Procrastination est prêt jusqu’à début mars !

Et hop, comme nous en avons à présent pris l’habitude depuis le printemps, Procrastination s’est réuni virtuellement la semaine dernière pour mettre cinq épisodes de plus dans la boîte !

Montage Mélanie Fazi

Personnellement, j’apprends toujours davantage de ces sessions et des manières d’optimiser l’enregistrement à distance (une affaire un peu plus compliquée qu’il n’y paraît si l’on cherche à dépasser le simple enregistrement Skype). J’espère que la qualité sonore ne fera que s’améliorer au fil de cette année, en tout cas c’est le but.

Mais ce qui compte avant tout reste le contenu, et nous sommes armés jusqu’aux dents de chouettes sujets, dont voici le nouveau planning !

  • 1e novembre : La course à la perfection
  • 15 novembre : Être auteur et timide
  • 1e décembre : Le retravail des manuscrits, avec Mireille Rivalland
  • 15 décembre : Le découpage des séries
  • 2 janvier : Le réalisme en imaginaire
  • 15 janvier : L’organisation d’une journée de travail
  • 1e février : Vivre la critique
  • 15 février : Les règles magiques de Brandon Sanderson, part. 1
  • 1e mars : Les règles magiques de Brandon Sanderson, part. 2

Rendez-vous bientôt donc pour le 1e novembre. Ou le 30 octobre. Ou le 2 novembre. Mais y a pas de Procrastination qui sort ces jours-là. Donc bon. Après c’est probablement de chouettes journées aussi. Mais un tout petit peu moins. Forcément.

2020-11-02T11:31:21+01:00lundi 9 novembre 2020|À ne pas manquer|4 Commentaires

Les éditions Critic ont 10 ans ! La Volonté du Dragon offert en éd. collector

Il y a dix ans, je faisais encore semblant d’avoir des cheveux en refusant d’accepter ce que la génétique me criait pourtant clairement ; j’avais publié dix ou quinze nouvelles en anthologies assez remarquées mais pas de volume seul (à part deux mémoires, l’un sur les échouages de mammifères marins en France, l’autre sur la réalisation d’un démonstrateur de modèle de calcul de propagation électromagnétique, c’était vachement bien, je vous assure, par contre niveau narration, ça manquait de personnages). À un festival (la 25e Heure du Livre ? Je ne sais plus), Éric Marcelin et Simon Pinel, alors mes libraires rennais de longue date, sont venus me parler de leur “petit projet” – monter une maison d’édition – en s’excusant presque : “ça promet d’être confidentiel, hein, on sortira deux à trois livres par an, on se fera diffuser par des libraires partenaires, mais bon, on aime bien ton travail en forme courte, tu aurais envie de faire une novella avec nous ?”

Faire mon premier livre ? Mais oui, grave ! Entamant une longue tradition personnelle, la novella que j’avais promise d’environ 80 000 signes s’est transformée en roman de 300 000 (erf…).

Dix ans plus tard, les éditions Critic se sont établies dans le paysage comme un acteur indépendant d’importance dans l’édition d’imaginaire en France, avec un catalogue multi-primé qui couvre de la fantasy à la SF et au thriller, mêlant jeunes auteurs et grands noms du patrimoine, atteignant près de 100 titres, et une diffusion sur toute la francophonie. Pour ma part, j’ai publié plus de dix bouquins avant tout chez Critic qui est devenu “ma” maison, non pas au sens premier de mon éditeur (même si oui, forcément), mais d’abord d’une famille, qui a accueilli avec enthousiasme mes projets dont cette entreprise complètement déraisonnable qu’est Évanégyre, avec ses récits indépendants mais quand même liés subtilement pour former une mosaïque plus vaste que la somme de ses parties, en me témoignant un soutien et une confiance inouïes lors des traversées forcément chaotiques des terrains broussailleux de la création. J’ai beaucoup de chance d’avoir pu grandir comme auteur aux côtés d’un éditeur fantastique, dans une aventure humaine (car l’édition est avant tout une aventure humaine) comme on n’en connaît qu’une seule fois dans une vie.

Ah, et puis j’ai fini par me faire la boule à Z, aussi.

Merci, Éric et Simon, merci, Cathy, Florence, Xavier, Étienne !

Pour en savoir plus sur la maison et son histoire, des tas d’entretiens commencent à être publiés autour des fondateurs et de l’aventure Critic :

Le catalogue des dix ans peut être feuilleté en ligne ici.

La Volonté du Dragon en édition collector, offert pour deux achats

Et chez les librairies partenaires (et dans la limite des stocks disponibles), pour deux romans des éditions Critic achetés, une réédition limitée et collector de La Volonté du Dragon vous sera offerte !

Avec une nouvelle couverture, nouvelle mise en page et des illustrations réalisées par Fred Navez qui n’avaient pu apparaître dans la première édition faute de place :

Couv. Fred Navez

Par ailleurs, pour mémoire, l’opération spéciale continue aussi en numérique, avec quatorze titres à seulement 3,99 € (dont La Messagère du Ciel).

Joyeux anniversaire, Critic, et encore merci. La route pour devenir centenaire a bien commencé !

2020-05-04T09:14:37+02:00lundi 21 octobre 2019|À ne pas manquer|5 Commentaires

Comment être productif en travaillant de chez soi ?

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C’est une question qui tourne de temps à autre sur les réseaux sociaux : la difficulté de se motiver pour se mettre au travail, les pièges de la procrastination, du glandage sur Internet (qui prenait en l’an 2000 la forme de clics sur des liens sans intérêt, et qui en 2015 s’appelle Facebook). Et comme une de mes étudiantes me l’a directement posée, et qu’elle est excellente, cela vaut peut-être le coup d’essayer de contribuer à l’intelligence collective. Je succombe moi aussi à la glande, mais, depuis quinze ans de travail indépendant (que le temps passe), d’étude des méthodes de productivité, de développement plus ou moins réussi de méthodes maison, je me suis bien trouvé obligé de développer quelques techniques pour rester assidu, quand bien même ma PS4, mon frigo, mon lit, le soleil m’appellent.

Alors, comment on fait ?

Rien n’est magique

Au bout du compte, le travail ne se réalise pas tout seul. Il y aura toujours des efforts à investir, une volonté à appliquer, des difficultés à surmonter. Aussi loin qu’on les repousse, il faudra forcément s’y frotter un jour, ou bien rien ne se fera. Dans un entretien à Locus il y a des années, Brian Stableford disait qu’un livre s’écrit “un mot après l’autre”. Ces centaines de pages se composent peu à peu, pas à pas. Il faut se retrousser les manches et se plonger dans l’arène.

Cependant, des techniques de concentration et de productivité existent ; nous en avons longuement discuté lors de l’été 2013 avec le tour d’horizon intitulé “Productivété”, toujours disponible en archives. L’idée fondatrice est double :

  • Réduire la friction. Si vos dossiers sont désordonnés, que votre PC rame, que vous n’avez pas la place de travailler, tout cela entraîne un coût, un poids mental qui élève toujours davantage la barrière à franchir pour se mettre à l’ouvrage. Votre mère (et la mienne) avait raison : rangez votre bureau. Entretenez vos outils, stylos, PC, tablette. Ayez un système efficace en place qui vous libère l’esprit et la mémoire. Comme le dit David Allen, “l’esprit n’est pas fait pour se rappeler les choses, mais pour avoir des idées”. Externalisez tout ce qui n’est pas vital grâce à la technologie. C’est l’an 2015, bon sang.
  • Le plus barbant d’abord. Faites toujours (à urgence égale) le plus barbant en premier. Une tâche pesante à l’esprit ronge l’énergie et la motivation. C’est une discipline difficile à acquérir, mais elle récompense grandement celui qui l’applique. La libération est proportionnelle à l’ennui ; et l’énergie ainsi récupérée sera investie à profit dans les projets motivants. Faites votre déclaration d’impôts avant d’aller écrire votre scène de bataille rangée. (Sauf si faire votre déclaration d’impôts vous éclate. Chacun son truc.)

Évacuer les distractions

Les distractions sont l’ennemi numéro 1 du travailleur indépendant. Tout d’abord parce que le cerveau n’est pas multi-tâches, c’est un mythe ; chaque changement de tâche entraîne le paiement d’une “taxe” mentale fixe. Vérifiez votre courriel dix fois par heure, vous payez dix fois cette taxe. (Question déjà discutée en ces lieux ici.) En revanche, la concentration augmente avec le temps investi (jusqu’à une limite, évidemment) ; on retire donc davantage de bénéfice à rester focalisé un long moment.

Mais comment faire ?

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Insert coin ?

Au-delà du bon sens – s’isoler loin de tout dérangement, par exemple -, on peine parfois à respecter la discipline de cette concentration. Depuis quelque temps, j’applique avec grand succès la technique des trombones : je m’autorise trois vérifications des réseaux sociaux, par exemple, chaque jour. J’ai trois trombones dans une boîte, à chaque vérification, je retire un trombone. Quand les trombones sont épuisés, je n’ai plus de crédit. Utiliser un objet donne une matérialité bienvenue à l’engagement qu’on prend avec soi, et le renforce. Si je veux aller sur Facebook alors que j’ai vidé mes trombones, je ressens un élan de culpabilité plus net que si j’avais bêtement compté mentalement. Cela donne une réalité à la chose.

Maîtriser le temps

Un autre méthode pour allonger la concentration est la méthode Pomodoro, à la fois simple et efficace (présentée ici) : il s’agit de travailler à fond pour une brève période fixée par avance avec la promesse d’une pause par la suite. De mon expérience, le Pomodoro de vingt-cinq minutes est trop court pour un travail littéraire ; quand j’ai besoin d’un coup de pied aux fesses, je pars sur des périodes d’une heure et demie suivies de quinze minutes de pause. Et en plus, il existe même des applications de chronométrage gratuites, par exemple ces cinq-là. (J’ai longtemps utilisé FocusBooster mais ma préférence va maintenant à SnapTimer, léger et portable – il se trouve bien au chaud dans ma Dropbox et donc présent sur toutes mes machines).

Je crois que les travailleurs indépendants ont grand intérêt à s’imposer des horaires de travail fixes, comme n’importe quel employé, calquées sur les horaires de bureau. Au tout début de ma carrière, je vivais et travaillais la nuit, puis dormais le matin, sachant que cela correspond mieux à mon rythme, mais j’ai fini par abandonner. L’intérêt de suivre les horaires habituels et de s’y tenir est multiple :

  • Vous vivez au même rythme que le monde entier : socialement, c’est quand même plus facile, surtout en couple
  • Les distractions sont réduites (puisque vous vivez au même rythme que le monde entier)
  • Adopter un rythme régulier rend globalement la mise au travail plus facile (par exemple : travailler de 9h à 12h30, prendre une heure de pause, finir à 19h)
  • Savoir quand l’on travaille et quand l’on se repose me paraît nécessaire pour un indépendant, qui vit dans son bureau / travaille dans sa maison ; l’esprit a besoin de savoir quand il doit être actif et quand il peut se mettre en veille. Avoir des horaires mal définis m’a toujours conduit à la déprime, puisque j’avais l’impression (fausse) de travailler en permanence.
taximetre
“Je vous emmène à Trocadéro en passant par Pékin ?”

Pour mesurer réellement mon temps de travail et éviter le glandage, j’ai adopté voilà des années une habitude connue de bien des prestataires de services : le CRAH (compte-rendu d’activité hebdomadaires). Je me fixe 40 heures de travail actif par semaine (je ne suis pas passé aux 35) et tout volume non effectué est à rattraper la semaine suivante. Si je fais moins, c’est que j’ai glandé. Si j’ai fait plus, j’ai le droit de me la couler un peu plus douce la semaine suivante (si les circonstances le permettent).

Enfin, je me suis acheté un chronomètre de bureau (ci-contre) que j’appelle affectueusement le “taximètre“. Chaque fois que je m’assieds pour travailler, je le lance ; chaque fois que je m’arrête, par exemple pour une pause longue, je le coupe. Cela me permet de mesurer mon temps réel d’activité au cours de la journée, mais surtout, comme avec les trombones, chaque pression sur le bouton “matérialise” l’engagement que je prends avec moi-même d’être actif à partir de ce moment. Je prends mieux conscience de ma dérive si la procrastination m’appelle, car je dois couper le taximètre. À ce moment-là, mieux vaut prendre une vraie pause de 10-15 minutes sans culpabilité (le taximètre est coupé) pour s’y remettre ensuite à fond. Le moral est meilleur.

L’arme secrète

focusatwill

L’arme secrète que j’ai découvert en début d’année est Focus@Will. Le service existe depuis très longtemps et je ne m’y étais jamais vraiment attardé – comment ça, une entreprise qui prétend me diffuser de la musique qui m’aide à me concentrer ? Ça semble un peu trop new-age à mon goût. Mais finalement, après avoir lu des critiques dithyrambiques (promettant que ça “change la vie” – rien que ça), j’ai tenté le mois d’essai gratuit.

Devinez quoi ? Oui, ça change la vie.

L’idée – très résumée (voir les articles directement sur le site) – est que l’évolution a forgé nos cerveaux pour qu’ils restent toujours attentifs à d’éventuelles agressions (genre un lion dans la savane, une occurrence relativement rare en open space). Pire, les interruptions tendent à stimuler le système limbique, donc à récompenser le cerveau ; tout cela rend la concentration difficile. Focus@Will choisit des ambiances, des morceaux musicaux, spécialement mixés pour “divertir” le système limbique et donc débarrasser l’esprit de cette tension. Et ça fonctionne tellement bien qu’on approche de la magie vaudou. Le service propose en plus divers canaux avec différents niveaux “d’énergie”, ce qui permet de suivre l’évolution de l’humeur. Il m’arrive souvent de commencer sur “Alpha Chill” en medium le matin, pour passer sur “Up Tempo” ou “Ambient” en fonction de ma satisfaction quant à la matinée.

Focus@Will est une arme secrète et je ne peux que t’encourager, auguste lectorat, à ouvrir un compte d’essai de 30 jours pour tester le service. Pour cela, n’hésite pas à passer par ce lien. (Si tu décides de t’inscrire sur la durée, je ne te cache pas que je toucherai une commission, mais je recommande sans hésiter le service – j’ai pris un abonnement à vie au bout de deux semaines -, et tu ne risques rien de toute manière ; de plus, je ne recommanderais jamais un outil que je n’utilise pas moi-même. Pour plus d’infos sur les liens affiliés, voir l’article sur la question.)

Pour conclure

La productivité en solitaire – comme toute initiative – est une affaire d’équilibre entre efficacité et efficience (ou rendement).

  • L’efficacité vise à produire un résultat de meilleure façon, plus vite ; il existe quantité de systèmes d’organisation personnels pour mettre de l’huile dans les rouages, allant de la bureautique à certains enseignements des neurosciences, ce qui a été abordé en détail ici à l’été 2013. L’efficacité, c’est faire les choses comme il faut.
  • Plus complexe et pourtant plus vital, il y a l’efficience, que les Américains définissent, par contraste, comme le fait de faire les choses qu’il faut. C’est-à-dire, choisir ses batailles, consacrer son temps à ce qui compte réellement au lieu de se donner l’illusion d’être productif en refaisant quinze fois son site web, par exemple. (Ahem.)

L’efficience, hélas, relève d’une discipline mentale plus difficile à acquérir (du moins, de mon expérience) parce qu’on entre dans des domaines inconscients de peur, de résistance, mais elle est pourtant indispensable. Seul une introspection profonde, visant à définir ses propres priorités mais aussi ses propres manies et manquements habituels, permet de s’en rapprocher. Car, malheureusement, comme dit en préambule, il vient un moment où il faut comprendre que tous les systèmes du monde ne résoudront pas le point-clé de la réalisation de tout projet : au bout du compte, il faut se retrousser les manches et se jeter dans l’arène. Mais si des systèmes efficaces abaissent les barrières, facilitent le jeu de la mécanique, donnent du recul et montrent clairement que le temps investi n’est pas en vain, je pense que cela cajôle l’efficience et aide à la réaliser. Comme la technique pure n’a jamais fait un artiste, mais accélère toutefois grandement l’expression de son potentiel.

2019-08-28T21:37:53+02:00jeudi 21 mai 2015|Best Of, Technique d'écriture|33 Commentaires

Earthling : trop, ou pas assez

De nos jours : une espèce de sphère organique dérive vers la Station Spatiale Internationale ; le cosmonaute qui la récupère se trouve pris d’une folie meurtrière et assassine ses deux camarades. Une impulsion électromagnétique en haute orbite entraîne alors d’étranges conséquences sur Terre, et notamment sur Judith, professeur de lycée sans histoire, qui percute alors un arbre en voiture et perd le bébé qu’elle portait. Sa vie commence alors à glisser dans une déprime qui ouvre la porte à toutes sortes d’événements improbables, comme cette jeune élève marginale qui lui témoigne un intérêt curieux. Mais surtout, Jude ne peut nier l’existence des excroissances qui lui poussent sur le sommet du front, comme de ces rêves étranges qui semblent venus d’une autre vie.

Malgré ce synopsis qui laisse apparaître les mécanismes du fantastique, Earthling est bel un bien un film de SF : les réponses viennent de l’espace ainsi que le préfigure la première scène. Cependant, il s’agit avant tout d’un voyage psychologique, celui de Judith qui devra découvrir sa véritable identité, et surtout l’accepter au sein d’une communauté qui s’est, en vertu de sa différence, entièrement détachée d’une morale humaine à laquelle Jude reste pourtant attachée.

Earthling a reçu un triomphant accueil critique, comme en témoigne le prix Utopia des Pays de Loire qui est venu le récompenser aux dernières Utopiales. En effet, produit du cinéma indépendant, ce film a, sur le papier, tout pour plaire dans un milieu (le cinéma de science-fiction) où les habituelles grosses productions ne  laissent souvent guère de marge de manoeuvre aux scénarios profonds, aux intrigues psychologiques, même, dirait-on, aux histoires contemporaines. Malheureusement, il semble qu’à vouloir trop plonger dans la problématique de l’identité, le film finit par s’égarer dans un inventaire un peu laborieux de toutes ses facettes, de l’image de soi à l’orientation sexuelle, en passant par la mémoire, l’éthique, la rédemption et ainsi de suite. L’intrigue, relativement simple et centrée sur le trajet de Judith entre rejet et acceptation d’une vérité différente, peine à porter convenablement ce foisonnement de thèmes et Earthling s’égare dans la confusion et, plus grave, dans la démonstration.

Confusion d’abord parce que le film, en cherchant à surprendre le spectateur, prend des détours parfois un peu laborieux pour se faire passer pour ce qu’il n’est pas : une histoire d’invasion d’extraterrestres façon Profanateurs de sépultures ou The Thing ? Lorgne-t-on vers La Malédiction avec des personnes révélant des traits diaboliques ? Si le jeu est amusant dans un premier temps, il devient forcé à partir du moment où les pièces ont été véritablement mises en place : les révélations sur la nature de la sphère organique se font attendre, puis se contredisent en une espèce d’enchaînement de coups de théâtre qui finit par sonner artificiel. Le dernier tiers du film est par ailleurs assez pédestre ; alors que toutes les informations sont disponibles, on attend enfin que Judith choisisse un camp, passe du rôle de découvreuse réticente à celui d’actrice de son propre destin, ne serait-ce qu’en opposant une résistance silencieuse à ceux dont elle désapprouve les projets. Mais elle tourne en rond trop longtemps, exige davantage de preuves, entraînant un retour sur elle-même de l’intrigue fastidieux et dispensable.

Démonstration ensuite parce que, comme on l’a dit, Clay Liford, auteur et réalisateur d’Earthling, semble vouloir aborder trop de thèmes à la fois, ce qui réduit chacun à une portion congrue et schématique, lançant quelques pistes rarement traitées à satisfaction, ce qui laisse au spectateur peu d’os à ronger et une sensation d’incomplétude. La question de l’identité sexuelle, par exemple, offrait énormément de potentiel par rapport à l’identité biologique apparente, et ce thème à lui seul aurait pu porter efficacement les questionnements principaux de l’héroïne, mais il semble à peine effleuré. On peut également critiquer quelques soucis de cohérence (ou de clarté) sur les relations entre personnages, qui ignorent l’amour mais connaissent tout de même le mariage, et l’argument servant de toile de fond à toute la conspiration, beau, inspirant et dont on ne révèlera évidemment rien, mais qui arrive à un moment où la crédibilité du spectateur commence à être un peu mise à l’épreuve.

Les deux paragraphes précédents pourraient laisser croire à un assassinat en règle d’Earthling, mais il n’en est rien : il faut louer l’initiative et le courage d’avoir osé faire un film de véritable SF humaniste, intelligente et profonde avec un budget aussi étroit, dans un contexte pas franchement ouvert au genre. Les acteurs sonnent particulièrement juste ; l’image oscille à bon escient entre des atmosphères oniriques et des scènes choquantes et crasseuses ; la musique porte les ambiances ; le voyage de l’héroïne est présent, la richesse de thèmes aussi, on l’a vu, quand l’inverse, merci Hollywood, est trop souvent vrai.

En résumé, il y a là un potentiel énorme, mais Earthling paraît curieusement inabouti en l’état, et, lors de la session questions – réponses qui a suivi, le producteur, Adam Donaghey, pourrait bien avoir donné par inadvertance une réponse à cet état de fait : le montage original de Clay Liford durait trois heures, ce qu’il a bien fallu réduire (à 114 minutes) pour pouvoir proposer le film aux festivals. On sent effectivement que les idées sont là, l’écriture aussi, et c’est cette amputation, peut-être réalisée à mauvais escient – ou impossible à réaliser – qui a peut-être donné à Earthling ce regrettable petit goût d’esquisse.

Le film tourne actuellement dans les festivals indépendants et cherche une distribution ; s’il doit sortir en DVD, j’appelle de tous mes voeux la production à faire apparaître le director’s cut sur la galette. Ce qui, en soit, doit prouver l’intérêt de ce film malgré ses défauts : car, après avoir vu ce montage, j’aimerais énormément revoir toute cette histoire telle que le réalisateur l’avait envisagée afin – je suppose – qu’elle donne sa pleine mesure. Clay Liford, et Well Tailored Films, sont assurément des créateurs à suivre, car ils démontrent assurément qu’ils ont des choses à dire et savent se montrer extrêmement créatifs pour pallier leur manque de budget. Ne manque peut-être, maintenant, qu’une forme de concision, ce qui est toujours difficile en création, car choisir, c’est abandonner.

(Site officiel du film)

2010-11-22T02:00:40+01:00dimanche 21 novembre 2010|Fiction|1 Commentaire

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