Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

C’est un truc que j’avais fait avec le volontariat de 2011 au Pays de Galles, et c’était une bonne idée que j’avais oubliée (c’est quand même ballot d’oublier les bonnes idées) – proposer avec un seul lien, une seule page, l’ensemble des carnets de voyage relatifs à mon volontariat à Grundarfjörður, en Islande, avec la fondation Orca Guardians en avril 2018.

Donc, les photos, les humeurs du moment, les articles scientifiques ou rêveurs, tout se trouve compilé sous ce même lien (qui viendra s’étoffer au fil du traitement des photos) :

> Revivre l’aventure 2018 auprès d’Orca Guardians <

2019-06-01T14:38:25+02:00lundi 13 août 2018|Best Of, Carnets de voyage|Commentaires fermés sur Rétrospective du volontariat Orca Guardians 2018

Les dauphins sont-ils des hommes comme les autres ?

(c) Sea Watch Foundation / Lionel Davoust

Une controverse agite de façon de plus en plus marquée le champ de la cétologie : dauphins et baleines présentant un encéphale développé, des comportements sociaux et joueurs d’une grande complexité, une culture, sommes-nous vraiment en mesure de les limiter à l’état d’« animaux », de les considérer comme notre propriété voire notre nourriture, bref de les “exploiter” ? Il ne s’agit pas purement là de bien-être animal, où l’éthique moderne pousse l’homme à la bienveillance envers d’autres êtres vivants supposés inférieurs, mais de la reconnaissance qu’il accorderait à un semblable.

Terrain glissant.

Autant que je puisse cerner, la question est apparue dans la presse en fin d’année dernière, à l’occasion d’une conférence plus ancienne encore :

Deux cétologues de premier plan ont avancé que les dauphins étaient trop intelligents, et nous ressemblaient trop, pour que nous ayons le droit de les capturer ou de les tuer. À la conférence annuelle très courue de l’American Association for the Advancement of Science, déclarer plus ou moins ouvertement que les dauphins sont des personnes constituait une importante prise de risques professionnelle.

Depuis le début de l’année, le dossier s’est emballé. Tout d’abord, un coup de pub de la PETA1 qui a attaqué Sea World pour esclavage ; et maintenant, info signalée par Nathalie Mège, les experts néo-zélandais, cherchent à reconnaître aux cétacés les mêmes droits qu’aux êtres humains.

On peut considérer toutes ces initiatives comme absurdes en avançant que la loi concerne l’être humain, et que les dauphins ne sont pas des êtres humains, point final. Mais on pourrait se rappeler, par exemple, qu’à l’époque de la théorie des races, les Noirs n’étaient pas considérés comme des êtres humains à part entière ; on pourrait également songer aux implications philosophiques d’un système anthropocentré – pourquoi, au juste, nos lois ne concernent-elles que nous ? Quelle en est la justification intellectuelle, autre que c’est “commode” ? Peter Watts, biologiste marin et auteur comme votre aimable serviteur, a longuement traité ces questions dans cet article.

Mais comment pourrait-on s’assurer du bien-fondé, ou non, de ces démarches ? Comment démontrer la présence ou l’absence de capacités cognitives supérieures chez ces animaux fascinants qui justifieraient pour eux l’établissement de droits inalinéables2 ?

La réponse est simple : c’est impossible.

De la même manière qu’il est impossible de démontrer, actuellement du moins, que l’homme jouit effectivement de capacités cognitives supérieures, d’une conscience dont il est le maître, en un mot, du libre arbitre. Nous possédons l’illusion du libre arbitre ; à chaque instant, si nous réfléchissons, nous sommes globalement convaincus d’être libre de nos décisions. Mais nous sommes aussi des machines biologiques. Nous ignorons totalement si, en réalité, nous ne sommes pas à chaque instant le jouet et le fruit d’une mécanique chimique hautement élaborée mais totalement déterministe, qui se berce seulement du doux rêve de la liberté.

Comment pourrions-nous alors prouver ces notions chez une autre espèce que la nôtre, si nous en sommes incapables pour nous-mêmes ?

Comme toujours, une fois libéré des influences étouffantes des morales absolutistes, on débouche sur une notion très simple pour l’éthique : celle-ci n’est pas une loi suprême, c’est un choix. Un choix de société, dont nous assumons les conséquences en tant que collectivité, qu’espèce, que membres de l’écosystème. Nous choisissons de considérer que nous détenons une liberté d’action et une conscience qui valent la peine d’être préservées. Viendra un point où la recherche cétologique atteindra elle aussi ses limites sur la question, et où l’homme devra, en fonction de ce qu’il croit percevoir chez ces autres espèces, décider là aussi s’il juge les preuves suffisantes ou non pour appliquer à autrui le même acte de foi qu’à lui-même. Mais ce sera une décision. De la même façon qu’il décide, plus ou moins unanimement, que tuer son voisin est mal, parce que sa vie est précieuse. Qu’il décide qu’il a une conscience, parce qu’il préfère cela à l’autre côté de l’alternative. Rien ne prouve la loi : la science accumule des faits, mais l’éthique constitue toujours, quelles que soient les circonstances, une volonté, un projet, et non un absolu.

Pour ma part, au fil des ans, en captivité ou en milieu naturel, et à travers la presse scientifique, j’ai assisté à tous les comportements prétendument indigènes à l’homme, ou peu s’en faut. La culture était censée constituer notre apanage : dommage, les orques ont une culture des pratiques de chasse, les baleines à bosse une culture des chants, etc. Le test du miroir (la conscience de soi) était censée constituer l’apanage de l’homme, dommage, les orques et les dauphins le réussissent. Les frontières bougent, et elles donnent désagréablement l’impression qu’à chaque découverte éthologique, on reformule la définition de l’humain pour lui conserver sa singularité, sa position “supérieure” au pinacle de la Création.

Alors qu’il y a une définition très simple, en définitive, pour  nous, qui nous place irréfutablement à l’écart de toutes les autres formes de vie de cette planète. C’est nous qui nous trouvons en position de passer des lois pour limiter les dégâts faits aux autres êtres vivants qui partagent la planète avec nous. Cela se résume très simplement, pour paraphraser Brandon Sanderson dans L’Empire ultime, à : “Au bout du compte, c’est nous qui possédons les armées.

Cette définition-là, personne ne nous la volera. Maintenant, est-ce vraiment celle que nous voulons pour notre espèce ?

[boxparagraph]J’en profite pour mentionner que les baleines grises du Pacifique Ouest ne sont plus que 130, dont 26 femelles en âge reproductif. Un projet de plate-forme menace cette population probablement déjà condamnée, mais cela ne signifie pas pour autant qu’on peut rester inactif : des rapides infos du WWF sur la situation se trouvent ici, et une pétition .[/boxparagraph]

  1. La SPA américaine, en plus activiste et plus démago.
  2. Il faudrait déjà que nous soyons en mesure de faire respecter ceux que nous sommes censés accorder à nos semblables, qui sont dans certains pays du monde bien moins considérés que des animaux domestiques occidentaux.
2014-08-30T18:28:06+02:00jeudi 23 février 2012|Best Of, Humeurs aqueuses|15 Commentaires

La promesse des dauphins

La promesse des dauphins est double ; c’est justement celle qu’ils ne vous font pas quand ils sont en liberté, avec une baie entière à leur disposition, capables de changer de mers, de nationalités – ils se montrent seulement quand ils le souhaitent – ; et c’est aussi celle que je t’ai faite, ô auguste lectorat, en te taquinant à coups d’aperçus de dauphins… Non pas que je tenais à faire monter ta frustration, mais il me fallait réunir assez d’images correctes en premier lieu. Car les dauphins se laissent souvent approcher, mais ils viennent rarement à soi ; il faut aller les chercher.

Nous les cherchons de plusieurs façons. La Sea Watch Foundation, comme bien des centres de recherche sur le sujet, doit composer avec un certain nombre d’impératifs logistiques, dont ses moyens – on n’a pas le même budget pour étudier des dauphins que construire des armes nucléaires. Ce qui n’empêche pas, avec un peu d’inventivité, de soutien public et d’énergie, d’arriver à des résultats significatifs.

La SWF opère selon plusieurs canaux pour ce faire :

Land watches (observations depuis la terre)

Les dauphins viennent souvent dans l’anse à la sortie du port de New Quay et la digue qui la domine est un point de vue idéal pour ce faire. Cela permet aussi d’étudier les interactions des animaux avec les activités humaines. Il faut s’armer de patience – nous effectuons nos veilles par roulements de deux heures – et la visibilité doit être bonne – pas de houle, pas de pluie – mais on est souvent récompensé par la venue de quelques individus qui viennent s’alimenter sur les hauts-fonds. Une mère et son petit ont ainsi passé presque toute la semaine à une encâblure seulement de la plage – et, alors que j’étais de quart à l’aube, le juvénile m’a même gratifié d’un saut, juste devant moi, à dix mètres à peine…

Pendant notre formation à la "land watch" - photo (c) Katrin Lohrengel

Boat trips (observation indépendante en mer)

Le dolphin-watching est une des activités principales de New Quay ; des dizaines de touristes partent tous les jours sur de petits navires qui longent les côtes en quête de dauphins. La SWF a un partenariat avec les très sympathiques équipes de New Quay Boat Trips et SeaMôr (qui dépasse d’ailleurs l’échange de bons procédés : après les activités du jour, nous sommes nombreux à aller boire un verre avec eux jusqu’à des heures déraisonnables) ; ils nous accueillent en tant qu’observateurs, nous permettant d’approcher les animaux pour prendre divers relevés (notamment des photos pour l’identification des individus1), tandis que nous notons très précisément la route adoptée.

L'Ermol V, qui effectue des excursions de deux heures - photo LD

Surveys (relevés)

Quand les conditions sont propices, la SWF affrête régulièrement un navire de taille moyenne, le Dunbar Castle II, pour partir sillonner les Zones Spéciales de Conservation au nord et au sud de la baie de Cardigan. Nous partons alors la journée entière pour suivre un trajet bien précis et relevons toute la faune rencontrée, nous arrêtant ponctuellement pour prendre des photos qui serviront, là aussi à l’identification. Une extrapolation statistique permet par la suite d’estimer la quantité totale d’animaux présents dans la zone d’intérêt.

Briefing pendant un relevé - photo (c) SWF

Pour des moments rares…

Il faut être patient – et bien équipé : reflex haute résolution et zoom semi-pro (équipement qui coûte déjà deux bras et deux jambes)… constituent le minimum syndical. J’en suis à plus de trois cents images prises en relevé et pendant les observations touristiques, et, si beaucoup se sont avérées utiles pour la photo-identification des individus, leur valeur artistique est plutôt nulle (on se concentre sur la nageoire dorsale à l’exclusion du reste, et il y a plus “sexy »…). Ainsi, les quelques images animalières de la galerie ci-dessous sont très loin d’être parfaites, mais ce sont les plus “jolies” que j’aie prises jusqu’ici. J’espère qu’elles vous plairont néanmoins2 !

 

  1. Article à venir sur la question.
  2. Attention, en raison des accords passés par la SWF, les images animalières ne sont pas exceptionnellement pas en licence de diffusion libre, mais (c) Sea Watch Foundation / Lionel Davoust.
2012-08-01T19:55:13+02:00lundi 15 août 2011|Carnets de voyage|4 Commentaires

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