Haaa la joie de la machine à écrire qui fait CLAC CLAC CLAC dans tes tympans, remplacée aujourd’hui par les claviers mécaniques à switches Cherry bleu à pois rose à retour de force pulsé, ou bien, pour les vrais esthètes parmi nous, bien sûr, un clavier le plus plat possible faisant le moins de bruit possible avec un casque à réduction de bruit sur les oreilles, mais bon, je ne juge pas, non non, pas du tout.

Bref : l’outil, c’est important. Cela participe de la joie dans la création, ou, et c’est déjà pas mal, cela réduit la barrière à l’entrée. Bien sûr qu’on peut écrire un chef-d’œuvre avec un gros fusain sur un envers de papier cadeau en vivant au pain sec et à l’eau, mais franchement, est-ce que ça vaut bien le coup de se faire mal ? Voilà qui me laisse, comme qui dirait… décontenancé. (Ha.) Donc, faisons-nous plaisir pour produire dans le confort, il y a déjà bien assez de difficultés comme ça, n’en ajoutons pas, et surtout si ça peut être gratuit.

Si l’on écrit, c’est qu’on aime le texte (duh) et souvent, donc, que l’on aime à quoi il ressemble. (D’ailleurs, la typographie, c’est important.) Oui, je sais, un formatage de manuscrit, interligne double, marges hénaurmes, ça fait pas super rêver, ou alors si (ça fait pro ?), cependant : si ça n’est pas votre came, il est tout à fait possible, lors de la production, de se proposer un joli (et reposant) environnement de travail, et je ne sais pas vous, mais pour moi, ça commence par la tronche de la page, et notamment la police de caractères. Il est toujours possible de la changer au dernier moment lors de la soumission à l’éditeur (et, si vous utilisez Scrivener ou Ulysses, le format d’export est de toute façon décorrélé de la fonte dans laquelle vous écrivez).

Bien sûr, en passant, vous vous serez assuré.e d’employer un thème solarisé au lieu de céder à la mode contre-productive des modes sombres.

Alors, qu’est-ce qui est joli ? Et lisible sur écran, surtout. Et peut être à peu près standard, aussi, tant qu’à faire. Et puis gratuit. Une brève sélection de font porn :

Polices type “livre”

Soit : ma page ressemble un peu à un texte joliment mis en page. Ou peut-être même à un volume fin XIXe relié en cuir de veau sous la mère. Ou au Necronomicon. Donc : dans l’esprit du Times (… eeeet j’en suis pas peu fier de celle-là). Deux candidats à proposer / rappeler :

L’omniprésente Georgia a l’avantage d’être fournie avec tous les systèmes modernes et même d’être standard sur le web.

GearedBull, CC-By SA

Probablement la seule vraie invention universellement bonne de Microsoft (rhooo), il faut noter qu’elle a été spécialement conçue pour une lisibilité optimale sur écran. Elle est élégante avec sa relative graisse, et présente des chiffres elzéviriens (soit des chiffres non alignés sur la ligne de base, également appelés en vocabulaire technique “chiffres carrément classe”) ce qui est rare de nos jours dans une fonte moderne. Elle donne un petit côté vieux bouquin, façon Garamond, sauf que le Garamond, si vous voulez mon avis, c’est complètement impossible sur un écran (et pour cause : le Garamond économise de l’encre à l’impression en raison de caractères fins et petits).

Si la Georgia on my mind vous semble déjà horriblement vue et revue, je vous propose une autre possibilité, gratuite également, humblement utilisée sur le présent site à l’heure où je rédige ces octets depuis que justement à force de voir du Georgia partout je m’en laissais : Merriweather.

Une des nombreuses Google Fonts, Merriweather est pour moi une sorte de mi-chemin agréable entre Garamond et Georgia, c’est-à-dire gardant l’élégance des deux, mais en un peu plus carrée, ce qui la rend presque plus lisible encore sur écran. Avec des chiffres elzéviriens aussi parce que les essayer c’est les adopter, disponible en ligne via l’intégration de Google mais également librement téléchargeable à peu près n’importe où comme ici et gratuit pour un usage commercial, Merriweather montre le raffinement d’une différence légère, tout en restant dans un classicisme efficace, et oui je me la raconte total.

Polices type “machine à écrire”

Parce qu’il faut saluer la tradition aussi de la grosse Remington, et puis que rien ne crie au monde “JE SUIS UN ÉCRIVAIN” comme une police qui a l’air d’un truc qu’Hemingway aurait pu voir à longueur de journée. Mais en résolution Retina, hein.

Eh bien, à ce titre, signalons le travail très intéressant de IA, les développeurs de l’éditeur Markdown IA Writer, qui ont retravaillé la fonte actuelle d’IBM pour en faire trois variations rappelant les terminaux, mais avec élégance, lisiblité à l’écran et surtout quelques subtiles concessions à l’espacement supposé fixe de ce genre de polices pour en faire quelque chose de joli (en donnant, l’air de rien, plus de place aux M, W, et moins I, J etc.). Trois variations, en fonction des goûts, nommées sobrement IA Writer Mono, Duo et Quattro.

À voir sur le blog d’IA

Si l’histoire et la réflexion vous intéressent, IA propose un long article qui entre dans un détail geekissime sur la manière dont on fait évoluer une fonte dans un but précis. C’est passionnant, je vous assure. En tout cas, les variations sont librement téléchargeables sur GitHub. IA Writer Duospace a depuis longtemps remplacé les polices par défaut de tous mes éditeurs de texte brut ou Markdown, ici par exemple Ulysses :

Si vous avez d’autres belles choses à recommander, n’hésitez pas, nous sommes entre esthètes.