Sécurisation de l’accès à la parole (politique)

epic-fail-car-epic-fail-crash-30-speed-grass-ditch-funny-kir-demotivational-poster-1259796277Les élections départementales approchent, la montée de la peur fait le jeu des extrêmes, et les personnalités politiques, notamment du FN, multiplient les “dérapages” sur les réseaux sociaux

Stop.

Ça suffit de qualifier de “dérapages” les ocurrences où une personnalité politique tient des propos haineux et injurieux. L’Islam est la peste bubonique ? Dérapage, voyons. François Hollande raille l’Algérie ? Dérapage, allons. Tweets sexistes, homophobes ? Dérapages, dérapages, dérapages.

Cette novlangue est exaspérante. Un dérapage, ça évoque une petite erreur de jugement, une légère sortie de route sans gravité, oups, j’ai perdu le contrôle un instant, mais ça va, ha ha, vous comprenez, j’avais bu un Ricard de trop à midi.

Non. Quand une personnalité politique tient des propos diffamatoires, injurieux, racistes, sexistes, non seulement elle commet un acte qui peut tomber sous le coup de la loi, mais surtout, elle montre son inaptitude totale à manier le premier pouvoir qui lui est confié par le peuple : la parole. (Ou alors, elle teste son électorat, se permet une petite pique pour attiser les haines et s’attirer la faveur des simples d’esprit, ce qui est simplement malhonnête.) Ce n’est pas un dérapage. Ce n’est pas sans gravité.

C’est une faute, et il faut la qualifier de telle.

Mais, eh bien, si la mauvaise foi est la règle du jeu, alors proposons-en une autre, de règle, tiens. Une défense classique, aussi idiote que de mauvaise foi, consiste à dire “c’est pas moi, c’est le type qui passait dans le coin qui a utilisé mon téléphone, quelle guigne, monsieur l’agent ». J’ai fait douze fautes d’orthographe : j’ai été piraté. J’ai tenu des propos indignes : on utilisé mon ordinateur quand j’avais le dos tourné.

Or, nous avons dans notre pays pas toujours bien éclairé une loi, Hadopi (dont j’ai déjà dit bien du mal à l’époque), qui impose de sécuriser son accès à Internet : ne pas le faire, d’ailleurs, est un délit. Un réseau Wi-Fi se pirate assez aisément, mais les comptes des grands réseaux sociaux proposent tous une authentification à deux étapes, ce qui est extrêmement difficile à contourner. Sans parler du verrouillage du terminal lui-même (mot de passe, code PIN, pattern lock…). Ils n’ont quand même pas de chance, tous ces politiques qui se font pirater, non ?

Chaque fois qu’une personne politique se plaint que son terminal a été utilisé en son absence, qu’on a accédé à ses comptes à son insu, elle ne fait qu’admettre un délit : elle n’a pas sécurisé son accès à Internet.

Qu’attend la Hadopi pour leur tomber dessus et leur retirer le droit de proférer des insanités ?

Ce n’est pas de la censure… S’ils ne savent pas employer correctement les outils à leur disposition, qu’on les leur retire, non ? C’est la simple application de la loi. *sourire angélique*

Sinon, qu’ils assument. Et qu’on cesse de parler de dérapages quand on a simplement affaire à de la haine, du mépris, de la bêtise et de la malhonnêteté intellectuelle.

2015-02-26T00:17:03+01:00jeudi 26 février 2015|Humeurs aqueuses|5 Commentaires

Des solutions de 1990 pour des défis de 2010

L’idée n’est pas nouvelle, mais sa généralisation l’est : la société Open Garden – qui propose déjà son application au téléchargement – se propose d’ouvrir à tous un accès Internet gratuit où que l’on se trouve dans le monde. Il s’agit simplement pour chaque particulier d’offrir un point d’accès à son réseau, en échange de ceux que lui offriront les autres abonnés à Open Garden, à la manière des accès sans fil dont bénéficient les abonnés à Free en échange de l’ouverture de leur propre Wi-Fi. La différence, c’est qu’ici, la solution est indépendante de l’opérateur.

Pour que cela marche, évidemment, il faut qu’assez d’utilisateurs installent Open Garden pour constituer un réseau suffisamment dense – en d’autres termes, que l’idée décolle et atteigne une masse critique qui la rende véritablement intéressante.

Indépendamment de sa viabilité, difficile de s’empêcher un rapprochement avec la verrue qui orne notre code de la propriété intellectuelle depuis juin 2009 : la loi Hadopi, bien sûr, pour laquelle j’ai un amour sans bornes. À travers une pirouette rhétorique digne du Cirque Pinder cette funeste et ubuesque loi crée le délit de non-sécurisation de l’accès à Internet, afin de s’assurer qu’il n’en soit fait que des usages conformes aux bonnes moeurs.

Mais quid si, en bon hippie aux cheveux gras, j’ouvre volontairement mon réseau aux gens qui passent, parce que – scandale – je suis un mec qui partage ce que je paie, à travers une application comme Open Garden par exemple ? Les données se délocalisent de plus en plus à travers les services du cloud. Si, demain, Internet ne devient qu’une vaste toile sans point d’accès précis, qui doit sécuriser sa ligne ? Contre quoi, comment ?

Encore une fois, la technique devance l’incompréhension du législateur face à une technique qu’il ne comprend que très partiellement, et dont il ignore les vrais usages : la loi du tomahawk et de la bombe atomique. Pendant ce temps, création et édition essaient désespérément de s’en sortir face à l’exploitation non autorisée des oeuvres, le manque à gagner démoralisant qu’il représente et l’inefficacité démagogique d’un arsenal législatif souvent aux antipodes de ses désirs (rappelons par exemple que la SACEM, souvent désignée comme grande méchante par ignorance, réclamait l’interopérabilité des mesures de protection dès la loi DADVSI et préférait que soit tout simplement prélevée une compensation financière sur les abonnements Internet plutôt que le délire psychotique Hadopi). Le consommateur voit ses droits bafoués avec des DRM abusifs. Et le contribuable verse des sommes astronomiques dans des gouffres ineptes et inefficaces.

Alors oui, je critique, mais je n’ai pas d’idée géniale, non, hélas. En revanche, je sais reconnaître une idée idiote – Hadopi – quand j’en vois une, et je sais au moins dire pourquoi. Preuve supplémentaire à l’appui.

2012-09-07T10:09:22+02:00vendredi 7 septembre 2012|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Des solutions de 1990 pour des défis de 2010

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