Procrastination podcast s07e18 – L’évolution des méthodes de travail

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e18 – L’évolution des méthodes de travail“.

Prenons de la hauteur : cette quinzaine, Procrastination s’intéresse à l’évolution des méthodes de travail dans le temps, aux mutations de long terme dans l’approche de l’écriture – si elles existent !
Lionel compare la pratique artistique à un apprentissage éternel similaire à celui des arts martiaux, où la maîtrise est davantage un processus qu’un état. Pour Estelle, avant toute chose, tous les projets sont différents, mais l’expérience est heureusement utile. Elle met en avant l’importance du milieu littéraire et l’évolution des contextes éditoriaux dans la construction d’une œuvre, et de la conversation qu’établit celle-ci avec son époque. Mélanie parle davantage d’évolution personnelle au fil des ans plutôt que de changement de méthode pratique, et expose comment, plutôt que de s’en tenir à de la technique, elle suit toujours davantage ce qui l’appelle naturellement.

Références citées

  • J. R. R. Tolkien
  • Stardew Valley, jeu vidéo édité par Chucklefish Games
  • Animal Crossing, licence de jeu vidéo éditée par Nintendo

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-06-20T11:01:36+02:00jeudi 1 juin 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e18 – L’évolution des méthodes de travail

Dans les détails de la technique d’écriture (republication entretien de 2014 pour DraftQuest)

Au hasard des republications du site sur les réseaux commerciaux, cet article est ressorti et tu m’as fort justement fait remarquer, auguste lectorat, que le site de DraftQuest a déménagé et l’entretien a apparemment disparu au passage. (C’est à ce genre de trucs que je commence à constater que je fais ce métier depuis beaucoup trop longtemps. Ou bien que ce site est beaucoup trop vieux. Moi pas, par contre.) Vous m’exprimâtes des regrets quant à ladite disparition, et comme j’ai un OCD bien ancré, j’ai retrouvé l’entretien dans les entrailles de mon klaowde, afin de pouvoir le reposter ci-dessous dans toute sa splendeur âgée de presque une décennie.

À vos risques et périls, etc.

Dans les détails de la technique d’écriture, avec DraftQuest, entretien avec David Meulemans (2014)

David MEULEMANS: Lionel Davoust, vous avez écrit plusieurs romans. Vous semblez désormais consacrer l’essentiel de votre temps à l’écriture. Pouvez-vous-nous décrire une journée type de Lionel Davoust?

Lionel DAVOUST: C’est effectivement le cas, à l’écriture de fiction, principalement, et parfois un peu de traduction ou d’éditorial. De manière générale, je ne suis pas du matin (le matin est un endroit froid et hostile où le seul réconfort s’appelle café). Du coup, je me réveille doucement en entretenant le lien avec la communauté sur les réseaux sociaux, le site, puis en m’occupant de ce que j’appelle les « affaires courantes » : courrier électronique, et les dizaines de petits à-côtés dont il faut s’occuper quand on est travailleur indépendant (contrats, articles brefs, relations avec presse etc.). Je fais une pause à midi et je coupe toute distraction l’après-midi pour me consacrer pleinement à l’écriture sans interruption, autant que possible, m’interdisant cette fois toute incursion en ligne. En phase de rédaction, je me fixe en général un quota d’écriture, allant de 15 à 20 000 signes en fonction de la sévérité de la date-butoir et de mon énergie. 

C’est mon organisation depuis des années mais j’avoue qu’elle ne me satisfait pas entièrement : le plus important, là-dedans, c’est écrire ; la logique voudrait que je commence donc par là, mais l’expérience me montre que j’ai du mal à me concentrer quand je sais que dix petites choses rapides attendent que je les règle. Je m’en occupe donc d’abord pour avoir l’esprit libre – mais j’évite aussi qu’elles prennent trop d’importance. 

DM: Parallèlement à l’écriture de romans, vous exposez avec beaucoup de franchise et un vrai sens pratique vos méthodes. (Vous êtes notamment un connaisseur de la méthode “Getting Things Done”). Si vous deviez donner quelques conseils de travail à des écrivains en herbe, quels seraient-ils?

LD: En un mot comme en cent : arrêtez de tergiverser et mettez-vous-y. (C’est une version moins diplomate que la première règle de Robert Heinlein, « you must write », tu dois écrire.) Oui, étudier les auteurs qu’on aime, faire des recherches sur son sujet, travailler la technique, réfléchir à l’organisation de son travail aide à se donner confiance et c’est bien. Mais, à un moment, il n’y a pas de méthode magique, d’eurêka où les choses deviennent moins impressionnantes, même avec l’expérience. La méthode, la vérité de l’écriture, c’est à l’auteur lui-même d’aller les chercher, conformément à qui il/elle est. Ce grand livre dont vous rêvez ne s’écrira pas si vous n’allez pas l’écrire, si vous n’allez pas vous confronter à la difficulté, si vous ne descendez pas dans la salle des machines et mettez, kilomètre après kilomètre, phrase après phrase du charbon dans le fourneau. Écrivez. Plantez-vous. Recommencez. Écrivez encore. C’est la meilleure école – et c’est la seule qui vous rapproche du but final : avoir écrit. 

DM: Dans la communauté DraftQuest, nous disons souvent qu’il faut abandonner l’inspiration – et penser davantage en termes d’enthousiasme et de travail. Je crois que c’est une position qui n’est pas éloignée de la vôtre. Mais pouvez-vous nous dire la place de l’inspiration dans votre travail?

LD: Ah, je vais encore me faire des amis… ! Je ne crois pas à l’inspiration – si on la définit comme ce moment de grâce où l’écriture se déroule avec facilité et lumière. C’est-à-dire, oui, elle se produit (heureusement) mais elle n’est pas la règle et il ne faut surtout pas espérer qu’elle le soit. Sinon, on produit trois pages dans une année. Si l’on veut écrire sérieusement, je crois qu’il faut privilégier la discipline, et là, peut-être, peut-on espérer apprivoiser l’inspiration. (Je sais que cette position est castratrice pour certains auteurs, donc je la recommande avec prudence : c’est ma façon de fonctionner, si vous avez besoin comme moi de vous cadrer avec une main de fer pour produire, menez-vous un train d’enfer – mais si vous sentez que c’est contre-productif, prenez de la hauteur.) Je crois pour ma part, très fermement, que l’écriture se travaille, dans tous ses aspects : dans le style, la narration, mais aussi, de façon générale, dans l’attitude, le regard, la façon de penser. Plus que de l’enthousiasme, je pense qu’il s’agit d’envie. Il convient de se sonder soi-même, de traquer sa propre matière, d’observer le monde en ces termes : j’écris, mais pourquoi ? Qu’ai-je à dire, à raconter, qui me fasse envie, où est ma vérité et quelle est-elle ? Quel est mon carburant, la foi qui me motive à coucher ces mots sur le papier, jour après jour ? C’est un travail d’introspection  qui ne s’achève jamais (et c’est un des grands plaisirs du métier… ou une grande torture, pour ceux qui n’aiment pas trop plonger en eux-mêmes) et c’est là qu’on trouve sa voix, son originalité, et la motivation d’écrire, pendant des mois, parfois des années, à plein temps sur un projet. Si l’envie est là, je crois qu’elle attire l’inspiration. Et pour les jours où elle se dérobe, l’envie facilite quand même le travail. 

DM: Il y a une idée qui m’est chère, mais que je peine à faire comprendre. Je pense que l’on devient “écrivain” quand on arrive à sortir de “l’expression de soi” (qui est souvent la raison première des draftquesters pour se lancer dans l’écriture) à “raconter aux autres”. Mais, en même temps, je suis bien conscient qu’il faut parler de soi, ou plutôt, puiser en soi. Comment voyez-vous cette articulation, entre se tourner vers soi, et se tourner vers les autres?

LD: Je crois que cela revient un peu à l’envie mentionnée plus haut. C’est un exercice de funambulisme constant. Toute pratique artistique qui désire sortir de la confidentialité (au sens : être présentée au monde, à un regard autre que le sien et que celui, bienveillant, de son chat et de sa maman) porte en elle, je crois, cette contradiction entre l’élan personnel et l’obligation d’accessibilité. Dans le cadre de la littérature, il s’agit avant tout d’être compris-e. Attention, tout le monde ne place pas l’accessibilité au même niveau – tout le monde n’a pas la même tolérance aux longues descriptions, par exemple – mais, dès lors que l’on n’écrit plus uniquement pour soi, il convient de faciliter l’entrée du lecteur dans son univers, dans son histoire, de le prendre par la main et de le guider, parce qu’il est, bien sûr, fondamentalement extérieur. 

Je divise assez clairement les choses pour ma part : entre fond et forme. Mais avant de préciser comment, un mot sur votre notion « expression de soi » : je ne sais pas exactement comment vous le voyez, mais je voudrais contredire l’adage américain qui préconise « write what you know » (écrivez ce que vous connaissez). Je crois que la clé, c’est « write what you are » (écrivez ce que vous êtes). Écrire permet de vivre mille destins, de traiter mille questions, de rêver même à l’échelle de galaxies entières si l’on va en science-fiction ; il ne faut pas s’en priver et suivre ces mille chemins conformément à ses envies, et le faire avec fierté et joie. Je crois qu’il est absurde de prétendre connaître un auteur à partir des réponses qu’il donne dans sa fiction ; les réponses appartiennent à ses personnages. Par contre… on entrevoit bien mieux ce qu’il est à travers les questions qu’il pose, car il se les pose probablement aussi. 

Ceci étant posé, la différence entre l’expression de soi et le raconter aux autres, donc : pour ma part, je place la division assez simplement entre fond et forme. Le fond, les questions, les personnages, les événements de l’histoire, c’est mon envie, c’est ma matière, c’est la raison pour laquelle j’écris ce livre-là, et ce n’est globalement pas négociable. La forme, c’est mon obligation d’accessibilité, c’est mon devoir d’écrivain de vous faire voir les scènes, de vous emmener dans mon histoire avec facilité (si vous êtes mon type de lecteur et que je suis votre type d’auteur), de maîtriser mon rythme pour que mes effets fonctionnent, bref, de vous conter le récit et de vous emporter. Bien sûr, forme et fond se répondent et se conjuguent, et il s’agit aussi de faire en sorte qu’ils se servent mutuellement. 

Finalement, pour quel lecteur écrit-on ? Pour soi, je crois, pour proposer au monde les livres qui n’existent pas et qu’on aurait aimé trouver. Et il faut savoir appliquer à son propre travail cette lucidité et cet état de critique impitoyable avec laquelle on juge les livres des autres : voilà, je crois, une étape de maturation importante dans le parcours d’un auteur, et c’est là que se conjugue l’envie – personnelle – et le regard extérieur – qui juge. Les deux se déroulent en deux temps séparés : d’abord, l’écriture, égoïste, personnelle, fantasque. Ensuite, et seulement ensuite, juge-t-on au moment des corrections. 

DM: Un débat dans notre communauté, c’est l’écriture sur papier contre l’écriture sur clavier. D’un côté, les écrivains en herbe semblent davantage se lâcher sur le papier. D’un autre côté, écrire sur ordinateur permet de mieux manier le texte. C’est un sujet que vous avez évoqué sur votre blog. Pouvez-vous dire à nos écrivains en herbe comment la place que ces deux supports occupent dans votre écriture?

LD: Avant toute chose, je veux répéter le mantra que je martèle en atelier d’écriture : apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître. Il n’y a pas de méthode idéale autre que celle qui vous convient à vous. Vous aimez écrire sur des cahiers reliés de cuir avec un stylo plume à 200 euros au milieu de la forêt dans le calme absolu ? Si c’est votre truc (et que vous avez les moyens), allez-y. Vous préférez les outils informatiques dernier cri et emporter votre ordinateur et votre clé 3G dans les cafés parisiens et baigner dans l’agitation ? Hé, tant que ça vous fait écrire, tous les moyens sont bons. 

Pour ma part, je travaille au papier et à l’ordinateur, et chaque média correspond à une étape différente de mon avancée. Le papier est réservé aux réflexions les plus libres, où je « malaxe » les idées, les décortique sous tous les angles, jusqu’à parvenir au cœur de l’envie, pour recueillir sans contrainte tout ce que m’inspire mon sujet, mes personnages. Une fois que je sens un début de structure émerger, je passe ensuite à un outil informatique pour mettre tout cela en ordre grâce aux facilités de mise en page, de disposition qu’il offre et structurer davantage mes idées. Et enfin, une fois l’histoire planifiée, je rédige (sur ordinateur). Mais il m’arrive de revenir au papier si nécessaire ; quand j’arrive à une étape de l’histoire que je n’ai finalement pas assez développée et que j’ai besoin de m’aiguiller à nouveau, ou quand je perds le lien avec mon récit et ai besoin d’y réinjecter un peu d’envie et d’énergie, je traque et m’explique, au papier, ce dont j’ai besoin pour progresser. 

DM: Une dernière question – qui est courte, mais dont la réponse peut s’avérer longue. Pouvez-vous nous parler de la genèse d’un de vos romans? Concrètement, par exemple, sur le premier volume du “Mystère Léviathan”: quand avez-vous eu l’idée? combien de temps vous  pris l’écriture du premier jet? une fois le premier jet achevé, est-ce que vous avez beaucoup dévié du projet initial? avez-vous eu des premiers lecteurs à qui vous avez soumis le texte pour avoir des corrections? est-ce que l’éditeur vous a suggéré des corrections? 

LD: Le Mystère Léviathan est un cas un peu particulier parce que le projet remonte à très, très longtemps – plus de quinze ans. De manière générale, je traque donc toujours l’envie, et dans ce cas, lui donner forme a pris un temps certain ! La trilogie n’est pas tellement née d’une idée précise que d’un faisceau de thèmes et de personnalités / personnages que j’avais envie de traiter (l’immortalité, l’initiation, la quête de soi, la fascination pour la mer, la fantasy urbaine, la transcendance du réel), d’où la lente maturation. L’univers s’est construit ainsi, par lente accrétion, et aussi au fil de mes recherches et intérêts personnels, dont la série se nourrit aussi. En revanche, l’écriture en elle-même est allée raisonnablement vite une fois la forme arrêtée. Quand je me suis senti prêt à me jeter à l’eau, pour ainsi dire, la planification et l’écriture du premier volume ont pris une grosse année, puis environ six mois par volume ensuite, tout compris (écriture et corrections), ce qui peut sembler très rapide, surtout pour des livres aussi épais, mais, une fois lancé, je savais précisément où j’allais. Je n’ai pas tellement dévié du projet général de la série, à part dans certains détails de scènes, de personnages, qui ont suivi leur propre cheminement et m’ont permis de présenter les choses de manière plus efficace que je ne le pensais dans mes synopsis. Je fais effectivement appel à des beta-lecteurs pour tous mes textes, des proches qui apprécient mon travail et mes univers tout en étant impitoyables (une combinaison précieuse et idéale ! et j’en profite pour les remercier à nouveau). Bien sûr, l’éditeur suggère toujours des corrections, cela fait partie du processus. Je ne prétends pas rendre un premier jet parfait, et le regard éditorial constitue une étape à mon sens indispensable pour donner au récit – et surtout aux intentions qui l’animent – la forme la plus aboutie possible. Nous en discutons, décidons des corrections (il m’arrive de ne pas être d’accord avec ce qu’on me propose, mais je m’efforce de comprendre ce qui coince et de revenir avec une version différente, qui règle la faiblesse qui a été détectée, mais d’une autre manière qui me convienne). Savoir comprendre et accepter ces retours, retravailler en fonction, mais aussi détecter les rares moments où il convient de dire non pour rester fidèle à l’esprit de son projet, cela aussi fait partie de l’apprentissage. 

2023-03-03T04:35:29+01:00jeudi 9 mars 2023|Best Of, Entretiens, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Dans les détails de la technique d’écriture (republication entretien de 2014 pour DraftQuest)

De la technique artistique et des autodidactes prodiges

Autre serpent de mer assez régulier sur la pertinence de la technique artistique et de son apprentissage, quand il existe (c’est vrai) des contre-exemples ponctuels qui ont tout appris tout seuls (l’exemple du guitariste qui apprend tout dans sa chambre et revient avec une approche novatrice). L’existence de prodiges autodidactes prouve-t-elle l’inutilité de la technique, voire, comme on peut le lire, sa nocivité en dévoyant les instincts ?

Ces contre-exemples (évoqués à l’occasion d’une conversation sur Twitter) sont souvent brandis comme la preuve qu’en art, la théorie artistique est inutile, voire contreproductive.

C’est faux (et la conversation est tellement importante que j’en ai dit un mot dans Comment écrire de la fiction).

Tout d’abord, absolument, il existe des autodidactes géniaux en art. Dans la conversation sus-nommée, il était question de Martin Gore, on pourrait mentionner quantité de jazz people. Ce que l’on oublie très fréquemment quand on parle de ces cas particuliers, c’est le boulot qu’il faut pour en arriver là. Si vous pensez qu’il est difficile d’apprendre une langue étrangère, imaginez-vous le faire sans méthode ni prof. Est-ce possible ? Absolument. Est-ce que cela vous donnera une perception unique et personnelle ? Sans doute. Est-ce que c’est difficile sa mère ? Voyons ça comme ça : combien de fois êtes-vous passé.e devant un instrument de musique / un pinceau et n’avez-vous PAS décidé de vous y investir corps et âme au détriment de tout le reste ?

Pour un prodige autodidacte, il existe trois millions (estimation non contractuelle) de personnes qui avaient mieux à faire que prendre la guitare pour en faire leur mission. Je veux dire. Combien de fois n’avez-vous PAS pratiqué l’instrument pour lequel vous preniez pourtant des cours ?

Ensuite, et c’est beaucoup plus important, la technique et la théorie n’ont jamais fait des génies, mais elles expliquent comment les choses fonctionnent. Quand on sait comment elles fonctionnent, on peut y adhérer quand c’est indiqué, les déconstruire et/ou les pousser plus loin. (J’utilise génie comme raccourci, mais – comprenez “personne dont la pratique artistique qualitative entraîne des réalisations couronnées d’un succès marquant son époque”.) Aux prodiges autodidactes, j’oppose Picasso, à qui il a fallu “toute une vie [d’étude] pour apprendre à dessiner comme un enfant”. Ou Pierre Henry, figure de proue de la musique concrète (plus pionnier tu meurs) qui sortait du Conservatoire de Paris.

La bonne voie, c’est celle qui nous permet d’avancer et d’appréhender l’art que l’on veut faire. Ni plus, ni moins. Sauf que c’est un apprentissage bougrement difficile et qu’il est pertinent d’envisager de ne pas réinventer la roue, en profitant de millénaires de théorie.

Théorie qui ne fait pas des génies. Les génies se font autrement, par la passion, le feu et le dévouement. Théorie ou non, ce n’est pas le sujet : en revanche, la théorie peut souvent faciliter le processus et éviter de vraies maladresses dans les premiers temps du parcours.

Unpopular opinion : ce qui me gêne fondamentalement dans l’argument “la technique est facultative”, c’est que cela devient souvent une justification pour ne pas bosser. Souvent, il y a de la peur derrière, une peur cent fois compréhensible devant l’envergure de la tâche. Mais on n’y échappe pas, que ce soit en bossant la guitare dans sa chambre ou en allant au Conservatoire. On peut avoir des facilités, mais comme disait Brassens, “sans travail, le talent n’est qu’une sale manie”. Seule la pratique (guidée ou non) améliore ce qu’on fait.

L’argument qu’on voit souvent, c’est : “Moi, je brise les codes, je fais différemment, c’est original, je suis à contre-courant !” Hélas, 99 fois sur 100, ça ne fonctionne pas… parce que ça n’est pas abouti. Ça me fend le cœur chaque fois que je vois un jeune (ou moins jeune) auteur prometteur se paralyser dans sa fierté (en réalité sa peur) sans faire l’effort d’humilité nécessaire pour admettre que l’on peut, et doit apprendre toujours1.

Bref: il n’existe encore et toujours qu’une seule chose à notre portée en art, c’est notre travail (par des cours, de la recherche, de la pratique, en proportions variables et personnelles). Il existe des génies, comme le talent existe peut-être, mais je pense toujours plus sûr de ne pas considérer qu’on en fait partie ni qu’on en a.

Que nous reste-t-il quoi qu’il arrive ? Faire notre art, le lire / écouter / voir, s’en imprégner, le bosser. Le travail ne vous trahira jamais. C’est même la seule chose sur laquelle on puisse compter.

Je répète : le seul chemin valable, c’est celui qui vous permet de faire ce que vous souhaitez. Que cela passe par la théorie (c’est recommandé) ou pas (OK, si vous avez une volonté en béton armé). Ce dont vous ne ferez pas l’économie, c’est le travail (motivé par la passion).

Comprendre le fonctionnement des choses n’abîme pas une vision. Cela la renforce, la précise. Et j’arguerais qu’un.e artiste solide ne peut être abîmé.e par un peu de théorie. Sa vision est assez forte pour être transmutée et la transmuter.

Sinon, il y a un autre problème.

  1. Le travail devrait d’ailleurs former sa propre récompense. Ce qui compte, c’est le processus avant le résultat, car on ne pratique QUE le processus, et se concentrer sur le résultat, l’accueil, la publication, c’est se tromper fondamentalement de jeu. C’est un autre débat.
2023-01-10T05:33:00+01:00jeudi 12 janvier 2023|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur De la technique artistique et des autodidactes prodiges

L’écriture de l’imaginaire, vue de l’intérieur : Masterclass gratuite à Paris en octobre

Je l’annonce bien à l’avance, histoire de faciliter l’organisation : le mardi 25 octobre à 19h, j’ai le plaisir de proposer une Masterclass à la bibliothèque Rainer Maria Rilke à Paris. Je m’efforcerai de faire un tour d’horizon de ce que recouvre l’écriture des littératures de l’imaginaire quand on tambourine sur un clavier chaque jour ouvrable (et même plus), des techniques romanesques générales aux spécificités des genres… Le tout en deux heures, HAHA.

Un temps de discussion à bâtons rompus est prévu en conclusion (apportez vos questions !), ainsi (en principe) qu’une dédicace à la fin.

L’entrée étant gratuite, la réservation est conseillée.

➡️ Infos pratiques et coordonnées

2022-10-26T16:06:53+02:00mercredi 21 septembre 2022|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur L’écriture de l’imaginaire, vue de l’intérieur : Masterclass gratuite à Paris en octobre

Atelier de rentrée : Écrire un roman fantastique [à distance]

La retraite chez Parenthèse est complète, mais je suis heureux de pouvoir proposer d’autres ateliers et cours cet automne. L’école Les Mots propose toute une série d’ateliers de rentrée organisés en visio, et je suis fier de porter les couleurs de l’imaginaire dans ce programme ! Cet octobre, au cours d’un atelier à distance sur quatre mois, lancez-vous dans l’écriture de votre projet d’imaginaire, en partant de zéro jusqu’à un debrief de vos premiers temps d’écriture.

Cet atelier suit une nouvelle formule et se déroulera entièrement à distance, en trois phases : 

  1. Les quatre premières séances collectives, en octobre / novembre, viseront à cerner les exigences romanesques de l’imaginaire et ses techniques fondamentales.
  2. Le mois de décembre sera ensuite consacré à avancer dans un texte plus long, chez vous. 
  3. Nous nous retrouverons ensuite deux fois en janvier pour échanger en groupe sur le processus de cette écriture, vous aider à affiner votre trajectoire et vous armer de sorte que puissiez conduire ensuite, par vous-même, le projet à son terme. 

Bonus inclus dans la formule : Les Mots proposent ensuite une séance facultative sur le thème de l’édition. Charlotte Milandri, responsable du service éditorial de l’école, évoquera les attentes des éditeurs, les défauts récurrents d’un manuscrit, certaines techniques de retravail et elle répondra à vos questions sur le monde de l’édition.

(Attention, contrairement à d’autres formules de l’école, cet atelier ne permet pas de proposer un retour détaillé et personnalisé sur chaque production ; les séances de debriefing sont collectives, comme dans un stage intensif. Il s’agit ici d’apprendre les bons outils et d’accompagner le lancement de votre projet afin que vous puissiez le poursuivre de manière autonome.)

➡️ Voir les infos pratiques et modalités d’inscription.

2022-11-16T08:09:40+01:00mardi 6 septembre 2022|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Atelier de rentrée : Écrire un roman fantastique [à distance]

Certaines questions d’écriture sont des solos de guitare

En lien avec l’article de la semaine dernière sur la construction des opinions personnelles avant la consultation d’autrui, une observation sur des questions d’écriture en particulier, artistiques en général, que je vois souvent circuler en ligne. Elles se formulent à peu près toutes de la même manière :

Comment puis-je faire x dans mon histoire ? Quelle technique pour accomplir y ? Vous pensez quoi de faire z ?

Ce n’est pas parce qu’on est en écriture et que l’approche technique a (heureusement) traversé l’Atlantique depuis les États-Unis que l’écriture est devenue une science ; qu’il existe une bonne réponse, un code (ou une poignée) garantissant le succès dans l’exécution. Ça serait trop simple. Je dirais même, au contraire, que chercher cela est prendre le problème à l’envers. Cela revient à demander :

Comment puis-je faire un solo de guitare qui déchire ?

Ben, au-delà de te muscler les doigts, faire des gammes et comprendre l’harmonie, la réponse devient très vite éminemment subjective, tant pour toi que le public, et donc, elle ne peut connaître de réponse objective. En chercher une, je le crains, est même une manière assez sûre de tuer la vie et le naturel d’un projet.

D’accord, mais quand même, comment accomplir un effet donné dans une histoire ? Alors, on peut parler de pistes, bien entendu, on peut étudier des approches, partager son expérience. Mais il est fondamental de se rappeler qu’elles sont une voie parmi une infinité, juste un point de départ pour l’exploration. Trouver la manière d’accomplir quelque chose dans une histoire est nécessairement consubstantiel des événements, des personnages, du stade de l’histoire, et surtout, surtout, de la sensibilité et des intentions de l’auteur ou autrice. De la même façon qu’un solo de guitare émerge de sa chanson, et la nourrit en retour. Au bout du compte, c’est indissociable. Et surtout, ça ne connaîtra jamais de réponse absolue.

La question est légitime. Mais pour y répondre, je crois qu’il faut partir avant tout de son projet, de son envie personnelle, et de creuser en soi la manière dont on veut procéder dans cette instance précise. Car c’est de la création : une réponse ne servira qu’une fois telle quelle dans un contexte donné. Oui, les leçons acquises à cette occasion viendront nourrir les projets suivants, la clairvoyance, de manière à cerner peut-être un peu plus vite ce qui fonctionne ou pas ; mais à nouveau projet, nouvelles réponses, nouvelles exécutions subtilement ou très différentes.

Je sais, c’est pas pratique. Mais en fait, si on se laisse le loisir d’explorer et de se faire plaisir, c’est plutôt cool ! Comme dit le proverbe, on ne se baigne pas deux fois dans le même solo de guitare (ou un truc du genre). Vos réponses, votre personnalité, votre humeur à un moment (et même les difficultés qui peuvent être reliées à l’exécution d’un passage) sont mille fois plus intéressantes que tous les modes d’emploi du monde.

Veuillez ne pas en prendre ombrage, mais dorénavant, je crois que j’appellerai cela des “questions solo de guitare” avec cet article comme point de départ à la conversation – parce que ce genre d’interrogation sur l’approche revient assez souvent.

2022-08-28T08:17:48+02:00lundi 29 août 2022|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

Créer un monde imaginaire : techniques avancées [tout nouveau stage intensif chez Les Mots]

Après avoir proposé pendant plusieurs années un stage intensif sur la création de monde imaginaire à l’école Les Mots, je me suis rendu compte d’un truc : il y a certainement de la place – et apparemment de l’intérêt – pour une plongée avancée dans ces techniques. Des choses destinées à des auteurs et autrices qui connaissent déjà extrêmement bien l’imaginaire, l’aiment, sont familiarisé·es avec ses défis et ses difficultés, et veulent trouver de quoi les appréhender et peut-être les franchir. Bref, pour une conversation pointue où l’on se demande comment établir de la meilleure manière les règles de son monde imaginaire, comment l’environnement nourrit et influence la narration, et où l’on réfléchit à ce qui constitue du carburant à histoires et des éléments d’atmosphère (sachant que c’est bien aussi, l’atmosphère).

Bon, tu te doutes, auguste lectorat, que si j’en parle, c’est que… 

… ce stage est maintenant prévu, et il se déroulera les 4 et 5 septembre prochains à l’école Les Mots (4 rue Dante, Paris) ou en visio.

Qui ne connaît pas le célèbre « Luke, je suis ton père », le pouvoir terrifiant de l’Œil de Sauron ou encore que Winter is coming ? Des succès planétaires de « Star Wars » au Seigneur des Anneaux, de « Game of Thrones » à Harry Potter, l’imaginaire forme la première culture mondiale, transcendant les générations et les nationalités. 

Parler des « littératures de l’imaginaire » est en réalité un raccourci pour désigner les littératures des mondes imaginaires. Ces réalités fictionnelles peuvent être proches de la nôtre dans le cadre du fantastique ou de la fantasy urbaine, ou bien totalement disjointes comme dans le cas de la Terre du Milieu ou de Westeros. Ce qui régit ce monde, qu’il s’agisse de l’horreur indicible des Grands Anciens de Lovecraft, des systèmes magiques extrêmement poussés et complexes de Brandon Sanderson ou de la science du voyage spatial et des relations entre espèces extraterrestres dans « Star Trek », constitue ce que l’on peut appeler « l’hypothèse de monde » imaginaire. 

Or la construction d’un monde imaginaire est une entreprise créative à part entière, mais pour laquelle l’auteur ou autrice doit ménager un équilibre délicat : proposer une réalité complexe, tangible et intéressante, sans pour autant ensevelir l’intérêt de son récit sous l’exposition. 

Cet atelier vise à explorer les difficultés spécifiques de cette approche à travers des exercices et techniques opérantes afin d’étoffer ses mondes imaginaires, d’y rechercher de nouvelles occasions narratives, et surtout de dynamiser ses histoires et d’esquiver les pièges les plus courants. 

Il n’est pas nécessaire d’avoir assisté à l’atelier « Créer un monde imaginaire » pour suivre celui-ci, même s’il y forme une bonne introduction. Il est en revanche indispensable : 

– de posséder une familiarité de base avec l’imaginaire et ses genres (science-fiction, fantasy, fantastique), que ce soit sous forme littéraire, cinématographique et/ou ludique ; 

– d’arriver à l’atelier avec une proposition succincte d’hypothèse de monde imaginaire (une demie-page minimum définissant les grandes règles du fonctionnement de la réalité fictionnelle en question selon les intérêts de l’auteur ou autrice : réalité géographique, physique, magique, ou bien sociale, ou encore un peu de tout cela à la fois). Elle servira de base au travail du stage. 

J’insiste spécialement sur les prérequis – bon, normalement, si vous avez l’info ici, ça ne devrait pas vous faire peur. À vue de nez, je mettrai pas mal l’accent sur l’embûche principale de l’imaginaire à mon sens, c’est la présentation du monde. (Protip : ça ne se présente pas. Enfin pas vraiment. Enfin vous verrez. Ha.)

Les places sont limitées à 10, mais l’atelier ne se tiendra qu’à 7 participants inscrits, donc ne tardez pas !

➡️ Infos et inscriptions

2021-06-23T10:56:31+02:00lundi 5 juillet 2021|À ne pas manquer|2 Commentaires

Comment un sociologue allemand a publié 70 ouvrages sans jamais avoir l’impression de bosser (Geekriture 03)

Désolé pour le titre à la Buzzfeed, mais ça s’imposait quand même…

Né à Lunebourg en Allemagne, Niklas Luhmann (1927-1998) est fils de brasseur. Dans les années 1960, après des études de droit, il est fonctionnaire au tribunal de sa ville. Il n’est pas spécialement passionné par sa carrière dans l’administration, mais les horaires fixes de son métier lui laissent le loisir de s’adonner à sa vraie passion – lire de la philosophie et de la sociologie.

Sauf qu’après un temps certain à prendre des notes en marge pour le pur plaisir intellectuel, il s’aperçoit d’un problème auquel nous avons toutes et tous été confrontés. Il lit, parvient peut-être à des compréhensions et des illuminations sur le moment, mais il n’en fait rien. C’est quand même dommage… 

➡️ … l’article Geekriture du mois traite ENFIN (depuis le temps que je vous en parle) de la méthode Zettelkasten, à lire sur ActuSF.

2021-03-20T12:29:55+01:00mardi 23 mars 2021|Geekriture|Commentaires fermés sur Comment un sociologue allemand a publié 70 ouvrages sans jamais avoir l’impression de bosser (Geekriture 03)

Technique d’écriture, parcours et “Comment écrire de la fiction ?” sur le podcast Double Vie

Double Vie : “Le podcast de la création, des auteur·rice·s et de leur mode de vie.” Mickaël Rémond reçoit auteurs et autrices, illustrateurs et illustratrices, musiciens et musiciennes de tous horizons pour parler de parcours, de vie créative et d’organisation au quotidien de tous les rôles parallèles que cela peut impliquer. J’ai eu le grand plaisir d’inaugurer la saison 2 du podcast :

On parle de parcours, de biologie marine, évidemment d’écriture, d’approche technique, d’organisation au quotidien et en particulier de Comment écrire de la fiction ? : à quoi peut-on s’attendre dans ce petit bouquin et quel en est grossièrement le plan ? (Dans le cas précis, c’est marrant de pouvoir évoquer la fin d’un livre sans craindre de spoiler) D’ailleurs, jetez une oreille aussi au dernier épisode de la saison 1, où Mickaël reçoit Xavier Dollo et Simon Pinel pour parler des éditions Argyll !

➡️ La page de l’épisode et le flux des dernières publications du podcast

Merci à Mickaël !

2021-03-01T18:29:38+01:00mercredi 3 mars 2021|Entretiens|Commentaires fermés sur Technique d’écriture, parcours et “Comment écrire de la fiction ?” sur le podcast Double Vie

Procrastination va rattraper son retard sur YouTube

Ce canal de diffusion du podcast nous a été fréquemment demandé et malheureusement, en raison de contraintes indépendantes de notre volonté, la diffusion sur YouTube s’était arrêtée au milieu de la saison 2. Je suis ravi de vous dire que la mise en ligne de Procrastination sur YouTube a repris ; j’ai trouvé une solution technique, c’est maintenant moi qui produis les vidéos en même temps que les sons, pour qu’Elbakin.net les diffuse. La saison 2 est déjà bouclée et nous avons attaqué la 3, la gentille team d’Elbakin.net met les vidéos en ligne presque plus vite que je ne peux les produire, et une fois le retard rattrapé, YouTube suivra au même rythme que les autres canaux de diffusion. Merci de votre patience !

2022-02-22T15:37:25+01:00jeudi 3 décembre 2020|Dernières nouvelles|Commentaires fermés sur Procrastination va rattraper son retard sur YouTube

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