De l’ingénierie à l’écriture [entretien pour Planète Agro]

Donc, dans une vie antérieure, comme dirait Obi-Wan Kenobi après cette sombre histoire de Coruscant Papers le forçant à se reconvertir dans la contemplation de l’érosion éolienne, je fus ingénieur agronome (halieute), et quels ne furent pas mon honneur et ma joie d’être contacté par Planète Agro, le magazine du réseau professionnel, pour un portrait sur ma pomme. (Pomme. Agronomie. Humour drôle.)

Sérieusement, c’est une vraie joie de recevoir cet écho de ce milieu et un honneur d’être ainsi présenté dans un futur numéro. Merci à Rayène Fennira pour son intérêt envers mon travail, pour sa synthèse d’un (très) long entretien qui ne pourra être publié dans le magazine faute de place, mais que voici, histoire de, parce que vous comprenez, c’est un peu mon cœur de métier, les histoires de.

Qui êtes-vous et quels sont vos origines géographiques ? 

Né à Paris, je quitte la capitale dès que possible… c’est-à-dire quand j’intègre ; j’obtiens Grignon, mais je décide résolument de choisir Rennes, car je cherche à m’approcher de la biologie marine. Viser l’halieutique forme donc le choix logique. Je me suis établi là-bas et j’y suis resté. 

Mais j’ai toujours eu des aspirations artistiques, notamment dans le domaine de l’écriture, écrivant sur mon temps libre depuis des années des histoires ou des articles. Une fois le diplôme d’ingénieur agronome en poche, je décide de prendre une année sabbatique pour essayer (avec la merveilleuse inconscience qu’on a à vingt ans) de me lancer dans le milieu littéraire. Je me rends compte que c’est beaucoup, beaucoup plus compliqué que je ne le pensais… mais je sais que c’est ma voie – d’autant plus que le fonctionnement en indépendant me correspond parfaitement. 

Aujourd’hui, je suis écrivain professionnel. J’ai publié une quinzaine de traductions, environ trente-cinq nouvelles, une dizaine de romans et recueils dans le domaine du thriller et des littératures de l’imaginaire, c’est-à-dire science-fiction / fantastique / fantasy, avec une prédilection pour cette dernière. J’étudie également beaucoup la productivité dans le domaine créatif, pour ma propre pratique, mais cela se transcrit de plus en plus en conférences, ateliers, perspectives d’ouvrages. 

Quel est votre parcours? 

Après le diplôme, donc, je me lance la fleur au fusil dans l’écriture. Je m’aperçois qu’il y a là toute une technicité, une maîtrise de la narration que, malgré mon intérêt, je n’ai jamais acquise et qu’il va falloir apprendre. Un monde entier sépare les premières histoires que je griffonnais au fil de la plume des immenses sagas que je rêve d’arriver à créer un jour… 

Avec une approche finalement très proche de celle de l’ingénieur, je me mets donc résolument à apprendre : je veux tout faire, tout apprendre de ce qu’on appelle la chaîne du livre. J’entre comme critique littéraire dans une revue de science-fiction, et comme je sais très précisément ce que j’aime et n’aime pas lire, je me retrouve à occuper des postes éditoriaux, notamment à diriger une revue littéraire de fantasy à mon tour. (Pour la petite histoire, j’ai la chance à l’époque d’interviewer au téléphone G. R. R. Martin, l’auteur de « Game of Thrones », qui était à l’époque une série surtout connue des amateurs du genre – nous sommes des années avant la série télé…) Je deviens traducteur littéraire, faisant mes armes chez des éditeurs indépendants, jusqu’à ce que cela devienne mon activité rémunératrice principale. 

Mais, en parallèle, j’apprends à raconter des histoires, plus seulement pour mon loisir, mais comme un professionnel. Il y a une foule de choses à découvrir, à conceptualiser et maîtriser pour proposer des récits susceptibles d’intéresser des éditeurs : caractérisation des personnages, dialogues, action, rythme, construction scénaristique, style, cohérence… Je ressemble un peu à un guitariste de plage qui s’est mis en tête de devenir musicien de scène, alors il faut sacrément pratiquer, mais je m’accroche et je me construis peu à peu comme auteur. Je commence à publier des nouvelles professionnellement en 2004 parallèlement à mes autres activités littéraires ; j’ai la chance et le plaisir de voir mes textes de plus en plus appréciés, ce qui me permet de me centrer de plus en plus sur la création ; je publie mon premier roman en 2010 (La Volonté du Dragon, aujourd’hui épuisé) et à présent, grâce à mes lecteurs formidables, j’ai la possibilité de ne plus me consacrer qu’à l’écriture, en proposant quelques ateliers et conférences sur la créativité en parallèle. 

Que faites-vous actuellement ?

Actuellement, je travaille sur une vaste saga de fantasy épique, intitulée « Les Dieux sauvages », qui s’inspire fortement des grands épisodes de la Guerre de Cent Ans (notamment Jeanne d’Arc) pour en faire une réécriture mythique, et critique quant au rôle des religions et du sort qu’elles réservent aux femmes. Nous sommes dans un cadre complètement imaginaire, où se dressent quelques spectres de notre modernité, mais où le ou la connaisseur•se d’histoire pourra voir des échos de certains événements familiers ! La série a été comparée à la presse à un « Game of Thrones » français, ce qui est évidemment un honneur immense – et un merveilleux écho par rapport à mes timides débuts mentionnés plus haut ! 

Je me trouve actuellement dans les dernières étapes du bouclage du quatrième tome sur cinq projetés, intitulé L’Héritage de l’Empire. Le premier tome, La Messagère du Ciel, vient de ressortir en poche chez Folio. 

Comment est née cette passion ? et depuis quand vous la pratiquez ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu écrire. Je me rappelle nettement, étant vraiment jeune (j’avais deux, trois ans ?), avoir vu ma mère laisser un mot à quelqu’un ; et quand elle m’a expliqué la nature de l’écrit, j’ai trouvé que c’était le pouvoir le plus incroyable du monde. Pouvoir laisser à quelqu’un un message qu’il ou elle peut recevoir en l’absence de l’émetteur, et que celui-ci suscite des idées ou des images… cela m’a semblé incroyable, et j’ai tanné mes parents pour apprendre à écrire bien avant l’âge légal ! J’ai dû apprendre vers six ans, et là, j’ai directement commencé à écrire des histoires. 

Comment la pratiquez-vous et l’avez-vous appris ? Tout seul, en groupe ?

Quand j’ai voulu passer du rôle de guitariste de plage à celui de musicien de scène, j’étais convaincu que l’écriture avait sa technicité, comme tous les arts. La musique s’apprend, le dessin s’apprend, pourquoi pas l’écriture ? J’ai donc commencé à dévorer tout ce que je pouvais trouver sur la technique narrative, mais j’ai trouvé étonnamment peu de choses en langue française à l’époque (autour des années 2000 ; la situation a changé depuis). La rigueur narrative, la technicité, c’est chez les Américains que je les ai trouvées et apprises. Et aussi, un auteur apprend avant tout en lisant, en s’immergeant dans des histoires, du cinéma, des séries, même du jeu vidéo – et en écrivant. J’ai donc beaucoup dévoré, et beaucoup écrit… 

Je suis extrêmement solitaire dans ma pratique ; je peux passer douze à dix-huit mois à écrire sans jamais rien montrer à personne, jusqu’à ce que je considère que cela peut être lisible, mais pas avant. Quand je fais lire à mes proches et évidemment à mes éditeurs, c’est que je considère être arrivé au bout de ma compétence ; les regards extérieurs peuvent alors m’aider à aller plus loin. 

A quelle fréquence ?

C’est mon métier, donc tous les jours, comme n’importe quel professionnel. Je consacre cinq heures par jour à l’écriture minimum, le reste concernant ce qui va autour : échanges avec les lecteurs sur le blog, promotion, administration, médias, etc. 

Participez-vous à des événements en relation avec cette passion (plutôt votre métier) ? Annuels, régionales, internationales ?

J’ai tous les ans un planning d’événements littéraires, en effet, où je dédicace et parle de mon métier ou de mes histoires dans le cadre de débats avec d’autres auteurs pour le public. Ce sont des occasions très précieuses pour un métier si isolé que l’écriture et dépourvu de tout aspect de représentation. C’est la possibilité de rencontrer les lecteurs, anciens et nouveaux, de maintenir ainsi des relations parfois sur des années, de développer même des amitiés. 

Quelles sont vos ambitions dans ce métier ? 

Raconter de bonnes histoires. Arriver à faire vibrer les lecteurs et lectrices avec des récits surprenants, poignants, épiques ou drôles, qui les fassent s’évader, qui partagent parfois de vastes interrogations sur l’humanité. C’est ma seule ambition et mon seul principe. Je n’ai pas un discours, je n’écris pas pour dire quelque chose, pour faire une démonstration, pour propager des opinions, pour flatter mon ego ; je suis un serviteur de la fiction. J’écris parce que j’ai des questions sur le monde et aucune réponse, et que les histoires sont les formes les plus ancestrales de métaphorisation et de compréhension du réel. À travers le voyage des personnages, j’espère que les lecteurs – et moi-même ! – retirerons quelques réflexions, mais avant tout des moments forts. 

Comment avez-vous pu maintenir cette passion malgré les contraintes de temps (études d’agro) et d’espace (voyages d’études, césure) ainsi que celles des études et des choix d’orientation ?

C’est très simple : j’ai toujours rendu mes rapports et mes mémoires au tout dernier moment… parce que j’écrivais, oui, mais pas ce que j’étais censé rendre ! J’ai remis mon mémoire d’halieutique sur le fil à l’école en personne, parce qu’au lieu de travailler à l’écrire, je construisais l’univers de fantasy où allait entre autres se dérouler la saga « Les Dieux sauvages » mentionnée plus haut… Comme quoi, même si je ne savais pas que j’en ferais vraiment mon métier à l’époque, mon inconscient, lui, savait peut-être où penchait ma future vie professionnelle… 

Meilleur moment vécu grâce à cette passion, devenue votre métier ?

Le meilleur moment est toujours quand un lecteur ou une lectrice vient vous expliquer que votre livre a pu lui faire du bien d’une manière ou d’une autre. Même si c’est juste pour l’évasion, ou parfois, comme cela arrive aussi, quand, par les hasards de l’existence, votre livre tombe au bon moment entre les mains de cette personne pour l’aider peut-être à surmonter un moment difficile de sa vie. Une chose est claire : je n’y suis pour rien, les auteurs sont seulement des montreurs de miroirs ; parfois, quand le moment est juste, quand les astres s’alignent, le miroir correspond à ce dont le lecteur avait besoin, et c’est une merveilleuse convergence de l’existence. Dans ces moments-là, je me dis… eh bien, que ça valait le coup de rendre mes mémoires d’ingénieur sur le fil !

Quel est votre écrivain préféré, représente-il votre idole dans ce domaine ?

J’ai trois maîtres à penser dans le domaine, mais si je ne dois en retenir qu’un seul, ce serait Boris Vian. (Les deux autres étant Roger Zelazny et Joe Michael Straczynski.) Quand j’ai lu L’Écume des Jours en fin de collège, cela a littéralement fait exploser le carcan des classiques dans lequel je me trouvais enfermé (et malheureux) en cours de français depuis des années. Le roman se montrait tellement libre, tellement irrévérencieux, tellement fort dans son intrigue, que je me suis rendu compte que l’écriture, la création, c’était avant tout la liberté. Vian m’a donné l’autorisation de suivre ma voie, et c’est la leçon la plus importante pour un créateur. 

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire les romans fantastiques et pas un autre type de romans ? Qu’est-ce qui vous a attiré le plus vers ce type de romans ? 

Parce que l’imaginaire, justement, offre la plus grande des libertés. C’est par ailleurs la forme la plus ancestrale de narration ; l’imaginaire descend en droite ligne de la mythologie, du conte philosophique ou de fées, du premier récit de l’histoire humaine dont on ait retrouvé une trace écrite (Gilgamesh), d’Homère… L’imaginaire permet de raconter des histoires d’une envergure que notre monde ne permet pas, avec une liberté incomparable d’exploration, tout en s’astreignant évidemment à un soin sans faille quant à la cohérence de l’univers et à la psychologie de la narration. L’imaginaire me permet de parler des grandes mouvances de l’humanité, de la marche des empires et de la dynamique de l’histoire, mais de le faire avec des dragons. Et s’il y a un principe universel en ce monde, c’est tout est mieux avec des dragons, non ? 

Ne vous a pas semblé difficile d’apprentissage ?

Si. Et ça l’est toujours. Il ne se passe pas une journée sans que j’aie l’angoisse de me mettre au travail, d’être à la hauteur de ce que j’ai fait la veille, il y a une semaine, il y a un an. Tous les jours, je rencontre une difficulté nouvelle, tous les jours, j’apprends quelque chose de nouveau sur la narration, sur mes personnages, sur moi-même. C’est un processus qui ne se terminera jamais ; après, donc, plus de quinze ans de publication professionnelle, je commence tout juste à avoir très, très vaguement l’impression de commencer à comprendre un peu ce que je fais. Mais cela n’empêche pas de continuer. Après tout, si je savais déjà tout ce que je vais faire avant de m’y mettre, cela ne serait pas de la création. 

Quel est votre style ? Pourquoi avez-vous choisi ce style ? Qu’est-ce qui vous a attiré le plus dans ce dernier ?

Je ne sais pas si l’on choisit un style. Je crois que le style, la musique de la plume, de l’enchaînement des mots, s’impose à soi en vertu de principes esthétiques à la fois très forts et très inconscients. Pour moi, d’ailleurs, c’est en effet une musique, un rythme, un équilibre subtil aussi sémantique que visuel. Une phrase raccourcie à un endroit entraînera forcément des rééquilibrages de ponctuation, de vocabulaire, pour maintenir un flux de narration que j’espère transparent pour le lecteur. Pour moi, le bon style est celui qu’on ne voit pas ; celui qui permet d’emmener le lecteur dans une histoire et un monde de la façon la plus efficace possible. C’est ce qui gouverne mes choix ; tout doit servir l’histoire. Je ne suis pas là pour qu’on m’entende écrire, pour me faire mousser avec des tournures alambiquées, mais pour que mes mots s’effacent, au contraire, au profit des événements, des personnages. 

Préféreriez-vous évoluer vers un autre type d’écriture ou de romans ? Si oui, pourquoi ?

Certainement pas. Rien n’est plus en lien avec l’inconscient collectif que les littératures de l’imaginaire, rien ne permet davantage de symbolisme, de diversité d’expression, de liberté de création. Dans une même saga comme « Les Dieux sauvages », je peux parler de religion, de place des femmes, de dynamique historique, évoquer la terreur de l’accident nucléaire, traiter les effets dévastateurs de la peur sur la diplomatie, explorer les notions de devoir et de responsabilité liée au pouvoir, représenter de l’intérieur le poids que portent sur les épaules les figures historiques et en quoi l’amitié et l’amour leur sont cruciaux, le tout avec tous les effets spéciaux du monde et un budget sans limites. Aucun autre genre ne permet un tel souffle ! 

Anecdote concernant votre passion ou quand vous avez pratiqué celle-ci ?

J’ai un critère parfaitement scientifique et rigoureux pour savoir si des personnages sont assez développés dans ma tête pour être écrits : 

C’est si je suis au volant en train d’attendre qu’un feu passe au vert, et qu’ils se mettent à s’enguirlander d’eux-mêmes dans ma tête sans que je ne leur aie rien demandé… 

Qu’est-ce que votre formation agro vous a elle apporté (sur le plan des compétences) pour que vous deveniez l’auteur qui vous êtes ? 

De la puissance de travail, des connaissances pour concevoir des écosystèmes fantastiques à peu près cohérents… mais surtout une approche systémique des problèmes. C’est capital pour aborder un thème en littérature car, tant que c’est possible (et raisonnable), je trouve que l’on devrait éviter de se limiter à une vision unique, mais au contraire s’intéresser à la diversité des vécus pour comprendre leurs conséquences – surtout si celles-ci s’affrontent. Écrire, c’est un peu comme faire de l’analyse de paysage… !

Propos recueillis par Rayène Fennira.

2020-10-11T15:20:15+02:00mardi 13 octobre 2020|Entretiens|4 Commentaires

Procrastination podcast S02E18 : “Tirer la couverture au livre”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Tirer la couverture au livre“.

Les couvertures illustrées sont, du moins en France, une caractéristique notable des livres d’imaginaire en rayon. Dans cet épisode, nous étudions ce processus tant sous l’angle économique qu’artistique. Laurent signale l’importance de l’image dans la notion même d’imaginaire, et rappelle que les illustrateurs ont marqué les genres autant que les auteurs. Mélanie nous rappelle qu’une illustration est autant une promesse narrative que le titre ; et Lionel aborde plus en détail le processus de réalisation d’une illustration avec la chaîne éditoriale.

Références citées
– Jules Hetzel
– Albert Robida
– Chris Foss
– Virgil Finlay
– Caza
– Philippe Druillet
– Wojtek Siudmak
– Manchu
– Bastien Lecouffe-Deharme
– Alain Brion
– Une Heure-Lumière, collection du Bélial’ illustrée par Aurélien Police

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:45:58+02:00lundi 4 juin 2018|Procrastination podcast, Technique d'écriture|2 Commentaires

Là où la critique s’arrête

La critique (littéraire ou autre) a toujours visé plusieurs finalités : la plus fondamentale, elle permet de partager simplement son enthousiasme (ou manque d’icelui), ce qui peut la faire déborder sur un potentiel outil de recommandation. Plus développée et érudite, elle peut servir d’outil d’analyse pointu (les chroniques de la Faquinade, par exemple, viennent aussitôt à l’esprit). Mais son histoire est également jalonnée de conflits de personnalités homériques, de diatribes acerbes voire amères, parfois alimentées par des intérêts ultérieurs (l’auteur qu’on éreinte travaille pour un éditeur adverse, par exemple, ce qui incite à le démolir).

Internet a libéré la parole, ce qui est très bien. Internet a également libéré la critique littéraire, ce qui est excellent aussi, et elle s’est, dans une large mesure, déplacée sur les blogs (surtout pour les niches de genre, comme la nôtre, l’imaginaire, ou d’autres tout aussi structurées en communautés passionnées, comme le métal). Par nature, les diverses facettes ci-dessus s’y retrouvent aussi.

La différence, la bénédiction de la libération de la parole, c’est que n’importe qui peut offrir sa voix au monde ; la malédiction, c’est que n’importe qui peut se poser comme autorité. Loin de moi de souhaiter le retour à une parole centralisée par les organes de communication traditionnels (presse, TV) – mais ceux-ci présentaient toutefois un avantage : celui d’une parole sanctionnée. Le locuteur présenté comme autorité avait une  chance raisonnable de l’être – il était difficile à s’arroger la parole autrement. Il existe de nombreux contre-exemples, bien sûr – et la farce tragicomique du gouvernement Trump avec ses “alternative facts” en offre un exemple tristement saillant. Néanmoins, sur Internet, pour reprendre l’adage, “personne ne sait que vous êtes un chien”.

Le rapport avec la critique littéraire ?

Il est motivé par une réflexion de fond, que, visiblement, je ne suis pas le seul à conduire. La semaine dernière, deux statuts / articles parus sur Facebook, par Estelle Faye et Megan Lindholm, mettent la question en avant :

Capture réalisée avec l’accord de l’autrice. Post d’origine

“C’était une excellente salade de patates, mais ç’aurait dû être une salade de fruits. Ne serait-ce pas un avis étrange sur un plat ? Mais je vois constamment des messages Facebook et Twitter, ainsi que des chroniques sur Goodreads et Amazon, qui déplorent ce qu’un livre ou un film ‘aurait dû être’ ou sur ce qu’ils ‘n’incluaient pas’. Dites-moi ce que c’était, pas ce que ça n’était pas ! Parlez de ce que fait l’œuvre : l’a-t-elle bien accompli ? Voilà ce que je veux savoir.”

J’aime les blogueurs et les critiques, je crois (et j’espère) qu’ils le savent, je relaie un maximum d’articles, parce qu’à la base, nous sommes tous sur Internet, et que j’ai connu autrefois l’utopie libertaire qu’était cet endroit ; que je blogue autant que mon voisin, et que ma parole ne vaut que ce qu’elle vaut, ni plus, ni moins. J’ai rencontré des tas de gens merveilleux parmi la grande famille des blogueurs de l’imaginaire, qui sont devenus pour certains des copains ; d’autres m’impressionnent par leur érudition ; certains encore par leur finesse d’analyse – ils me font parfois sortir en entretien des choses que je n’ai dites nulle part et dont, peut-être, je n’avais qu’à moitié conscience. Je pense donc (et j’espère) qu’ils comprendront que ce qui suit ne représente pas une charge contre eux, mais plutôt un état des lieux à mesure que la sphère se “professionnalise” et se pérennise (ce qui est, je le répète, une excellente chose). 

Les remerciements de Port d’Âmes.

Je crois qu’il est fondamental, pour un chroniqueur, de savoir humblement se placer sur le spectre du goût Vs. l’analyse, qui sont les deux grandes tendances de l’exercice. Spectre qui n’est pas, d’ailleurs, une échelle hiérarchique : l’un n’a pas davantage de valeur que l’autre. En revanche, il s’agit, probablement, d’un spectre de conscience de soi et, surtout, de sa compétence.

L’extrémité du goût, du jugement de valeur personnel, est la plus valide de tous. Chacun a des opinions, des goûts ; chacun a le droit de les exprimer comme il lui sied, et publiquement si ça lui chante. “J’aurais aimé voir x ou y dans cette œuvre” est un jugement éminemment valide, puisqu’il met en avant la personnalité du locuteur. “Je + aimer.” Ce qui me plaît, me sied, est absent de cette œuvre, et elle m’a déplu à cause de ça / m’a plu malgré ça ; j’ai aimé un peu / beaucoup / pas du tout à cause de ça. Chaque créateur sait (ou apprend à la dure) qu’il ne peut pas plaire à tout le monde ; plus tard, il s’en réjouit (du moins, c’est mon cas) car ne pas plaire à tout le monde signifie qu’on a eu un discours signifiant avec lequel il peut valoir la peine d’être en désaccord. On a pris des risques, on a pris position avec ses personnages, son histoire ; et n’est-ce pas là l’essence de toute création ? Dieu abhorre les tièdes.

Au milieu, on trouve l’analyse descriptive. Situer une œuvre dans un courant, juger de ses apports à celui-ci, de son degré d’accessibilité, par exemple ; ce qui permet de cerner le public à qui l’ensemble peut s’adresser, en fonction, mettons, de sa connaissance d’un genre et de ses codes, voire de la qualité d’exécution. (C’est souvent ce qui définit un classique – innovant et accessible, voire universel, à la fois ; et bien exécuté.) À mon humble avis, c’est là que la critique fait le travail le plus utile : elle guide le lecteur putatif vers les œuvres qui peuvent lui correspondre, tout en lui proposant des découvertes, en l’ouvrant à d’autres courants, contribuant à la grande discussion de la littérature.

L’autre extrémité, celle de l’analyse critique, est autrement plus périlleuse. Parce que pouvoir analyser un projet intelligemment signifie avant toute chose de comprendre le projet dont il est question afin de le juger sur ses mérites intrinsèques et sur l’adéquation entre l’intention et l’exécution (sinon, on retombe dans le travers pointé par Megan Lindholm : regrette-t-on qu’un roman classique manque de zombies, en dehors de celui-ci ?) Là-dessus, auguste lectorat, je te ramène à ces deux articles ici publiés. Cela implique donc trois choses : a) une hauteur de vision, b) une culture dépassant l’œuvre seule, c) une certaine science opérante de la création.

Or, se prononcer sur ce que “devrait être une œuvre” (et qu’elle n’est donc pas) désigne en général deux métiers, et ce n’est pas celui de critique littéraire. Ce sont celui d’auteur (qui décide) et d’éditeur (qui propulse). Quand je lis d’une œuvre qu’ “il aurait fallu faire x ou y“, d’autant plus quand on n’en a pas identifié les enjeux, le projet dont il est question, je vais emprunter les mots d’Estelle hors contexte : “ça me gave”. Ces phrases lancées ne posent en rien leur auteur comme une autorité ; ou alors, il faut s’attendre à ce qu’on soit jugé sur les mêmes modalités, c’est-à-dire celles d’un critique professionnel, d’un éditeur, d’un auteur – et, dans ce cas, il convient de pouvoir argumenter de sa compétence. Sinon, il ne s’agit que de gesticulations destinées à se donner de l’importance ; et qui peuvent même être carrément nuisibles, car ce manque d’humilité, cette posture d’autorité, peut influencer à son tour, et sans fondement, un lectorat de bonne foi en quête d’opinions avisées. (Et puis ça peut miner le moral d’un auteur, aussi, qui se dit bien qu’il devrait être au-dessus de tout ça – mais devinez quoi, secret professionnel : après six mois, un ou dix ans passés à plancher sur une œuvre, la voir défoncée par le premier pisse-froid venu qui se prétend le fils spirituel de D’Alembert, eh bah, ça le fait quand même un tout petit peu chier. Même s’il ne l’avouera jamais.)

Auguste lectorat, à titre de démonstration par l’exemple, je vais te raconter une petite histoire qui m’accompagnera à jamais (on pourra dire que c’est ce genre d’anecdote qui forge le caractère d’un auteur). Quand j’étais beaucoup plus jeune (j’avais encore des cheveux, c’est dire) et que je venais de sortir mon premier roman, La Volonté du Dragon, quelqu’un est venu me voir à ma table de dédicaces et m’a dit : “Je l’ai lu. Mouais. Je me suis dit, j’aurais pu l’écrire.”

J’étais jeune, plus tendre qu’aujourd’hui, et je suis resté – vraiment – comme un con. J’ai dû vaguement faire “ah”.

Ce que j’aurais dû répondre, et cela se rattache au sujet qui nous intéresse, c’est : “Très bien. Vas-y, montre-moi, je te regarde.” ou bien : “D’accord, et toi, tu écris quoi ?” La Volonté du Dragon peut avoir des défauts, ne pas convenir à des lecteurs (certains l’ont aimé pour l’absence de manichéisme, d’autres non pour exactement la même raison – ce qui ramène à l’aspect jugement de la chronique) ; mais il a quand même terminé finaliste de trois prix (je ne veux pas dire par là que c’est forcément un grand livre – ce n’est pas à moi d’en juger – mais simplement que quelques personnes extérieures, en réelle position d’autorité, là, ont jugé qu’il pouvait être au moins un tantinet recommandable).

Quand un chroniqueur dit “j’ai détesté”, on le regrette toujours, mais ce sont les risques du métier. Quand Gromovar – dont j’estime beaucoup le travail par ailleurs – explique pourquoi il n’a pas aimé La Volonté du Dragon, je l’en remercie, parce que son article est circonstancié, argumenté, en lien clair avec ses présupposés : en un mot, son article est intelligent, et recevoir une chronique négative comme celle-là, c’est un honneur. Mais quand des chroniques se transforment en prétendus cours d’écriture sur ce qu’une œuvre “doit” ou “ne doit pas” être, en pamphlets paternalistes (car ce sont souvent des hommes qui sont coupables de ce travers, curieusement), il faut s’attendre à se voir jugé en retour sur le même plan : “Qu’as-tu fait, toi, pour asseoir cette position ? As-tu sué comme nous, au long cours, avec ce curieux mélange de foi et d’angoisse au ventre, pour proposer ce que tu avais de meilleur au monde ? Ou bien es-tu juste venu t’acheter un peu d’ego à moindres frais ?”

SI la réponse est non, pour ma part, face à de tels propos et en l’absence de réalisations permettant d’asseoir ce point de vue, ma réponse penchera dorénavant toujours, ouvertement, vers l’expectative. Vas-y, fais. Montre-moi. Je te regarde. Et peut-être y parviendras-tu ; peut-être as-tu bel et bien des leçons à donner ! Mais pour l’instant – et c’est bien toute la question – tu n’as rien fait qui te permette de parler sur ce ton-là. Donne ton avis personnel : bien sûr ! Décris, situe si tu le souhaites. Mais dire ce qu’il “faut” faire, te poser comme une autorité… Non. S’il te plaît, remets – simplement – ta propre importance à sa place.

2020-02-20T00:25:38+01:00mercredi 22 mars 2017|Le monde du livre|17 Commentaires

L’auteur, cette personne censément modèle

desproges-parler-a-un-conOn sait que Desproges disait “On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde”; à l’heure des réseaux sociaux, où l’on s’adresse potentiellement à tout le monde, il vient qu’on ne peut plus rire de rien avec personne. Ni rien dire.

Heureusement que Bukowski n’avait pas Facebook ; je me demande combien de commentaires outrés il aurait reçus sur la tenue de la bonne morale.

L’article sur le piratage de lundi dernier – que j’ai trouvé pourtant modéré, je me suis connu plus vindicatif, tu t’en rappelleras, auguste lectorat – et celui sur l’abstentionnisme de l’année dernière ont généré tous les deux plus ou moins le même phénomène : massivement partagés (ça a donc parlé à du monde, c’est toujours rassurant) mais générant également un flux de nouveaux commentaires , positifs et constructifs pour beaucoup, même s’ils étaient en ferme désaccord avec le propos : merci et bravo pour l’intelligence.

Et puis aussi une charretée de bêtises, parfois longues, parfois clairement insultantes, que je t’ai épargnées : j’ai la grande facilité du bouton Supprimer.

Je m’interroge de plus en plus sur le rôle lisse qu’un auteur, ou artiste, est censé adopter. Qu’attend-on exactement ? La mésaventure de Maxime Chattam me vient en tête : en résumé, celui-ci n’a jamais trop aimé le cirque, mais il y va un soir, passe un excellent moment et poste sur Facebook à ce sujet. Que ne vient-il pas de faire : tonnerre de commentaires scandalisés sur la variation “puisque vous soutenez l’esclavage animal, monsieur Chattam, je ne lirai plus jamais vos livres”. Il a fallu qu’il se fende d’une explication disant en substance “ça va, merci, je sais qu’un tigre ça vit en liberté et d’ailleurs la guerre c’est mal, on peut aussi ne pas être d’accord sur tout, vous voulez bien arrêter de partir en vrille s’il vous plaît ?”

WTF ? Faut-il, pour lire et apprécier un livre d’un auteur, qu’il se conforme aussi pleinement aux idées du lecteur ? Histoire d’être sûr de ne jamais être “choqué”, “outré”, “scandalisé”, voire de ne pas “avoir envie de vomir”, tous ces termes si viscéraux, capitalisant tout l’afflux émotionnel d’une population – vous, moi, nous1 – qui réagit avant tout par l’immédiat, l’instinctif, d’un like, d’un pouce vert, et qui symbolise toute la révolte confortable de hurler à la face du monde : “ceci est mal, je le proclame, donc j’existe !” Quels fantasmes vient-on là projeter ?

Un auteur, c’est un être humain, et, comme tout être humain, il est différent de soi. Je suis d’accord – et le premier à dire – qu’un métier public implique une certaine vigilance dans l’emploi de la parole dont on dispose, afin d’en faire un usage, sinon constructif, au moins pas destructeur. Qu’on se doit à celui ou celle qui vient vous voir et vous parler, a fortiori pour les métiers de scène – on n’a pas à savoir que votre chien est mort la veille quand vous jouez le soir dans une pièce comique. Quelqu’un qui bénéficie d’un peu plus d’audience que le voisin doit faire proportionnellement plus attention à ce qu’il raconte (à tout le moins, ne pas propager d’erreurs tant que possible). Mais il est impossible d’espérer une parfaite adéquation entre le sentiment inspiré par une oeuvre et la personne qui l’a créée, pour la bonne raison qu’une part du plaisir inspiré par une oeuvre est une projection de soi ; espérer qu’une personne s’y conforme revient ainsi à espérer qu’elle corresponde à cette projection, ce qui est rigoureusement impossible.

La sécurité, dans ce cas, consisterait à surtout la fermer et ne jamais donner son avis sur rien. Existant seulement par son oeuvre, le créateur ne prend plus aucun risque : s’il ne dit rien, il ne froissera personne. Cela peut fonctionner. Pour ma part, je prends le risque, mais ça me fait réfléchir, à la longue, sur l’attitude de l’humanité. (En tant qu’auteur, tout me fait réfléchir sur l’attitude de l’humanité, c’est ça qui est cool. Quand je prends le métro avec la B.O. de Broadchurch dans les oreilles, j’ai l’impression d’être dans un drame existentialiste. Je me raconte ainsi que je réfléchis là aussi sur l’attitude de l’humanité alors qu’en fait, je vais chercher un burger à emporter. C’est mon excuse à tout faire. “Tu viens au match ?” “Ah ouais, super, ça me permettra de réfléchir à l’attitude de l’humanité.”)

Bien sûr qu’il existe des idées délétères, sinon je ne les interdirais pas dans la charte de commentaires, mais flûtasse, il n’y a pas, genre, un léger intervalle entre aller au cirque et le négationnisme, par exemple ? C’est quoi, la suite : se garder de poster des photos de steaks sur Instagram pour éviter la colère des végétariens ? Chattam le dit en conclusion de son intervention ça s’appelle de l’intégrisme. Je suis d’accord que l’action sur les réseaux sociaux peut contribuer à changer les mentalités, donc le monde ; sinon je ne déborderais pas sur des sujets chers à mon cœur en ces lieux. Mais est-il bien nécessaire de faire parler les tripes à tout bout de champ ? (Ce doit être bigrement fatigant.) Où sont les moyens termes ? Tout n’est-il qu’étendard ? Ne faut-il pas choisir ses combats ? Fromage ou dessert ?

Voilà qui me rappelle deux choses.

D’abord cette citation d’une grande intelligence d’Orson Scott Card, justement (je cite de mémoire) : “Tout le monde a une religion. Pour la découvrir, discutez avec quelqu’un jusqu’à trouver le sujet sur lequel il s’énerve : voilà sa religion.” Corollaire : je trouve toujours utile (quand j’y arrive) de me demander pourquoi je m’énerve – taperait-on sur ma religion ?

Ensuite, je me remémore constamment les paroles de ce mien professeur d’écologie halieutique : “les opinions publiques ne comprennent pas le compliqué”. Violent, mais ô combien réaliste, et pas que dans le domaine de l’écologie. L’espèce humaine veut des simplifications, du prêt à digérer, savoir ce qu’il faut penser pour ne pas avoir l’air stupide auprès de ses congénères – ce que les réseaux sociaux magnifient à l’extrême. Corollaire : face à une situation, je trouve toujours utile (quand j’y arrive) de me demander s’il n’y a pas une couche de compliqué supplémentaire qui me manque (laquelle arrive souvent ici même via les commentaires – que les intéressé-e-s soient de nouveau remercié-e-s, parce qu’en plus tout le monde en bénéficie).

Alors je sais, je suis utopiste, j’attends – j’espère – d’une population2 des réactions intelligentes. Je suis un ouf gueudin. Mais peut-être que là aussi, on peut contribuer à changer les mentalités en commençant par se changer soi-même. Avant de réagir et de s’emporter, peut-on prendre un instant pour, déjà, ne pas se sentir personnellement visé ?

Je dévie. Quand quelqu’un vous fait part de ses réflexions personnelles, on court le risque d’un désaccord. Pourquoi en serait-il autrement sur les réseaux, avec un musicien, un auteur ? Mais surtout, quand quelqu’un – auteur, musicien, ma grand-mère3 – publie quelque chose, pourquoi se sent-on la nécessité de lui expliquer combien il a tort ? Quand on publie quelque chose, nul n’est forcé de lire. Réagir, en revanche, est une démarche entièrement volontaire. Faut-il donc que chacun s’exprime mais que tout le monde soit d’accord ? En plus, l’auteur et l’oeuvre sont souvent bien différents : j’ai longtemps haï le blog d’Orson Scott Card (qui défendait des opinions néoconservatrices qui me révoltaient – aujourd’hui, je n’en sais rien, je n’y vais plus depuis pfouuh au moins tout ça) mais c’est un auteur majeur de la science-fiction et je recommande constamment ses romans sans hésiter une seule seconde.

Prenons un instant pour méditer à nouveau la Sainte Parole du Grand XKCD.

Après les réactions sur l’article sur le piratage et quand j’ai vu à nouveau le torrent de stupidité auquel je pouvais être confronté (tu ne l’as pas vu, auguste lectorat), pour la première fois en des années, je me suis demandé : putain, est-ce qu’endiguer ça, ça m’amuse ? Est-ce que j’ai envie d’être lisse, constructif, quand mon réflexe premier est de hausser le ton et de traiter une certaine frange de pauvres cons ? Et si j’ai cette réaction, est-ce qu’il ne serait pas temps d’arrêter, avant de partir en vrille à mon tour (et je serais absolument en tort) ? Mais surtout, comment font les blogueurs à dix fois plus de visites que moi ? Ils y arrivent, j’ai probablement donc une leçon à prendre ici. Nommément, gérer ça d’une façon qui ne m’évoque pas aussitôt la célèbre prière : “Dieu, donne-moi le pouvoir de gifler les gens à travers le protocole TCP/IP”.

Je n’ai pas envie d’insulter l’intelligence de qui que ce soit en lui faisant croire que je suis lisse et parfait, parce que je ne le suis pas et que je ne vous ferai pas croire le contraire ; surtout parce que je crois par défaut à l’intelligence de mon interlocuteur (et c’est pourquoi l’espèce humaine me déçoit quotidiennement). Holly Lisle a eu une démarche intéressante en publiant les caractéristiques de “son lecteur” ; elle ne cherche pas à plaire à tout le monde, et résumé à qui elle s’adresse. J’aurais plutôt tendance à dire à qui je ne m’adresse pas :

Si tu n’as pas d’humour, si tu n’as pas de recul sur les mots, si tu lis en diagonale puis es persuadé que tu as raison, si tu penses qu’une seule explication résout toujours tout, si tu préfères la certitude au doute, si tu n’aimes pas être gentiment chahuté, si tu ne comprends pas l’ironie et le second degré, il y a de fortes chances que ce blog te hérisse et que tes commentaires ne passent jamais le filtre de la modération, alors épargne-toi du mal. En revanche, si tu es prêt à disconvenir de façon constructive, mieux : que tu as les preuves que je raconte nawak et que tu me les apportes, fichtre ! Dans mes bras, je t’offre une bière (ou un diabolo grenadine), accepte de rester ici, s’il te plaît, tu m’honores (c’est ainsi que s’est formée ici cette belle communauté au fil des ans).

Je peux être rêche, rugueux, acerbe, parce que je déteste les harmonies molles ; parce que je pense que les progrès naissent dans les frontières et les questionnements ; et, donc, parce que je m’efforce de ne pas insulter ton intelligence. Je ne suis pas ta mère ni ton curé. Je ne cherche pas à te plaire (sinon je me tairais scrupuleusement). J’essaie de construire / lancer une discussion. Si tu crois que les deux sont équivalents, fuis. 

  1. Je mets “moi” parce qu’après, certains mal-comprenants vont encore imaginer que je me place au-dessus de la mêlée – tu vois à quoi j’en suis réduit ?
  2. Dont moi , oui oui, cher visiteur mal-comprenant.
  3. Cher mal-comprenant, elle n’est ni auteur ni musicienne, hein, tu as saisi, c’est pour l’exemple ?
2016-01-27T10:23:45+01:00jeudi 21 janvier 2016|Humeurs aqueuses|49 Commentaires

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