La boîte à outils de l’écrivain : Scapple, un outil unique pour les réflexions libres et le mind-mapping

scapple

La cartographie mentale ou heuristique (le mind-mapping), c’est très tendance. À en croire ses plus fervents partisans, c’est la solution ultime pour mettre ses idées en ordre ; c’est même la seule manière d’ordonner ses idées, pour et même, pour prendre des notes, donner une conférence, apprendre un cours, obtenir la paix au Proche-Orient. Je disconviens respectueusement. C’est une technique utile pour regrouper des concepts voisins, pour détailler un sujet épineux, mais j’ai toujours préféré les plans hiérarchiques (je fonctionne par plans, c’est probablement le résultat de décennies d’apprentissage et de prise de notes selon cette méthode). Du coup, j’étais fort dépourvu quand la question fut venue : qu’utilises-tu pour cette technique ? Je reconnais son aspect fondamental pour beaucoup de monde, mais, n’étant que moyennement concerné (elle ne me sert que dans des cas très précis), je n’ai pas ressenti le besoin de creuser le sujet, et, dès lors : comment faire une recommandation ? XMind, Inspiration, yEd, Curio, Freemind, Mindnode, et leurs quelque quarante douze mille concurrents ?

Et puis il y avait Scapple. Scapple est un petit outil conçu par Literature and Latte, les sublimes auteurs de Scrivener, dont je ne peux cesser de dire suffisamment de bien. À première vue, Scapple me semblait trop simple, ou trop bancal : pas beaucoup de styles, encore moins de types de relations, une étrange façon de créer des liens entre bulles (glisser – déposer)… Mais Scrivener fait souvent le même effet à la première ouverture : sous-estimé, voire un peu abscons.

Scapple, c’est un peu la même chose : il cache un outil extrêmement flexible, très bien conçu, dont les limites sont justement étudiées intelligemment pour pousser l’auteur, non pas à tripoter des styles pendant des heures, mais à réfléchir. Scapple est un peu austère, et c’est le but : on n’est pas là pour coller des dessins et de jolies icônes, on est là pour jeter ses idées sur la feuille, dégager les relations entre concepts, voire établir une référence pour son histoire. Sur le projet actuel (la trilogie “Les Dieux sauvages”), j’ai au moins cinq ou six documents Scapple ouverts en permanence : les personnages, leurs relations, et même le plan des trois livres, annotés, de façon bien plus visuelle (surtout avec une foule de fils narratifs concurrents) et relationnelle qu’une bête liste de scènes.

Et surtout, c’est plus libre.Voici par exemple un petit morceau des relations politiques dans La Messagère du Ciel (livre I des “Dieux sauvages”), spoiler-free, teaser-full :

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Scapple propose un canevas vierge, sans limites, où il suffit de double-cliquer pour placer une bulle. Le logiciel se prête bien à une entrée rapide des idées, et ne les relie pas par défaut les unes aux autres (sauf si l’utilisateur le souhaite, avec un raccourci clavier). Pour créer et identifier des liens, comme dit précédemment, il suffit de déposer les bulles les unes sur les autres. En d’autres termes, contrairement à tous les autres logiciels de mind-mapping que j’ai testés, Scapple ne part pas du principe que l’on souhaite forcément relier les concepts les uns aux autres ; en d’autres termes, que l’on “épuise” un fil de réflexion avant de passer au suivant. Parce que, je ne sais pas vous, mais mon pauvre cerveau bordélique ne fonctionne pas de la sorte : un personnage me fait penser à son passé qui me fait penser à un événement historique qui m’amène à un fil narratif puis un autre personnage… De façon purement analogique et non ordonnée (sinon, je passe directement au plan hiérarchique). Scapple permet donc d’empiler réellement tout un tas d’idées sans lien les unes avec les autres, permettant de déduire les liens a posteriori – et c’est justement là, à mon sens, que se trouve l’essence de la cartographie mentale. 

La fonction qui tue, pour moi, dans Scapple, c’est la facilité avec laquelle on peut rassembler les notes sous une même bannière : il suffit de dessiner un cadre autour, et hop, toutes les bulles à l’intérieur sont considérées associées et bougeront ensemble dès qu’on déplacera ce cadre. Je n’ai sérieusement jamais vu de logiciel qui rende cette opération aussi simple et naturelle, alors que cela me semble pourtant fondamental, dès que l’on étoffe ses données et qu’on les ordonne. Mais aussi, le logiciel ne se limite pas à la cartographie mentale, et c’est agréable : un organigramme, voire un brouillon de chronologie, tout cela se fait très bien dedans aussi.

Scapple ne regorge pas de styles – quatre types de bulles, une poignée de relations (en gros, pointillé ou continu, flèche ou pas flèche), des couleurs basiques et le minimum en manière de formatage de texte – mais, encore une fois, il s’agit de jeter des idées sur la page virtuelle et de les classer de façon claire et fonctionnelle, pas esthétique. Il me semble qu’il fournit le bon équilibre entre fonctionnalités et simplicité. J’apprécie assez, dans ce genre d’outil, le confort qui consiste à me dire qu’il est inutile de chercher dix minutes comment faire un truc donné qui me servira une fois toutes les pleines lunes : Scapple ne le fait pas, point barre, et je peux assez facilement l’émuler de toute façon en trois secondes avec les outils qu’il me donne. Pour finir, Scapple se synchronise avec Scrivener : il suffit de cliquer-déplacer ses notes pour les voir magiquement transcrites dans le classeur de Scrivener.

Un avertissement important toutefois : pour utiliser Scapple avec profit, il est impératif d’apprendre deux raccourcis clavier qui sauvent, surtout quand on a l’habitude des logiciels de mind-mapping classiques et qu’on est perdu :

  • Pour relier deux bulles avec une flèche et non une ligne simple, maintenez Option sous Mac, Alt sous Windows, au moment du glisser – déposer (pour une relation bidirectionnelle, glissez – déposez une seconde fois en sens inverse) ;
  • Pour créer une bulle directement reliée avec une flèche à la précédente, le raccourci est Contrôle-Option-Commande + une flèche dans la direction où vous voulez créer la note (Contrôle-Option-Commande-flèche bas pour une bulle située en-dessous de la précédente, par exemple) sous Mac, Alt-Majuscule + flèche sous Windows.

En résumé, Scapple n’est pas tant un logiciel de mind-mapping que de mind-mining. On retrouve la philosophie de Scrivener qui consiste à ne pas contraindre l’auteur dans un mode de pensée prédéfini, mais à lui fournir des outils aussi flous, ou précis, qu’il le souhaite selon son mode de pensée. Et, quand un logiciel se targue de m’aider à réfléchir, c’est justement ce que j’attends : qu’il s’adapte à moi, et non l’inverse.

Scapple est disponible ici sous Windows et ici dans le Mac App Store (liens affiliés, n’oubliez pas de commander par la boutique pour soutenir le blog).

2019-06-07T22:44:01+02:00jeudi 30 juin 2016|Best Of, Technique d'écriture|11 Commentaires

Beaucoup de bulles

Alors que je pars vers les Imaginales, j’ai opportunément retrouvé une petite photo que j’avais prise il y a quelques mois et que je ne crois pas avoir partagée :

Mon bureau ressemblait à ça pendant l’écriture d’« Au-delà des murs » (la nouvelle qui paraît ces temps-ci dans l’anthologie du festival intitulée Victimes et bourreaux). C’était la première fois que je m’essayais vraiment au mind-mapping, une technique qui ne correspond pas très bien à ma façon de penser ; je raisonne mieux de façon parallèle, en progressant sur une myriade de fronts à la fois (d’où mon amour pour OneNote, qui capture parfaitement ces progressions anarchiques). La preuve, mes mind-maps se sont vites mises à ressembler à des notes détaillées, mais parfaitement désordonnées. C’était amusant, mais j’ai beaucoup tourné en rond avant de reprendre ma bonne vieille méthode de rédaction libre sous OneNote (impression de droite) pour vraiment avancer dans la construction du texte.

La feuille manuscrite de gauche correspond à la recherche libre des noms des personnages ; quand le personnage ne me vient pas immédiatement avec son nom, je jongle avec les sonorités (ici quelques phonèmes de la langue asrienne, celle de l’Empire d’Asreth) jusqu’à trouver un résultat qui ne sonne pas grotesque et me plaise.

2011-05-24T09:52:19+02:00mardi 24 mai 2011|Technique d'écriture|7 Commentaires

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