Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Nous n’avons pu nous retrouver en vrai cette année, mais les Imaginales se poursuivent en ligne de tas de manières différentes : anthologie virtuelle, prix littéraires, speed dating avec les éditeurs pour les jeunes auteurs. À ce sujet, en direct depuis la Loge Noire où j’écris tous mes bouquins (ça explique des choses), quelques idées et recommandations générales sur l’écriture (qui ne vous étonneront pas si vous écoutez Procrastination !)

2023-02-04T07:06:40+01:00lundi 4 mai 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Ressources et discipline pour écrire, aborder les éditeurs en speed dating [vidéo Imaginales]

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (1) : un besoin fondamental

OK, auguste lectorat, c’est parti pour ta session d’écriture hebdomadaire minimum. Les règles sont ici, mais je les rappelle rapidement : un pomodoro d’écriture non stop sur le ou les déclencheurs qui t’inspirent, t’intriguent, ou même te font partir sur une tangente sans rapport – peu importe, il faut juste écrire.

Cette semaine, nous partons sur un concept proposé par Elizabeth George dans son excellent livre Mes Secrets d’écrivain (chroniqué ici) : le besoin fondamental (traduction personnelle de core need). Elle postule qu’un personnage a un besoin fondamental, une nécessité qui l’anime et explicite son rapport au monde dans l’intrigue. Cela devient une force motrice intéressante pour modeler un personnage.

Voici une série de besoins fondamentaux. Choisis-en un, quatre, crées-en un qui t’interpelle sur la simple notion de ce qu’est ce core need, mais écris !

Besoins fondamentaux

  • Etre aimé
  • Sauver le monde
  • Se protéger du monde
  • Protéger les siens d’une menace
  • Etendre son espace vital
  • Protéger une idée, une culture
  • Combattre l’oppression
  • Aider les plus faibles
  • S’améliorer soi-même
  • Rendre justice
2017-07-12T12:06:16+02:00lundi 17 juillet 2017|Technique d'écriture|7 Commentaires

De la motivation au mur

Quand on fait ce métier parfois solitaire, stupidement angoissant – vais-je être bon, soit : vais-je être fidèle à mon histoire, à mes personnages, à mon discours ; vais-je éviter la facilité tout en restant accessible et distrayant ; surtout, vais-je réussir à me rapprocher raisonnablement de l’idéal que j’ai en tête, le bouquin que j’aimerais lire, qui n’existe pas, qui n’existera peut-être jamais mais que, à travers ma personnalité, mon vécu, mon émotion et ma colère, je suis le seul à pouvoir essayer de faire – il est aisé de sombrer dans la contemplation de ses propres névroses et surtout dans le mirage de sa propre importance. Quand on se lance dans l’entreprise profondément mégalomane d’écrire – de créer des mondes, des gens, et de se dire : il y a quelqu’un là-bas, dehors, que ça va intéresser -, l’angoisse du créateur peut agir comme une preuve de statut. Je rame, donc j’existe ; je m’enveloppe de mon écharpe blanche, je me rends sur la falaise où gronde l’orage, et quand la foudre m’aura terrassé, je ramperai, agonisant, vers le clavier pour partager mes dernières paroles. Si ce sont mes dernières, j’ai une excuse pour les prononcer : je vais mourir, vous comprenez, alors vous allez bien me pardonner ça.

Ou alors, on met les doigts dans la prise comme on se branche sur les nuages, on rit comme un damné et on revient pour le prochain fix, en se disant qu’on ne comprend pas grand-chose à qui peut, ou non, s’intéresser à ce qu’on fait, que finalement ça n’a pas d’importance, qu’on ne fait pas ça pour ça de toute manière, on fait ça pour soi et que si on fait vraiment ça pour soi, avec éthique et fermeté, certains autres, des autres, partageront le moment ; qu’on touche probablement des gens qu’on ne rencontrera jamais, mais ce n’est pas grave, parce qu’en réalité, il y a dans votre travail des dimensions, n’en déplaisent aux professeurs de commentaire composé, que vous ne maîtrisez absolument pas – vous les sentez présentes, comme une ombre entrevue du coin de l’oeil, mais vous préférez les laisser inaperçues, car elles participent de la magie, de l’inexplicable qui rôde sous le courant apparemment maîtrisé du récit, et les sentir naître fait partie du plaisir, peut-être bien, même, de la véritable raison pour laquelle vous faites ce métier ; elles sont votre ange, qui guide votre main, une partie de vous qui est pourtant externe, un animal familier, un daemon.

Pour s’envoler au lieu de se laisser ancrer connement les pieds sur terre avec le poids de sa propre importance, on peut se mettre des petits mots doux au mur.

La dernière ligne de la deuxième maxime aurait pu s’écrire “If not, make it, you fucking moron.” Mais bon, ma maman n’apprécierait pas qu’on me parle comme ça, alors je ne vais pas la contrarier.

Voilà qui rejoint sur mon mur, entre autres choses, un fac-simile de la maxime impériale asrienne d’Évanégyre, les sept principes du Jeu Supérieur du pouvoir et de la connaissance de Léviathan, et surtout la litaine contre la peur d’Elizabeth George, et qui ne dit jamais que la même chose, avec mes propres formulations, qui peuvent bien s’appliquer à l’existence entière.

Life isn’t a support system for art. It’s the other way around. – Stephen King

 

2012-10-15T11:04:55+02:00lundi 15 octobre 2012|Technique d'écriture|11 Commentaires

Elizabeth George, Mes secrets d’écrivain

Comme bien des livres de technique écrits pas des grands noms, Mes secrets d’écrivain (titre un peu bling-bling par rapport à l’original Write Away, soit un appel positif à l’écriture sans complexes) se place entre le livre de technique aride et les mémoires d’auteur. C’est la même approche que Patrica Highsmith avec son Art du suspense, mais George propose un volume bien plus intéressant et profitable.

La première partie, “Vue d’ensemble du métier »1, récapitule de façon très générique ce qui fait la chair d’une histoire : personnages, atmosphère, intrigue. C’est là qu’elle attaque sans ambiguïté sur son “story is character” (une histoire, ce sont des personnages), une déclaration éventuellement discutable mais dont la démonstration est d’un grand intérêt, surtout pour tous ceux qui ont tendance à se laisser entraîner par leur monde.

La deuxième, “Les bases”, est la plus technique : George ne craint pas de dévoiler étape par étape la façon dont elle construit ses romans, livrant de nombreux “trucs” pratiques pour dynamiser un dialogue, organiser les scènes. George a fait des études de psychologie et cela se sent : son approche des personnages est très psychanalytique, peut-être trop pour certains, mais j’aurais tendance à penser que tout écrivain doit avoir une part de psychologue en lui pour construire des personnages humains, complexes, vraisemblables et donc intéressants. Elle explique notamment en grand détail son approche des besoins et objectifs de chacun, à travers le “besoin fondateur” et la “manoeuvre pathologique“, deux germes incroyablement simples et précieux pour guider l’écriture.

La troisième et la quatrième sont plus attachées au processus de construction en lui-même, et on trouve là moins d’informations originales, à part, peut-être, l’emphase énorme que place George sur la discipline d’écriture : elle le dit sans détours, selon elle, c’est la seule qualité indispensable à la réussite, devant la passion et le talent. Un coup de pied au derrière taille 72, toujours bienvenu. La dernière partie est la moins intéressante, concentrée autour d’exemples et d’études de cas tirés de son propre travail.

Ce qui rend ce livre aussi intéressant à mon sens est une véritable envie pédagogique. George ne prétend nullement enseigner une méthode infaillible de réussite, mais elle met à nu son propre processus de création en partageant au fil de l’eau quelques leçons qu’elle a apprises. Cet équilibre, difficile à négocier, lui permet justement de dégager quelques leçons de valeur (qu’on aurait envie de qualifier d’universelles) tout en encourageant chaque auteur au travail et à la quête de ses propres vérités. Elle explique humblement ses propres travers et comment elle les combat ; elle délimite clairement les circonstances où la rigueur et la logique doivent dominer (George est clairement structurelle), et celles où c’est la liberté et l’inspiration qui doivent prendre la main.

En revanche, il faut noter que la forme et le discours de ce livre sont d’une simplicité trompeuse. En conséquence, il me semble que pour en tirer le maximum de profit, il convient d’avoir soi-même déjà conduit une certaine forme de réflexion sur les défis de l’écriture – et même de s’être heurté plusieurs fois à des difficultés. Je doute qu’il puisse donc être très pertinent pour le très grand débutant. On peut aussi grogner devant la quantité d’extraits tirés de son propre travail George présente au fil des pages, mais il faut admettre que les exemples sont pertinents et, surtout, admirables de justesse narrative : de vraies démonstrations.

En définitive, plus qu’un exposé de technique ou des mémoires d’écrivain, ces Secrets sont presque un appel à construire sa propre méthode, libéré des entraves et des attentes quant au résultat. Bien peu de livres sur l’écriture parviennent à transmettre ce message, à distiller une telle passion, à redonner une telle envie quand le découragement guette face à un obstacle en apparence insurmontable.

  1. Les traductions sont de mon fait, ayant lu le livre en anglais.
2014-08-05T15:23:07+02:00lundi 25 octobre 2010|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Elizabeth George, Mes secrets d’écrivain

La litanie contre la peur

Écrire. […] J’ai peur. […] J’ai tellement de travail. Je suis angoissée. J’ai l’impression de ne pas maîtriser correctement l’histoire. […] C’est la vérité : je ne la maîtrise pas. Mais voici ce que je vais faire : je vais avancer le roman de cinq pages par jour. Je vais croire que je fais ce que je suis censée faire […] : écrire. Je vais croire que les mots sont là, en moi, que les idées sont là, en moi. Je vais croire que je suis pleinement capable de conduire ce projet à son terme. Je vais me rappeler que j’ai toujours eu peur, et que je me suis toujours frayé un chemin à travers la peur, dépassant la peur, pour la transformer en foi.

Elizabeth George, Journal of a Novel, 4 nov. 2001

Cette citation, tirée de Write Away (Mes Secrets d’écrivain en français), figure dans mon bureau depuis des années, quasiment sous mes yeux (photo ci-contre). Et si c’est bon pour Elizabeth George, ma foi, ça l’est pour moi aussi, ça l’est pour nous tous – en tout cas nous qui sommes frappés par cette angoisse et par son symptôme le plus courant, la procrastination. Camarades, nous sommes en bonne compagnie : George, William Gibson (« Je préfère largement le fait d’avoir écrit à celui d’écrire », confiait-il), Fredric Brown aussi, me semble-t-il, et j’en passe.

J’ignore si cette peur disparaît jamais vraiment avec le temps ; à en croire George, il n’en est rien et, selon ma modeste expérience, elle aurait plutôt tendance à empirer. La question n’est donc pas tant de chercher à l’annihiler, ce qui semblerait un combat perdu d’avance, et encore moins d’en concevoir de la culpabilité. Il s’agit de faire la même chose que George : la reconnaître, puis travailler autour, avec, au travers. Et, pour cela, il n’y a qu’une seule chose à faire : sauter dans l’arène, et agir maintenant. C’est une tautologie, mais, pour avoir conscience qu’on a déjà su transcender la peur pour la “transformer en foi”, pour se fonder sur cette expérience afin d’alimenter les suivantes au moment où les craintes montrent les crocs, il faut l’avoir déjà fait. Et cela n’arrivera pas demain, mais aujourd’hui, maintenant, à votre prochaine plage de temps libre, qu’elle dure deux heures ou bien cinq minutes. Si vous n’en profitez pas, demain, vous serez toujours au même point – et peut-être en pire condition, car vous éprouverez la culpabilité de ne pas avoir agi hier au moment où vous l’auriez pu. Robin Hobb affirme, et elle a raison, que “vous n’aurez jamais plus de temps libre qu’aujourd’hui”.

C’est tout simplement la première règle de Robert Heinlein, et le conseil en apparence tout simple que bien des écrivains chevronnés donnent aux plus jeunes (j’ai par exemple entendu Terry Brooks le répéter des dizaines de fois aux Imaginales l’année de sa venue) :

Règle n°1 : Tu dois écrire.

2014-08-05T15:24:32+02:00vendredi 6 août 2010|Best Of, Technique d'écriture|14 Commentaires

Titre

Aller en haut