Mise en ligne du débat des Imaginales sur les stéréotypes et les discriminations dans la fiction

Un débat de ces Imaginales 2021 qui me semblait important également, et je suis très honoré d’avoir pu en faire partie : Actes odieux, propos discriminants, stéréotypes sexués : l’écrivain a-t-il une responsabilité vis-à-vis de ses lecteurs ? La captation est maintenant disponible en ligne, réalisée comme toujours par ActuSF. La modération était réalisée par Valérie Lawson et faisait intervenir Isabelle Bauthian, David Bry, Pascaline Nolot et mon humble pomme.

2021-11-01T15:25:32+01:00mercredi 10 novembre 2021|Entretiens|1 Commentaire

L’auteur, chaman moderne ? (à l’heure où l’on veut détruire son statut)

Wesh. 

Le statut des auteurs et artistes est en danger de disparition pure et simple : à l’heure où j’écris ces octets, dans deux jours, le 21 juin, aura lieu une réunion pour définir ce qui succédera aux piliers de leur régime social. Pour l’instant, rien ne se profile ; or nos activités sont déjà puissamment précaires : rentrées d’argent très aléatoires et espacées, obligeant la quasi-totalité de la profession à exercer une autre activité pour survivre… Durcir la situation (ne serait-ce que par un vide) ne peut que nuire encore davantage aux créateurs, donc à la création, donc à notre culture, notre langue, notre rayonnement – sans faire du chauvinisme primaire, je n’ai pas tellement envie d’un monde uniformisé par Netflix (même si Jessica Jones, c’est vachement bien).

Je pourrais faire un long post avec des chiffres pour vous expliquer en quoi et dégainer de la fiscalité, mais des tas de gens font déjà vachement ça mieux que moi sur la toile, alors j’ai plutôt envie de faire ce que je sais faire : vous raconter une histoire pour vous montrer en quoi la création remplit un rôle fondamental dans la société.

À vrai dire, ce sont des réflexions qui me trottent dans la tête depuis un moment, et donc le contexte semble synchrone pour en parler. Tout est parti de quelques échanges avec des camarades développant et nourrissant des univers imaginaires (comme je le fais moi-même avec Évanégyre). En ce qui me concerne, j’ai toujours eu la sensation d’avoir un processus bizarre : je n’ai pas tant l’impression d’inventer ce qui m’amuse que de creuser mon esprit à la recherche de ce qui “fait sens”, de ce qui sonne juste, de ce qui doit ou devait être. En un mot, et c’est là que c’est curieux, de fouiller ma mémoire plus que de créer. (C’était aussi l’argument principal de « Une Forme de démence ».)

Voilà l’histoire : à chaque fois que j’ai eu cette conversation avec un ou une collègue1, non seulement on ne m’a pas pris pour un gros dingue, mais le regard s’est allumé avec des étoiles dans les yeux : “Oui ! Mais oui, complètement ! Moi aussi !” En fait, je n’ai pas encore trouvé quelqu’un qui ne partage PAS cette impression, et ce à tous les niveaux, jusqu’au sommet américain des ventes internationales.

Une autrice2 me disait, au cours de tels échanges, que les mondes que nous construisons ne sont peut-être pas tant nos inventions que les souvenirs de vies précédentes (si l’on accorde du crédit au concept, évidemment), d’endroits autres dont nous pourrions venir, où nous aurions pu vivre. (Je me demande un peu ce qu’Évanégyre dit de moi, du coup.) La recherche Google la plus basique montre encore des dizaines d’écrivains de tous horizons partageant cette impression, jusqu’à rien moins que Victor Hugo : “créer, c’est se souvenir”3.

Est-il vrai que les histoires viennent d’ailleurs, que nos cerveaux se branchent d’une manière ou d’une autre sur des réalités parallèles pour traquer les créations que nous rapportons dans ce monde ?  Insérez ici votre version new age de l’interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique ou du temps du rêve aborigène. Plus prosaïquement, on peut affirmer que l’inconscient est une puissante machine à chercher et créer des significations ; ce travail apparent de mémoire consisterait alors seulement à entrer en contact avec ce qui rôde dans les profondeurs de la psyché pour le rendre apparent. C’est une hypothèse avec laquelle il est assurément plus facile de travailler au quotidien. Cependant, il y a quand même cette histoire extrêmement troublante que j’ai déjà relatée ici, sur l’apparition des années à l’avance d’un personnage que je n’avais jamais envisagé dans un récit qui ne devait pas connaître de suite. Bah. Dans un monde post-moderne, on peut tout à fait conceptualiser le mysticisme, mais agir avec de la psychologie.

Surtout, au fond, quelle importance ? 

En partageant ces expériences au fil du temps, en y réfléchissant et surtout en les vivant depuis maintenant des années, difficile de ne pas penser à un moment aux chamans des peuples premiers. Le chaman part (métaphoriquement, spirituellement ou physiquement, voire les trois) dans “le monde des esprits” (sens large). Il est peut-être un peu allumé, peut-être défoncé au peyotl, peut-être n’est-il qu’un grand orateur ; peu importe – son rôle consiste à créer du sens pour la tribu avec les histoires, contes, présages qu’il rapporte. Là où il va tirer ses mensonges distrayants, peu importe en définitive ; ce qui compte, c’est ce qu’il transmet, communique, offre, c’est l’impact qu’il procure et le lien qu’il crée.

Peu importe où les auteurs vont chercher leurs histoires, leurs mondes imaginaires, leurs personnages, qu’il s’agisse d’individus rencontrés dans un autre temps / autre lieu indéfinissable et de toute manière inaccessible, ou seulement de processus psychologiques profonds, d’une grande moulinette d’assimilation culturelle reliée au Zeitgeist, l’esprit du temps. Là aussi, ce qui compte, c’est l’impact, le sens, le lien. C’est ce qu’il rapporte et propose à sa tribu (qu’elle soit réduite ou vaste – qu’importe), comment il la fait rêver, réfléchir, voire protester à son tour ; le bien qu’il lui fait, en lui montrant le monde, dans ce qu’il a de beau ou d’injuste, et ce qu’il évoque de poétique ou de changement. C’est un grand rapporteur de Lego ; il va “ailleurs”, dans le monde, en lui-même, les deux ensemble, il ramasse les pièces qu’il trouve et dit au monde : “hé, les gens, j’ai trouvé ça ; voyons ensemble le sens qu’on peut faire avec”. Je crois que c’est un travail qui s’envisage avec une immense humilité ; les peuples premiers font de lui un homme ou femme sainte, mais en réalité il espère juste – surtout en notre époque – qu’on lui file vaguement un verre de lait pour qu’il puisse continuer à partager ses visions qu’il doit absolument transmettre. Je suis aujourd’hui convaincu que c’est mon inconscient qui travaille et pas moi ; tout mon apprentissage de l’écriture consiste à lui donner les meilleures outils pour s’exprimer, puis à faire mon possible pour le cajoler pour qu’il accepte de bosser, puis m’effacer et le laisser faire.

Personnellement, c’est aujourd’hui dans ce rôle de rapporteur d’histoires venues d’ailleurs – quel que soit cet ailleurs –, de vision pour ma tribu – “ma” tribu étant tous ceux et celles qui auront envie de les partager avec moi – que j’ai trouvé ma mission et ma raison d’écrire, une question épineuse déjà abordée ici. Quel que soit le média, le mode de création, l’écrit ou le son, je sais que je le ferai toujours, parce que je ne peux pas ne pas le faire (et c’est pour ça que ramer me frustre tellement). Il y a des choses qui me supplient d’être recherchées, et même si je me retrouve avec les doigts en sang dans le désert et une insolation, il faut que j’aille déterrer Babylone tout seul (et c’est du taf, bordel).

Je ne compte pas à travers cette expérience éminemment personnelle plaider ma petite cause ; un créateur est un arbre ; la création est une forêt. Elle existera sans moi personnellement, mais elle a quand même besoin d’arbres pour exister. La question du statut des auteurs se résume simplement à une interrogation simple : veut-on d’une société sans rêveurs pour rapporter des rêves à partager, pour inspirer ? Veut-on d’une société sans chamans ? 

  1. Je ne cite pas de noms dans cet article, car j’ignore si les intéressé.es ont envie d’être cités, mais si vous vous reconnaissez et que vous voulez être crédité.e, n’hésitez pas à me balancer une bafouille, hein.
  2. Voir note précédente, hein.
  3. OK, lui je le cite, mais il m’a pas offert de bière, c’est pour me venger.
2019-06-01T14:55:41+02:00mardi 19 juin 2018|Best Of, Le monde du livre, Technique d'écriture|1 Commentaire

Un jeu de game jam en accès gratuit et de la musique d’ascenseur

Le week-end dernier se tenait la Global Game Jam : une game jam, c’est de la confiture de jeu, c’est-à-dire que c’est un défi visant à créer, par équipes, un jeu vidéo en 48h sur thème imposé. Et celle-ci était globale, signifiant que le monde entier y participait – des centaines d’équipes planchant ensemble à travers les fuseaux horaires pour expérimenter avec des concepts un peu fous dans une fenêtre de temps extrêmement réduite. Le thème cette année était : transmission.

C’est là que j’étais ce week-end, pour ma part à faire du sound design et de la musique d’ascenseur pour une équipe où figuraient entre autres copains les deux développeurs de Ballistic Frogs (avec qui nous avons créé Psycho Starship Rampage), et il en est sorti ça :

PneuMadness vous plonge dans le merveilleux monde des bureaux des années 50, où le courriel n’existait pas et l’on s’envoyait des messages et documents par réseau pneumatique. Les employés viennent travailler peu à peu et leurs bureaux s’allument en conséquence, et le joueur doit les relier avec des pièces imposées par l’administration avant que trop de messages ne soient perdus.

J’ai ainsi pu m’essayer au monde merveilleux de la musique d’ascenseur et il en est sorti, heu, cette chose, construite en 1h30 maximum, entièrement conçue pour sonner horrible et vous rentrer dans la tête, comme toute bonne musique d’ascenseur :

Le jeu est téléchargeable entièrement gratuitement, “en l’état” – c’est-à-dire avec son niveau de difficulté particulièrement relevé, on n’a pas eu le temps de l’équilibrer, mais ça nous semble rigolo quand même pour une petite pause – sur cette page

2018-01-30T08:38:27+01:00mercredi 31 janvier 2018|Alias Wildphinn|2 Commentaires

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