La boîte à outils de l’écrivain : Getting Things Done (s’organiser pour réussir)

Ça va commence à se voir, que ma petite (et bénigne) obsession est la productivité : il y a eu l’été de la productivité en ces lieux en 2013, j’ai parlé de Getting Things Done de loin en loin, je bassine tout mon entourage avec, bref, il est temps d’admettre que a) je suis un pratiquant régulier de la méthode et b) elle a sa place dans la boîte à outils de l’écrivain.

Pour une définition détaillée de ce qu’est GTD, je t’invite, auguste lectorat, à te référer aux liens ci-dessus, mais, en résumé :

La promesse de GTD

Getting Things Done est probablement la méthode de productivité la plus simple et la plus connue. Le livre originel (mis à jour en 2015) est un best-seller interplanétaire, qui a généré des kilotonnes de séminaires, d’ouvrages, de sites web. La méthode GTD ne promet pas tant de rendre son lecteur plus productif (même si cela fait partie du jeu) mais de le rendre plus détendu dans l’exécution, ce qui a souvent pour effet secondaire de le rendre plus efficace – mais le but avoué consiste plutôt à travailler, idéalement, plus intelligemment et moins. (Je me débrouille assez bien sur le premier, pas du tout sur le second.)

GTD accomplit cela à travers une méthode systématique et simple qui s’appuie sur les points communs à toute tâche relative à l’expérience humaine. (Rien que ça.) En résumant beaucoup, il s’agit de :

  • Rassembler les informations, idées et entrées provenant du monde ;
  • De les clarifier, c’est-à-dire de déterminer ce dont il s’agit : une idée à laisser mijoter ? Un projet à lancer ?
  • De les organiser dans un système digne de confiance (Moleskine taché de café ou application de bureau puissante) ;
  • De passer celui-ci en revue régulièrement pour s’assurer de conserver un tableau global et à jour ;
  • Pour agir.

Cela peut sembler très théorique, mais le livre fournit quantité de conseils pratiques et d’astuces pour la mise en place d’une telle organisation. GTD s’apparente pour moi à un cours d’autodéfense mentale face à l’agitation du quotidien et à la quantité oppressante d’engagements que nous sommes amenés à prendre, en inculquant des réflexes intellectuels fondamentaux pour traiter les imprévus et rediriger l’énergie vers une réaction adaptée (au lieu de courir dans tous les sens comme une poule sans tête).

En quoi GTD aide l’écrivain

Pourquoi GTD se trouve-t-il dans la boîte à outils de l’écrivain ? Qu’est-ce qu’un auteur peut tirer de ce bouquin qui se propose – rien de moins – que de structurer ta vie ?

GTD aide l’auteur à organiser ses projets et à définir ses priorités. En soi, ce serait déjà beaucoup, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Comme dit plus haut, GTD aide ainsi à libérer l’espace mental critique à la création. Il s’agit de clarifier les pensées, l’esprit, d’écarter tout ce qui peut parasiter la réflexion, afin de débarrasser, en un sens, l’espace intérieur pour arriver à produire calmement. En éduquant à la construction d’un système digne de confiance où se trouvent remisées toutes les “boucles ouvertes”, toutes les tâches non accomplies, engagements, promesses faites, GTD tranquillise : il n’est plus question de se dire “je voudrais écrire mais il faudra que je sorte les poubelles” mais de remiser clairement le fait de devoir sortir les poubelles dans un lieu qui sera consulté au moment opportun, évacuant toutes ces tensions conscientes et inconscientes.

Contrairement à la plupart des discours, GTD part de la base pour élever la réflexion. La plupart des méthodes de productivité ou même de développement personnel partent de la vision de long terme : que veux-tu faire ? Où veux-tu aller ? GTD fait exactement l’inverse en enseignant d’abord à gérer le quotidien, les petites choses, en postulant qu’y parvenir permet d’élever la vision peu à peu vers les buts, et qu’il ne sert à rien de se fixer d’ambitieux objectifs pour l’année prochaine si c’est déjà la panique pour acheter du pain ce soir. Il me semble que cette approche est extrêmement féconde dans la création, puisqu’elle libère, là encore, les accaparements immédiats pour dégager de l’air dans le crâne.

GTD débloque la création en transformant l’angoisse en action. David Allen, l’auteur de GTD, dit “ceux qui pratiquent GTD n’ont plus de problèmes, ils n’ont que des projets” – ce que je trouve assez juste. Une pratique régulière de GTD ancre des questions fondamentales qui ont trait à la pleine conscience : que fais-je ? Pourquoi ? Quel est le but visé ? Quelle est ma prochaine action ? Cela ne résout pas d’emblée l’angoisse de la page blanche (nous avons un épisode de Procrastination qui arrive sur le sujet, d’ailleurs) mais cela permet en tout cas à l’auteur en panne de se réapproprier son blocage et son problème. De quoi ai-je besoin pour écrire ? Pourquoi n’arrivé-je pas à avancer ? De quoi ai-je besoin ? Comment agir ?

Conseils fondamentaux pour adopter GTD

J’ai tenté à peu près trois fois de me mettre à GTD sérieusement et ça n’est qu’à la troisième que j’ai vraiment tenu rigoureusement (et tiens toujours). Il est très facile de décrocher de la pratique du système – ce qui interroge : un système si difficile à adopter en apparence est-il bien pertinent ? Je t’invite, auguste lectorat, à lire les six erreurs idiotes à ne pas commettre pour adopter GTD, mais par-dessus tout, l’expérience prouve que le décrochage est causé par une réticence à adopter le système dans son ensemble et à le personnaliser a priori. Sauf que tout dans GTD est à la fois nécessaire et suffisant, du moins en première approche, et qu’on l’adopte donc en entier, ou pas du tout.

Notamment, la clé de voûte est la revue hebdomadaire (weekly review) qui doit, oui, occuper deux heures par semaine. Deux heures par semaine exigées ! Folie et déraison ! Sauf que non. Ces deux heures sont les heures à la fois les plus productives et les plus reposantes que vous vivrez dans une semaine de travail. Cette exigence en apparence insensée permet de refaire le point sur les jours passés et de redéfinir les priorités et le travail à accomplir pour la semaine à venir… Ce qui permet de rouler en pilotage automatique le reste du temps. Et cette tranquillité d’esprit est justement le but visé par la méthode.

Je n’hésite pas à dire que GTD a changé ma vie, pas forcément en me rendant plus productif (ça, c’est surtout mon Mac qui m’y aide) mais en m’aidant à mettre un ordre profond dans ma vie et mes priorités en m’exposant exactement ce que je fais et ne fais pas à un moment donné. Il reste toujours des choses sur lesquelles je tarde, je demeure parfois sujet à la procrastination, GTD n’est pas magique. Mais j’ai, au bout de plus d’un an de pratique ininterrompue, acquis une clarté de vision sur mon travail, son volume réel (indice : trop important) et repris un contrôle globalement supérieur au travailleur moyen sur mes activités.

Ce n’est évidemment pas parfait, mais c’est un apprentissage constant, et j’ai hâte de voir où GTD m’aura amené dans un an.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2019-06-04T20:30:59+02:00jeudi 30 mars 2017|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain : Getting Things Done (s’organiser pour réussir)

Les littératures de l’imaginaire font front commun

Un événement d’importance pour notre domaine s’est déroulé ce week-end pendant le Salon du Livre de Paris : huit maisons d’édition indépendantes ont rédigé et consigné l’Appel de l’Imaginaire (nom poétique s’il en est). Ces huit éditeurs : L’Atalante, Actu SF, Au diable Vauvert, Le Bélial’, Mnémos, La Volte, Les Moutons Électriques et Critic.

Il s’agit de faire front pour promouvoir ces littératures et ces genres qui sont pourtant rois de l’expérimentation créative… et des ventes (je me rappelle de ces classements Fnac où les intégrales du Trône de Fer occupaient allègrement les premières places). Nul n’ignore aujourd’hui qui est Luke Skywalker, Harry Potter, Frodon, ni même Dracula ou Frankenstein. La déconsidération dont l’imaginaire fait encore trop souvent l’objet n’est ni plus ni moins la marque d’un snobisme intellectuel allié à une ignorance paresseuse. (Ça, c’est moi qui le dis, pas les maisons sus-citées, hein.)

Comme le résume Simon Pinel de Critic : « J’aimerais que nous soyons plus représentés et qu’on arrête cette indifférence ou ce mépris. C’est une spécificité de la France. Au cinéma et dans les jeux vidéo, l’Imaginaire est un genre dominant. Le polar a trouvé sa place mais, pour nous, le constat est général, nous ne sommes pas considérés. »

Le Point propose un article complet sur les ambitions du projet, les déclarations des premiers participants et le premier point d’étape qui aura lieu aux Utopiales, à l’automne ; voir aussi ici sur Actualitté.

2017-03-28T19:09:58+02:00mercredi 29 mars 2017|Le monde du livre|6 Commentaires

Invité de Trinity sur Arte : “La quête dans le jeu vidéo” (Art of Gaming ép. 6)

La joueuse professionnelle Trinity tourne actuellement une série d’émissions courtes sur Arte sur les liens entre jeux vidéo et autres arts : Art of Gaming

Pour l’épisode 6, j’ai eu l’immense plaisir de venir discuter du motif de la quête dans le jeu, mais aussi en littérature, typiquement en fantasy (mais aussi SF) ; et des influences réciproques entre médias. À travers le premier Zelda, The Witcher 3 et EVE Online, nous avons également abordé l’évolution de la narration du média. (Et j’ai aussi pu montrer aussi que je connais encore par cœur, près de 30 ans plus tard, le premier donjon de Zelda, ahaha.)

Merci à Trinity et à toute l’équipe de la production pour son invitation et son accueil pour ce moment très agréable et convivial ! Tous les épisodes sont disponibles sur le site d’Arte, sur la page consacrée à l’émission.

L’épisode sur la quête est visible directement ci-dessous ou chez jeuxvideo.com :

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2019-06-04T20:30:29+02:00mardi 28 mars 2017|Best Of, Entretiens|1 Commentaire

Les Humanoïdes Associés et Critic entrent en partenariat !

Voici une très belle nouvelle à annoncer qui touche les éditions Critic – et que j’ai grand plaisir à partager : les Humanoïdes Associés et les éditions Critic entrent en partenariat pour la réalisation d’adaptations en BD de romans du catalogue. Dans les faits, Éric Marcelin, responsable de Critic, devient directeur de collection chez les Humanoïdes Associés.

Le communiqué de presse :

Les Humanoïdes Associés et Critic s’associent pour adapter des romans en bande dessinée sous leur double label, au service d’une science-fiction toujours plus innovante !
Critic et Les Humanoïdes Associés ont souhaité unir leurs savoir-faire pour offrir de nouvelles histoires, ambitieuses, modernes, ravivant l’esprit de Métal Hurlant. Si elles se différencient par leurs domaines de publication, bande dessinée pour Les Humanoïdes Associés et littérature pour Les Éditions Critic, les deux maisons se retrouvent dans leurs univers, portés sur l’imaginaire et l’aventure. Le partenariat apportera donc de nouveaux projets où les romanciers s’essayeront au jeu du découpage et où les scénaristes de bande dessinée plongeront dans les univers romanesques des auteurs français contemporains.
Pour Bruno Lecigne, éditeur chez Les Humanoïdes Associés : « Outre ceux du catalogue des Humanoïdes Associés, les meilleurs dessinateurs du moment seront, on l’espère, attirés par cette aventure à la fois ludique et expérimentale, deux points communs aux politiques éditoriales de Critic et des Humanoïdes. »
Éric Marcelin, responsable des éditions Critic, prend la direction de la collection du même nom au sein des Humanoïdes Associés. Trois projets d’adaptation sont déjà annoncés :

  • Point Zéro, un thriller d’Antoine Tracqui.
  • Arca, un voyage interstellaire de Romain Benassayas.
  • Les Peaux-Épaisses, de Laurent Genefort, maintes fois primé. Ce titre, adapté par Serge Le Tendre et prévu pour 2018, sera le premier dyptique à aboutir à travers ce partenariat.
2017-03-29T14:14:09+02:00lundi 27 mars 2017|Le monde du livre|7 Commentaires

Là où la critique s’arrête

La critique (littéraire ou autre) a toujours visé plusieurs finalités : la plus fondamentale, elle permet de partager simplement son enthousiasme (ou manque d’icelui), ce qui peut la faire déborder sur un potentiel outil de recommandation. Plus développée et érudite, elle peut servir d’outil d’analyse pointu (les chroniques de la Faquinade, par exemple, viennent aussitôt à l’esprit). Mais son histoire est également jalonnée de conflits de personnalités homériques, de diatribes acerbes voire amères, parfois alimentées par des intérêts ultérieurs (l’auteur qu’on éreinte travaille pour un éditeur adverse, par exemple, ce qui incite à le démolir).

Internet a libéré la parole, ce qui est très bien. Internet a également libéré la critique littéraire, ce qui est excellent aussi, et elle s’est, dans une large mesure, déplacée sur les blogs (surtout pour les niches de genre, comme la nôtre, l’imaginaire, ou d’autres tout aussi structurées en communautés passionnées, comme le métal). Par nature, les diverses facettes ci-dessus s’y retrouvent aussi.

La différence, la bénédiction de la libération de la parole, c’est que n’importe qui peut offrir sa voix au monde ; la malédiction, c’est que n’importe qui peut se poser comme autorité. Loin de moi de souhaiter le retour à une parole centralisée par les organes de communication traditionnels (presse, TV) – mais ceux-ci présentaient toutefois un avantage : celui d’une parole sanctionnée. Le locuteur présenté comme autorité avait une  chance raisonnable de l’être – il était difficile à s’arroger la parole autrement. Il existe de nombreux contre-exemples, bien sûr – et la farce tragicomique du gouvernement Trump avec ses “alternative facts” en offre un exemple tristement saillant. Néanmoins, sur Internet, pour reprendre l’adage, “personne ne sait que vous êtes un chien”.

Le rapport avec la critique littéraire ?

Il est motivé par une réflexion de fond, que, visiblement, je ne suis pas le seul à conduire. La semaine dernière, deux statuts / articles parus sur Facebook, par Estelle Faye et Megan Lindholm, mettent la question en avant :

Capture réalisée avec l’accord de l’autrice. Post d’origine

“C’était une excellente salade de patates, mais ç’aurait dû être une salade de fruits. Ne serait-ce pas un avis étrange sur un plat ? Mais je vois constamment des messages Facebook et Twitter, ainsi que des chroniques sur Goodreads et Amazon, qui déplorent ce qu’un livre ou un film ‘aurait dû être’ ou sur ce qu’ils ‘n’incluaient pas’. Dites-moi ce que c’était, pas ce que ça n’était pas ! Parlez de ce que fait l’œuvre : l’a-t-elle bien accompli ? Voilà ce que je veux savoir.”

J’aime les blogueurs et les critiques, je crois (et j’espère) qu’ils le savent, je relaie un maximum d’articles, parce qu’à la base, nous sommes tous sur Internet, et que j’ai connu autrefois l’utopie libertaire qu’était cet endroit ; que je blogue autant que mon voisin, et que ma parole ne vaut que ce qu’elle vaut, ni plus, ni moins. J’ai rencontré des tas de gens merveilleux parmi la grande famille des blogueurs de l’imaginaire, qui sont devenus pour certains des copains ; d’autres m’impressionnent par leur érudition ; certains encore par leur finesse d’analyse – ils me font parfois sortir en entretien des choses que je n’ai dites nulle part et dont, peut-être, je n’avais qu’à moitié conscience. Je pense donc (et j’espère) qu’ils comprendront que ce qui suit ne représente pas une charge contre eux, mais plutôt un état des lieux à mesure que la sphère se “professionnalise” et se pérennise (ce qui est, je le répète, une excellente chose). 

Les remerciements de Port d’Âmes.

Je crois qu’il est fondamental, pour un chroniqueur, de savoir humblement se placer sur le spectre du goût Vs. l’analyse, qui sont les deux grandes tendances de l’exercice. Spectre qui n’est pas, d’ailleurs, une échelle hiérarchique : l’un n’a pas davantage de valeur que l’autre. En revanche, il s’agit, probablement, d’un spectre de conscience de soi et, surtout, de sa compétence.

L’extrémité du goût, du jugement de valeur personnel, est la plus valide de tous. Chacun a des opinions, des goûts ; chacun a le droit de les exprimer comme il lui sied, et publiquement si ça lui chante. “J’aurais aimé voir x ou y dans cette œuvre” est un jugement éminemment valide, puisqu’il met en avant la personnalité du locuteur. “Je + aimer.” Ce qui me plaît, me sied, est absent de cette œuvre, et elle m’a déplu à cause de ça / m’a plu malgré ça ; j’ai aimé un peu / beaucoup / pas du tout à cause de ça. Chaque créateur sait (ou apprend à la dure) qu’il ne peut pas plaire à tout le monde ; plus tard, il s’en réjouit (du moins, c’est mon cas) car ne pas plaire à tout le monde signifie qu’on a eu un discours signifiant avec lequel il peut valoir la peine d’être en désaccord. On a pris des risques, on a pris position avec ses personnages, son histoire ; et n’est-ce pas là l’essence de toute création ? Dieu abhorre les tièdes.

Au milieu, on trouve l’analyse descriptive. Situer une œuvre dans un courant, juger de ses apports à celui-ci, de son degré d’accessibilité, par exemple ; ce qui permet de cerner le public à qui l’ensemble peut s’adresser, en fonction, mettons, de sa connaissance d’un genre et de ses codes, voire de la qualité d’exécution. (C’est souvent ce qui définit un classique – innovant et accessible, voire universel, à la fois ; et bien exécuté.) À mon humble avis, c’est là que la critique fait le travail le plus utile : elle guide le lecteur putatif vers les œuvres qui peuvent lui correspondre, tout en lui proposant des découvertes, en l’ouvrant à d’autres courants, contribuant à la grande discussion de la littérature.

L’autre extrémité, celle de l’analyse critique, est autrement plus périlleuse. Parce que pouvoir analyser un projet intelligemment signifie avant toute chose de comprendre le projet dont il est question afin de le juger sur ses mérites intrinsèques et sur l’adéquation entre l’intention et l’exécution (sinon, on retombe dans le travers pointé par Megan Lindholm : regrette-t-on qu’un roman classique manque de zombies, en dehors de celui-ci ?) Là-dessus, auguste lectorat, je te ramène à ces deux articles ici publiés. Cela implique donc trois choses : a) une hauteur de vision, b) une culture dépassant l’œuvre seule, c) une certaine science opérante de la création.

Or, se prononcer sur ce que “devrait être une œuvre” (et qu’elle n’est donc pas) désigne en général deux métiers, et ce n’est pas celui de critique littéraire. Ce sont celui d’auteur (qui décide) et d’éditeur (qui propulse). Quand je lis d’une œuvre qu’ “il aurait fallu faire x ou y“, d’autant plus quand on n’en a pas identifié les enjeux, le projet dont il est question, je vais emprunter les mots d’Estelle hors contexte : “ça me gave”. Ces phrases lancées ne posent en rien leur auteur comme une autorité ; ou alors, il faut s’attendre à ce qu’on soit jugé sur les mêmes modalités, c’est-à-dire celles d’un critique professionnel, d’un éditeur, d’un auteur – et, dans ce cas, il convient de pouvoir argumenter de sa compétence. Sinon, il ne s’agit que de gesticulations destinées à se donner de l’importance ; et qui peuvent même être carrément nuisibles, car ce manque d’humilité, cette posture d’autorité, peut influencer à son tour, et sans fondement, un lectorat de bonne foi en quête d’opinions avisées. (Et puis ça peut miner le moral d’un auteur, aussi, qui se dit bien qu’il devrait être au-dessus de tout ça – mais devinez quoi, secret professionnel : après six mois, un ou dix ans passés à plancher sur une œuvre, la voir défoncée par le premier pisse-froid venu qui se prétend le fils spirituel de D’Alembert, eh bah, ça le fait quand même un tout petit peu chier. Même s’il ne l’avouera jamais.)

Auguste lectorat, à titre de démonstration par l’exemple, je vais te raconter une petite histoire qui m’accompagnera à jamais (on pourra dire que c’est ce genre d’anecdote qui forge le caractère d’un auteur). Quand j’étais beaucoup plus jeune (j’avais encore des cheveux, c’est dire) et que je venais de sortir mon premier roman, La Volonté du Dragon, quelqu’un est venu me voir à ma table de dédicaces et m’a dit : “Je l’ai lu. Mouais. Je me suis dit, j’aurais pu l’écrire.”

J’étais jeune, plus tendre qu’aujourd’hui, et je suis resté – vraiment – comme un con. J’ai dû vaguement faire “ah”.

Ce que j’aurais dû répondre, et cela se rattache au sujet qui nous intéresse, c’est : “Très bien. Vas-y, montre-moi, je te regarde.” ou bien : “D’accord, et toi, tu écris quoi ?” La Volonté du Dragon peut avoir des défauts, ne pas convenir à des lecteurs (certains l’ont aimé pour l’absence de manichéisme, d’autres non pour exactement la même raison – ce qui ramène à l’aspect jugement de la chronique) ; mais il a quand même terminé finaliste de trois prix (je ne veux pas dire par là que c’est forcément un grand livre – ce n’est pas à moi d’en juger – mais simplement que quelques personnes extérieures, en réelle position d’autorité, là, ont jugé qu’il pouvait être au moins un tantinet recommandable).

Quand un chroniqueur dit “j’ai détesté”, on le regrette toujours, mais ce sont les risques du métier. Quand Gromovar – dont j’estime beaucoup le travail par ailleurs – explique pourquoi il n’a pas aimé La Volonté du Dragon, je l’en remercie, parce que son article est circonstancié, argumenté, en lien clair avec ses présupposés : en un mot, son article est intelligent, et recevoir une chronique négative comme celle-là, c’est un honneur. Mais quand des chroniques se transforment en prétendus cours d’écriture sur ce qu’une œuvre “doit” ou “ne doit pas” être, en pamphlets paternalistes (car ce sont souvent des hommes qui sont coupables de ce travers, curieusement), il faut s’attendre à se voir jugé en retour sur le même plan : “Qu’as-tu fait, toi, pour asseoir cette position ? As-tu sué comme nous, au long cours, avec ce curieux mélange de foi et d’angoisse au ventre, pour proposer ce que tu avais de meilleur au monde ? Ou bien es-tu juste venu t’acheter un peu d’ego à moindres frais ?”

SI la réponse est non, pour ma part, face à de tels propos et en l’absence de réalisations permettant d’asseoir ce point de vue, ma réponse penchera dorénavant toujours, ouvertement, vers l’expectative. Vas-y, fais. Montre-moi. Je te regarde. Et peut-être y parviendras-tu ; peut-être as-tu bel et bien des leçons à donner ! Mais pour l’instant – et c’est bien toute la question – tu n’as rien fait qui te permette de parler sur ce ton-là. Donne ton avis personnel : bien sûr ! Décris, situe si tu le souhaites. Mais dire ce qu’il “faut” faire, te poser comme une autorité… Non. S’il te plaît, remets – simplement – ta propre importance à sa place.

2020-02-20T00:25:38+01:00mercredi 22 mars 2017|Le monde du livre|17 Commentaires

« Lions et espadons » repris dans l’anthologie Au fil de l’eau

Les 8 et 9 avril, c’est le très chaleureux festival ImaJn’ère, à Angers, aux salons Curnonsky : une chouette fête de l’imaginaire, conviviale autant pour les lecteurs que les auteurs, à laquelle je ne peux que te recommander de venir, auguste lectorat. Le festival, comme tous les ans, a son anthologie, et il faut signaler qu’elle donne sa chance à de jeunes écrivains, ce qu’il convient de saluer !

Couv. Mathieu Seddas

Au sommaire

Arnaud Cuidet, Daniele Thiery, Ophélie Bruneau, Bruno Poshesci, Julius Nicoladec, Hervé Jubert, Myrtille Bastard, Patrice Verry, Lionel Davoust, Francis Carpentier, Sarah & Romain Mallet, Robert Darvel, Jérôme Verschueren, Brice Tarvel, Eric Lainé, Fred Audams et Olivier Boile et Préface de Jean-Hugues Villacampa.

Après Histoires d’aulx, U-chroniques, Riposte Apo, Total Chaos, Rétro-fictions, Star Ouest et Antiqu’Idées l’association imaJn’ère vous propose une nouvelle anthologie thématique !

Réalisée à l’occasion du septième salon ImaJn’ère, le salon de la Science-Fiction et du Policier d’Angers où de plus en de plus d’auteurs de l’imaginaire francophone se réunissent chaque année, l’anthologie Au fil de l’Eau explore tous les aspects bien connus de l’élément liquide, par le biais de la science-fiction, de la fantasy, du fantastique et d’une pointe de polar.

Les auteurs présents dans ce recueil explorent avec talent tous les aspects aqueux de nos mauvais genres préférés que sont le polar, la science-fiction, le fantastique et la fantasy. Après avoir lu ces textes, vous ne verrez plus jamais l’eau comme un simple élément qu’il faudrait soit consommer, soit protéger, mais comme une entité actrice de son environnement.

Qu’elle soit destructrice ou source de vie, force de guérison, de purification, de protection, de régénération, qu’elle représente une contrainte, un danger pour nos corps majoritairement composés d’eau ou pour notre Terre, notre chère « planète bleue », l’eau vous entraînera sans concession à travers des aventures maritimes, des mythes hydrophiles et des enquêtes détrempées. Elle vous contera de façon positive ou non, cette soif vitale qui nous tient, ce besoin sans cesse renouvelé de nous rafraîchir et de nous abreuver à la source de toute chose.

Je suis très content de reproposer pour ma part « Lions et espadons », initialement publiée dans l’anthologie Moissons Futures à La Découverte. À travers le trajet d’un patron de pêche, cette nouvelle parle des dangers de la privatisation des ressources vivantes, sous l’angle humain. À l’époque, j’ai entendu dire qu’elle avait même circulé dans certaines administrations, ce qui était pour moi une grande source de fierté (et d’apaisement, car cela signifiait que je ne devais pas dire trop de bêtises).

L’anthologie sera disponible sur le festival (et moi aussi) (disponible sur le festival, je veux dire) (quoique en pièce unique et non disponible à l’achat) et sinon, il est d’ores et déjà possible de souscrire pour se la procurer, à cette adresse.

2017-04-27T15:12:34+02:00lundi 20 mars 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur « Lions et espadons » repris dans l’anthologie Au fil de l’eau

Refonte partielle du site aux couleurs de La Messagère du Ciel

Comme promis, le site se prend un petit coup de jeune et change de couleurs pour adopter celles de la trilogie « Les Dieux sauvages », dont le premier volume sortira en mai, en même temps en Port d’Âmes en poche. Plus lisible et plus praticable, en principe, certains bugs ont été corrigés (il en reste) et, surtout, la page d’accueil propose une importante refonte, plus facile à naviguer.

Le gros du travail a été effectué sur la page d’accueil. Les actualités principales sont à présent rassemblées toutes au même endroit :

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Les couvertures sont interactives – elles se retournent en passant la souris dessus, avec quelques infos et un lien direct vers la page du livre concerné.

Le blog et les ressources se trouvent rassemblés dans une section plus graphique :

Cliquez pour agrandir

Là aussi, les cartes se retournent, permettant de partir à la pêche en fonction de l’image idiote d’illustration (car des années d’images idiotes en archives doivent servir, il faut qu’on soit très clair là-dessus).

Cela signifie aussi que La Messagère du Ciel dispose enfin de sa propre page dédiée comme tous les autres livres. C’est ici, et c’est là que les informations et chroniques viendront s’archiver, comme ailleurs.

Projets à venir pour le site

Maintenant que j’ai à nouveau une plate-forme fonctionnelle, certains chantiers vont pouvoir avancer (si le temps me le permet). Il y a les portails univers, qui deviennent de plus en plus urgents, notamment pour Évanégyre, ne serait-ce que pour répondre aux deux questions les plus fréquentes : par quel bouquin commencer ? (réponse : celui qu’on veut) quel est l’ordre chronologique des récits dans la trame ? (j’ai une jolie frise en préparation)

Je pense aussi refondre les catégories du blog en quatre grands thèmes généraux pour couvrir tout ce dont il est question ici. Il y a actuellement trop de subdivisions, donc certaines restent en jachère pendant des mois. De toute façon, en 2017, on tend à ne plus avoir douze sous-catégories pour un blog.

J’espère que ce réaménagement te plaira, auguste lectorat ! N’hésite pas à donner ton avis (ou à relever les petits bugs qui risquent inévitablement de rester).

2017-03-16T18:27:01+01:00jeudi 16 mars 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Refonte partielle du site aux couleurs de La Messagère du Ciel

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