J’aimerais bien être d’accord.
J’aimerais bien vivre dans un monde rigolo où on serait tous gentils et où on paierait nos concombres avec des haikus.
J’aimerais bien aimer les dits « représentants du public », la Quadrature du Net en particulier. Leur dénonciation des absurdités d’Hadopi était salutaire, leur combat contre ACTA carrément d’utilité publique. Seulement voilà, comme tous les groupes de pression, il vient un moment où leur militantisme devient de l’extrêmisme, leur fermeté de l’aveuglement.
La mission Pierre Lescure, chargée d’auditer le délabrement de l’économie culturelle et l’inefficacité d’Hadopi, a commencé aujourd’hui (si vous vous sentez d’âme à descendre dans la fosse aux lions, le « blog participatif » – oh le joli pléonasme – est à l’adresse http://culture-acte2-participer.fr/) .
Or, les représentants du public ont été très colère, ils ont tapé gros poing sur table, et ils ne participeront pas à cette « caricature de débat démocratique » (voir cet article). Peu importe que Lescure ait dit qu’Hadopi devait changer de rôle. Peu importe que Lescure ait dit que faire la guerre au piratage était ineffcicace. Peu importe, surtout, que Lescure ait dit qu’il fallait trouver une façon de légaliser les échanges non-marchands. (Vous avez remarqué, d’ailleurs, le glissement sémantique ? Piratage est devenu échange non-marchand. Comme la beuh qui est une « drogue récréative », c’est mignon, planons dans la cour de récré en jouant à la marelle, collons du THC dans les Haribo.)
Bref. Quel est le crime de Lescure pour, telle Rome, être l’unique objet d’autant de ressentiment ?
Il a exercé (au PASSÉ) des fonctions chez Vivendi, et il « aurait tissé » des liens avec les producteurs de la culture.
Hey, bande de bozos, c’est qui qui la produit, la culture, si ce n’est les producteurs, HEIN ?
Demain, je vous propose ma crémière pour diriger les débats, au moins, elle sera neutre. Probablement incompétente, mais neutre. (Salut à toi, ma crémière, si d’aventure tu passes ici, ça n’a rien de personnel, hein.)
En résumé, nous avons des chantres de la liberté, de l’ouverture, du dialogue et du collaboratif (que je hais ces termes) qui refusent tout simplement d’aller discuter pour délit de sale cursus. Même pas quitter la table de négociations en tapant du poing sur la table, même pas exprimer publiquement sa méfiance : nan, on y va pas picétou, na.
Quand on a une vision à défendre, quand on se prétend représenter un groupe d’intérêt, le premier travail, c’est d’aller discuter. De comprendre la vision en face et de faire avancer les choses, bordel. Au lieu de ça, ces soit-disants « représentants du public » se comportent comme des gosses gâtés, dans un geste qui fleure bon l’opération de com’, parce que tous les groupes de pression, comme TOUS les métiers en rapport avec le public, au bout d’un moment, sont obligés de défendre leur fonds de commerce1. En claquant la porte au bec de Lescure, ils attirent sur eux exactement le même genre de soupçons dont ils l’accablent : privilégier leurs intérêts et leur image au détriment de leur mission. Refuser le débat de manière frontale, c’est se condamner. Et, avec toute la haine que je voue à Hadopi, avec toute la consternation que m’inspirent les mesures anti-piratage, avec tout l’espoir que je mets dans la réalisation, un jour, d’une taxe prélevée sur les abonnements Internet pour compenser le manque à gagner généré par le piratage au lieu de dépenser des millions dans une guerre inefficace, ce genre de connerie bravache me fait jeter la Quadrature avec l’eau du bain.
J’aimerais juste que ces mecs-là me disent, chiffres et études économiques et sociologiques sérieuses à l’appui, comment ils comptent rémunérer équitablement la chaîne de la culture – du créateur au diffuseur – au lieu de brosser l’internaute dans le sens du poil parce que, un jour, ça pourra lui faire gagner des sièges à l’assemblée.
Puisqu’on parle de sièges à l’assemblée : le parti pirate – yo yo une bouteille de rhum, lançons-nous à l’assaut des méchants capitalistes qui nous empêchent de DL Game of Thrones impunément pendant que des gens meurent partout et que la planète crève sous les déchets de la société consumériste, c’est vrai, il y a des priorités dans la vie – montre son vrai visage en Allemagne. Julia Schramm, membre dudit parti, qui prône que mais non mais non le piratage ne fait pas baisser les ventes, ne génère pas de manque à gagner, ne réduit pas la sphère économique de la culture, Julia Schramm donc, fait activement la guerre aux vilains internautes qui ont l’outrecuidance de mettre son nouveau livre (pour lequel elle a reçu une avance de 100 000 euros – pour information, les tarifs moyens pratiqués dans l’édition spécialisée de fantasy et SF sont 50 – pas de faute de frappe, cinquante – fois moindres) en partage. Faites ce que je dis, faites pas ce que je fais. Plus encore que la vente pyramidale ou la réalisation de blogs à succès sur comment réaliser un blog à succès, défendre le piratage ressemble à la manne communicative du XXIe siècle, un fonds de commerce que certains exploitent sans vergogne, aux antipodes de toute idéologie sincère (car ça existe aussi), pour se ramener un bon gros tas d’audience constitué d’une grande part de rastas de canapé, et qui donne en prime le rôle du gentil.
Il y a des jours où faire ce métier vous consterne, à tel point que, pour des raisons de sauvetage de ma joie de vivre, j’envisage bien de me couper totalement des nouvelles du monde de la culture et d’arrêter d’en parler à jamais.
Histoire de bien terminer cette diatribe dans la popularité la plus totale, rions un peu avec pas même un soupçon de mauvaise foi.
Et maintenant, shields up.
(Merci à Thomas Bauduret pour avoir relayé l’info sur Schramm et dont le commentaire m’a soufflé le titre de cet article.)
- Sauf moi, auguste lectorat, car je suis évidemment différent. Trust me. Blague à part, si je me souciais vraiment d’image, je ne commettrais pas des articles comme celui-ci qui me valent les insultes des imbéciles. ↩
JE trouve l’attitude de la quadrature du net vraiment idiote. Ca fait des années qu’ils militent pour être écouté par les décideurs et représentés dans les débats, et là enfin ils ont l’occasion de le faire et de défendre leurs idées et ils refusent pour une raison politique à la con.
Participer à un débat ne veut pas dire adopter la position du responsable du groupe, c’est assez évident. Enfin tout n’est pas désespéré, la quadratude du net est quand même un groupe assez réceptif aux critiques de ces membres, donc bon, il y a encore une chance qu’ils soient sensible à un bon argumentaire leur disant d’arrêter de faire les bobos de cannapés et d’aller faire ce pour quoi ils militent. Bref wait and see.
C’est la première fois de ma vie qu’on me compare à une rasta! J’ai donc réussi mon pari : j’aurais tout été, depuis punk jusqu’à roots, en passant pas goth. Mon moi adolescent est fier de moi 😀
Plus sérieusement, je ne suis pas sûre qu’on puisse être pour ou contre le piratage. C’est un fait, je crois, que pour un nombre grandissant de personnes c’est le seul moyen d’accès décent à la culture.
Oui, c’est un fait. C’est pour cela qu’il faut réfléchir à l’encadrer et à le monétiser intelligemment, au lieu d’adopter des positions extrêmes (faire une guerre perdue d’avance / tout légaliser).
Par contre, le seul moyen d’accès décent à la culture, faut pas déconner. Comment faisait-on avant le Net? Il y a la télé, la radio, la gratuité de la presse sur le Net, le streaming légal, les bibliothéques qui ne coûtent presque rien. La vérité, c’est que les gens veulent de la culture, mais ne sont pas prêts à payer pour ça, ne comprennent pas qu’on doive payer pour ça, alors ils se réfugient derrière l’argument romantique du voleur de pommes. Sauf que, d’une, on ne crève pas de ne pas avoir la dernière série à la mode six mois avant son passage en France à la télé, de deux, la contraction de la rémunération globale conduit à un appauvrissement de la culture qui nuit à la société dans son ensemble. Les piratins sont comme des pêcheurs qui puisent dans la mer tant qu’il y a du poisson et sont les premiers à râler quand il se raréfie.
C’est pas des drogues dures qu’on devrait interdire, le pouvoir et l’argent ?
Pardon ???? La plupart des séries les plus téléchargées passent un jour ou l’autre sur des chaînes gratuites, faut pas exagérer non plus ! Et les pirates, ils téléchargent à partir de quoi ? Des I-phones 5 qui coûtent la peau des fesses et des ordinateurs encore plus chers !
Tu peux pas mettre tous les pirates dans le même panier Drille.
Je n’ai personnelement déjà pas les moyens de m’acheter tous mes livres, je vais au ciné 3 fois par an vu le prix, je n’ai pas de télé et je ne visualise pas en VF de toute façon, j’achète quelques CD et DVD de temps en temps mais ça ne comble pas tout ce que je consomme. Je pirate oui, et une taxe sur le net ne me paraît pas aberrante pour compenser mon comportement, de la même façon que je paye la bibliothèque municipale pour emprunter.
Je n’ai pas d’iPhone ou d’iPad, même pas un tel qui marche correctement et je cherche à baisser mon forfait sans cesse. Je ne prête ni ne duplique ce que je récupère, j’efface même souvent par manque de place une fois « consommé ».
Avec moi personnellement, il n’est pas vraiment question de manque à gagner dans ma façon de pirater, j’ai déjà tendance à dépenser plus que je ne peux me permettre.
Je supporte à fond l’article de Lionel bien sûr. Discussion, solution 🙂
What Elsa says.
Et puis juste pour dire, je suis comme tout le monde, je DL aussi, hein. Je suis juste fou de rage de voir tous ces cons tourner en rond de façon oiseuse, Hadopi et QdN même rhétorique, alors que des réseaux comme iPredator ou Megaupload en son temps brassaient des millions, qu’AVEC UN POIL PLUS DE BONNE VOLONTE, on aurait pu filer à la culture au lieu qu’ils s’évaporent en fumée.
On ne parle pas de quelqu’un qui vole une pomme parce qu’il n’a pas les moyens de manger ! Les pirates du web, c’est pas Jean Valjean et Cosette !!
J’approuve Lionel et Lelf à 100%. Depuis le temps, on s’est bien rendu compte qu’un des gros problèmes relatifs au piratage, c’était le manque d’alternatives légales correctes et bien mises en avant, et juste quand un programme se met en place pour plancher pour de vrai sur la question (d’accord, dirigé par Lescure, qui sur le papier ne semble pas le meilleur candidat, mais on ne peut pas savoir sans avoir essayé), pfuit, plus personne… Merci les gars, après s’être plaints des années de l’absence de dialogue possible, une porte s’ouvre, vous la claquez parce que la pièce derrière ne vous semble pas confortable, à vue de nez, sans être entrés pour vérifier, et sans dire quel ameublement vous auriez préféré. Bravo.
Je ne suis pas artiste, mais informaticien, actuellement embauché dans une boîte qui fait des jeux « free-to-play » avec la possibilité d’acheter certains items pour les avoir plus facilement (ce qui ne signifie pas, comme pour certains jeux, que ces items sont exclusifs, juste qu’un utilisateur non-payant devra plus investir en temps (et donc en pub) pour les obtenir. Et ils ne donnent même pas d’avantages de gameplay… ). Et bien tous les jours, le support et le community management sont inondés de messages de gens qui jouent gratuitement et se plaignent, parce que quand même, c’est pas juste de mettre en avant les offres payantes, qu’on triche surement pour fausser les probabilités et rendre les items impossible à obtenir, et que bon, ils nous font déjà l’honneur de jouer à nos jeux, on devrait être contents… Et s’occuper de leurs demandes en priorité… Sauf que grâce aux adblockers et autres joyeusetés, les pubs (peu nombreuses en plus) ne rapportent presque plus rien, à moins de baisser son pantalon devant les fournisseurs et de les laisser ficher le nez dans notre code pour mettre des pubs crades / ultra-invasives. Les utilisateurs payants, ce sont ceux qui nous permette de payer les serveurs, nos locaux, nos machines, et accessoirement de manger et payer nos loyers à la fin du mois, bien sûr qu’on les chouchoute !
Cette mauvaise habitude du « c’est sur le net, donc c’est tout gratuit »… Un problème de fond, et un problème d’éducation. Un problème que cette fameuse « mission Lescure » aurait pu contribuer à solutionner, sans doute mieux en disposant de connaisseurs du net pour la conseiller correctement. -_-
Je dois sûrement vivre dans une grotte… je n’avais jamais entendu parler, ni même imaginé cette idée de taxe sur l’abonnement internet. C’est brillant ! Je serai tout à fait d’accord de payer 5-6 euros de plus par mois pour régler ce problème.
Je plussoie tout ce qu’a dit Damien. J’aurais une chose à ajouter, c’est à propos du sentiment de pauvreté. On sait que c’est une chose relative, relative à ce qu’on peut potentiellement posséder. Et perso, étant une grande consommatrice de films et séries, je me sens toujours frustrée de ne pas pouvoir m’offrir tout ce que je voudrais voir, et il faut dire que l’offre est très vaste. Je ne dis pas qu’il faut me plaindre, c’est juste pour mettre en avant le fait que les mentalités ont évolué. Nous avons la chance de vivre en paix, et dans de bonnes conditions matérielles. Alors de quoi on a envie dans ce cas ? De divertissement. (et j’accorde une grande valeur à ce mot, je ne l’associe pas nécessairement à « futilité »). Alors soit, je ne peux pas me payer de nouvel ordinateur, je ne mange pas tout ce que je voudrais, je dois compter mes bières quand je sors au bar, et un dîner entre amis me coûte un bras sur mon budget mensuel, j’accepte tout cela. Mais le soir, j’ai envie d’une bonne série. Et l’offre légale n’est pas adaptée ni à mes envies, ni à mon budget. Voilà. Du coup, oui, je me sens pauvre.
Alors au-delà du problème de mentalité du « tout tout de suite » propre aux sociétés de consommation, je crois qu’il y a aussi quelque chose d’un peu moins futile. Oui, ça me gonfle d’attendre des mois une VF de Game of thrones. Et oui, je serais toute prête à payer.
J’attends toujours une proposition intéressante. On en revient au fait qu’effectivement, c’est très dommage et même lamentable que les acteurs du Net n’aient pas les coui**** d’engager un vrai débat, comme les syndicats de fac qui ne présentent pas de vraies revendications, mais se dissimulent derrière. Sans doute, comme tu le dis Lionel, au cas où ça s’arrangerait vraiment. Mince, à quoi ils serviraient alors ? 🙂
Enfin bref. Merci pour avoir partagé avec nous ton point de vue sur ce sujet brûlant 🙂
Je suis totalement honnête, moi aussi je veux mon Game of Thrones en VOSTA propre avant la sortie DVD qui aura lieu aux calendes grecques (et parfois mal sous-titré – voir le scandale des Ghost in the Shell Stand Alone Complex dont les fansubs anglais sont meilleurs que les sous-titres commerciaux français). Mais je m’illusionne pas un instant sur la légitimité de ma démarche. C’est ça qui m’agace dans ce discours fumeux qui entoure la piraterie : se poser en white hats et en défenseurs du consommateur, ou avancer l’argument du voleur de pommes, alors que merde, c’est un manque à gagner réel et une violation du droit des créateurs.
Après, oui, le piratage est un fait et l’offre légale est souvent d’une complexité proprement rebutante. Tant que les fournisseurs de contenu n’auront pas compris ça, ils iront au casse-pipe. On est d’accord. Ça n’empêche pas que pirater, c’est une forme de vol : reconnaissons-le au lieu de partir dans des arguments fumeux sur l’éthique de la pratique comme le font souvent les activistes, alors que ça cache totalement le vrai problème : sans thune, pas de culture de qualité. Maintenant, il faut inventer les systèmes qui donnent envie au consommateur de mettre la main au porte-monnaie (Amazon et Apple l’ont, bizarrement, bien compris, eux…).
La fameuse « licence globale », une idée qui semble géniale sur le concept, en réalité un véritable cauchemar de gestion. Sur quoi se baser pour déterminer le prix juste et répartir équitablement les fonds collectés ? Quid de l’international ? Ça fait des années qu’on y pense, personne n’a jamais réussi à fournir un modèle considéré comme satisfaisant. À mon humble avis, une (ou plusieurs) bonne(s) plateforme(s) de contenu légal avec choix preview, abonnement ou achat (par exemple), bien mis(es) en valeur, avec une éducation intelligente des utilisateurs par les médias (ah ah, pas la communication Hadopi/PUR…), et on pourrait avancer dans la bonne direction. Mais mais mais… ne serait-ce pas l’objectif de la « mission Lescure » de réfléchir (entre autres choses) à ce type de solutions et à la façon de coordonner les acteurs du système pour que ça fonctionne ? Ah, ben si… (ceci dit, c’était aussi là qu’était censé passer une bonne partie du budget Hadopi, on a vu ce que ça a donné, certes. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras.)
J’ai entendu parler de la possibilité de mettre des trackers open source dans les clients de DL. Ça serait une bonne idée (je proposais même carrément il y a deux ans de faire du p2p une organisation d’État).
Mais évidemment, cela implique une réflexion mondiale pour trouver des solutions. Comme contre la famine, la maladie et la pauvreté ? Bien sûr, j’y crois à mort.
Il y a quelque chose qui m’ennuie un peu dans certaines des réactions postées ici, bien que je sois globalement d’accord avec ce qui a été débattu.
Quand je dis « la plupart des gens n’ont pas les moyens » et que vous me répondez « mais bien sûr que si », sur quoi vous basez-vous?
Je suis désolée d’être aussi rentre-dedans, mais je pense que vous n’en savez rien. Quand on vit (ce qui m’est arrivé, hein!) avec un salaire correct pour soi tout seul, on s’en sort plutôt pas mal. Maintenant, imaginez un couple qui vit avec un smic pour deux. Est-ce que vous vous rendez-compte que ça couvre à peine les frais quotidiens?
Je pense sincèrement qu’une grande partie de la population n’a pas les moyens d’accéder à la culture. Ca ne peut pas être une priorité quand on n’est déjà pas sûr de ce que les enfants vont manger à la fin du mois. Alors attention, je ne dis pas que c’est la raison générale du téléchargement, et des gens comme en décrit Damien, j’en connais aussi.
Mais dire que les gens ne comprennent pas pourquoi il faudrait payer, c’est les prendre pour des cons et c’est, d’après moi, une généralité abusive. Pour la génération de nos parents, le téléchargement illégal est une réalité plutôt neuve et qui, disons, les arrange bien., mais ce n’est pas quelque chose qui va de soi.
En disant cela, je ne défends pas le vol, et je suis tout à fait d’accord pour remarquer que les créateurs, puisqu’ils ne « produisent » pas au sens mercantile du terme, ne sont pas considérés comme ils le devraient. Mais en tant qu’humaniste fervente, pour employer de grands mots, cela me dérange que pour un grand nombre de personnes, l’accès à la culture n’aille pas de soi.
Et non, je suis désolée, ça ne va vraiment pas de soi (cf la manière dont Lelf détaille son budget culture, je suis tout à fait d’accord avec elle)
Quand on a de quoi acheter un PC et un abo à Internet pour DL du torrent, on a aussi les moyens d’écouter la radio GRATUITE, de lire la presse GRATUITE en ligne, de regarder la télé GRATUITE, de prendre un abonnement à la bibliothèque.
OK, quand on tire le diable par la queue et qu’on n’a même pas les moyens d’avoir une ligne haut débit, je ne dis pas. Mais alors, on n’a pas les moyens de DL. Si on DL, c’est qu’on a au minimum les moyens de se payer le matos qui va derrière. Soit au minimum 300 euros + 30 d’abo par mois, ce qui n’est pas une dépense anodine pour les foyers vraiment dans la dèche. Et si on a ces moyens, le DL devient une question de confort et d’impatience, pas d’accès ou non à la culture. Bref, c’est un faux argument pour trouver une justification éthique à une pratique qui n’en a pas.
Ensuite, je ne reviens pas sur ce qui a été dit, ça ne change rien au fait que la pratique s’ancre dans les moeurs et qu’il faut trouver comment rémunérer intelligemment la création. Mais ça reste illégal, et injustifiable en l’état des choses. Des gens qui ont les moyens mais qui DL parce que c’est plus pratique et confortable, j’en connais des TAS, et si chacun d’entre nous est honnête dans ce thread, il admettra qu’il en connaît aussi (voir qu’il est directement concerné). Mais ça frappe justement au coeur du problème: c’est PRATIQUE et CONFORTABLE. Ce que n’est pas l’offre légale. Et, honnêtement, je désespère qu’elle le soit un jour en-dehors d’Apple et Amazon.
Bon, Lionel, je n’ai pas envie de me disputer avec toi, et encore moins en public 🙂
Mais tu dois bien comprendre que mon argumentation est basée sur MON expérience, parce que je ne voulais pas me permettre de parler pour les autres. Et je me sens légèrement insultée quand tu ne cesses de me dire ce que je peux faire ou pas avec MON budget….
Bien que cela ne regarde pas vraiment les gens ici, qui doivent s’en ficher comme de l’an 40 d’ailleurs (:)) , je dirai simplement que ce n’est pas moi qui ai payé mon PC, ni moi qui finance l’abonnement internet. Et peut-être que je ne suis pas assez curieuse et que je ne me suis pas renseignée, mais je ne sais pas où trouver une VO légale et gratuite de Big Bang Theory (c’est peut-être une partie du problème? Un meilleur accès à l’offre légale, une meilleure visibilité?)
Autre exemple : j’ai acheté le dernier live d’Hocico, parce que je suis fan de ce groupe. Si j’avais voulu me le procurer via le téléchargement légal, j’aurais payé 89 centimes par chanson, soit environ 14 euros pour un album dématérialisé. C’est beaucoup trop cher!
Je préfère une expérience comme celle qu’a tentée Trent Reznor pour vendre ses derniers albums : l’internaute met le prix qu’il est prêt à payer pour le recevoir. Perso, je l’ai acheté pour 5 dollars. En moyenne, les gens mettent une vingtaine de dollars. L’album s’est, à ma connaissance, très bien vendu… J’en conclue que les gens sont tout à fait prêts à payer pour se procurer ce qu’ils aiment… Le reste, on le télécharge parce qu’on a envie de découvrir, et désolée,
mais je ne vois pas comment faire autrement. C’est particulièrement évident en ce qui concerne la musique, bien qu’une offre comme celle de LastFM soit tout à fait bien foutue, à mon avis. Quant aux films, je serais la dernière des incultes si je n’avais pas accès au piratage, et je ne vois pas non plus comment contourner ce problème.
Kalys, mes excuses si je t’ai offusquée, là n’était pas l’intention, d’ailleurs mon discours ne s’adressait pas à toi personnellement mais se veut plus global. Cependant, tu soulèves par rapport à ton cas un certain nombre de points importants dans la discussion, alors permets-moi de m’en servir, là aussi avec une visée plus générale, et non pour m’en prendre à toi précisément.
Je maintiens que la culture est disponible gratuitement, donc accessible à tous. J’ai cité la radio (il y a France Culture) et la télé (il y a Arte) il y a les bibliothèques et leurs rayons de classiques et d’ouvrage de vulgarisation. Quand tu parles de chercher des solutions de streaming légal pour certaines séries, tu portes la discussion sur un autre terrain : tu ne trouves pas la culture que tu CHERCHES. Ce qui n’est pas DU TOUT la même chose. Et c’est à ce titre que le piratage devient une facilité et un confort, et pour lequel il n’est nullement défendable en tant qu’argument d’accès culturel. Parce qu’il existe déjà largement assez de systèmes proposant un accès gratuit à une culture de qualité. Après, en veut-on ou pas ? C’est un autre problème. Mais dire « le piratage, c’est enfin l’accès à la culture », non. Le piratage, c’est accéder à Game of Thrones ou à Doctor Who avant la sortie française parce que je suis impatient, que je trouve la VF souvent inadéquate et que c’est même pas dit que ça passe en France un jour. Mais s’il s’agit d’accéder à la culture DANS SON ENSEMBLE, alors bibliothèques, radios et télés du service public le font, et ce depuis des dizaines d’années, avant le haut débit. Il y avait une vie culturelle avant le Net…
Tu soulèves également l’argument du prix qui est un vrai problème de société. Tu considères que c’est trop cher, donc tu pirates. La culture et le Net sont le SEUL domaine de l’économie où l’on peut faire ça, mais où, en plus, dans l’esprit des gens, c’est légitime. Pourtant, quand une bouteille de vin est trop chère, on ne l’achète pas. Quand un loyer est trop cher, on vit dans plus petit. Mais avec le Net, on peut s’en affranchir, et on se considère bien-fondé à le faire.
Sauf que c’est fallacieux et malhonnête.
Je ne te fustige pas, je te remercie de ton intervention car tu reflètes très bien l’état des temps. Oui, l’offre légale est, pour le dire poliment, parfaitement étique, et ça ne fait qu’encourager le piratage. Oui, on emmerde le consommateur légal avec des DRM qui rendent le piratage plus facile à pratiquer. Oui, Hadopi est une monstruosité. Oui, il faut trouver des solutions. Mais non, le piratage n’est pas une pratique défendable du point de vue moral. Il existe une culture de qualité déjà disponible pour des frais inférieurs à ceux d’un abonnement Internet. Donc ce n’est pas une question d’accès. Et, dans notre système économique, c’est celui qui propose un bien qui en fixe le prix ; la loi de l’offre et de la demande fait que c’est acheté, ou non, et donc que l’acteur économique perdure, ou non. Le piratage permet de consommer sans payer, ce qui fausse totalement ce jeu, et en fait un vol qualifié. Si tu ne peux pas te payer une voiture, est-ce que tu repars avec quand même parce que tu considères que ce n’est pas le prix que, toi, tu aurais été prête à mettre?
Je répète que je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Le piratage est un état de fait. L’acteur économique intelligent y réfléchira pour tirer son épingle du jeu. Mais cela n’en fait pas autant une pratique morale et juste. C’est une vision à court terme qui conduira à l’appauvrissement de la sphère intellectuelle. C’est exactement ce qui se passe quand des pêcheurs râlent des interdictions de puiser dans les stocks, le font quand même « car ils ont bien le droit » et se tirent une balle dans le pied parce que, deux ans plus tard, il n’y a plus de poisson, et tout le monde met la clé sous la porte.
Pour terminer sur Reznor, il peut faire ce genre de choses car il est connu. Radiohead peut dire fuck à la grande distri car ils sont connus. Le mec qui tente la même aventure dans son garage, sans nom, sans passé, sans carrière, se casse les dents 99 fois sur 100. Une star a le suivi, la renommée, une confiance de son public, et surtout une expérience de créateur qui lui permet de s’affranchir des intermédiaires. En revanche, les nombreux auteurs auto-publiés peuvent témoigner de la quasi-impossibilité de se faire une place au soleil quand on débarque de nulle part, sans personne pour vous propulser sur le devant de la scène. Ce qu’ils font est parfois d’un très haut niveau. Mais il est quasi impossible de se faire découvrir dans ces conditions.
La solution d’une taxe sur l’accès à l’internet semble intéressante, mais comme l’a soulevé Damien, le problème de la répartition des deniers ainsi engrangés se pose immédiatement. Ce n’est pas une solution pratique dans l’état actuel des choses… ou même à plus long terme.
Pour rester pragmatique, le piratage d’œuvres existe et ne disparaîtra pas. Comme le dit Lionel, une guerre ouverte ne peut pas fonctionner à long terme. La loi ne pourra jamais suivre assez rapidement les évolutions technologiques, et la dématérialisation de contenu doublée d’un accès grandissant à la sphère virtuelle veut dire que toute œuvre devient extrêment volatile.
Une solution viable devient de présenter une offre suffisamment concurrencielle vis-à-vis de l’offre pirate.
Cela veut dire un contenu facile d’accès, à disposition rapide et en offrant un service que les pirates ne pourront suivre.
A disposition rapide, parce que les gens veulent leur came intellectuelle (ou moins intellectuelle) tout de suite. La patience n’est plus une vertu…
Facile d’accès parce que si ça prend plus de deux clics, on perd déjà la moitié des clients (la diminution est exponentielle en fonction du nombre d’opérations nécessaires).
Et meilleur service, parce qu’il faut bien offrir quelque chose de plus.
Pour référence, je travaille dans le monde du jeu vidéo, donc je souffre aussi du problème.
Autre point, je vis à l’étranger, et la plupart des services de vidéo à la demande n’offre que très peu de contenu non doublé, si ce n’est aucun, d’où une frustration énorme.
Merci de ton point de vue d’un autre média, et qui confirme que c’est une vraie question d’attitude…
Ce que je vais dire ne doit blesser personne, la culture tient une place importante dans ma vie, mais, par rapport au débat qui est le notre, n’oublions pas que le budget culturel appartient au superflu. On peut vivre sans culture (je ne le recommande pas, bien sûr) et je rejoins Lionel : il n’est là question que de confort… Quant aux créateurs, ceux qui « fabriquent » la culture et que le piratage spolie, c’est un fait, quelle place tiennent-ils dans vos raisonnements ?
Je ne crois pas que la culture appartienne au superflu… Ce serait un peu long de détailler, car il existe en effet divers produits culturels, qui ne valent sans doute pas tous la même chose… Mais vivre sans culture, c’est survivre, je pense, et ça crée quand même des gens dramatiquement cons…
Je ne sais pas trop dans quelle mesure les créateurs sont spoliés par le piratage. J’ai l’impression que ça dépend beaucoup des personnes : certains musiciens ont l’air ravis de partager leur musique via des téléchargements légaux et gratuits, d’autres y voient un énorme manque à gagner… Du coup je ne sais pas.
Personnellement, et puisque la culture appartient en effet au superflu en termes de survie pure, et qu’elle ne produit rien, je pense que considérer que les créateurs sont spoliés tient en partie à un raisonnement très moderne consistant à dire, pour la première fois, qu’une production intellectuelle a un prix.
Et moi qui me targue d’écrire, j’ai surtout envie de partager le fruit de mes réflexions avec les gens, pas d’en vivre… Si je suis propriétaire de mes idées, je peux aussi bien les garder pour moi (cynisme, bien sûr :))
Je pense aussi que la culture est nécessaire au fonctionnement d’une société humaine ; ça serait trop long de développer, mais c’est elle qui assure la passation du savoir et l’épanouissement global de l’espèce ainsi que son amélioration.
Sur l’aspect plus financier. Oui, le piratage est un manque à gagner, j’avais donné les chiffres de la SACEM par rapport aux perceptions il y a quelques années au moment d’Hadopi. Malheureusement, il y a souvent un effet distorsif de la popularité. Quand tu n’es pas connu, bizarrement tu n’as pas de souci à te diffuser gratos, parce que tu n’as rien à perdre : tu ne gagnes rien de toute façon. Après, quand tu as un patrimoine à faire vivre, c’est plus contrasté. Voir l’histoire de Schramm dans l’article ou même des quantités de libristes qui, bizarrement, tiennent un discours contraire à celui de leurs débuts quand ils commencent à se rendre compte que leur production a une valeur.
Et sinon, évidemment qu’une production intellectuelle a un prix! Il ne peut en être autrement. Au-delà du fait qu’on vive dans une société capitaliste et marchande qui force à placer la culture sur le marché (on peut considérer que c’est inadéquat, c’est mon cas, mais c’est un fait, faut vivre avec), toute progression humaine est, un degré ou un autre, une production intellectuelle, du design de la Clio aux algorithmes de Google. La contrepartie monétaire est normale, à moins de vivre en anarchie communautaire. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Je crois que j’ai répondu à la question du revenu dans mon précédent message… Honnêtement, je n’en sais rien!
Je ne comprends pas le sens que tu donnes au terme « superflu »…?
Il ne s’agit pas de prix, il s’agit du revenu du créateur !
Et quand j’emploie le mot superflu, c’est dans son sens économique, pas pour qualifier l’activité culturelle. Demande à Lionel qui me connaît plutôt bien… J’ai même perdu mon job en partie parce que je voulais trop en faire dans ce côté-là… Pour autant, je ne vois pas l’intérêt de pirater, désolé…
Tu ne peux pas vivre sans manger, tu peux vivre sans regarder une série TV. Donc, la série appartient au superflu.
Je ne pense pas que ce soit vrai… Enfin, si, bien sûr, je comprends ce que tu veux dire. Mais si ce n’est une série TV, si ce n’est un produit culturel quelconque, alors ce sera la religion. L’imagination fait partie intégrante de l’être humain. C’est en ce sens que je dis que ce n’est pas superflu. Je ne crois pas qu’un humain puisse vivre sans ça. Autrement, nous serions des robots, ou des animaux dénués de conscience. C’est en grande partie l’imagination qui nous a conduits où nous en sommes maintenant, c’est l’imagination le fondement de notre évolution, c’est elle qui conduit aux grandes découvertes et c’est elle qui conditionne les quêtes spirituelles.
En ne rémunérant pas les créateurs, on pousse aussi à leur disparition et donc à l’appauvrissement du genre humain ^^
Je ne vais pas faire un cours d’économie, je ne suis pas compétent pour ça, mais, en plus, il me semble que la filière piratage est un parfait exemple de système capitaliste : on crée un besoin qui n’a rien d’essentiel et on fait un max de bénéfice dessus, en exploitant le travail d’autrui, rémunéré même pas des clopinettes, en l’occurrence, puisque le créateur ne touche rien en échange de son travail…
Si tu as besoin d’être rémunéré pour créer, alors tu es un imposteur, pas un artiste.
C’est tout de même un privilège que d’être payé pour avoir dit ce qu’on avait envie dans un bouquin… dans la mesure où la culture est un produit marchand d’ordre superflu…
Les plates-formes de piratage ne font pas, à ma connaissance, de bénéfices.
Et puis bon, ça va aller hein, comme les pirates sont des méchants : quand je vois qu’Argemmios rémunère trente euros une nouvelle publiée dans la prochaine anthologie, et c’est tout (pas de droits d’auteurs sur chaque publication – ce qui j’imagine ne monterait même pas jusqu’à trente euros de toute façon…) J’appelle pas ça une rémunération, moi! C’est une gratification, tout au plus. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas comme ça partout et depuis longtemps, mais j’ai comme l’impression que le système vit déjà de « l’exploitation » des créateurs.
Heu, là, quand même, faut pas abuser. Ce serait un privilège d’être payé pour être lu, écouté, si le public n’en retirait rien. Sauf qu’il en retire grandement quelque chose : du plaisir, en échange de travail. Donc ça se rémunère. Etre payé en échange d’une publication, c’est un droit. C’est un ECHANGE. Et pour pouvoir créer correctement, désolé de briser un peu le romantisme, mais il faut être payé.
Quant au fait que les plate-formes de piratage ne fassent pas de bénéfices, pardon à nouveau mais va en parler à MegaUpload, aux hébergeurs mafieux dans le cloud dont certains sont pilotés par les triades asiatiques, ou même aux forums de direct download qui sont inondés de pubs. Philanthropisme, certainement.