévoierait? Mais les gars, même en y mettant tout le destroy du monde, on ne la dévoiera jamais d’avantage que ce que vous avez déjà fait, c’est perdu d’avance… dans l’état où on le trouve, le mariage, ce qui est exceptionnel c’est qu’on accepte de s’en servir.

Voilà. Ippon, la cause est entendue, dossier suivant s’il vous plaît.

Alors quelques perspectives joyeuses. L’Europe construirait un laser géant pour désintégrer les déchets nucléaires. L’idée du Bhoutan – mesurer le bien-être des citoyens au lieu de l’économie d’un pays – fait un timide chemin, mais quand même. Et un peu de poésie stellaire pour les utilisateurs du navigateur Chrome.

Pour le lol and cute, un bélouga imite la voix humaine (et il a l’air bourré), Rebel cat est un gros punk.

Et pour le weird. Pour le weird… La façon la plus humaine et funky d’euthanasier quelqu’un. Et sinon, n’allez pas jouer près des lacs, les enfants. Il vous guette.

2012-11-22T10:21:03+01:00lundi 26 novembre 2012|Juste parce que c'est cool|2 Commentaires

2e baromètre du livre numérique : nouveaux usages, pas de nouveaux lecteurs

Or doncques, la SOFIA, le SNE et la SGDL réalisent périodiquement un baromètre des usages du livre numérique, une enquête fort utile pour savoir où nous mettons les pieds. Que veulent les lecteurs, que font-ils, où va-t-on ? Les conclusions sont résumées dans un petit PDF de deux pages, et point ne vais davantage résumer la chose qu’elle ne l’est déjà, mais on note quand même, dans les grandes tendances, un certain attachement au téléchargement légal (l’installation des plate-formes bien ancrées comme Apple et Amazon nous aiderait-elle à proposer une offre facile d’emploi ?) par respect du droit d’auteur (yeah, merci !), et une progression de l’ebook, avec une érosion de la réticence. Cela ne me surprend guère : une grande part de celle-ci, je pense, provient d’une méconnaissance des liseuses, qui offrent un confort de lecture certain, qu’on n’imagine pas avant d’avoir essayé. Je rechignais moi-même avant de franchir le pas, de relire tout L’Aiglon dans un voyage en train et me dire : ah ouais, quand même, wow.

Mais oserais-je une outrecuidante prospective ? On constate que l’ebook, d’après l’enquête, crée de nouveaux usages et non de nouveaux lecteurs (cela signifie qu’un des grands espoirs rêvés pour le média, rendre la lecture sexy, n’est pas – encore – atteint). Personnellement, j’aime ma liseuse, mais, après des mois d’usage quasiment ininterrompu, j’en ai un peu marre. J’ai envie de retrouver du papier, la facilité de consultation qu’elle implique, le fait d’avoir un objet un peu sexy entre les pattes. Je vais faire un truc absurde, généraliser mon expérience, mais je pense qu’on est encore dans une phase de découverte du média, et que, comme toujours quand une nouveauté apparaît, elle va croître jusqu’à se stabiliser et cohabiter avec le papier, voire refluer un peu une fois établie. C’est un pressentiment totalement fondé sur du vent, hein. Mais je crois de plus en plus à la cohabitation entre papier et électronique, ce que n’ont pas réussi musique et cinéma dans une grande mesure, pour une raison simple : le livre, de base, est diablement plus attirant qu’un CD tout froid, et qu’il existe une tradition séculaire de beaux objets dans le métier ; qu’une bibliothèque sera à jamais belle alors qu’une CD-thèque c’est juste du plastoc qui prend de la place une fois le tout numérisé et balancé sur l’iPod ou Google Music. Et, pour aussi pratiques que soient les liseuses, le livre l’est aussi. Ce qui revient, comme le dit l’enquête, qu’on crée de nouveaux usages.

L’enquête tend enfin à démontrer que la lecture numérique décolle surtout grâce à la généralisation des tablettes. Une tablette, c’est cool (c’est tactile, et tout ce qui est tactile est rigolo – je sais ce que vous pensez, bande de dégueulasses), on peut faire plein de trucs avec, genre poker de la meuf sur Facebook ou consulter le cours du titane de carbone sur Les Échos, et avec, se rend-on compte, ho mais tiens donc, on peut lire. C’est la démonstration de ce que tous ceux qui suivaient l’action de près sentaient : pour vendre du livre électronique, il faut d’abord vendre l’écosystème qui va autour de l’équipement (voir Apple et son i-mode-de-vie et Amazon qui défonce les prix à coups de masse sur les Kindle). Étonnamment, on ne vend pas du livre électronique en vendant des livres, dans un premier lieu. Donc, maintenant que les supports arrivent, incidemment, on s’aperçoit qu’on n’est pas limité à liker des vidéos de lolcats mais qu’on peut aussi DL tout Schopenhauer pour avoir un truc à dire au moment d’aller serrer la fille du galleriste que nous avons déjà mentionnée.

2012-11-20T10:02:38+01:00lundi 19 novembre 2012|Le monde du livre|19 Commentaires

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