Procrastination podcast s08e12 – Se documenter pour écrire de la fiction (intéressante)

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s08e12 – Se documenter pour écrire de la fiction (intéressante)“.

Les recherches sont une activité potentiellement passionnante, mais où il est possible de se perdre sans jamais écrire une ligne… Quelles attitudes, quelles approches à envisager pour réaliser de la documentation quand on veut écrire des histoires ?
Mélanie commence par rappeler qu’il n’est nullement nécessaire de se documenter pour cela, elle en est l’exemple vivant ! Estelle rappelle en effet que tout cela va dépendre du pacte de lecture ; cependant, les recherches seront nécessaires dans le cas de l’utilisation d’un cadre réel comme une période historique. La recherche a par ailleurs ceci de passionnant qu’elle permet de sortir de préjugés inconscients ! Lionel propose son flux de recherches à deux étages, incluant le « Netflix à idées ».

Références citées

  • Brandon Sanderson
  • La Chronique des Bridgerton, série TV de Chris van Dusen (adaptée des romans de Julia Quinn)
  • J. K. Rowling
  • G. R. R. Martin
  • J. R. R. Tolkien
  • Actuel Moyen-Âge

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2024-03-16T01:35:18+01:00vendredi 1 mars 2024|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e12 – Se documenter pour écrire de la fiction (intéressante)

Procrastination podcast S06e16 – Maintenir la cohérence d’un récit

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “S06e16 – Maintenir la cohérence d’un récit“.

Maintenir la cohérence d’un récit est un défi qui se présente dès qu’un projet atteint une certaine complexité, que ce soit au niveau des faits eux-mêmes mais aussi des intentions que l’on entretient pour celui-ci.

Estelle prouve que l’on peut écrire une saga ou un roman choral avec et sans plan, selon le projet. Mais pour ne pas s’y perdre, elle recommande l’emploi scrupuleux de frises chronologiques, et de ne pas avoir peur de réécrire – cela fait partie intégrante du processus. Mélanie recommande aussi les chronologies, ainsi que de consigner à part les informations importantes à donner pour les agencer logiquement et s’assurer de ne rien oublier. Lionel, praticien de la méthode Zettelkasten, souligne l’importance des notes et de la capture des idées et fragments qui peuvent venir au hasard, et recommande autant de préparer que de faire confiance aux intuitions quand vient le moment de l’écriture.

Références citées

– John Gardner

– Star Wars

– Star Trek

– Brandon Sanderson

– Anton Tchekhov

– Robin Hobb

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2022-05-16T19:03:06+02:00lundi 2 mai 2022|Procrastination podcast|2 Commentaires

Procrastination podcast s05e08 – Le réalisme en imaginaire

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s03e08 – Le réalisme en imaginaire“.

L’imaginaire étant le terrain de tous les possibles, il peut être étrange d’y espérer une forme de réalisme ; mais l’exigence est bien présente, car elle fonde une attente de cohérence narrative – sauf que ce terme recouvre souvent plutôt une attente de vraisemblance. Estelle développe ce paradoxe, notamment dans le cadre de la fantasy historique, où ce que l’on considère comme vraisemblable est loin d’être toujours réaliste. Lionel rattache cela aux codes tant narratifs que sociétaux, et à la nécessité pour chaque auteur ou autrice de décider résolument des tropes qu’il ou elle propage. Mélanie précise par ailleurs que certains curseurs ne se placeront pas de la même façon en fonction des présupposés d’une œuvre.

Références citées
– « Game of Thrones », G. R. R. Martin
– Gladiator, Ridley Scott
– Le Roi d’août, Michel Pagel
– Gustave Flaubert, Madame Bovary
– Avengers, Joss Whedon
– Orgueil, préjugés et zombies, Jane Austen (à son insu) et Seth Grahame-Smith
– Mark Twain

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2021-02-02T11:31:51+01:00jeudi 7 janvier 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e08 – Le réalisme en imaginaire

Pourquoi je quitte Facebook

Si vous suivez cet endroit de perdition depuis quelque temps, vous savez que j’ai un problème de longue date avec les réseaux commerciaux. De manière générale, les réactions instinctives qu’ils suscitent, leur métrique fondée non pas sur la qualité des interactions mais sur leur nombre (ce fichu “engagement”) fonde un système voué à favoriser la colère, la peur et la désinformation. Je ne nie pas qu’il peut en sortir de belles choses – j’en ai vécu aussi – mais je pense de longue date que ce n’est pas grâce à la plate-forme, c’est parce qu’il y a des gens formidables.

J’ai donc décidé de quitter Facebook. En plus du rôle nocif des réseaux sur le monde, ils interagissent mal avec ma santé mentale. Autant j’ai à peu près réussi à apprivoiser Twitter, autant, de toutes les entreprises du domaine, je ne peux plus supporter l’impact de Facebook sur le monde, et continuer à me regarder en face en conservant une présence souriante sur la plate-forme

Facebook a montré à répétition son mépris complet pour la vie privée de ses utilisateurs et son attitude destructrice envers la démocratie (dont le scandale Cambridge Analytica ne forme que le sommet visible d’un énorme iceberg). Malgré les vœux pieux de Mark Zuckerberg, Facebook continue à donner une voix à la haine et à la désinformation, au point que la NAACP et d’autres associations de défense des droits de l’homme américaines ont appelé les entreprises à y suspendre leurs campagnes publicitaires. Facebook tolère les négationnistes du réchauffement climatique et combien, combien d’autres messages destructeurs, tout cela au nom de bénéfices publicitaires alimentés par la peur, la colère et la bêtise. 

Facebook est une entreprise criminelle et je refuse de continuer à alimenter son système. 

Mon compte personnel et ma page auteur seront désactivés sous quinzaine. Dans l’intervalle, je reste présent sur Twitter et évidemment ici. Pour mémoire, le site est entièrement accessible par flux RSS (et si vous ignorez ce que c’est, je vous encourage vivement à reprendre en main le flux de votre information) et évidemment il y a toujours la lettre d’information

Pour le contact personnel, je reste disponible par mail (mes initiales @ mon nom de domaine point com ou bien le formulaire du site). Hélas, pour raisons professionnelles, je ne peux pas entièrement quitter Facebook Messenger pour l’instant, mais pour tout échange, je vous invite fortement à privilégier n’importe quel autre moyen de contact. 

Merci de m’avoir suivi sur cet espace pendant plus de dix ans, 
Et on reste ici, et n’importe où ailleurs !

2020-06-28T18:14:34+02:00lundi 29 juin 2020|À ne pas manquer|15 Commentaires

Aeon Timeline, le meilleur outil de gestion de chronologies, maintenant disponible en version mobile

Alors ça c’est le bonheur : Aeon Timeline, dont j’ai déjà dit grand bien ici, est sorti sous iOS (ouais, pas de version Android encore, désolé). Aeon Timeline fait partie de ces outils ultra-spécialisés, pas le couteau suisse qui fait tourner la boutique au quotidien (pas Scrivener, quoi) mais dont on est merveilleusement content qu’il existe quand on a précisément besoin de son jeu de fonctionnalités, parce que ce qu’il fait, il le fait très bien. La phrase qui précède est vraiment mal fichue, mais j’avoue qu’il est 21h58 au moment où j’écris ça et plus tellement de cerveau.

La vue grille, qui ne cesse de m’impressionner. Cliquez pour agrandir.

Bref, Aeon Timeline gère des chronologies, donc. Mais à n’importe quelle échelle, de l’heure jusqu’aux ères géologiques ; et pour les écrivains d’imaginaire, il a le bon goût de prévoir les calendriers fictifs. Un système extrêmement puissant (mais qui nécessite un peu d’apprentissage) permet de suivre des relations entre à peu près n’importe quoi dès lors que ça s’organise temporellement : classer des événements, suivre qui était à quel endroit et à quel moment, retrouver les participants à un fait donné, Aeon Timeline est d’une flexibilité extrême et permet même à l’utilisateur de définir toute la sémantique de ses données – fils narratifs, personnes, lieux marquants, tout ce que vous pouvez imaginer. Autant dire que c’est du pain bénit pour la construction de monde imaginaire et de scénario complexe à plusieurs arcs (je m’en sers beaucoup pour « Les Dieux sauvages »), surtout qu’il peut se synchroniser avec Scrivener (en version de bureau).

Autant que je puisse en juger, la version mobile est à parité avec la version Mac / Windows. À un détail près – impossible au logiciel de montrer l’intégralité des entités d’une frise (comme des fils narratifs) sur un même écran pour des raisons de place, disent les développeurs, condamnant l’utilisateur à les voir une à une. Un petit regret pour ma part parce que c’est la vue dont je me sers le plus souvent (et que je ne vois pas trop ce qui empêchait cette fonction sur iPad, en réalité : on peut bien faire défiler la vue). Mais je ne crache absolument pas dans la soupe : c’est une des applications dont je me sers régulièrement qui rejoint l’arsenal iOS et rend le travail en complète mobilité encore un cran plus facile. Surtout que faire défiler sa frise et manipuler ses événements sur une interface tactile s’avère particulièrement intuitif. Bien plus qu’avec une souris.

Cliquez pour agrandir.

Question fichiers, la version mobile d’Aeon Timeline se synchronise tout simplement grâce à l’application Fichiers d’iOS 11, et permet d’utiliser iCloud ou Dropbox. Il faudra d’abord mettre à jour l’application de bureau et sauvegarder ses frises au nouveau format, mais l’opération est triviale (attention à ne pas en ouvrir plusieurs à la fois cependant, cela ayant fait systématiquement crasher l’application chez moi).

Certains tiqueront sur le prix un peu élevé pour une application mobile, mais les développeurs doivent bien rentabiliser leur travail, et pour ma part je l’ai payé les yeux fermés, comme pour tout outil de travail qui m’est nécessaire. Pour découvrir Aeon Timeline sur l’App Store, c’est ici.

(De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci !)

2019-06-04T20:26:06+02:00jeudi 17 mai 2018|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

Procrastination podcast ép. 20 : “Promesses et paiements”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Promesses et paiements“.

Dans cet épisode de Procrastination, Mélanie Fazi, Laurent Genefort et Lionel Davoust explorent l’exigence de cohérence narrative à travers la règle dite du fusil de Tchekhov. Dans une fiction, le lecteur s’attend à ce que toute cause entraîne une conséquence – comment servir ce parti-pris, et surtout, comment peut-on s’en détourner pour créer la surprise ?

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2019-05-04T18:47:14+02:00lundi 3 juillet 2017|Procrastination podcast, Technique d'écriture|2 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain : tracer ses chronologies avec Aeon Timeline

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Dès que l’on assemble un projet narratif un tant soit peu long, dès que les points de vue se multiplient, ou même dès que l’on souhaite établir une vague (ou précise) chronologie des événements de son monde fictif, la frise est l’outil évident, établi sur un coin de table, ou plus ambitieux avec plusieurs feuilles A3 collées ensemble…

… Ce qui devient un cauchemar quand on souhaite élargir le canevas, détailler un domaine, décaler des événements après coup, et entraîne quantité d’erreurs potentielles quand l’on souhaite calculer une différence de temps simple comme un âge. Fichtredieu, se dit alors l’auteur éclairé et de bon goût sur son canapé en phoque de narval tout en berçant son whisky distillé avec d’authentiques larmes d’éditeur, voilà donc bien un domaine où l’informatique pourrait bien m’aider, mais un tel outil existe-t-il ?

Tu te doutes, auguste lectorat, que si nous sommes ici, c’est que ça existe, et ça s’appelle Aeon Timeline.

Ça frise la beauté

En son cœur, Aeon Timeline ne ressemble guère à davantage que la bonne vieille frise chronologique de CP figurant nos ancêtres les Gaulois d’un côté et l’apocalypse zombie de l’autre,  et déjà, ce serait bien puissant. Ajouter un événement est aussi simple qu’un double-clic, le déplacer qu’un glissement, chaque point peut avoir une durée :

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Le tout toujours proprement disposé (informatique oblige), avec des couleurs personnalisées. On peut zoomer et dézoommer à l’envi sur la frise, détaillant l’événement au mois près, ou bien au millénaire. Fraise Tagada sur la meringue, l’auteur peut parfaitement personnaliser le calendrier, de la durée de l’année aux noms et nombre de mois, s’il rédige un récit dans un monde entièrement différent avec un calendrier différent du nôtre. Enfin, différents “arcs” permettent de faire cohabiter et mettre en relation diverses lignes chronologiques concomitantes, comme : plusieurs flux narratifs, plusieurs thèmes parallèles, etc. Je m’en sers par exemple pour tracer les différents aspects de la société impériale d’Évanégyre (La Route de la Conquête) au fil du presque-millénaire de l’Âge d’Or (voir ci-contre) et placer précisément les récits en m’assurant que l’enchaînement fonctionne.

Rien que cela (ce qu’offrait les premières versions d’Aeon Timeline), ça serait une aide immense. Mais le logiciel va encore plus loin dans sa version actuelle, pour se transformer en véritable base de données chronologique.

“In a relationship”

En effet – et ça devient un peu technique, mais prodigieusement puissant – les aimables codeurs de ScribbleCode ont pensé leur logiciel en terme d’événements, d’entités et de rôles qu’ont celles-ci sur les événements : observateur, participant, etc. Un événement peut intervenir dans plusieurs arcs (quand plusieurs lignes narratives se rejoignent, par exemple), et celui-ci peut avoir un ou plusieurs participants qui ont des rôles définis (entièrement personnalisables).

Un peu compliqué, je sais – alors un exemple, tiré d’un fichier de démonstration fourni avec le programme reprenant le déroulé du Crime de l’Orient-Express. Chaque scène du livre peut être représentée par un événement individuel, lequel appartient à un ou plusieurs fils narratifs. Dans cet événement interviennent un ou des personnages (conçus par l’utilisateur). Ceux-ci ont des rôles définis, là aussi, par l’utilisateur : sont-ils participants ? Témoins ? L’astuce ici, c’est que tout est considéré comme une “entité” dont le sens est laissé à la description de l’utilisateur, et que toute entité peut intervenir dans toutes les autres. Une entité peut être : un événement (ce qui se passe), un lieu (là où ça se passe), des personnes (avec qui ça se passe, et qui intervient à quel degré), et tout ce que l’utilisateur voudra inventer d’autre. Chaque entité a des propriétés, là aussi personnalisables (mot-clé, tension, résumé)… Créer une ligne temporelle pour chaque vaisseau spatial de la flotte, conserver la trace de leurs officiers principaux au fil des mouvements, des batailles où ils interviennent et des dégâts subis à l’aide de propriétés personnalisées ? Quelques clics de configuration suffisent.

Construire sa ligne temporelle devient alors prodigieusement simple : il suffit de créer un événement et de remplir ses participants et leurs rôles de quelques clics. Le logiciel organise ensuite tout, et propose même plusieurs présentations de l’histoire : par arc narratif… Ou même par personne. Il suffit d’entrer une fois les informations, et l’informatique se charge de réorganiser le tout à la volée selon les besoins de l’utilisateur. Qui peut étoffer sa ligne temporelle en fonction des envies – travailler par lieu ? Par personnage ? Par événement ?

Aeon Timeline va même jusqu’à proposer une matrice mettant en rapport les entités les unes avec les autres – pour répondre par exemple à la question “qui a participé à quoi ?”

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C’est là qu’on se dit : ah ouais, quand même.

Rien que pour ses capacités de représentation chronologique basiques, Aeon Timeline vaut le détour et constitue un outil à mon sens indispensable pour le suivi efficace des événements d’un récit – encore davantage dans le domaine des littératures de l’imaginaire, où la construction d’un monde fictif implique fréquemment la reconstruction d’un passé. La personnalisation qu’il offre – dans les faits, mettre en relation de manière temporelle n’importe quel type d’entité (arc narratif, personnage, lieu, invention…) avec n’importe quelle autre à l’aide de rôles définis entièrement par l’utilisateur (participant, témoin, créateur, adversaire…) fait du logiciel plus qu’une simple solution de gestion chronologique, une véritable base de données temporelle dont il est probablement impossible d’épuiser la puissance.

Aeon Timeline répond à un besoin très précis – mais qui constitue à mon sens une nécessité dès lors qu’on rédige un récit complexe ; il ne fait rien d’autre, mais il le fait prodigieusement bien, et il sait se rendre vite indispensable. Oh, et puis ai-je mentionné qu’il se synchronise avec Scrivener dans les deux sens ? Et qu’il fonctionne sous Mac ET Windows ?

Pour essayer ou acheter Aeon Timeline, n’hésitez pas à passer par cette page (lien affilié, voir ici).

2019-06-07T22:41:06+02:00lundi 14 novembre 2016|Best Of, Technique d'écriture|10 Commentaires

Interstellar, ou du cochon ?

Vous avez entendu les critiques, les avis tranchés, dithyrambiques ou blasés, et vous ne savez pas encore s’il faut y aller, ni même quoi penser, car les goûts de vos amis, d’habitude si faciles à cerner, semblent s’emmêler les pinceaux, se contredire par rapport aux référentiels habituels. N’ayez crainte ! J’arrive, et je vous dis tout ce qu’il faut penser sur Interstellar, et ce sans une once de modestie ni de spoilers.

Ahem, plus sérieusement…

interstellar

À moins d’avoir passé les trois derniers mois dans une caverne avec Platon, vous savez qu’Interstellar, c’est LE film ambitieux du réalisateur Christopher Nolan, connu pour Inception et les derniers Batman. (Batmen ?) Dans un Hollywood surformaté, Nolan navigue avec une aise remarquée et remarquable, mêlant avec talent effets spéciaux et scénarios plus fouillés que les standards habituels, comme en témoigne le très réussi Inception. Avec une monumentale épopée spatiale de trois heures, il est donc très attendu au tournantInterstellar sera-t-il un classique mêlant profondeur et bonne histoire ?

Le film commence dans un futur très proche, où la Terre se meurt : les fléaux environnementaux se succèdent et l’humanité a faim. Dans ce contexte de survie globale, Cooper, un ancien pilote d’essai de la NASA, tombe sur un projet spatial ultra-secret. Un trou de ver, conduisant à une autre galaxie et à des planètes potentiellement habitables, a été découvert en orbite de Saturne. Il faut y envoyer un équipage réduit pour chercher une planète candidate à la colonisation humaine, mais avec les effets de dilatation temporelle dus à la relativité, il pourrait bien s’agir d’un voyage sans retour. Cooper, déchiré entre l’appel des étoiles et l’attachement à ses enfants, finira par partir pour le plus vaste inconnu qui soit.

Interstellar connaît son ascendance, c’est visible, mais ne se contente pas de l’hommage : il y a une réelle volonté de pousser plus loin le film d’exploration spatiale prospective que le monument 2001, l’Odyssée de l’Espace, et ce en se fondant sur le savoir astrophysique, les problématiques et les moyens cinématographiques des années 2010 (odyssée deux ?). Les accords d’orgue prolongés de Hans Zimmer ramènent à Strauss, les robots assistant l’équipage rappellent régulièrement que leur obéissance est absolue (histoire qu’on ne craigne pas une resucée d’HAL 9000). Et c’est clairement sur le niveau visuel, sur la grandiloquence et la splendeur des plans spatiaux, sur leur lenteur (relative, nous sommes au XXIe siècle) et leur vraisemblance (pas de bruits dans l’espace ; tous les corps sont physiquement isolés) qu’Interstellar est le plus réussi. Le vertige de l’immensité spatiale, son hostilité, sa froideur, les distances incommensurables que l’univers met en jeu, tout est palpable pour le spectateur, le prend aux tripes, le colle à son siège, le déracine de ses repères familiers et il peut entendre un écho de ses propres pensées quand l’un des explorateurs déclare en tremblant : “nous ne sommes pas faits pour venir ici.” Sense of wonder, vertige cognitif, Interstellar est un bijou de ce point de vue ; et très peu de films y sont parvenus avec un tel brio (il faut dire qu’ils sont rares à s’y être essayés).

La production martèle qu’un astrophysicien, Kip Thorne, a été associé à l’écriture afin de proposer une représentation aussi réaliste que possible des phénomènes dépeints (trou de ver, trou noir) et de garantir la fidélité à la relativité générale, notamment aux effets de dilatation temporelle dus à l’accélération d’un corps1. Oui, c’est (globalement) cohérent, mais de là à qualifier Interstellar de hard science comme je l’ai vu ici ou là, il ne faut pas pousser, on n’est pas chez Bear ou Benford. Il faut toutefois louer l’effort de didactisme, invisible, accompli dans l’écriture, pour porter ces notions au grand public, et elles sont mises en jeu de manière assez juste. On pourrait en revanche s’interroger sur le fait que la relativité générale, une théorie âgée d’un siècle et fondamentale à notre compréhension du monde, soit aussi méconnue du grand public, au point que les critiques généralistes se renversent de l’intelligence du film.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Le trou noir du film. Grandiose, incompréhensible, presque lovecraftien.

Parce que c’est un peu là que le bât blesse. Interstellar est un beau film ; Interstellar est un film vertigineux : Interstellar est un vibrant plaidoyer pour l’exploration spatiale, en nous ramenant à la nécessité fondamentale d’explorer ce qui nous entoure (et peut-être de sauver notre peau en nous trouvant une planète neuve au lieu de nous éteindre bêtement sur celle que nous avons abîmée) ; rien que pour cela, il mérite un profond respect. Mais s’il y a une chose qu’Interstellar n’est pas, c’est un film intelligent.

Il n’est pas question de fustiger la potentielle vacuité des réflexions philosophiques sur la survie, sur l’amour, sur la cohésion de l’espèce, sur les impératifs évolutifs qui gouvernent encore les pulsions humaines ; il me paraîtrait bien ingrat de le faire, dès lors qu’on se rappelle qu’un film tel qu’Interstellar est avant tout une oeuvre de narration et non philosophique, et que les questions qu’il pose sont de toute façon très efficacement véhiculées par l’image et le scénario seuls. Interstellar est un film long, mais il n’est pas ampoulé par ses dialogues, par la tentative de pensée qu’il s’efforce d’introduire, et qui, bien que superficielle, tient la route. 

Interstellar patine hélas à cause de stupides erreurs narratives, de facilités et surtout d’occasions manquées qui sont regrettables quand on voit l’envergure du film par ailleurs. Sans dénaturer l’intrigue, si la production a embauché un astrophysicien pour bétonner le scénario, il aurait été judicieux d’ajouter un agronome et un océanographe. La famine subie par la Terre est soit mal expliquée, soit ne tient pas debout ; quant aux vagues hautes du plusieurs kilomètres qui traversent régulièrement une planète-océan qui semble profonde de vingt centimètres, et ce sans provoquer le moindre ressac, euh… Et passons sur la mécanique des communications dans le trou de ver qui change en fonction des exigences du scénario, des décisions parfois absurdes prises par l’équipage…

Mais admettons tout cela au nom de la volonté de l’histoire. Plus dommage, et plus décevant, alors qu’Interstellar s’efforce d’offrir une réflexion poussée sur la place de l’homme dans l’univers, les personnages qui la portent dégénèrent à grande vitesse en des clichés tout juste bons à servir d’antagonistes ponctuels, au cours d’effets narratifs qu’on sent venir à cent mètres. Tous ces astronautes, scientifiques de haut vol, triés sur le volet, volontaires pour leur mission, craquent de façon un peu trop systématique : d’accord, on a compris, l’espace, c’est grand et ça fait peur, mais il aurait été bien plus émouvant de voir ces gens lutter pour garder leur sang-froid et se fissurer peu à peu qu’exploser régulièrement comme des divas. Et là, alors que c’est une pierre angulaire du discours, c’est rageant. Et nous éviterons de regarder de trop près les dix dernières minutes, qui tiennent probablement à ce stade de la figure imposée par le cinéma moderne à gros budget, mais regrettons-les un peu quand même, discrètement, là, comme ça.

De façon plus vaste, le défaut majeur d’Interstellar est peut-être sa conclusion, sa chute, le gros PAIEMENT de la promesse narrative du début du film. Soit je deviens blasé, ou bien intellectuellement surpuissant (oui, voilà, c’est forcément ça), mais je peine à comprendre comment un spectateur vaguement attentif, et surtout passionné d’imaginaire, ne pourra pas la voir venir dès le premier quart d’heure, conclusion appuyée lourdement par des mises en place, répliques disséminées ici et là avec la subtilité d’un monolithe noir. Interstellar place le spectateur dans une drôle d’oscillation continuelle, entre “ouaaaah c’est beau, c’est grand, j’ai peur” et “ah, bon, ça y est, merci, j’ai compris depuis une heure : la suite, svp”.

Suis-je assassin ? Suis-je en train de te dire, auguste lectorat, qu’Interstellar est un gros pavé bouffi sans intérêt et que la SF vaut mieux que tout cela ?

Eh bien, certainement pas, et même tout le contraire. Interstellar est un film majeur, peut-être un futur classique – ce qu’il mérite. Mais attention, ce n’est pas un grand film, comme le sont Bienvenue à Gattaca, Blade Runner ou L’Armée des douze singes. Mais c’est un film marquant, notable, un jalon de l’histoire de la science-fiction. J’irai jusqu’à affirmer qu’on peut le désigner comme successeur au trône symbolique occupé par 2001.

Sacrilège ? 2001 était un jalon marquant, longtemps inégalé, qui a atteint le statut de culte, et donc, par là-même, considéré inégalable par beaucoup. Mais – au risque d’égratigner la statue – descendons un peu de nos piédestaux de hauts intellectuels. Franchement, sérieusement ; à sa sortie, qui a pigé la fin de 2001 ? Qui, avant que les big dumb objects comme le monolithe noir ne deviennent un trope répandu du genre, avait instantanément pigé le lien entre l’os lancé en l’air par le primate et le fondu vers le vaisseau orbital humain ? Soyons sérieux deux minutes. 2001 est un classique, une oeuvre majeure, mais nous savons tous que, quand on en parle à un non-spécialiste, il dira qu’il n’a pas très bien compris ce qu’il a vu (en termes plus ou moins châtiés). 2001 – en tout cas son dénouement – est incompréhensible sans explication de texte ou sans avoir lu le livre de Clarke. La vénération de l’oeuvre, dirais-je, découle aussi de ce plaisir d’initié : 2001 est un chef-d’oeuvre, parce que moi, je l’ai compris, et c’était tellement en avance, vous comprenez.

2001 est donc, à mon humble avis (qui me vaudra peut-être le bûcher2), une oeuvre majeure, splendide, puissante, mais aussi puissamment imparfaite.

Interstellar l’est aussi, quoique pour d’autres raisons. Interstellar pousse plus loin le vertige spatial, le réactualise, offre une oeuvre d’une grande cohérence (jusqu’à ses défauts) et présente l’immense avantage de l’intelligibilité. Ergo : allant plus loin, c’est un successeur, moderne, à la hauteur de 2001. Et un film qu’on peut montrer à quasiment n’importe qui pour parler d’espace, de l’importance de son exploration, pour le faire voyager et frémir, sans qu’il vous regarde à la fin avec un air mi-bovin mi-contrarié. Interstellar est une grande contribution à la science-fiction et à son accessibilité. C’est un film majeur. 

Mais, eh bien, cela n’en fait pas un chef-d’oeuvre pour autant. Et c’est, malgré tout, un peu dommage.

  1. Si vous n’êtes pas au top, lisez les livres de la série La Science du Disque-monde, tout y est très bien expliqué et de façon plus drôle que chez Stephen Hawking, et oui, je sais, je les ai traduits, mais c’est bien pour ça que je peux en parler.
  2. Et je rappelle, pour mémoire, ma grille de lecture critique : parte ouane, parte tou.
2014-11-14T17:02:35+01:00vendredi 14 novembre 2014|Fiction|39 Commentaires

Oui, la critique peut être objective (1)

Walk-a-Mile-in-My-Shoes-criticismAlors, tiens, on parlait de Pacific Rim sur Facebook, et, comme c’est souvent le cas quand les avis divergent sur un film / livre / concert / gâteau à la framboise, à un point de la discussion, est venue sur le tapis la question du goût.

La critique (de fiction) est-elle objective ? N’est-elle condamnée qu’à dire “j’aime” ou “je n’aime pas” et sommes-nous voués à n’exprimer que nos goûts, privés de grille de lecture, naviguant à vue dans un univers d’oeuvres indécodables ? 

Hein ? Hein ?

Ce suspense est insoutenable.

Bien, tout d’abord, je ne fustige en rien ceux qui exposent goûts et appréciations personnelles, aussi arbitraires soient-ils (ce qui est, ahem, contenu dans la défintion). Nous faisons tous cela au quotidien. “J’kiffe Naruto parce qu’il est, tu vois, intestable.” 1 Bien des blogueurs de renom et de talent fondent leurs billets sur ce ressenti, et l’assument parfaitement. Aucun problème : c’est la première grille de lecture et la plus valide de toutes, car éminemment personnelle. Et, au final, pour savoir si une oeuvre nous parle, il faut la voir / lire / entendre, n’est-ce pas ?

La clé est là : l’assumer. Là où cela ne fonctionne pas, c’est qu’il existe aussi des critiques qui opèrent selon ce mode, mais prétendent juger depuis les hauteurs suprêmes du Bon Goût (TM). Sauf que le Bon Goût est éminemment, lui aussi, personnel.

En revanche, il apparaît qu’il existe quelques critères selon lesquels il est possible de jauger une oeuvre. Quand je faisais de la critique – et que j’en fais encore -, je m’efforce d’opérer selon ceux-là. (Évidemment, vous aurez repéré que je suis en train de vous dire que mes critères, à moi, sont objectifs. Je le pense, mais je reconnais tout l’égocentrisme de la situation, et je vous signale aussi que vous pouvez ne pas être d’accord. À tout le moins, je référencerai cet article pour expliquer sur quelle base théorique se fondent mes critiques sur ce blog.) Pour rendre à César la petite monnaie sur le pain, je les pique à / remixe de l’école de critique littéraire.

J’en discerne (à l’heure actuelle) trois : l’impératif de moyens, l’impératif de cohérence et l’impératif d’intention. Ils ne suffisent pas à jauger du plaisir suscité par une oeuvre puisque, par définition, celui-ci est subjectif, mais au moins – et c’est, je crois, l’obligation de toute critique qui aspire à l’objectivité – ils fournissent une grille d’analyse qui permet d’élargir la lecture et la perception dès lors que l’on cherche à prendre de la hauteur. En tout cas, c’est ma façon de faire ; mutatis mutandis, etc.

Je précise que je me place dans le cadre de la fiction, et que pour moi, la fiction aspire à narrer une réalité imaginée destinée à impliquer son spectateur (ou lecteur, ou auditeur, etc.) dans le déroulé de ses événements, dans un état s’apparentant au rêve, à la transe, voire à une fugue dissociative bénigne2. Vonarburg et Gardner l’ont dit avant moi, et c’est une définition qui me plaît en plus de me paraître fonctionnelle (ou fictionnelle ? Ha ha.).

shatner-bad-actingL’impératif de moyens

Le plus facile. Si les trucages d’un film sont visibles, si les acteurs jouent comme des patates, si le style est indigent, alors il y a faute (au sens du manque) de moyens. Ce manque de moyens agit comme autant de dissonances qui sortent le spectateur (au sens large) du rêve fictionnel.

Évidemment, il y a une part esthétique là-dedans. Les trucages de Méliès n’ont rien à voir avec le blue screen et l’animation de synthèse moderne, mais cela ne les empêche pas d’être empreints de poésie et de servir leur fin.

Laquelle dépend de l’impératif d’intention (voire plus bas).

Par Camille Harang (source)

Par Camille Harang (source)

L’impératif de cohérence

Facile aussi.

L’univers dépeint dans le rêve fictionnel obéit à un certain nombre de règles, tacites (la gravité, les gens doivent manger et boire, si on leur tape dessus on peut les tuer) ou établies (nous sommes en 2040 et une civilisation de presse-purée galactiques a envahi la Terre, les dinosaures n’ont jamais disparu mais ont fondé une société secrète dans la terre creuse et pilotent l’histoire en sous-main, nous vivons dans une civilisation parfaitement éclairée).

Quand l’oeuvre enfreint ces règles, elle crée une incohérence, un trou de scénario plus ou moins gros (et visible), susceptible encore une fois de rompre le rêve fictionnel. Là aussi, il y a une considération esthétique : Bruce Willis peut dégringoler du 15e étage et survivre dans un film d’action sans problème, dans un compte-rendu réaliste de la vie des financiers pendant la crise de 1929, ça passera beaucoup moins bien.

Ce qui nous amène au principal, et aussi au plus polémique : l’impératif d’intention, qui nécessite son propre article, demain.

  1. Je suis navré mais cette phrase est authentique, entendue un jour dans le métro.
  2. Ça ne mange pas de pain de préciser aussi que tout cela est une réflexion en cours, et que je n’ai la prétention d’être professeur mais de faire un usage opérant des signes qui font des mots – ah ouais, les lettres.
2014-08-05T15:18:27+02:00mercredi 24 juillet 2013|Best Of, Le monde du livre, Technique d'écriture|12 Commentaires

La boîte à outils de la fiction : le McGuffin

« Excusez-moi, monsieur, mais qu’est-ce que ce paquet à l’aspect bizarre que vous avez placé dans le filet au-dessus de votre tête ?

— Ah ça, c’est un MacGuffin.

— Qu’est-ce que c’est un MacGuffin ?

— Eh bien c’est un appareil pour attraper les lions dans les montagnes d’Écosse.

— Mais il n’y a pas de lions dans les montagnes d’Écosse.

— Dans ce cas, ce n’est pas un MacGuffin. »

Alfred Hitchcock à François Truffaut.

Première entrée d’une boîte à outils de la fiction, peut-être la dernière, on verra, mais cela faisait longtemps que j’avais envie de faire de petites fiches sur certaines techniques identifiées de la narration. (Cette série a d’ailleurs failli s’appeler “petit lexique narratalogique », ce qui m’aurait donné un maximum de street cred, mais je n’étais pas sûr que cela colle vraiment à la réalité des choses : il s’agit ici de procédés narratifs, d’éléments de culture à adapter et utiliser davantage comme un tournevis et un marteau au moment où on plonge les mains dans le cambouis de son histoire, que comme des concepts très éthérés existant dans le seul Monde des Idées, copyright Platon.)

Qu’est-ce qu’un McGuffin, donc ? Comme le dit la blague, si on peut le définir, ce n’est plus un McGuffin. Expression introduite par Hitchcock, le McGuffin est un élément de scénario primordial en tant que moteur de l’histoire, mais dont on se contrefiche de la vraie nature. On doit juste savoir que c’est important, que tout le monde le veut, que ce soit vaguement plausible, et en voiture Simone. Ce dont il s’agit réellement n’a aucune importance et l’histoire fonctionne sans (si, si) ; l’attention du spectateur est concentrée ailleurs. Tellement que la présence du McGuffin passe comme une évidence vite évacuée. On s’entretue pour, on cavale après, les alliances se nouent, les romances se forment, et le McGuffin court toujours, jusqu’à la fin de l’histoire, si étourdissante qu’on oublie presque l’existence de ce qui la motive à la base.

Vous ne me croyez pas ? Quelques exemples..

Dans Pulp Fiction, un attaché-case, que Marsellus Wallace veut à tout prix récupérer, passe de main en main. On n’y voit qu’un reflet doré, au point qu’il a été théorisé que la mallette contiendrait l’âme de Wallace, et cela expliquerait pourquoi il tient tant. La vérité est toute autre : la mallette contient un McGuffin, point barre (presque parfait, d’ailleurs, puisqu’on ne le voit pas, seulement son reflet).

Dans Highlander, le Prix qui est censé récompenser le dernier immortel en vie est un McGuffin – si l’on exclut la fin un peu fumeuse du premier film. La preuve, malgré cette fin, la série télévisée avec Adrian Paul (Duncan) fonctionne parfaitement (et a connu un énorme succès) parce que “Il ne peut en rester qu’un” sonne assez badass pour justifier qu’on se décapite à qui mieux-mieux ; peu importe pourquoi.

Dans Battlestar Galactica, le fameux “Plan” des Cylons dont on nous rebat les oreilles pendant deux saisons flaire sérieusement le McGuffin, parce que, personnellement, je n’ai jamais pleinement compris ce dont il s’agissait (mais il me reste à voir The Plan, et j’ai peut-être aussi raté un truc). Il est probable qu’il s’agisse d’un McGuffin involontaire, vu que la série a été plus ou moins écrite au fil de la réalisation, sans plan d’ensemble, et que les auteurs ont un peu raccroché les wagons au fur et à mesure.

Attention, le bon McGuffin n’est pas un mystère qui se trouve révélé à la fin. Dans Space Battleship, dont on parlait la semaine dernière, j’ai cru au début que le message des extraterrestres invitant les Terriens à se rendre sur Iskandar serait un McGuffin, mais les énigmes entourant la capsule connaissent bien une explication à terme. Le bon McGuffin n’est surtout pas un cache-misère, sinon il devient une promesse narrative non remplie, le deuxième péché capital de l’écrivain après la rupture de cohérence ; sa nature est rapidement écartée, elle s’inscrit dans l’histoire et sa fonction est transparente. Des espions courent après des documents ultra-secrets. Des gangsters cavalent après une cargaison de drogue. Cela sert de support à une intrigue haute en couleurs et en personnages, qui forme la vraie chair de l’histoire.

À titre personnel, je n’aime pas tellement faire usage du McGuffin ; je préfère que les éléments s’expliquent et soient tous constitutifs d’une histoire. D’ailleurs, la série Léviathan est née, certes d’une foultitude de choses, mais en partie aussi de la constation que, dans le thriller dit “ésotérique », c’est-à-dire où l’on parle d’initiation, d’occultisme, ces concepts pourtant centraux à la métaphysique et la philosophie sont constamment relégués au stade de McGuffin – j’ai le plus grand respect pour la science du suspense d’un auteur comme Dan Brown, mais l’ésotérisme dont il parle pourrait être les plans d’une arme nucléaire, l’histoire n’en souffrirait quasiment pas.

C’est aussi ce qui fait, ou non, une vraie histoire d’imaginaire. L’argument SF et/ou fantasy fait-il partie intégrante du récit ? Se casse-t-il la figure si on le retire, ou bien peut-il parfaitement fonctionner entre d’autres temps, d’autres lieux, d’autres constantes gravitationnelles ? S’il est transposable, alors l’élément d’imaginaire appartient au décor, ou c’est un McGuffin. Sinon, on a effectivement affaire à une histoire de genre. Notez bien que cela n’a rien à voir avec la qualité de la narration. Il s’agit juste de décortiquer les mécaniques des histoires, comprendre comment elles sont faites, savoir ce que l’on fait et mesurer les attentes des lecteurs, pour enrichir sa propre boîte à outils de la fiction.

2014-08-05T15:18:29+02:00mardi 18 septembre 2012|Best Of, Technique d'écriture|9 Commentaires

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