Alors que les réseaux classiques implosent, qu’est-ce qu’on va faire ?

Sondage parfaitement non-scientifique balancé au coin de Twix un soir où, constatant que les réseaux classiques sont tous plus irrespirables et/ou devenus difficiles d’utilisation les uns que les autres, je me demandais vers quoi nous pourrions nous tourner :

Qu’est-ce que je fous sur ces plateformes dont je dis périodiquement du mal ? Deux raisons : d’une, c’est génial de parler à des gens, à vous toutes et tous, de pouvoir faire des rencontres virtuelles que le présent site, bien qu’il reste mon canal en ligne fétiche, ne peut plus susciter en 2023 ; de deux, l’aspect salon littéraire permanent (évoqué ici).

Pour le premier aspect, je crois que Twix est condamné à moyen terme (et c’est bien parce que j’ai juré que je ne ferais plus la girouette que j’y suis encore, mais Phony Stark me donne des boutons – j’attends qu’il rende le service payant pour avoir enfin une excuse de me barrer), et je trouve Facebook devenu inutilisable au possible, et de toute façon on sait que c’est pour les darons. Mastodon a pas mal calé, en revanche Bluesky (j’y suis, au fait !) est prometteur, mais très, mais alors très très basique pour l’instant.

Que peut-on créer comme communauté sympa de nos jours, qui ne soit pas inféodée à un service qui te vampirise tes données personnelles et/ou appartient à un fou furieux qui attaque en justice les chercheurs étudiant la désinformation sur sa plate-forme, et qui ne nécessite pas une armée de modérateur.rices pour la tenir en un seul morceau ? Vivement qu’on devienne tous Borg, tiens.

2023-10-25T07:20:04+02:00mercredi 25 octobre 2023|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Pourquoi j’ai rouvert un compte Facebook

Je sais.

Le mal que je pense de Facebook est toujours aussi aigu. Je me sens un peu sale, et en même temps, j’imagine que c’est comme reprendre la clope (dit le mec qui a jamais commencé).

Mais pot de terre et pot de fer.

J’explique.

Pendant un an et demi, j’ai été sans réseaux d’aucune sorte. En plein période Covid, coincé tout seul chez moi, ce silence m’a fait le plus grand bien. Depuis six mois, j’ai repris une présence sur Twitter, car à la longue, les échanges avec la communauté me manquaient beaucoup.

Et puis Space Karen a racheté l’entreprise, et depuis deux mois, la plate-forme a explosé en immense n’importe quoi toxique dont les règles changent littéralement de semaine en semaine (jetez un œil à Twitter is Going Great). Twitter, qui semblait enfin redresser la trajectoire juste avant l’acquisition, semble déterminé à rattraper le niveau de gabegie de Facebook (je refuserai de les appeler Meta) en seulement quelques mois.

J’avais quitté Facebook pour moins que ça, mais je me refuse à quitter Twitter, car j’ai décidé de revenir, et je m’y tiens : par respect le plus élémentaire pour vous, je ne veux pas me lancer dans une danse ridicule à désactiver et réactiver mes profils tous les six mois. C’est important qu’on sache où me trouver, et où je réponds. Cependant, l’énorme instabilité de Twitter, mon envie de me rendre disponible à la conversation et aussi la possibilité de relayer mes informations m’amène à un paquet de réflexions à l’heure actuelle, à commencer par : ne pas mettre tous mes œufs d’émeu dans le même panier, surtout quand celui de Twitter est en train de se découdre.

Faisons un bref détour par un petit retour d’expérience sur mes presque deux ans d’ascèse, qui m’ont enseigné deux leçons d’intérêt, en tout cas concernant ma position, à ce stade de ma carrière.

1. Les grands réseaux demeurent des relais incontournables d’information sur Internet. Pour être plus clair : en quittant Facebook et Twitter en 2020, je me suis privé de ces relais d’information, et la fréquentation du site a été divisée par deux, voire trois. Je m’y attendais. Mes lecteurs les plus fidèles m’ont suivi sans hésiter sur le site et la newsletter (merci à vous toutes et tous !), ce qui a permis d’avoir des conversations bien plus détendues. En revanche, j’ai clairement perdu une certaine visibilité : les outils comme les flux RSS restent des affaires pointues en comparaison de la facilité de voir passer un article sur un réseau.

Cependant, ça n’est pas un problème, autre que pour le plaisir de la conversation. Car :

2. C’est totalement découplé de l’intérêt accordé à mon travail (et c’est un soulagement). L’Héritage de l’Empire, un quatrième tome de série (ce qui est toujours difficile à vendre) est sorti en plein confinement d’automne 2020, mais s’est vendu peu ou prou aussi bien que les tomes précédents (ce qui est remarquable, et tellement rassurant – merci encore à vous toutes et tous). Le premier tirage de Comment écrire de la fiction ? Rêver, construire, terminer ses histoires a été épuisé en un an et demi, grâce au travail inlassable d’Argyll (et votre intérêt), pile quand j’étais absent de toutes les plate-formes. (Le second tirage arrive !)

Cela confirme donc ce que j’ai toujours pensé : le meilleur relais de promotion à l’heure actuelle pour faire connaître une œuvre n’est pas l’auteur lui-même, mais (sans aucune hiérarchie) son éditeur, ses communicants, les libraires, le bouche à oreille, les avis du lectorat et les médias identifiés (et merci encore à vous toutes et tous). Ce travail est infiniment plus efficace que s’échiner à partager sa vie sur Twitter. Il est aussi plus sensé : on se rend auprès d’un éditeur ou média quand on est déjà curieux de lire quelque chose. En revanche, je sais pas vous, mais quand je découvre un auteur, j’ai tout sauf envie qu’il me balance son pitch à la figure.

Ce qui pose alors la question à cent pièces d’or : pour quelle raison être sur un ou plusieurs réseaux, quand on connaît l’aspect addictif et toxique de ces mécaniques ?

Mon expérience renforce mon opinion fermement ancrée depuis la naissance de Facebook, soit : vouloir y faire connaître (ou vendre) son travail est en grande partie un miroir aux alouettes. L’énergie pour y parvenir est sans commune mesure avec ce qu’on en retire. Pire, cela donne l’illusion d’être actif, de s’occuper de sa promotion, alors que c’est certainement le canal le moins efficace pour ça (si l’on exclut quelques phénomènes isolés). Je n’y ai jamais cru, mais c’est tellement fréquemment brandi que j’insiste, persiste et signe : ne gaspillez pas votre énergie dans les réseaux dans l’espoir de vendre un ou deux livres. Organisez une dédicace, une lecture, des partenariats avec des blogs ; rapprochez-vous de votre maison d’édition si vous en avez une pour participer à des salons, intervenir dans des médias etc.

Alors, qu’est-ce qu’on fait sur les réseaux ? C’est très simple :

  1. Pour le fun (ça a toujours été la base)
  2. Pour l’aspect professionnel, mais pas celui que vous croyez, donc.

La première est évidente. J’ai toujours adoré les échanges avec la communauté et les camarades que les réseaux permettent (avec tous leurs innombrables crimes) (les réseaux, pas mes camarades, ENFIN), et mon retour sur Twitter était à la base, très honnêtement, parce que vous me manquiez trop. En prenant malgré tout plus de distance avec la plate-forme et mon usage de celle-ci (ce qui est aidé par le fait que je ne suis pas actuellement sur le fuseau horaire habituel), j’ai réussi à conserver une approche plutôt équilibrée pour ma santé mentale monomaniaque en maximisant les bons côtés et en minimisant les mauvais (ce qui passe par un blocage systématique des mauvais coucheurs sans état d’âme). Pourvou qué ça doure, comme disait ma grand-mère avec cet étrange faux accent espagnol ou italien qui devait être une référence à quelque chose mais j’ai jamais su quoi.

L’autre aspect professionnel est celui du réseau… professionnel. Pour quelle raison pro être sur un réseau ? C’est un outil de communication, de veille et d’information devenu évident dans la vie de la majorité. Et voilà : les réseaux sont devenus une sorte de festival littéraire au long cours, dont les portes ne ferment jamais. Et cela fonctionne exactement de la même manière :

  • Il y a donc un volet public : on n’y va pas pour vendre, même si on n’est pas contre quand ça arrive. On y va pour faire des rencontres, discuter, se marrer, pas pour assommer les passants à coups de pitches.
  • Il y a un volet “off”, professionnel, où l’on converse avec ses partenaires, où l’on suit l’actualité de son milieu, et où le milieu suit la vôtre. C’est l’équivalent d’une pause café continuelle (d’où l’importance d’à un moment retourner bosser).

J’enfonce probablement des portes ouvertes, mais il est devenu tellement acquis d’être sur un réseau, au point d’être une obligation tacite, qu’il est bon, surtout pour un auteur dont le travail consiste à rentrer des pages et pas à s’engueuler sur le dernier shitstorm du moment, de savoir exactement ce qu’on veut y faire, dès lors que l’argument commercial – présenté comme incontournable – est mensonger.

Et c’est là que réside l’aspect pot de terre, en toute transparence : je ne peux pas lutter à moi tout seul contre le poids qu’a Facebook dans les vies du monde, et pour soutenir mes propres projets, il n’est pas complètement malin de faire abstraction de l’aspect “off” de ce grand salon littéraire constant. Et puis, merde, ça me manque de discuter avec tout le monde, je me suis un peu mis au piquet tout seul, à force, et des changements merveilleux dans ma vie – dont je parlerai bientôt en détail – font que ce manque se fait un peu plus sentir. (Ça a à voir avec la différence de fuseau horaire.)

Résumons :

N’hésitez pas à m’insulter en commentaires.

2023-03-21T23:53:10+01:00lundi 6 février 2023|À ne pas manquer|7 Commentaires

De retour sur Twitter

Eh bien oui. J’avoue. Je suis faible. J’ai craqué. Version thread, où l’on constate MA TRONCHE ET MON NOM SUR UN RÉSEAU DU DIABLE OMG

Version longue :

Je sais, je sais, j’ai dit le plus grand mal des réseaux, et je continue à le penser (en raison de leur modèle économique délétère). Mais bon. La vérité, toute simple, c’est que Twitter reste quand même un canal où se déroulaient des interactions uniques et qui me manquent.

La vérité est donc peut-être que je suis faible, merci, au revoir, vous pouvez fermer cette page web.

Mais… 

Twitter est aussi, pour les métiers du livre, peut-être ce qui s’approche le plus d’un réseau professionnel (non, ce n’est pas LinkedIn, ahaha), et là que naissent quantité de conversations internationales (un domaine qui m’est cher). L’entreprise tente aussi un certain nombre d’expérimentations intéressantes en ce moment qui me font dire que, des grands réseaux, s’il y en a un qui peut peut-être (non sans GRANDE douleur) exécuter un glissement vers un modèle plus vertueux, c’est celui-là. Et enfin, surtout, tout bêtement, je comprends son intérêt et comment il marche. (Okay boomer. Merci, je suis très honoré d’être un caisson de basses.)

Au fond, je n’ai jamais trop client des réseaux classiques type Facebook, et ma première pensée en ouvrant mon compte là-bas avait été “pourquoi ?” Twitter, je vois mieux. En loutre, il est plus pertinent d’avoir UNE présence sur UN réseau qu’on comprend que d’étaler son énergie sur trop de canaux. (Fut un temps, j’ai brièvement eu Google+, Facebook, Twitter et Instagram en parallèle. La candeur qu’on a quand on est jeune, alala.)

Et puis aussi, depuis que les Russes ont bloqué Twitter, quantité de bots ont mystérieusement disparu, rendant l’air plus respirable… 

Cette décision n’a cependant pas été facile. J’ai, comme j’ai pu le mentionner, un OCD assez prononcé ce qui me handicape grandement pour “lâcher l’affaire” en cas de conflit ou même de sujet grave. De par leur construction, les réseaux flinguent ma productivité et mon moral. Du coup, c’est avec prudence (mais j’ai franchi la première semaine avec bonheur, et à peu près trois millions de mots gentils – merci infiniment, vous êtes incroyables !). Il s’agit de surveiller de très près mon cerveau bugué pour ne pas qu’il me fasse dérailler, surtout que j’ai un gros bouquin à finir, HEIN. Cela implique quand même un petit changement d’approche par rapport à ce que je faisais avant :

  1. Twitter est le seul réseau sur lequel je reviens. Facebook est l’Empire du Mal et je n’y toucherai plus jamais (#DeleteFacebook).
  2. N’avoir que le blog comme moyen de communication pendant un an et demi m’a re-montré la joie et la valeur d’avoir de bonnes conversations en ligne (merci à vous toutes et tous qui avez tenu ici contre vents et marées !). Je compte prendre soin de les favoriser, ce qui signifie aussi block et mute aussi souvent que nécessaire sur les réseaux, sans honte. Je n’ai pas de comptes à rendre là-dessus, surtout quand il s’agit de a) ma sérénité d’esprit, gage de ce caractère charmant et léger que Gordon Ramsay m’envie secrètement1 et b) protéger ma productivité dans l’écriture (la seule chose que je doive à moi comme à vous).
  3. Ma follow-list restera très restreinte. Si vous n’y êtes pas, pitié, ce n’est pas que je ne vous aime pas ; pour des questions d’OCD sus-nommé, j’ai l’impératif mental de minimiser les “données entrantes”, surtout si elles remuent l’émotionnel. Je ne suis pas insensible aux combats, je m’informe juste dessus autrement, dans un contexte plus serein, quand je sais que mon cerveau est capable de le faire sans flinguer ma journée. Twitter, ai-je appris à la dure, n’est pas cet endroit pour moi.

Voilà ! Je me rends compte que tout cela est peut-être un peu lapidaire et j’en suis navré, mais nous vivons dans une économie de l’attention, et j’ai une très, très aiguë conscience des mécanismes retors de ces réseaux comme de mes mauvaises interactions involontaires inconscientes (allitération en Hun) avec ceux-ci. Cet article est autant une information qu’une déclaration d’intention envers moi-même pour me permettre de tenir ma propre parole, et si vous trouvez qu’il y a beaucoup trop de première personne du singulier dans cette phrase, vous avez parfaitement raison, alors cessons (Sévigné).

Le bot disparaît donc, ou plutôt j’en reprends les commandes, et l’adresse Twitter redevient, sans originalité aucune, celle qu’elle était jadis, dans un monde naïvement pré-Covid et pré-invasion russe (petite piqûre de rappel au passage, ça ne fait pas de mal, de cette page pour soutenir l’Ukraine)… 

http://twitter.com/lioneldavoust

Encore merci pour toutes vos gentilles pensées qui me sont remontées pendant cette année et demi ! À la santé des nouveaux départs, comme toujours, et à bientôt là-bas aussi, peut-être.

  1. Je vous assure.
2022-05-09T16:13:43+02:00lundi 21 mars 2022|À ne pas manquer|6 Commentaires

Le mythe des réseaux « pour se faire connaître »

J’ai l’air d’un homme préhistorique en allant à contre-courant des réseaux, une sorte de luddite, peut-être même, mais j’ai joué le jeu plus de dix ans, j’ai vu croître ces plate-formes, donc j’oserais dire que c’est justement parce que je les ai vu grandir et devenir ces monstres dévoreurs de raison et d’attention que j’ai fini par me former cet avis. Incidemment, plus de dix ans pour comprendre un truc, vous pouvez constater à quel point je suis lent à la détente persistant et exhaustif.

Une question qui revient souvent dans les échanges autour du sujet, c’est : « ouiiii mais bon toi tu as un lectorat établi, mais les réseaux, c’est nécessaire pour se faire connaître, non ? »

Non.

En tout cas, je crois résolument que c’est un très mauvais investissement de son énergie, surtout quand on fait ses premières armes. C’est peut-être moins vrai dans des domaines plus graphiques, qui rendent plus facilement en ligne, et encore ; en tout cas, concernant l’écriture, je pense fermement que c’est une perte de temps si l’on s’en sert dans ce but. Attention, je ne suis pas en train de vous dire que si vous aimez l’outil, il faut arrêter ; en revanche, si vous ne l’aimez pas, ne vous rendez pas misérable en vous forçant à une présence dessus en croyant que c’est productif ou que c’est bon pour vous, parce que ça ne l’est pas.

La renommée / se faire connaître est un sous-produit de l’activité centrale de création. Ce qui apporte davantage de boulot et de succès, c’est la qualité du boulot, pas le nombre de followers sur Insta.

(Maintenant, ce qui suit concerne l’édition traditionnelle, puisque je n’ai pas d’expérience en auto-édition mais : je crois quand même que le fond du raisonnement se tient quel que soit le monde de distribution.) Je n’ai jamais obtenu un contrat d’édition par aucun réseau. Aucun éditeur ne s’est jamais dit “oh, Davoust a 2300 followers, ca doit être intéressant” – le juge de paix, et on l’a suffisamment répété dans Procrastination, c’est la qualité du texte. Et pour que le texte soit lu, déjà, il doit arriver sur son bureau autrement qu’avec les trois millions d’auteurs qui cherchent à percer sur Twitter (soumettez vos manuscrits à des gens susceptibles de les acheter, règle n°4 de Robert Heinlein). Ensuite, il faut qu’il soit bon, et pour cela, la première priorité doit toujours aller au raffinement de son art, et de ce point de vue, cela implique que toute l’énergie consacrée à modérer des débats à la con sur les réseaux représente une perte sèche.

Bien entendu, il y a des contre-exemples, des auteurs ou autrices qui ont vu un succès communautaire d’envergure notamment en auto-édition et leur travail repris en édition traditionnelle, mais franchement, ça s’apparente à jouer au Loto (voir ce qu’en dit Bo Burnham).

Mais le travail de promotion, me dira-t-on ? Se faire connaître des lecteurs ? Le travail de promotion, c’est d’abord le boulot de l’éditeur, tudieu. En plus, cela lui est plus facile ; la mutualisation due au catalogue lui donne des moyens et des ressources supérieures à un auteur tout seul dans son garage. Surtout, il est dans une situation beaucoup plus confortable pour ce faire : c’est un éditeur, on le suit pour avoir de ses nouvelles, le contrat est donc clair, on apprendra de ses nouveautés (plus une poignée de réflexions personnelles, ce n’est évidemment pas interdit) – mais il s’agit d’une approche informative.

Un auteur sur un réseau, en revanche, a le cul entre deux chaises : il ou elle est une personne, ce qui implique une espèce de contrat tordu où, en gros, il faut se montrer personnel, et éviter de trop parler de son travail, parce que sinon c’est grossier, ça fait genre on cherche à vendre sa soupe, mais bon un peu quand même parce qu’il faut mais hop, l’air de rien, ça se voit pas – c’est vicié d’emblée. Ah, si vous aimez naturellement faire entrer les gens dans votre intimité, et que c’est la raison de votre présence, more power to you – là oui, ça marche. Mais si vous avez une tendance au secret, à travailler « la porte fermée », ne vous faites pas violence en croyant que c’est nécessaire.

Ça n’empêche évidemment jamais l’auteur de partager ce qu’il ou elle souhaite partager, mais c’est toujours la même différence : là, on n’est plus dans le travail de promotion mais le souhait sincère d’établir une communauté et de tisser du lien (et c’est bien ce que je fabrique ici, selon ce média qui me convient, depuis… ouch… presque quinze ans). Ce n’est plus du tout la même chose, puisque le but n’est pas de « se faire connaître ». Dans cette optique, de la même manière qu’en festival, on espère davantage faire de chouettes rencontres avec un public intéressé et nouer un dialogue plutôt que de vendre trois cartons de bouquins – alors okay, bien évidemment, faire ça ne fait pas de mal aux ventes non plus, mais si c’est le seul but, c’est un mode de promotion diablement inefficace par rapport à l’énergie qu’il exige.

Depuis plus de six mois que j’ai quitté les réseaux (d’ailleurs, il faut que j’efface mon compte Twitter aussi), je n’ai pas spécialement vu la fréquentation du site baisser ; certes un peu, mais dans des proportions largement plus raisonnables que je m’y attendais (merci encore d’avoir fait le grand saut), et surtout, j’ai vu la qualité de mes relations en ligne monter en flèche dramatiquement. Et ça, c’est vraiment cool. Franchement, c’est ça qui m’intéresse, je ne cherche pas à avoir raison à tout prix face à tous les randoms d’Internet qui s’invitent dans ma timeline, ils sont beaucoup trop nombreux, de beaucoup trop mauvaise foi, et beaucoup trop malheureux à l’intérieur d’eux-mêmes pour moi tout seul1. Autre conséquence parfaitement inattendue mais qui me réjouit : j’ai bien davantage d’occasions d’intervenir en entretiens, ce qui est beaucoup plus créatif qu’une punchline en 280 caractères et ajoute bien davantage de valeur à la conversation ; j’ai pu lancer Geekriture ; bref, j’ai la possibilité de proposer beaucoup plus de choses, beaucoup plus intéressantes et développées, et même, parfois, on me paie pour ça – parce que j’ai enfin la bande passante mentale de m’y consacrer et que, bordel, c’est juste plus fourni.

Franchement, n’est-ce pas un meilleur calcul ?

Alors maintenant, un aparté par souci d’exhaustivité. On voit (re)naître d’autres modes de promotion, comme Twitch ou Discord, et leurs modèles économiques sont très différents, revenant peu ou prou au mécénat direct. Je dis « re »-naître car ils sont avant tout communautaires, comme aux débuts d’Internet ; ils s’articulent autour de la constitution d’un intérêt clair (comme la super chaîne de Morgan of Glencoe), ce qui est l’antithèse du réseau social façon 2010 où il s’agit de mettre tout le monde en contact avec tout le monde (entraînant une distorsion des relations vers la toxicité de l’engagement). Discord est le fils spirituel des forums des années 1995-2005, et si ça marche, c’est parce que le contrat est clair : on va quelque part par intérêt sincère. Les communautés fonctionnent parce que les règles sont fermes et le bannissement tout à fait possible, ce qui est la clé, à mon avis, pour maintenir un environnement sain pour les membres de ladite communauté. J’y vois exactement la promesse d’un retour à un Internet granulaire proposé par Jaron Lanier et dont on a discuté ici : rendre aux communautés elles-mêmes les clés de leur propre discours et le choix de leur ton (ce que je fais aussi ici), au lieu de les remettre entre les mains cent mille fois prouvées incompétentes de Facebook et Twitter. Par contraste, vouloir « se faire connaître » sur les réseaux grand public, ça revient à chercher à essayer draguer quelqu’un dans un stade, sans savoir même si la personne existe, en beuglant à sens unique dans un mégaphone. Peut-être que quelqu’un va effectivement vous répondre favorablement une fois de temps à autre, et tant mieux, c’est super, mais dans le grand ordre des choses, ça ne constitue quand même pas la preuve que cette approche soit efficace, ni même qu’elle ait du sens.

Je sors de l’aparté. Pour conclure : « se faire connaître » est l’arbre qui cache la forêt. S’en soucier avant d’avoir raffiné sa discipline (quelle qu’elle soit), c’est mettre la charrue avant les bœufs. Faire du vraiment bon boulot est beaucoup plus durable et rentable que de s’échiner à surnager sur les réseaux alors qu’on est peut-être encore un peu trop vert. Cela ne me paraît honnêtement pas un bon calcul en 2021 ; l’époque de la success story de l’artiste ayant explosé sur Twitter est dans une immense partie révolue. Bien sûr, des gens s’en servent bien, mais il faut avoir envie du média. Je ne crois absolument pas que ce soit une nécessité, et surtout, si on n’a pas envie, cette énergie sera très largement mieux utilisée ailleurs. Ne vous faites donc pas violence en vous disant « il faut », encore plus si vous débutez. Bossez votre art en profitant du merveilleux silence, au contraire, et rencontrez des vrais gens (… quand ce sera un peu plus possible) pour nouer de vraies relations.

  1. Encore une fois, je glisse aussi un mot de remerciement à vous toutes et tous avec qui, oui, on a tissé de belles rencontres sur les réseaux, et heureusement que vous étiez là, parce que sans vous, je n’aurais pas tenu dix ans.
2021-04-13T10:32:08+02:00mercredi 14 avril 2021|Humeurs aqueuses|7 Commentaires

Vendredi 20h30 : live questions – réponses sur le métier d’auteurice chez Morgan of Glencoe

Regarde, auguste lectorat ! Je suis jeune, je suis fringant, je vais sur Twitch !

Enfin, pas de moi-même hein, parce que ces ordinateurs compliqués où il faut régler le coefficient multiplicateur du front side bus sur la vitesse d’horloge de mes battements cardiaques, j’y comprends trop rien, c’est bien pour ça que je n’ai assurément jamais de ma vie passé de matrice de données géographiques en void*, promis, ce serait appeler les problèmes, on est d’accord.

Mais Morgan of Glencoe (dont la série « La Dernière Geste » fait partie de la première sélection du Grand Prix de l’Imaginaire !), elle sait des trucs, même qu’elle a une chaîne Twitch très active et vachement bien, où elle partage ses routines de harpe celtique (car elle est aussi musicienne pro) (franchement, ces gens qui font plusieurs trucs à la fois) et une chaîne YouTube très active et vachement bien aussi, où elle parle beaucoup d’écriture.

Or doncques :

Vendredi soir, Morgan aura la gentillesse de me recevoir chez ses chats et on discutera à bâtons rompus d’édition professionnelle, du métier, un peu de tout ce que vous voulez en fait, puisque ce sera en live sur son Twitch. Et que ça va être super chouette, et que j’ai trop hâte d’y être, je vais m’imaginer en Antoine Daniel, mais chauve.

Rendez-vous vendredi à 20h30 chez Morgan !

2021-03-01T18:27:16+01:00mardi 23 février 2021|À ne pas manquer|9 Commentaires

Je ne sais pas comment vous parler de Hellblade: Senua’s Sacrifice à part que waouh

… est le titre qu’un type théoriquement payé pour écrire des machins avec des mots finit par sortir après avoir contemplé son écran dans le vide pendant cinq minutes.

C’est que Hellblade (PS4, Xbox One, PC, Switch) est un titre dont il est difficile de parler, parce qu’il aborde des sujets d’une difficulté suprême, pour la première fois de l’histoire du média à ma connaissance, avec une réalisation incroyable.

Senua est une jeune guerrière picte avec la rage au cœur : les Nordiques ont attaqué son village et massacré les siens, tout particulièrement Dillon, l’homme de sa vie. Munie à la ceinture de son crâne emballé, siège de son âme, elle se rend en Hel pour obliger les terribles dieux nordiques à le lui rendre.

Et, dès les premières secondes, il y a quelque chose d’inhabituel. Des voix racontent cette histoire, mais l’on comprend vite qu’il ne s’agit pas d’une narration extérieure. Senua est hantée – schizophrénie ou don chamanique de double vue, les définitions se brouillent en cette époque. Elles lui parlent comme au joueur – à moins que le joueur ne soit justement l’une de ces voix. Peu importe. Senua se rend en enfer et elle le sait ; elle sauvera coûte que coûte Dillon des griffes de Hela, malgré les ténèbres qui la rongent, contre lesquelles elle s’est battue toute sa vie. Au fur et à mesure, le voile se lève sur son passé, comment elle en est arrivée là, et comment son peuple incapable de comprendre sa différence l’a traitée.

En surface, Hellblade est un jeu d’aventure / action, mais comme Gris est un jeu de plate-forme. Ambiances, son et certaines mécaniques inhabituelles de gameplay forment la vraie expérience. Il est ardu de parler de ce jeu, d’une part parce que justement, il faut en dire le moins possible, mais surtout car cela impliquerait de formuler un jugement sur la justesse de la représentation de ce que vit Senua. Ce pour quoi, malgré ma familiarité avec l’OCD, je ne suis pas du tout compétent. Je peux dire que le studio a réalisé ses devoirs. Les développeurs ont travaillé étroitement avec des spécialistes et des patient·es, et se sont attachés à retranscrire autant que possible en jeu l’authenticité, les souffrances mais aussi les moments de grâce de son expérience. Certain·es ont trouvé cette représentation juste et salutaire ; enfin, on parlait d’eux et elles. Certains journalistes ont considéré le jeu voyeuriste, voire dérangeant. (Alors oui, pour un jeu qui parle de psychose et de villageois massacrés avec tout l’horrible raffinement que l’espèce humaine peut déployer envers ses semblables, j’ai envie de dire que dérangeant ÉTAIT ÉCRIT DESSUS)

Voici ce que je peux dire : Hellblade m’a autant terrifié que fendu le cœur, et reste avec moi des semaines après l’avoir fini. La réalisation est magistrale, l’actrice qui joue Senua lui donne une authenticité, une horreur, une fureur, un désespoir et une résolution que j’ai rarement vue dans un jeu vidéo ou même une œuvre d’image tout court. J’ai eu mal, j’ai été furieux pour elle. Le jeu emploie la vraie grammaire du jeu vidéo – le gameplay – avec un ingéniosité pour tordre nombre des tropes habituels du média. Il en ressort une œuvre sournoise, imbibée de détresse et d’angoisse, qui n’épargne pas grand-chose au joueur.

Or quelle est la fonction d’une œuvre d’art, si ce n’est explorer et donner à ressentir ? Ne serait-ce pas stimuler l’empathie du lecteur / joueur / spectateur, et élargir ses horizons, toujours avec respect ?

À mon sens, Hellblade est un chef-d’œuvre pour cette raison. Ce n’est peut-être pas une représentation clinique très juste, je n’en sais, très honnêtement, rien. Mais c’est une œuvre ; elle est censée avant tout transcender le réel pour établir un pont vers les esprits qui la recevront. Et la violence psychologique, le symbolisme du jeu, ses mécaniques s’adressent directement à l’être humain qui tient la manette et qui vit l’odyssée de Senua par procuration ; sa détresse et sa rage ne sont pas du voyeurisme, puisqu’à chaque étape de son voyage, par le truchement du jeu vidéo, elles devenaient pleinement miennes. Voilà ce qui compte ; voilà ce qui reste. Dans le média le plus grand public qui soit, Hellblade traite pour la première fois de sujets déchirants, les fait ressentir de l’intérieur, à travers toutes ses dimensions, tant par le vécu intérieur que par la peur et l’ostracisation de l’entourage. Et il le fait à travers un personnage certes terrifié, torturé par les circonstances, mais courageux, volontaire, et dont la lutte ne peut qu’être une inspiration.

Et puis, c’est une première.

Hellblade m’a fait voyager en enfer, remué l’âme et les tripes, fasciné aussi, oui (mais cela, c’est dû à mes explorations très personnelles, qui déjà gamin me poussaient davantage vers Téléchat que Babar) et j’en suis sorti, je crois, un peu plus humain.

Comme me l’a seriné Estelle Faye depuis des mois : il faut jouer à Hellblade (elle avait bien raison) (et merci à ma chère et tendre qui a rendu ça possible).

Deux recommandations impératives :

  • Jouez au casque. Vraiment. Vous comprendrez pourquoi. (Et faites-le dans le noir sur grand écran, si possible.)
  • Après l’avoir fini, mais surtout pas avant, regardez le documentaire d’une demi-heure fourni avec. Ce n’est pas qu’un simple making of, cela vous décodera ce que vous n’avez pas vu.

Le plus grand compliment que je puisse faire à ce jeu est de dire que je suis prêt à acheter une Xbox series X pour jouer à Hellblade 2 dès sa sortie. Ou un PC. Une Game & Watch. N’importe quoi qui le fasse tourner.

Avec des œuvres comme celle-ci, le jeu vidéo me semble vraiment entrer dans une nouvelle étape artistique, capable de traiter avec brio des sujets insondables, tant personnels que sociaux, en utilisant ses forces propres. C’est génial et cela me redonne envie de m’y plonger avec régularité.

2021-02-01T12:28:23+01:00jeudi 4 février 2021|Geekeries|2 Commentaires

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Une petite modification que je voulais faire depuis un moment (et qui m’a été demandée) : les commentaires sur le blog sont maintenant ouverts 30 jours (et non 15). Histoire de garder le débat ouvert plus longtemps, mais sans que je sois noyé de spam.

2020-07-23T20:20:32+02:00mercredi 29 juillet 2020|Brèves|Commentaires fermés sur Les commentaires sont maintenant ouverts un mois

Assistez à la table ronde virtuelle “Game of Thrones, modèle ou inspiration ?” [Colloque virtuel Imaginales]

Table ronde is coming :

Dans le cadre du colloque universitaire « Game of Thrones : nouveau modèle pour la fantasy ? », organisé par les Imaginales, une table ronde se déroulera sous forme d’une session Zoom, le jeudi 11 juin à 18h30, et sera animée par Stéphanie Nicot, avec Emmanuel Chastellière, Silène Edgar, Estelle Faye, Aurélie Wellenstein et moi-même, sur le sujet de l’influence que la célèbre saga peut avoir sur le genre, notamment en France. Très honoré (et hâte) d’y participer en direct de mes rideaux Twin Peaks !

Il est possible d’y assister en direct, jusqu’à concurrence de 100 personnes : suivez ce lien pour vous inscrire !

2020-06-10T18:54:28+02:00jeudi 4 juin 2020|À ne pas manquer, Entretiens|Commentaires fermés sur Assistez à la table ronde virtuelle “Game of Thrones, modèle ou inspiration ?” [Colloque virtuel Imaginales]

Procrastination podcast s04e16 – Les réactions des éditeurs

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s04e16 – Les réactions des éditeurs“.

(Épisode toujours enregistré en confinement.)
Soumettre un travail à une maison d’édition est une étape nécessaire pour la publication mais qui suscite des craintes, ou se trouve même entourée de certaines idées reçues : cette quinzaine, démythification du processus, et levée de rideau sur la réalité du travail avec les éditeurs.
Lionel commence par rappeler qu’un éditeur est avant tout à la recherche de bons livres et d’auteurs – des personnes avec des choses à dire, et peut-être capable de le faire plusieurs fois ! Estelle renchérit sur l’importance du dialogue et de l’aspect humain ; la recherche se situe des deux côtés de la fameuse « barrière ». Mélanie prolonge sur la fluidité des relations de travail – de part et d’autre.

Références citées
– Éditions La Volte
– Éditions Harlequin
– Éditions Scrineo
– Simon Pinel
– Raphaël Eymery, Pornarina : la-prostituée-à-tête-de-cheval

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:16+02:00lundi 1 juin 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s04e16 – Les réactions des éditeurs

Procrastination podcast S03E22 : “Les ateliers d’écriture”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Les ateliers d’écriture“.

Cercles d’écriture, de (re)lecture, une pratique ancienne du monde littéraire et prenant de plus en plus la forme d’ateliers à visée professionnalisante. Comment cela fonctionne-t-il, et que peut-on en attendre ? Après un rapide tour d’horizon de Lionel, Mélanie présente les formules, en insistant sur les différents publics auxquels elles s’adressent. Pour Laurent, le plus intéressant dans le système consiste à affronter la difficulté de produire en se confrontant au regard immédiat d’autrui.

Références citées

– L’atelier Clarion http://clarion.ucsd.edu

– CoCyclics https://cocyclics.tremplinsdelimaginaire.com

– Le club Présences d’Esprits https://www.presences-d-esprits.com

– Les Mots, école d’écriture https://lesmots.co

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:37:32+02:00jeudi 1 août 2019|Procrastination podcast|2 Commentaires

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