Déconnexion annuelle pendant les fêtes (plus longue que d’habitude)

Ho ho ho, disent les pubs de Noël avec un fake Santa Clause de Bas de Page (promotion Super U valide à partir de cent cinquante euros d’achat, n’inclut pas le rayon poissonnerie ni les lots de chaussettes). C’est donc à nouveau ce moment de l’année où l’on tend à se retirer avec les siens, ceux qu’on a choisis et parfois ceux que non, avec un degré de bonheur que je vous souhaite maximal mais dont on doit toujours accepter sereinement l’inévitable potentiel de variance quand Jean-Eudes est dans le coin (n’est-ce pas Jean-Eudes), mais après ce sera pas si pire on aura de quoi boire.

Bref : joyeuses fêtes ! Ne vous rendez pas malade physiquement et psychiquement avec ça, lâchez prise (de courant), paix à vous toutes et tous sur terre, dans les cieux, et dans les espaces interdimensionnels des supercordes.

Pour ma part, c’est donc la déconnexion annuelle, je disparais de la surface de la terre, des cieux et des espaces interdimensionnels des supercordes, et surtout d’Internet et de tout moyen de communication (et notamment des commentaires ici) – sachant que, pour raisons personnelles, ma déconnexion sera plus longue que d’habitude. Je m’évapore donc tel un djinn pendant un mois entier (le saviez-vous ? C’est dans les espaces interdimensionnels des supercordes que les génies des lampes se retirent quand on ne les appelle pas) pour une brève retraite offline que j’autodécrète bien méritée, avec un retour en ligne et au monde prévu aux alentours du 20 janvier.

Cela signifie qu’il n’y aura pas de post de bonne année ni de newsletter habituelle avant cette date, mais pas d’inquiétude, je ne me serai pas ouvert l’autre main sur un Tupperware en verre pour faire symétrique, juste, je referai surface plus tard, parce que. Procrastination continue dans l’intervalle avec le rythme habituel, les épisodes ayant été produits en avance et l’intrépide diffusion assurée par Elbakin.net se poursuivra aux dates prévues (merci à l’équipe).

Prenez toujours soin de vous, n’oubliez pas que rire chaque jour c’est comme un bon steak (avec variante tofu s’il vous en dit), vaccinez-vous, soyez excellent·es les uns avec les autres et surtout n’embrassez aucune cuve de produits chimiques que vous ne connaissez pas, même si elle se présente à vous le 31 décembre sous une branche de gui.

2022-01-24T18:11:49+01:00jeudi 16 décembre 2021|À ne pas manquer|1 Commentaire

Màj de la charte de commentaires : prévenez-moi si problème, svp

J’ai mis à jour la charte de commentaires du site et des réseaux – https://shrtm.nu/GYB1

En résumé: si vous voyez un comportement répréhensible sur mes espaces et que je n’agis pas, signalez-le moi, svp. Je n’arrive plus à tout voir, et j’ai besoin de votre aide. Merci!

2020-05-29T21:34:26+02:00lundi 8 juin 2020|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Màj de la charte de commentaires : prévenez-moi si problème, svp

Les réseaux commerciaux ne nous appartiennent pas

Edit du 6 septembre 2019 : ma réflexion s’est poursuivie avec la Worldcon 2019 avec beaucoup de conférences et tables rondes sur le sujet ; les enseignements se trouvent ici, avec un retour, sous un format différent, vers les plate-formes.

Depuis que j’ai décidé de me mettre en retrait des réseaux, de l’immense caisse de résonance qu’ils donnent à nos egos, à notre désir bien humain d’apparence, il s’est passé un truc bizarre.

Moi qui ai toujours été technophile, geek, amoureux de la technologie et de ce qu’elle offre, c’est comme si j’avais mangé la pilule rouge de Morpheus. Je vois sur Twitter des conflits absurdes sur des détails d’expression pour des questions superficielles et des gens qui s’écharpent pour terminer malheureux et insomniaques. Je vois ceux et celles qui utilisent la plate-forme pour servir de manière froidement calculée leur renommée à travers l’instrumentalisation de vraies causes. Il y a aussi, heureusement, les vrais combats et les outrages populaires qui entraînent des conséquences positives. Mais je m’interroge de plus en plus sur le rapport signal-bruit. Le bilan est-il réellement positif, au final ?

Ces plate-formes ne sont pas conçues, de base, pour créer des rapports harmonieux. La facilité avec laquelle elles ont été détournées bien des fois (et combien les entreprises qui les portent ont montré, dans le meilleur des cas, leur inaction) en est la preuve. Je ne dis pas que cette régulation est facile. Peut-être est-elle impossible avec les outils actuels. En revanche, je trouve les initiatives comme celles d’Instagram, qui se glorifie de tester une fonctionnalité d’intelligence artificielle où l’application te demandera en substance “es-tu bien sûr de vouloir poster ce commentaire haineux ?”, clairement risibles et largement insuffisantes.

PLUS META TU MEURS

Les réseaux sont importants quand on fait une profession un tant soit peu publique comme auteur, créateur, artiste. En particulier quand l’on travaille sur des projets de long terme comme des bouquins (qui, dans mon cas, ont du mal à sortir plus vite que tous les 12 ou 18 mois, ne serait-ce que parce que j’écris des monstres). C’est une façon de conserver le lien avec une communauté ; parfois, de lever le voile sur le processus créateur ; d’inspirer éventuellement ceux et celles qui viennent après nous, d’être inspiré par ceux et celles qui viennent avant, et de causer boutique avec les gens qui viennent à peu près en même temps.

Je ne suis pas le premier à le dire, j’espère ne pas être le dernier, mais : quelque chose a horriblement mal tourné, dès lors que l’on a commencé à quantifier la portée de nos brèves, de nos photos de chats, que l’on s’est mis à télécharger des applications pour se rendre plus beaux ou belles que nature sur Instagram, que l’on a inventé le terme d'”influenceurs”. Aaaah que je hais ce mot.

J’en ai déjà parlé précédemment, mais : les réseaux sociaux ne nous appartiennent pas. Le terme est d’ailleurs extrêmement trompeur, et je vous encourage à appeler un lolcat un lolcat et à les désigner par leur véritable terme (qui n’est pas de moi) : les réseaux commerciaux.

Il ne s’agit aucunement de tisser du lien entre les êtres humains ; si cela arrive, c’est une belle conséquence, mais c’est un effet secondaire du système et non son but. Facebook, Twitter et consorts ne vivent que d’une chose : de la publicité. Il s’agit donc de générer de l’engagement. Ce qui est très différent. Il s’agit d’inciter l’utilisateur à rester sur l’application, à la consulter le plus souvent possible, pour lui diffuser de la publicité. Il s’agit de générer des réactions instinctives, brutales ; il s’agit de séduire l’utilisateur en l’incitant insidieusement à se présenter de la manière qui générera le plus de commentaires, de validations, de likes. Ils se bâtissent sur l’ego, l’apparence, amplifient toutes les provocations, et comme si ça ne suffisait pas, ils siphonnent nos données personnelles. Encore une fois, je ne suis pas le premier à le dire, loin de là, mais il me semble important de continuer à le rappeler.

Il me semble important aussi de rappeler que les réseaux commerciaux ne sont pas l’ensemble du territoire de la pensée. Ils sont même, en ce moment, une part importante du territoire de la non-pensée. Bien sûr, encore une fois, il se passe de belles interactions avec ces outils, mais je crois résolument que c’est grâce aux gens, et certainement pas grâce à l’outil.

Il nous revient de nous détacher de cette tyrannie de l’immédiat pour retrouver une mesure de quiétude, et c’est aussi un autre des effets de la pilule rouge que je ressens en ce moment. Je n’éprouve plus aucune “FOMO” comme on dit en bon anglais – fear of missing out, la peur de manquer un truc, une des pulsions fondamentales qui nous pousse à nous connecter plusieurs fois par jour sur les réseaux (ou même pour s’assurer qu’un énième shitstorm stupide n’explose pas en notre absence). Je n’avais même pas pleinement conscience que je la ressentais. Mais en ayant fermement refusé que les plate-formes se servent de moi, en ayant résolument décidé de m’en servir à la place – pour amplifier mon travail, qu’il soit gratuit ou non, et maintenir les belles conversations avec les gens de qualité – je retrouve une sérénité et une concentration presque invraisemblables. Une présence à l’instant. Plus de petite pression en fond qui te dit : “ça fait longtemps que t’as rien publié sur Instagram, tu devrais peut-être poster ce coucher de soleil”. Ou “et ma story ? Je fais pas de story. Est-ce que je devrais ? J’essaie ?” Sachant qu’en vrai, tout le monde s’en fout, de mon coucher de soleil (et tout le monde a bien raison). Je partage avec joie mon processus d’écriture, mes réflexions sur le sujet, mais ma vie, et mes moments, n’appartiennent qu’à moi. Pour la dixième fois, je ne suis pas le premier à le dire. Mais l’expérience est incroyablement libératrice.

Il nous appartient de retrouver la temporalité et la réflexion dans les espaces de pensée. Je ne crois pas qu’on puisse les trouver sur les réseaux commerciaux. Ils ne sont pas conçus pour. Ils sont conçus pour nous captiver, ce qui a ses bénéfices également, je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain1, mais cela n’a rien à voir. Plusieurs – sur les réseaux, justement – l’ont rappelé : il faudrait peut-être revenir aux blogs, à des communications plus substantielles, dans l’esprit de la vraie presse d’investigation qui prend le temps d’analyser, réfléchir, argumenter. Ce qui n’empêche pas de poster une photo de chat. De s’exprimer avec ironie. Mais pour cela, je crois que les blogs sont les mieux placés. Les outils existent toujours, comme les infrastructures. Facebook et Twitter ne les ont pas détruits. Pour ma part, j’y suis revenu, et bon dieu, ça fait du bien, vous savez.

Vous allez voir que bientôt, on va ressusciter les webrings.

Pour aller plus loin, en anglais : My kids aren’t getting social media accounts and yours probably shouldn’t either

  1. Sérieusement, c’est quoi cette expression ? Le bébé ne passe de toute façon pas par la bonde. Même en appuyant très fort.
2019-09-06T23:37:32+02:00lundi 22 juillet 2019|Humeurs aqueuses|23 Commentaires

La photo de la semaine : Rainbow road

Vous l’avez ? *Wink wink nudge nudge*

Rainbow road

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2016-11-10T18:36:48+01:00vendredi 11 novembre 2016|Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : Rainbow road

Compassion, mais prison

bourdon-jesus-II

Bon, auguste lectorat, c’est un article sérieux, voire important pour moi. Sachant que tout cela n’est que vision de l’esprit, proposition, attitude personnelle. Combat continuel, d’ailleurs, sur lequel je n’oserais prétendre à l’impeccabilité. Mais, par les temps qui courent, c’est un truc qu’il me semble important de partager.

Je cite souvent ce philosophe de l’extrême qu’est Ken le Survivant en version française : “les temps comme les œufs sont durs”. Lapalissade, l’état du monde, la dérive sécuritaire, que ce soit envers la délinquance ou le terrorisme, etc. Encore une fois, avec les événements de Nice la semaine dernière, les réactions s’enflamment, les politiques s’en emparent, etc. Les commentaires tendent à aller dans deux directions :

  • Répression, davantage de mesures sécuritaires, voire restrictives des libertés ;
  • Tentative de compréhension plus vaste de l’événement par la géopolitique, l’économie, la sociologie.

Le débat se prend un mur quand les deux points de vue se rencontrent. Les premiers (traditionnellement de droite) reprochent aux seconds leur angélisme, leur laxisme, leur vision peu réaliste du monde ; les seconds (traditionnellement de gauche) reprochent aux premiers leur autoritarisme, leur réponse à la violence par d’autres violences et l’entretien d’un cycle sans fin.

Parfois (et même souvent), ces deux visions luttent dans la même personne. La réaction aux attentats, par exemple, peut mêler la peur, la colère (et donc des envies se rapprochant de la première réponse) à l’inquiétude de l’avenir, un ferme attachement à des valeurs républicaines (encourageant la seconde réponse). À force de peur, de colère, la seconde réponse cède parfois la place à la première (comme le chantent les Fatals Picards) – c’est exactement, soit dit en passant, faire le jeu des terrorismes qui cherchent à construire une rhétorique manichéenne.

J’aimerais humblement soumettre à l’Internet multimédia que l’erreur fondamentale consiste à considérer – selon la rhétorique exposée plus haut – que ces deux visions du monde sont fondamentalement irréconciliables. Que quelqu’un qui souhaite de la sécurité ne cherche nécessairement pas à expliquer ni améliorer la situation, ou que quelqu’un qui cherche à comprendre entraîne obligatoirement le chaos. Je soumets donc au vaste monde un principe développé avec un ami proche lors d’une soirée de refaisage de monde (y avait effectivement du rhum arrangé, merci), que nous avons baptisé : “compassion, mais prison“.

Voici le cas général dont il a fini par dériver. Un fait divers comme il y en a hélas tant met en scène le crime tragique d’une mère de famille seule, submergée par sa charge et le désespoir, qui assassine ses trois enfants.

La première réponse condamne, conspue, hue et s’émeut d’un tel “monstre”, “ne comprend pas comment c’est possible”, voire appelle au bûcher. La seconde (qui ici incarnerait probablement l’avocat de la défense) place le cas de cette femme dans le désespoir qui est le sien, la maladie mentale qui l’atteint peut-être, etc.

Nous posons (avec mon camarade, car il détient autant la paternité de cette discussion que moi) que l’on peut parfaitement nourrir de la compassion pour cette pauvre femme, qui a été poussée à un acte inimaginable, et qui, surtout, va devoir vivre avec pour le restant de ces jours – je ne sais pas si vous imaginez ; si le crime choque les consciences, que dire que la personne qui l’a commis ? Mais que, dans le même temps, cela n’empêche nullement de la juger coupable ; d’appliquer la loi avec toute la fermeté requise ; et de s’assurer que la peine soit purgée. (Rappelons que dans une société civilisée – à vous de juger si nous en sommes une – la prison n’a théoriquement pas pour but de châtier mais de protéger la civilisation de ses éléments dangereux qui sont mis à l’écart.)

Id est : Compassion, mais prison. 

Il n’est pas honteux de désirer la sécurité, la paix, le calme, pour soi et ses proches. Il est nécessaire de comprendre le contexte plus vaste d’un crime, quelle que soit sa nature, de manière à faire progresser la société, voire le monde. On peut simultanément désirer plus de sécurité dans un quartier difficile, que les responsables soient identifiés et arrêtés, maintenant, tout en comprenant que la délinquance est due à un déficit d’éducation et qu’on ne relèvera jamais la situation sans un projet ambitieux de société, demain. On peut exiger la sécurité sur son sol, dans les transports, refuser les discours intégristes, maintenant, tout en mesurant qu’il existe des pans de société livrés à eux-mêmes et que bombarder des positions civiles à l’étranger risque d’alimenter davantage le terrorisme, demain.

See what I did there? 

La première réponse concerne le présent. La seconde concerne l’avenir. La première traite de la situation dont on a hérité et des façons de la cadrer, la seconde de projets pour construire un meilleur héritage. Il n’est pas étonnant que les deux dimensions se heurtent parce qu’elles ne parlent pas de la même échelle ni du même problème, et, pour cette raison, justement, elles ne devraient pas s’opposer mais se compléter. J’avance aussi que, dans le cœur et la conscience de chacun, il n’est nullement impossible de nourrir de la compassion pour un criminel, que son chemin / sa souffrance / sa maladie mentale aura amené sur un chemin terrible et sanglant, tout en s’assurant avec la dernière des énergies qu’il se retrouve bien sous les barreaux et qu’il y reste. Compassion (je suis désolé au sens du regret sincère), mais prison (je suis désolé au sens de la fermeté indiscutable).

Nous protestons beaucoup sur la classe politique et son ineptie, ces temps-ci. Pour certains, la solution est d’abandonner les urnes – comme si la classe politique était une fatalité imposée d’en-haut. Je ne nie pas leur aspect élitiste, leur structure de “classe”, relativement étanche – mais une des paroles sur la démocratie, la société, le monde les plus importantes à mon sens a été prononcée par Gandhi : “Sois le changement que tu veux voir dans le monde”. Personne ne change le monde tout seul ; personne ne peut l’endosser tout entier ; mais personne, également, n’est exempt de toute empreinte. Les actes, les paroles, aussi faibles soient-ils, comptent. C’est l’histoire d’une petite fille excédée qui hurle sur sa maman, alors sa maman excédée hurle son papa, alors son papa excédé hurle sur un conducteur dans la circulation, alors le conducteur excédé qui dirige une entreprise hurle sur ses employés, alors un des employés, excédé, hurle sur son épouse, laquelle est institutrice de maternelle et qui, excédée, hurle sur ses élèves, dont la petite fille du début.

Si la classe politique est une fatalité et qu’on a raison de mettre le suffrage universel en faillite (ce dont je disconviens – merci de ne pas détourner les commentaires vers le sujet de l’abstention, la modération sera sans pitié), alors la parole de Gandhi est fondamentale. Si la classe politique n’est pas une fatalité et que le suffrage universel a sa place, alors la parole de Gandhi est fondamentale aussi, car c’est par le travail de chacun qu’on pourra peut-être arriver à mériter une classe politique de meilleure tenue.

Compassion, mais prison, c’est dire qu’il n’est absolument pas impossible de se soucier d’avenir en s’inquiétant du présent, mais aussi, et c’est fondamental, que, quelle que soit l’action proposée ou entreprise, il ne faut jamais hypothéquer l’un au profit de l’autre.

Maintenant, c’est dit, faites-en ce que vous voulez.

2016-07-18T11:36:54+02:00jeudi 21 juillet 2016|Humeurs aqueuses|8 Commentaires

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