C’est pas beau de tricher

L’adepte du personal branling a les yeux rivés sur ses stats de blog pour vérifier qu’il est bien l’architecte du buzz de demain – à sa modeste échelle, comme il dit, c’est-à-dire qu’il augmente ses visites de 4 sur un article à succès. Sinon, les stats, ça sert aussi, quand même, à vérifier si ce qu’on raconte intéresse un minimum de monde – sinon pourquoi tenir un blog – ou si l’info importante qu’on espérait faire passer a été un peu diffusée. Et sinon, les stats, aussi, c’est le mal1.

Ordoncques, on se connecte un matin sur son Tableau de bord WordPress et, dans les recherches qui amènent les visiteurs chez soi, on tombe là-dessus :

Là, on constate avec plaisir, mais on prend aussi son âge dans la gueule :

  • « La Terre comme témoin » fait manifestement l’objet d’une étude au collège (ça paraît vraisemblable, puisqu’étant une nouvelle parue dans une antho jeunesse – Passages, dirigée par Lucie Chenu chez Oskar), puisqu’elle semble faire le sujet d’un examen. C’est très flatteur de se savoir étudié ; du coup, on se prend à espérer que le texte ait plu, que ce qu’on s’est efforcé d’y mettre a pu parler aux jeunes lecteurs, on a des étoiles et des pâquerettes dans les yeux, on se voit déjà avoir participé vaillamment à la réflexion d’une nouvelle génération de lecteurs, qu’on a fait un acte citoyen, que, bientôt, on va sauver le monde (tout ça avec un texte de 30 000 signes tout mouillé), parce que si on n’écrit pas pour sauver le monde, je ne vois pas l’intérêt, autant écrire pour l’argent, les femmes et l’alcool, non mais et puis quoi encore.
  • C’est en même temps un peu étrange, parce qu’on se rappelle qu’à cet âge-là, on avait un côté petit branleur, qu’on était horriblement exigeant avec ses lectures et qu’en conséquence, on regardait soi-même avec une circonspection proche de la morgue l’étude de toute littérature à l’adolescence, d’autant plus qu’on lisait Zelazny sous la table pendant les cours de latin. (Maman, Papa, j’avoue.)
  • Mais, surtout, on découvre que  les élèves n’ont aucunement envie de se fouler à réfléchir et cherchent le corrigé tout fait sur le Net. Et là, on se colle une entorse aux deux chevilles, on se crève les yeux avec la tige des pâquerettes et les étoiles font supernova sur la rétine tandis qu’on reprend très vite, et très sainement, corps avec la réalité.
PASSKEU KEUWAH ÇA VEUT DIRE QUE LES JEUNES D’AUJOURD’HUI SONT AUTANT PETITS BRANLEURS QUE JE L’ÉTAIS À LEUR ÂGE ? Alors genre ils s’en foutent et veulent la réponse toute faite, non mais ils ont pas le droit, c’est carrément intolérable, nous, on était mieux avant, on nous donnait une vieille roue de vélo rouillée et une barre à mines et on s’improvisait des jeux sains sans avoir toutes ces distractions d’Internet et de SMS qui font des trous dans la couche d’ozone.
Bref, ça me fait rire, c’est un peu karmique comme situation, en fait. Mais blague à part, chères petites têtes blondes et innocentes (ou pas), si vous voulez qu’on discute du texte en live plutôt que de vous ennuyer à chercher un corrigé d’un sujet qui n’existe pas et que même moi je n’étais pas au courant, je ne suis pas difficile à joindre.
  1. Jeanne, si tu reçois des referrals mentionnant « Jeanne-A Debats petits choux à la crème », je n’ai aucune idée d’où ça vient.