Donc, lundi, on a parlé d’Antidote, et c’était chouette. Une des raisons pour lesquelles il était temps que j’en parle, c’est aussi en rapport à une question auxiliaire que j’ai vu passer très souvent ces derniers temps. Il semble qu’à l’heure où j’écris ces mots, l’intégration entre Scrivener et Antidote soit un peu cassée, et donc, comment faire ? Cela cache une question plus profonde : quand corriger style et orthographe, en fait ? 

Mon avis, si vous m’en croyez (mais rappel : vous faites bien ce que vous voulez, bordel), c’est que la la correction de détail devrait représenter l’ultime étape de correction d’un manuscrit. Il y a beaucoup, beaucoup (trop) à faire avant, et notamment, finir le premier jet, s’assurer que l’histoire ait le bon rythme, qu’aucun fil narratif ne reste en plan, qu’il ne manque pas une scène (ou qu’il n’y en ait pas trop), etc. Tout cela, dans le métier, on appelle ça la passe narrative (ou la passe de fond, de scénario, d’histoire, etc.) (ou les, parfois – souvent ?). Corriger le style, nettoyer les répétitions, les fautes, c’est la (ou les) passe stylistique et donc, cela devrait s’effectuer sur une narration déjà validée (a minima par l’auteur elle-même).

Car à quoi bon retravailler un peaufiner un style qu’il faudra peut-être démonter, réécrire parce que Bob le poissonnier doit devenir charpentier, parce que le moment de la journée, les lieux doivent changer, parce qu’en fait non, c’était un cycliste ? Et si la scène disparaît tout simplement sans laisser de traces ? Ou que des longueurs exigent d’en couper un quart ? Pourquoi tout ce boulot ?

Oh, bien sûr, rien n’interdit de peaufiner le style en cours de route (et puis pourquoi pas, si cela vous aide à mieux sentir l’histoire), rien n’interdit rien, on est d’accord, mais si cela me semble une certaine perte de temps, il rôde surtout là un danger : on peut s’attacher davantage à un passage que l’on a corrigé en raison du temps qu’on y a passé, ce qui peut empêcher de voir l’évidence – à savoir, c’est pas bon, point, et ça doit gicler. (“Kill all your darlings”, comme disait Fitzgerald.) Cela revient à vouloir peindre une maison dont on n’a même pas encore terminé les plans… Et c’est un structurel / architecte qui vous dit ça.

Scrivener, malgré tout l’amour passionnel que je lui voue et les nuits que je passe avec lui (le pire c’est que c’est parfois authentique), est avant tout un outil de conception et de rédaction. Son boulot consiste à vous aider à écrire, à dominer vos idées, à mettre de l’ordre dans le chaos. Échanger avec autrui ? Peaufiner le style et la mise en page ? Absolument pas sa tâche. Antidote, lui, est un outil de correction et de polissage stylistique, OK : traque des répétitions, des verbes faibles, des répétitions, des erreurs orthographiques, des répétitions. Il s’agit donc de peaufiner un texte déjà cohérent, construit, fonctionnel narrativement, avec des personnages et une histoire qui tiennent debout.

Donc, à mon sens, la passe Antidote (ou de correction de détail au sens large) se réserve pour la toute fin, une fois la compilation du manuscrit effectuée, sur un fichier au kilomètre rassemblant l’ensemble de son travail. Et de là, on peut l’effectuer dans son traitement de texte classique favori, Word, LibreOffice, Pages, dont l’intégration avec Antidote est éprouvée et solide. À titre personnel, je ne savais même pas que l’intégration entre Scrivener et Antidote ne fonctionnait plus aussi bien, parce que je ne m’en sers jamais, par choix.