Se réapproprier sa volonté avec un chronomètre et des trombones

J’ai Deep Work de Cal Newport sur ma table de chevet – ce qui, dans les faits, revient à dire l’étagère de mes toilettes (non, je ne dors pas dans mes toilettes) (sauf quand je reviens d’une soirée difficile avec des libraires bretons) – bref, ça veut juste dire que c’est l’endroit où il est susceptible d’être pris et feuilleté, mais je compte bien le lire pour de vrai et me substantifier la moelle avec. Car :

Je suis entièrement d’accord avec lui quand il parle de l’effet délétère des réseaux notamment dans son TED Talk lié ici. Peut-être suis-je d’autant plus sensible au discours avec la manière dont je suis vissé (dont je reparlerai dans un article à part quand j’aurai rassemblé le courage) mais : les notifications, l’impératif de répondre, de réagir frénétiquement à tout et de ne rien laisser passer fonctionne très mal avec moi, j’en ai parlé de loin en loin. Je ne crois pas être le seul dans ce cas ; la grande crainte de notre époque, c’est de voir les capacités de concentration des gens décroître (et c’est le sujet de Deep Work) (mais je ne l’ai donc pas encore lu) (il faut que je passe une soirée difficile avec des libraires bretons pour dormir dans mes toilettes et le lire, si vous avez suivi). Il y a probablement un fond de vérité là-dedans,sinon Facebook et Twitter ne dépenseraient pas des centaines de milliers de dollars pour nous maintenir captifs de leurs plate-formes.

James Clear, dans Atomic Habits (Un rien peut tout changer en VF, heu ?) a cette phrase simple :

Each habit is a vote towards the person you want to be.

James Clear

Consulter son téléphone “au cas où”, “dans l’espoir qu’il se passe quelque chose” est une habitude fermement ancrée jusqu’au défilement obsessionnel-compulsif (ahem) des fils sans fin d’Instagram, Twitter etc. : on appelle ça le doomscrolling, et oui, ça fait du mal au cerveau. Si les habitudes se nourrissent d’elles-mêmes, si chaque habitude est un vote pour la personne que l’on souhaite être, chaque consultation “machinale”, sans intentionnalité, est un vote pour une personne qui consulte machinalement ses fils, sans intentionnalité.

Et ça, moi, ça m’emmerde d’être cette personne.

Toute réalisation d’envergure se construit sur des efforts concertés et prolongés, peut-être plus encore dans l’écriture qui se nourrit de silence, de réflexion, de mûrissement et, surtout, de temps (un roman me prend entre 1000 et 2000 heures, selon mes estimations récentes). Quand j’avais vingt ans, je codais en open-space sans problèmes de concentration (avec Iced Earth à fond sur les oreilles). Aujourd’hui, je me sens comme un petit chaton sous ecstasy prêt à suivre n’importe quel jouet qui brille, sauf que c’est un chaton chauve de 90 kg. De rien pour les cauchemars.

J’ai la sensation que dix ans de réseaux m’ont petit à petit grignoté la faculté de concentration. Heureusement – et j’y arrive – il me semble à la portée de tout le monde de se rééduquer avec, comme dit avec ce magnifique titre, un chronomètre et des trombones.

La méthode pomodoro : pour se rééduquer la concentration

Plein d’articles dans ce site fantastique sur la méthode pomodoro, par exemple celui-là sur l’esprit et et celui-là avec des remarques complémentaires sur son application aux métiers créatifs. La méthode pomodoro (25 minutes de boulot, 5 de pause) est souvent dépeinte comme une manière de travailler par “rafales”, mais je la vois aussi comme une manière d’encadrer et de décomplexer le temps (nécessaire à la santé) de pause. Surtout, je trouve qu’elle réhabitue le cerveau à rester concentré sur une tâche pendant un temps donné, délimitant les moments où l’esprit peut divaguer et celui où, non, désolé, tu te casses les dents sur la tâche s’il le faut, mais tu ne lâches pas, alors, bosse. (Robert Sheckley Robert Sheckley Robert Sheckley.)

Et si l’on veut se réapproprier sa concentration, on peut (inspiré par certains traitements de rééducation) augmenter la durée des pomodoros d’1% par semaine (ça va, ça fait une minute par mois). L’optique étant de regonfler sa capacité à long terme, comme dans un entraînement physique. (J’expérimente actuellement avec ça, j’en reparlerai si c’est pertinent) (Rendez-vous donc dans trois ans quand je serai à 45 minutes, HA)

Trois trombones et c’est tout

C’est le hack le plus bête du monde, que j’avais piqué à Lifehacker il y a des années. Pour se limiter dans une habitude, mettre trois trombones dans une boîte le matin. À chaque fois que l’on effectue l’action, enlever un trombone. On a donc trois actions par jour maximum. (On peut commencer à cinq si c’est trop dur.) Et le geste, tout simple, donne une matérialité à l’action. On ne peut pas tricher.

Oui, j’ai ça sur mon bureau, et c’est MOCHE.

J’ai récemment repris cette habitude : trois consultation de réseaux / mails par jour maximum. Car il ne s’y passe rien qui soit urgent et qui ne puisse attendre, malgré ce qu’on voudrait vous faire croire. Et surtout, il ne sert à rien de les consulter douze fois par jour ; il faut mieux faire des sessions un peu plus longues, mais productives (effet de grouper les tâches, ou batching).

Eh bien, cela a été fascinant (et un peu inquiétant) de constater combien, les premières semaines, la consultation me démangeait dès le matin avant ma petite séance de mouvements, de méditation, etc. comme un junkie en manque. Et qu’il me fallait un effort de volonté pour me raisonner et me dire que rien de ce qui pouvait s’être passé pendant la nuit ne pouvait attendre trente minutes de plus, quand même ?

Eh bien, aujourd’hui, au bout d’un mois de ce régime, pour la première fois ce soir (à l’heure où j’écris ces électrons), seulement deux trombones ont été enlevés de la boîte. Le troisième ne servira pas. Et je suis d’une parfaite sérénité.

Pour être honnête, tout cela paraît stupide alors que je l’écris, comme un coureur cycliste réapprenant les bases avec un tricycle. Mais le monde moderne lutte tellement pour notre attention et notre concentration qu’il ne me paraît pas absurde de nécessiter une rééducation. Le Slow Web Manifesto militait déjà pour une consommation plus raisonnée, équilibrée, intemporelle et concentrée sur la qualité de nos médias modernes. Et il le faisait… en 2010.

2020-08-04T21:11:05+02:00mardi 28 juillet 2020|Best Of, Lifehacking|6 Commentaires

Focus, une meilleure application pour faire des pomodoros (mais chère) [la boîte à outils de l’écrivain]

Quand j’ai ouvert la boîte à outils de l’écrivain, auguste lectorat, j’avais promis-juré de ne promouvoir que des applications que j’utilise réellement, entre autres parce que parfois, je touche une commission si vous achetez lesdits outils en passant par mes liens (ce qui m’aide à payer l’hébergement et m’encourage à continuer à proposer ce genre d’article, ce qui me prend du temps). Le moment est venu ! (insérer ici musique funeste)

Alors c’est pas mal de bruit pour finalement pas grand-chose. J’ai parlé amplement de la méthode pomodoro et de l’aide qu’elle m’apporte pour écrire, surtout dans ces moments où ton roman veut te manger et que tu irais bien mettre la tête dans le sable (ou une baignoire remplie de piranhas, fonction de la gravité de la situation). Jusqu’ici, j’utilisais et recommandais BeFocused Pro, pratique et fonctionnel, et franchement, pour 99% des gens, cette application reste un excellent outil.

Seulement voilà : je travaille beaucoup en déplacement, et j’écris, donc, aussi, notamment sur iPad. Pour employer le même système, c’est-à-dire faire mes pomodoros, il me faut un outil qui fonctionne parfaitement sous iOS, et notamment – parce que j’en ai une depuis plus de deux ans, je proposais d’ailleurs un retour d’expérience iciil me faut quelque chose qui fonctionne sur Apple Watch.

Or doncques voilà, BeFocused Pro ne propose pas la rigueur qu’on est en droit d’attendre sur montre connectée : fréquemment, le chronomètre se perd, oublie de sonner, etc. Après quelques recherches, je suis donc passé sur l’application Focus. Et là, c’est parfait : la montre vibre bien à l’échéance du pomodoro grâce à une synchronisation sans faille entre le Mac (ou l’iPad) et celle-ci, du moins tant que l’on a Internet. C’est très pratique même devant un ordinateur de bureau : on peut couper les notifications sur celui-ci, mais autoriser la montre à vibrer seulement à échéance du pomodoro, ce qui permet de minimiser les distractions. Et au pire, on peut simplement lancer les périodes de travail directement sur la montre.

Super, hein ? D’accord, tu veux le côté ridicule, auguste lectorat ? Focus est payant (ça, d’accord)… sur abonnement. Soyons clairs : est-ce que c’est complètement con de payer un abonnement pour un chronomètre glorifié ? Assurément, surtout à quarante balles par an (presque autant qu’Ulysses, bordel !). C’est pour ça que je suis bien embêté pour le recommander sans ambages. Alors oui, c’est la meilleure application de sa catégorie, on est d’accord, mais bon, ça reste un fucking chronomètre, quoi.

C’est beau mais c’est cher.

Donc, difficile de recommander Focus sans se prendre un peu la tête dans les mains en se disant “mon dieu, mon dieu, tant de sous pour ça, c’est absolument grotesque” – mais si :

  • Tu vis pomodoro, tu respires pomodoro, ta vie est le pomodoro et sans lui, ta productivité s’effondre en 48 heures
  • Tu as une Apple Watch dont tu te sers pour de vrai

Alors, selon l’adage qu’il ne faut pas lésiner sur les réels professionnels qui nous rendent réellement productifs, Focus vaut le prix qu’il demande, comme on paiera pour une licence d’Antidote dès lors qu’on en fera un réel usage.

Mais si l’un des deux points précédents ne s’applique pas, franchement, non. BeFocused Pro fait très bien le job (lire le test ici).

Maintenant, laissez-moi vivre dans la honte, s’il vous plaît.

2019-06-01T14:36:04+02:00mercredi 5 décembre 2018|Best Of, Lifehacking|1 Commentaire

Be Focused Pro, un outil de choix pour la méthode Pomodoro [la boîte à outils de l’écrivain]

Je vois ça des dizaines de fois par jour en ce moment.

Mise à jour décembre 2018 – j’utilise dorénavant Focus pour mes pomodoros, mais BeFocused Pro reste un excellent outil pour la plupart des gens. Savoir pourquoi ici

J’ai donc reparlé tout récemment de mon usage intensif (et heureux) de la méthode Pomodoro, avec toutefois quelques adaptations pour la rendre compatible avec le travail de création, notamment d’écriture : ne pas interrompre le flow une fois qu’on est lancé, à tout le moins. Et que serait une méthode de productivité sans l’application qui va avec ? On trouve des minuteurs Pomodoro par dizaines dans tous les app stores du monde, j’ai jadis utilisé un temps un chronomètre réel, mais je me suis finalement arrêté sur Be Focused Pro, que j’utilise depuis plus d’un an, et je n’ai pas ressenti le besoin d’aller voir plus loin (ce qui est rare dans mon cas, souffrant d’un cas chronique d’insatisfaction logicielle).

L’application (Mac, iOS, Apple Watch) offre à mon goût le juste équilibre en puissance et utilisation : je veux un truc qui fasse le boulot de manière immédiatement accessible, présent sur toutes mes plate-formes (et le fait de pouvoir démarrer un Pomodoro depuis mon iPad ou mon Apple Watch – dont j’ai parlé ici – est indubitablement un plus quand je veux écrire dans un train ou un avion), mais que je puisse adapter à mon goût. Les données et projets sont évidemment synchronisées entre appareils via le nuage (inscription nécessaire).

Sur le Mac, Be Focused Pro réside dans la barre de menus comme beaucoup d’applications similaires, mais se trouve aisément accessible tout en rendant l’édition des données enregistrées difficile mais pas impossible, ce qui réduit la tentation de tricher si tel est votre problème. Les durées de travail et de pause sont entièrement personnalisables, comme les sons de début et d’arrêt, et propose pour moi une fonctionnalité indispensable : si je me laisse entraîner par l’écriture, un simple réglage me permet de lui ordonner d’attendre la pause pour que je la lance de moi-même au moment où je le désire – c’est une option à décocher ci-dessous :

Et l’application permet évidemment de compiler rapports et de suivre son activité (même si, pour des raisons expliquées précédemment, les Pomodoros ne devraient pas représenter une mesure réelle de la productivité, mais si vous aimez les zolis graphiques, Be Focused Pro peut fournir) :

J’ai un tout petit peu cravaché sur Le Verrou du Fleuve en fin d’année dernière.

Bref, c’est un chronomètre, hein, mais un chronomètre bien foutu, non-intrusif et personnalisable. Et il est rouge. Et ça, si ça vous convainc pas, hein. Plus sérieusement, aussi idiot et simple que ça puisse paraître, trouver un bon outil de ce genre qui ne soit pas pourri de pubs, qui fasse exactement ce qu’on lui demande et qui sache se faire oublier n’est pas si simple que ça. Bref, je recommande.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

Me faites pas de mal, s’il vous plaît. (Photo Evaldas Daugintis)

2018-12-03T22:34:14+01:00jeudi 5 juillet 2018|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Be Focused Pro, un outil de choix pour la méthode Pomodoro [la boîte à outils de l’écrivain]

Retour sur la méthode pomodoro pour écrire

La méthode pomodoro est un des hacks les plus connus pour se botter le cul se motiver pour une tâche complexe, barbante ou intimidante – un de ces adjectifs représente un intrus pour décrire l’écriture, auguste lectorat, sauras-tu le retrouver ? Je travaille actuellement à quasi-plein temps sur La Fureur de la Terre, le tome 3 de « Les Dieux sauvages ». Je monte lentement en puissance ; je commence à avoir l’habitude de ce processus, le temps de me réapproprier lieux et personnages, de sentir le récit acquérir son élan et sa dynamique, de sentir l’espace mental où je peux gouverner d’une main légère sur la barre en laissant le navire suivre ses propres courants.

La méthode pomodoro, donc : 25 minutes de travail pour 5 de pause, dont j’ai dit le plus grand bien dans le cadre de l’écriture. J’ai écrit la quasi-totalité des deux premiers tomes de la série (La Messagère du CielLe Verrou du Fleuve) de cette manière, mais au fond de moi, j’ai toujours un peu considéré cette béquille comme inélégante. Je suis auteur, je suis censé ne pas avoir besoin de ce genre de piratage mental, non ? Alors que je travaille sur mon troisième bouquin, je devrais pouvoir m’en passer, me perdre avec délectation dans mon récit, être beau comme un Stephen King.

Donc, pour la énième fois, j’ai tenté de me réserver des créneaux d’écriture et de me laisser aller sans ce rythme bizarre de 25/5. Résultat : pas la catastrophe, mais presque. J’ai peut-être pourri mon cerveau après deux ans de cette méthode, je ne sais pas, mais j’ai vu resurgir aussitôt les ennemis classiques : du mal à m’y mettre (procrastination), du mal à me concentrer, à me donner une direction précise. Et si je recherchais tel sujet pendant… quoi, deux heures ? Est-ce bien utile ? Comment ne pas se perdre ?

La finalité d’une session d’écriture consiste à mettre des mots sur la page. (Les bons, si possible, mais si ce sont les mauvais, ce sera toujours ça d’écarté.) Les recherches, la création de monde, c’est super rigolo, mais si cela ne sert pas l’histoire qu’on est en train d’écrire, au bout d’un moment, c’est un loisir, pas du boulot. (Avant que les mal comprenants ne me tombent sur la tronche : oui, les loisirs, c’est bien, mais si on veut écrire, on cherche à faire avancer le curseur, pas à bouiner ; on peut bouiner plus tard.) À titre d’expérience, j’ai alors repris les pomodoros, et là, ô miracle : j’ai réalisé davantage en une demie-journée qu’en une journée précédemment. OK, c’est une béquille, mais j’arrive plus à marcher sans, et je marche vachement mieux avec, donc, bon, va pour l’inélégance.

Pour ceux qui ont du mal à se concentrer (et/ou qui abordent des projets d’une complexité ou d’une longueur intimidante – l’écriture en faisant assurément partie), les pomodoros donnent une soupape fondamentale à l’esprit : ils lui indiquent quand il a le droit de faire une pause. Dans la réalisation d’une tâche créative (où il faut, par définition, inventer ce qui n’existe pas, ce qui est angoissant et/ou éprouvant), des tas de résistances plus ou moins conscientes peuvent surgir. Et surtout des distractions, surtout en notre époque. L’astuce la plus simple que j’aie trouvé pour combattre ces distractions consiste à les noter sur une feuille : tous les trucs idiots que j’ai envie de regarder plutôt que de me mettre à bosser et dont mon cerveau reptilien cherche à me convaincre de l’urgence (“dis ! Si on allait regarder des nouvelles du nouveau Metroid Prime sur Switch, genre tout de suite ?”). Quand je suis en état de flow, ça va, bien sûr ; je ne veux plus m’arrêter. C’est d’y entrer qui peut être compliqué. Et si je peux réduire le temps pour y arriver, c’est toujours ça de gagné de jour en jour. Sans parler de la sérénité.

Le cerveau est une drôle de machine, quand même : quand je dois me mettre à la tâche, le petit singe dans ma tête me chuchote plein de trucs censément urgents ; mais quand le moment de s’arrêter se présente, non seulement il ne veut plus lâcher l’affaire et terminer absolument ce passage, cette scène, ce chapitre, mais en plus, tous les trucs qu’il m’a soufflé ne suscitent absolument plus son intérêt.

La clé de la productivité consiste simplement à trouver comment respecter ses fonctionnements internes pour agir au maximum avec eux et réaliser ce que l’on souhaite avec le plus de plaisir et le moins de difficultés possibles. Je sais que mon petit singe veut se reposer, alors je lui donne des espaces, toutes les 25 minutes. Il n’a qu’une seule obligation dans ces moments-là : interdiction formelle de regarder ce qui peut générer du stress ou des questions – c’est-à-dire, interdiction d’inviter l’inconnu, donc pas de réseaux sociaux, de courriel, etc. Faire du thé, regarder un site d’actualité, nettoyer un dossier de téléchargements, installer une application que j’ai envie de tester, tout cela est autorisé dans le respect des cinq minutes de pause maximum. De même, et c’est très important, il n’est nullement obligé de s’arrêter dès que le réveil sonne – s’il tient à finir un truc, qu’il le fasse, bien sûr. Il m’arrive fréquemment d’avoir du mal à me lancer, puis de ne plus pouvoir m’arrêter, au point de ne pas me rappeler si le pomodoro a sonné ou non – et je constate que oui, il y a une heure. (Alors que sans cette béquille, rester concentré 1h30 présente un défi…)

Pour résumer et développer les règles sur les “pomodoros créatifs” que j’avais déjà introduites il y a un an, ma discipline consiste donc à :

  • Travailler à l’écriture par tranches de 25 minutes minimum. 
  • Toute distraction qui se profile (interne ou externe), aussi anodine ou brève soit-elle, est soigneusement notée à part, mais écartée pour l’instant. Le contrat implicite avec l’esprit est : “pas maintenant, mais je respecte ton envie, je la capture, et nous y reviendrons dans 25 minutes maximum”. (L’expérience prouve qu’on n’y revient quasiment jamais, mais ne pas la noter rompt cette histoire de respect, et peut générer du stress relatif à l’impression d’avoir oublié quelque chose.)
  • Le réveil qui sonne ouvre le droit à une pause de 5 minutes, dès que l’envie s’en fera sentir (ça peut être tout de suite ou dans une heure en fonction de l’état de concentration et de flow).
  • La pause est une vraie pause : quelque chose dont l’esprit a envie et/ou qui le détende. Toute activité qui peut découler sur de nouvelles actions à capturer, donc rompre l’immersion dans l’état d’esprit créatif, est fondamentalement interdite (c’est capital). C’est “ne pas inviter l’inconnu”, pour reprendre les mots de Kourosh Dini.
  • Ces temps-ci, je me fixe de plus en plus un quota de temps davantage que de signes à écrire dans une journée. Ces créneaux sont totalement dissociés du compte de pomodoros (puisque les créneaux d’écriture peuvent durer davantage que 25 minutes : en d’autres termes, 5 heures d’écriture ne signifient pas 10 pomodoros, mais 10 pomodoros maximum). Les pomodoros sont une aide, un starter pour le cerveau, et non un objectif. 

Je joue actuellement avec une autre technique de gestion du temps et les premiers résultats sont très prometteurs, mais j’attends plus de résultats pour en parler.

2019-06-01T14:40:54+02:00jeudi 28 juin 2018|Best Of, Technique d'écriture|8 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (6) : un coup de théâtre

Cliquez pour agrandir. Vraiment.

Les règles sont ici, mais je les rappelle rapidement : un pomodoro d’écriture non stop sur le ou les déclencheurs qui t’inspirent, t’intriguent, ou même te font partir sur une tangente sans rapport – peu importe, il faut juste écrire. (Pour le fil entier des déclencheurs de cet été, rendez-vous ici.)

Cette semaine, nous allons ! Parler ! De ! Surprise ! Coup de théâtre ! Twist ! Quelque chose d’inattendu, qui peut se relier ou pas à ce qui précède (car il y a une logique, auguste lectorat, tu as bien dû voir que tout cela était un peu organisé), pour se tirer d’affaire ou résoudre de manière étonnante et surprenante une situation tendue. Alors, bien sûr, c’est mieux d’éviter le deus ex machina, et d’avoir une solution qui puisse découler logiquement des prémisses de ce qui est venu avant. Mais ! L’objectif, ici, reste de s’amuser. Donc, pas grave si la solution tombe du ciel. Si jamais l’on souhaite retravailler, il devient possible de dissimuler les germes de cette solution parachutée dans les scènes précédentes. L’écriture n’est pas une représentation ; on peut retailler, corriger, reprendre à l’envi jusqu’à ce que toutes les pièces s’emboîtent parfaitement.

Un coup de théâtre

  • En fait, je suis ton père ! (mère / frère / cousin etc.)
  • J’ai fait tout ça parce que je t’aime !
  • Trahison parfaitement inattendue !
  • En fait, nous avons un problème beaucoup plus grave que tout ça.
  • L’ennemi rend les armes / abandonne etc.
  • Le protagoniste rend les armes. (Ce n’est pas de la flemme, les raisons peuvent être très, très différentes.)
  • L’ennemi se battait pour le bien depuis le début !
  • Révélation surprise sur le passé du protagoniste !
  • La révélation d’un talent inattendu sauve la mise ! (pouvoir magique / gadget techno etc.)
  • Proposition d’un marché pour résoudre la situation !

(Et non, il n’y a pas le tristement célèbre “car tout cela était un rêve”.)

2017-08-15T22:00:21+02:00lundi 21 août 2017|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (6) : un coup de théâtre

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (3) : du talent !

Les règles sont ici, mais je les rappelle rapidement : un pomodoro d’écriture non stop sur le ou les déclencheurs qui t’inspirent, t’intriguent, ou même te font partir sur une tangente sans rapport – peu importe, il faut juste écrire.

Cette semaine, nous allons parler de talent : d’une qualité, d’une compétence hors du commun. Il est possible de l’attribuer au personnage dont nous avons parlé ces deux dernières semaines, mais ce n’est nullement nécessaire – il s’agit de s’amuser avec un talent étrange, peut-être même à double tranchant, qui peut poser quelques problèmes inattendus, ou simplement se lâcher sur son application. Si tu fantasmes, auguste lectorat, vas-y – tant que tu écris.

Un talent

  • Mémoire éidétique
  • Combattant hors pair
  • Meneur d’hommes
  • Une volonté indémontable
  • Peut commander aux éléments
  • Intelligence suprême
  • Charme suprême
  • Voit l’avenir
  • Lit autrui comme un livre (grande perception)
  • Force physique hors du commun
2017-08-15T21:53:22+02:00lundi 31 juillet 2017|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (3) : du talent !

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (2) : Un accessoire, un atout

Salutations, auguste lectorat ! Deuxième session d’écriture hebdomadaire minimum pour le défi de cet été. Les règles sont ici, mais je les rappelle rapidement : un pomodoro d’écriture non stop sur le ou les déclencheurs qui t’inspirent, t’intriguent, ou même te font partir sur une tangente sans rapport – peu importe, il faut juste écrire.

Cette semaine, on va se faire rire. Après le besoin fondamental du personnage exprimé la semaine dernière, nous allons parler d’un atout, d’un accessoire, d’un avantage unique que possède ce personnage. Ou bien, pas en lien avec ce personnage, si tu préfères. Mais le but de l’exercice est un peu, quand même, de se surprendre de façon amusante en faisant se rencontrer cet atout inattendu avec l’ébauche de personnage construire la semaine dernière et de voir ce qu’il en sort d’inattendu.

Pour mémoire, on s’en fout si c’est mauvais, on s’en fout si ça ne tient pas debout, il s’agit d’écrire et de se faire plaisir. Taïaut !

Accessoire ou atout

  • Forteresse / base d’opérations / vaisseau-mère
  • Un secret pour lequel l’humanité se bat depuis toujours
  • Une arme personnelle unique
  • Une immense fortune
  • Haut placé dans le pouvoir
  • Sait des choses dangereuses pour l’équilibre du monde
  • A des sbires surnaturels
  • Détient un empire techno-/magico-militariste
  • Les dieux sont de son côté
  • Est lui ou elle-même surnaturel(le)
2017-08-03T14:28:40+02:00lundi 24 juillet 2017|Technique d'écriture|1 Commentaire

Vaincre l’angoisse de la page blanche avec la méthode Pomodoro

Dennis “DieTa” Klein

OK. Comme je reprends l’écriture pour attaquer le volume 2 de « Les Dieux sauvages », le moment me paraît très bien choisi pour parler de cette astuce / technique (déjà évoquée lors de l’été de la productivité en 2013) qui, semble-t-il, a sauvé bien des étudiants en retard sur leurs mémoires et qui m’a permis, en 2016, d’écrire très régulièrement 20 000 signes par jour : la méthode Pomodoro.

La méthode

Pomodoro signifie “Tomate”. (La méthode Tomate, c’est le meilleur nom du monde.) La légende voudrait que son inventeur, Francesco Cirillo, ait fait partie de ces étudiants en retard sur un mémoire à produire ; il ne savait pas par quel bout prendre la chose et, en conséquence, procrastinait terriblement tandis que la date de remise approchait. Pressé par l’urgence, il a fini par se dire : “OK, je n’arrive pas à attaquer, mais je peux bien travailler dix minutes concentré dessus, non ? Et après, je m’octroie une pause ; mais travailler dix minutes, ce sera déjà mieux que rien.”

Lo and behold, Cirillo a été productif, et a réussi à enchaîner les sessions de travail courtes sur la promesse de cette pause, ce qui lui permettait d’avancer sur ses projets. À force d’essais / erreurs, il a cerné que la bonne alternance était : 25 minutes de travail, 5 minutes de pause (suivies avec un minuteur de cuisine en forme de tomate, d’où le nom).

Le contrat est le suivant : 25 minutes de travail concentré, sans interruption aucune, pour 5 minutes de totale liberté.

Application à l’écriture

Un livre est un immense édifice qui prend des mois, des années à se rédiger, sans parler de la construction. Par définition, la tâche est sans forme, donc plutôt intimidante, et certains auteurs – surtout les structurels, me semble-t-il – peinent tout autant à savoir par quel bout prendre le projet ; des tas d’angoisses inconscientes peuvent venir se greffer là-dessus, comme la nécessité d’être productif et d’être bon – deux impératifs profondément anti-sexe pour la liberté présidant à la créativité. (C’est en tout cas mon expérience, surtout quand j’ai une date de rendu qui s’approche.)

Du coup ? On procrastine.

La méthode Pomodoro vient alléger ces craintes en n’imposant qu’un seul impératif : “coucou, cerveau, on passe un contrat, toi et moi : tu dois travailler là-dessus 25 minutes, sans interruption mais sans impératif autre que de rester concentré, et après tu auras cinq minutes totalement libres pour lire les dernières rumeurs sur d’éventuels futurs Mac Pro”.

En général, tout ce qui manque à une bonne session d’écriture, c’est de s’y mettre pour lancer les idées, pour créer les conditions présidant à l’état de flow ; en supprimant les tergiversations, en se donnant une obligation de moyens plutôt que de résultats, on libère l’esprit – et c’est exactement ce dont il a besoin pour fonctionner. (Robert Sheckley avait une méthode très personnelle pour régler ce problème.)

C’est pour cela que le minuteur est un outil nécessaire de la méthode. Il y a une forme de validation du contrat dans le fait de l’actionner manuellement qui ne s’émule pas rien qu’en regardant une horloge et en se disant “je fais ma pause à 16h47”. Pour ma part, je préfère un truc silencieux (un chronomètre de montre fonctionne très bien) mais j’ai récemment passé mes Pomodoros sous l’application Due, qui présente l’avantage de disparaître de mon champ de vision une fois le compte à rebours lancé, et ne se signale qu’à son terme avec une notification.

Cela ne fonctionne évidemment que si le contrat est respecté. Si un Pomodoro est interrompu, il reprend à zéro, et la pause doit bien durer 5 minutes, pas plus. Je ne développe pas davantage, on en avait parlé ici.

Adaptations à l’écriture

Mais attention : écrire un livre est une tâche plus agréable et amusante que remplir sa déclaration d’impôts (normalement – le contraire pourrait indiquer un problème plus grave). Le but de la méthode Pomodoro est d’obtenir, au pire, 25 minutes de productivité en cas de difficultés. Pas seulement 25 minutes. C’est une sorte de starter de la créativité, un hack pour accélérer l’entrée en flow1, pas une fin en soi, et surtout, les pauses ne doivent pas (trop) sortir l’esprit du projet en cours. J’ai développé l’année dernière quelques stratégies supplémentaires fondées sur le travail de Cirillo (et cette série d’articles de Kourosh Dini) pour adapter la méthode au cas particulier d’un travail de création, et voici donc quelques petites recommandations pour faire fonctionner la chose :

Ne respectez pas le moment de la pause avec une obsession procédurière. La pause fait 5 minutes, pas plus, mais le Pomodoro fait 25 minutes au moins. C’est très important : si vous êtes en état en flow, que ça fonctionne bien, que l’écriture a décollé, ne vous arrêtez pas en pleine envolée lyrique (ou même en pleine phrase) juste parce que l’heure de regarder des chatons sur YouTube a sonné. Ne cassez pas cette concentration si durement acquise ; finissez à tout le moins votre phrase, voire votre scène si c’est bien parti ; ne vous laissez pas obligatoirement interrompre. (Il m’arrive régulièrement d’être tellement pris par ma tâche que j’en oublie de prendre la pause, et c’est la situation idéale.) Reconnaissez seulement qu’au prochain coup de mou, vous aurez gagné une pause. Et peut-être sera-t-elle plus longue, même, si vous avez bien avancé. L’humain n’est pas une machine, soyez attentif.ve à vos rythmes et respectez-les. Le but est de démarrer.

N’invitez pas l’inconnu dans la pause. (Formulation piquée à Kourosh Dini.) La concentration est fragile, donc ne profitez pas de la pause pour faire quelque chose qui vous sortirait complètement de la tâche en cours. Cela veut notamment dire (je sais, c’est dur, on n’a pas une vie facile) : pas de mails ni de Facebook. Les mails contiennent des tâches à faire et donc du stress, Facebook peut entraîner l’envie de répondre à ses notifications, messages etc. et (d’expérience) cela prend bien plus de cinq minutes. (Twitter, je trouve, passe encore en raison de la brièveté et de la volatilité du contenu.). A la place, allez aux toilettes, faites-vous un thé, méditez deux minutes, marchez un peu, rafraîchissez ce fil RSS qui vous passionne tant à condition qu’il n’y arrive pas quinze articles par demi-heure, mais, en gros : faites ce qui vous permet de poser le cerveau sur la table et qui n’invite pas du stress dans votre pause, au risque de flinguer la concentration.

Respectez le format préconisé par Cirillo. Pourquoi 25/5, vous demandez-vous ? (Vous ne vous le demandiez pas ? Allez, faites un effort, sinon je passe pour un crétin.) Cirillo dit que c’est, à l’usage, le bon format (qui compose, en plus, des heures complètes). J’ai tenté de faire plutôt 50/10 pour rester concentré plus longtemps – après tout, c’est la même chose, non ? Eh bah non. S’engager à plancher 50 minutes quand on est en difficulté, psychologiquement, ce n’est pas 25, c’est presque une heure ; et quand on a l’esprit dans la choucroute, ça ne fonctionne pas. 10 minutes de pause, c’est encore pire : cela laisse amplement le temps à l’esprit de sortir du projet et s’y remettre est bien plus difficile. 5 minutes est le bon format pour éviter de divaguer, tout en se donnant un réel moment pour souffler.

À mesure que je m’engage dans l’écriture de La Fureur de la Terre, donc, mes Pomodoros sont prêts, et je commence à pratiquer suffisamment la méthode pour que mon inconscient sache que je respecte ses envies de divaguer, et nous travaillons donc lui et moi en bonne intelligence. Il sait que je ne lui demande pas de produire quelque chose de génial d’emblée, juste de rester concentré sur des tranches raisonnables et qu’il aura le loisir de se reposer régulièrement, de procrastiner à loisir pour satisfaire son petit syndrome de déficit de l’attention. Et depuis, lui et moi, nous avons une relation bien plus harmonieuse et, paradoxalement, productive, parce qu’il est sait quand travailler et quand se reposer.

  1. En maximisant le ROI sur un cash-flow de la timeline buffée du computer online, évidemment.
2019-06-04T20:29:37+02:00mardi 14 février 2017|Best Of, Technique d'écriture|14 Commentaires

Productivété (5) : la méthode Pomodoro, vaincre la procrastination sans effort

(Retrouvez tous les articles de l’été sur organisation et productivité ici.) 

On continue le tour d’horizon des méthodes et des astuces pour mieux jongler entre les priorités et réaliser ce qui nous tient à coeur par un problème tout simple, résumé ci-dessous :

procrastination-flowchart

… vous avez la liste des projets en cours, vous savez quoi faire, et, pour une raison que vous ne parvenez pas à vous expliquer, vous glandez sur Facebook, tondez la pelouse, faites les courses au lieu d’attaquer l’écriture de ce roman… ou votre déclaration d’impôts. La journée file, vous n’avez rien fait, et la culpabilité vous ronge…

Pourquoi ?

procrastinationLes causes de la procrastination sont encore sujettes à débat entre les spécialistes. Il est probable que ce comportement ne soit pas la conséquence d’un profil psychologique défini, ni ne s’enracine dans un seul ensemble de causes, quand l’on constate la variété des situations où elle intervient. .

Tout d’abord, certaines pratiques empirent le problème : notre cerveau n’est pas multi-tâches, et met un léger délai à s’accoutumer au travail auquel on l’applique. Par conséquent, en changeant régulièrement de tâche, on paie une “taxe” fixe en terme de concentration, que l’on ne paierait qu’une fois en groupant en une seule plage les travaux connexes. Par exemple, il vaut mieux réserver une heure entière au courriel que six pauses de dix minutes. Nous en avions déjà parlé ici.

La procrastination surgit fréquemment dans le cadre de projets d’envergure, comme écrire un roman, une thèse, monter un événement… qui tiennent pourtant à coeur à ceux qui les montent. On peut raisonnablement isoler deux causes (parmi d’autres) à cela :

1. Un manque de définition de la tâche. “Écrire un roman” n’est pas une action réalisable d’un coup ; cela comporte plusieurs sous-actions, comme “Définir le personnage du héros” et “Faire des recherches sur l’époque concernée ». Dans les mots de David Allen, “nous ne pouvons pas accomplir des projets, seulement des actions” ; réduire la taille d’une entreprise à un (peut-être grand) nombre d’actions unitaires réalisables représente déjà un grand pas.

2. La taille même du projet. Nous l’avons abordé, l’énergie doit se gérer avec intelligence : de la même manière qu’un athlète ménage sa forme physique et l’entretient, un travailleur intellectuel doit prendre garde à sa motivation et son énergie, et la protéger. Une liste de choses à faire, bien définies, mais interminable, peut agir comme repoussoir. “Regardez-moi tout ça ! J’en ai déjà marre avant de commencer. Je n’y arriverai jamais.”

C’est là qu’intervient la méthode Pomodoro, un petit hack tout simple et pourtant d’une redoutable efficacité.

Travaillez, soufflez

pomodoro-techniqueCette méthode vise précisément à répondre au point 2.) du paragraphe précédent. La procrastination prend souvent sa source dans le découragement : je dois faire tout ça ! Une résistance naturelle s’installe alors. Cela conduit à ne pas commencer du tout, à se mettre la tête dans le sable, plutôt que prendre le risque de se lancer et se confronter aux problèmes qui ne manqueront pas de surgir. La procrastination est une position de repos et de sécurité. 

Mais le rhum ne se fait pas en un jour, et vos gros projets non plus. Plutôt que de se fatiguer l’esprit d’avance en affrontant un tunnel de travail de 4h qui ne débouchera pas sur l’achèvement du projet, quand le cerveau voudrait juste se reposer, la méthode Pomodoro propose de passer avec soi-même un contrat simple :

Je définis ce que je cherche à accomplir dans la demi-heure qui vient. 

Je travaille 25 minutes là-dessus, d’arrache-pied. Pas plus. 

Ensuite, je peux me reposer 5 minutes. 

Attention, c’est un contrat ferme. Pas de passage sur Facebook, de courriel, de téléphone (sauf si cela concerne le travail à accomplir), de caresse au chat. Il faut tenir 25 minutes.

Mais la contrepartie, c’est que ce n’est que 25 minutes. Et ensuite, le cerveau aura toute latitude pour buller sur Facebook, le courriel, etc. pendant 5 minutes.

Affronter un tunnel de 4 heures sans distraction est rédhibitoire surtout quand on mêle deux boulots, qu’on est fatigué, que les tâches pressantes s’accumulent. Mais 25 minutes ? C’est facile.

  • Le repos est en ligne de mire (et ne porte aucune culpabilité : ces 5 minutes ont été méritées)
  • Ce sont 25 minutes efficaces (de concentration réelle et absolue)

Une fois le cycle d’une demi-heure terminé, on recommence, autant de fois qu’on le peut dans la plage horaire disponible. Et si vous êtes lancé(e) et certainement pas prêt à vous arrêter après les 25 minutes ? Continuez ! La méthode Pomodoro est un starter mental, pas une règle rigide.

Le plus agréable est que tout le matériel sur cette technique est disponible gratuitement (en anglais) sur le site http://www.pomodorotechnique.com/. On y trouve davantage de raffinements, mais le coeur est là.

  • Travaillez sans interruption pendant un temps donné.
  • Prenez un temps de repos.

Essayez. Vous serez étonné(e) de ce que vous aurez accompli (… alors que vous n’auriez certainement rien fait sinon !).

Et pour l’écriture ?

Le bénéfice de la méthode Pomodoro est double dans le cas de l’écriture :

  • Se forcer à s’y mettre. C’est fréquemment le plus difficile. En se fixant comme but de travailler 25 minutes au lieu de réaliser 10 pages, on abaisse notablement l’enjeu et donc la résistance. Je connais une romancière de talent, productive, qui m’a confié se fixer un seul objectif quand elle s’installe devant le clavier pour écrire : rédiger 20 lignes. C’est souvent tout ce qu’il lui faut pour aller au-delà et réaliser une bonne session de travail. Mais son contrat est simple, et accessible : 20 lignes.
  • Se forcer à se concentrer. L’inspiration ne vient pas immédiatement, en général. Il faut réfléchir à ce que l’on veut dire, s’installer dans une scène, pour commencer à la décrire. Mais ce travail peut être long, et peiner à écrire les premières lignes peut être démoralisant. En s’engageant à ne pas lâcher le morceau dès que se présentent des embûches, on augmente les chances de les surmonter au lieu de remettre au lendemain, en espérant que l’inspiration viendra. 

On notera toutefois que 25 minutes représentent souvent une durée trop faible pour vraiment bien rentrer dans une scène un processus d’écriture. On pourra avec profit augmenter la durée du pomodoro en une heure, ou 1h30, en fonction des habitudes de travail, et se ménager une pause en conséquence.

2014-08-05T15:18:26+02:00lundi 29 juillet 2013|Best Of, Technique d'écriture|24 Commentaires

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