Marre de payer des abonnements et des mises à jour ? Il y a Setapp.

Autrefois, on disait : there’s an app for that, et le problème de notre époque, c’est que ça entraîne : … and it comes with a subscription. Il faut bien que les développeurs gagnent leur vie, on est bien d’accord, mais des abonnements dans tous les coins pour des apps qu’on n’utilise pas forcément à longueur d’année, ça pèse. Acheter des applications pour une activité de loisir intermittente, aussi. (J’aime faire du code à mes rares moments perdus, mais ça ne justifie pas de payer une licence annuelle pour un client git comme Tower, par exemple.)

Setapp est un idéal moyen terme, et après des soucis de modèle économique qui m’ont fait claquer la porte il y a deux ans, je suis redevenu un client ravi une fois leur maison remise en ordre. Le principe est très simple : c’est un Netflix pour applications. Un seul abonnement, l’accès illimité à 240 programmes dans des domaines extrêmement variés, allant de l’utilitaire dont on ne peut pas se passer (Bartender, BetterTouchTool, Dropzone, Default Folder X, AirBuddy, Yoink…) au gros logiciel de production (Ulysses, Spark, Craft). Toutes les apps sont d’excellente tenue ; pas forcément les meilleures du domaine (je continue à préférer Scrivener à Ulysses pour les sagas, par exemple) mais toutes de qualité, et surtout, couvrant tous les cas d’usage.

Je vous cause de Setapp aujourd’hui parce que j’ai découvert plusieurs excellents services par leur intermédiaire, ou que je voudrais vous causer d’excellentes apps qui se trouvent être disponibles chez eux, et que ça semble les bœufs à mettre avant ma charrette : vous dire où les trouver de façon avantageuse. Même en comptant toutes les licences que j’avais achetées séparément, Setapp est drôlement rentable. Une personne normalement constituée paiera 135 $ US par an, couvrant 1 Mac et 4 (!) appareils iOS. En comparaison, voici le calcul que j’avais conduit en prenant les services ou apps que j’utilise couramment au grand minimum :

App / ServiceCoût ou remplacement à l’année
ProtonVPN60€, remplacé par ClearVPN
Ulysses (pour blogging)40€, inclus
Mindnode (mindmapping)20€, inclus
Aeon Timeline (chroniqué ici)30€, inclus
Due (rappels)10€, inclus
Coût total160€

… on dépasse pas mal le coût de l’abonnement à Setapp normal, et on arrive même au coût de leur formule “Power User” qui couvre 4 (!) Macs (c’est-à-dire deux dans mon cas). Et ça n’est que cinq services…

Mais ça veut dire aussi que ça ouvre l’accès à une ribambelle d’autres applications, qui deviennent par essence gratuites :

  • Je collabore avec L. sur Craft pour notre vie commune ;
  • Gitfox est un client git largement suffisant pour mes besoins ;
  • Coderunner est un éditeur de code suffisant aussi ;
  • L’autre jour, j’avais ponctuellement besoin d’ouvrir une base de données SQLite, je n’ai eu que l’embarras du choix dans Setapp pour trouver un éditeur ;
  • J’ai découvert GetSound, mon nouveau fond sonore de travail favori ;
  • Et ainsi de suite.

C’est donc encore un abonnement, oui, je sais, sauf que c’est quasiment le dernier que vous prendrez (et que ça vous évite d’acheter quoi que ce soit d’autre). C’est comme un abonnement à un service de streaming musical… ça suffit dans 95-100% des cas. À moins d’être très spécifiquement exigeant sur ses outils, on peut sans aucun problème s’abonner à Setapp et ne plus rien utiliser d’autre (il y a deux logiciels de mails, une demi-douzaine d’apps pour travailler le texte, deux ou trois apps de time tracking, d’autres de notes reliées comme Craft ou NotePlan, et j’en passe, plusieurs solutions sont fréquemment proposées par domaine). Mais en plus, Setapp propose pour ainsi dire tous les utilitaires merveilleux qui rendent la vie magique sur Mac (à l’exception notable de Hazel et Alfred, même si des alternatives sont proposées), mais dont le coût peut devenir lourd en mises à jour. Et ça n’est pas de l’app à deux balles, c’est du vrai bel outil dans la quasi-totalité des cas.

Comme dit plus haut, si vous avez une poignée d’apps et de services favoris, vous continuerez à les utiliser (dans mon cas, Scrivener, Alfred, OmniFocus, Focus, Bunch, Keyboard Maestro et Hazel). Mais Setapp en inclut une impressionnante majorité et, dans bien des cas, propose des alternatives tout à fait compétitives.

Setapp est l’équivalent d’une boutique de bonbons pour geeks sous Mac et iOS. Vous en parler me donne en fait la possibilité de reprendre un peu la boîte à outils de l’écrivain, parce que j’y ai (re)découvert des tas de choses pour faciliter la vie créative, et c’est donc l’endroit privilégié pour les obtenir.

À venir, donc.

➡️ Découvrir Setapp gratuitement pendant sept jours

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2024-03-04T00:42:32+01:00lundi 26 février 2024|Lifehacking|2 Commentaires

Quelques séries TV d’imaginaire françaises récentes

À la Worldcon, j’ai eu l’honneur d’être invité à participer à une table ronde sur les séries télé d’imaginaire étrangères, et donc, étant le Français de service, sur les séries françaises.

Ce à quoi j’avoue que ma première réaction a été : “heu, on en a ?”

Médisance ! Mauvaise langue ! Oui, on en a (surtout grâce aux efforts de Canal+ et d’Arte, qui produit depuis plusieurs années des mini-séries de SF – vous avez peut-être entendu parler notamment de Trepalium). Et donc, je m’étais tapé un marathon de séries d’imaginaire françaises récentes pour me distraire de mon plus gros marathon (entamé en avril 2018 : me taper toutes les séries Marvel Netflix dans l’ordre, j’ai bientôt fini, mais ça n’en finit pas de finir, bientôt je vous dirai quoi penser, car j’ai forcément raison).

Alors, que trouve-t-on comme productions relativement méconnues, comparées aux rouleaux compresseurs américains ? Petit tour d’horizon d’une sélection un peu aléatoire, remontant sur les dernières années, en mode vignettes et avis rapides pour partager ce qui pourrait être intéressant ou pas1. Beaucoup ont évidemment déjà parlé de ces séries à leurs sorties, l’idée ici est seulement de partager ma session de rattrapage, si vous les avez ratées comme moi à l’époque.

Osmosis (SF)

Production : Netflix.

Le pitch : Présenté comme le Black Mirror français. Dans un futur proche, une startup française mêle la technologie des réseaux commerciaux à l’intelligence artificielle pour concevoir un implant neuronal assurant de trouver l’âme-sœur.

Ça vaut le coup ? L’idée de base est excellente, il y a des développements et arguments qui pouvaient être riches de réflexions (humanisme contre transhumanisme), mais le tout est gâché par une implémentation hasardeuse du concept (l’amour semble ici exclusivement fondé sur le physique, ce qui est absurde) et surtout par un scénario cousu d’invraisemblances, des acteurs très insuffisants et une “chute” qui ne peut plus être originale dans la SF du XXIe siècle. Je n’en garde qu’une petite tendresse pour Hugo Becker qui campe un substitut de Steve Jobs pas inintéressant. Ne pas y aller.

Ad Vitam (SF)

Production : Arte.

Le pitch : L’humanité a déjoué la vieillesse : dans un futur proche, tout le monde peut se régénérer à partir de 30 ans et connaître ainsi la jeunesse éternelle. Un flic centenaire enquête sur une vague de suicides de jeunes qui semble être un acte de protestation contre le système.

Ça vaut le coup ? L’idée est simple mais bien explorée à travers une intrigue relativement concentrée (l’enquête policière), le scénario n’est pas démonstratif ni verbeux mais laisse son univers s’établir et respirer, les acteurs sont solides. La fin pourra peut-être laisser un peu indécis – elle me semble là un peu manquer son impact par un discours trop elliptique – mais si l’on n’attend pas une chute en forme de coup de poing, il y a de quoi beaucoup réfléchir dans cet univers jeune et apparence, mais vieux dans sa tête. Si la thématique vous parle, oui, allez-y.

Les Revenants (fantastique)

Production : Canal+.

Le pitch : Dans un petit village de montagne dominé par un barrage hydroélectrique, les morts reviennent à la vie sans aucun souvenir de leur disparition. Des familles brisées se ressoudent tant bien que mal autour du retour d’un enfant mort, des conjoints pleurant des amours disparus les voient revenir, la vie du village est bouleversée et les réactions se polarisent.

Ça vaut le coup ? Les Revenants fait un tragique grand écart entre une saison 1 de haute tenue (pour peu qu’on accepte un rythme lent, très psychologique) et une saison 2 beaucoup plus bancale. Les personnages sont riches et bien campés ; la multiplicité des points de vue est maîtrisée ; les nombreuses intrigues ont toutes quelque chose à dire ; l’idée est explorée dans toutes ses ramifications et la série joue intelligemment en filigrane avec certains codes de l’horreur. Hélas, le scénario laisse entendre depuis le début qu’il va quelque part, sauf que pas vraiment. La saison 2 flirte avec quelques clichés et se termine sans les révélations qu’on attendait et avec une mystique qui n’est pas à la hauteur de tout ce qui a précédé. Si l’on aime les intrigues familiales et les ambiances de villages en huis-clos, on y trouvera son compte, mais il faudra préférer le voyage à la destination.

Transferts (SF)

Production : Arte.

Le pitch : Dans un futur proche (encore…) la technologie permet de transférer l’intégralité d’un esprit d’un corps à un autre. Un père de famille plongé dans le coma depuis des années se retrouve dans le corps d’un capitaine de la brigade spéciale justement chargée de traquer et surveiller ces “transférés”. Il doit apprendre à naviguer dans un monde qu’il ne reconnaît plus en protégeant sa véritable identité pour espérer retrouver son ancienne vie et sa famille.

Ça vaut le coup2 ? Transferts est juste assez foutraque, avec des idées dans tous les sens, une Église catholique qui retrouve son ascendant sur la société, une brigade spéciale littéralement fasciste et un personnage central complètement paumé quant à ce qui lui arrive pour que ça marche. Certaines ficelles de l’histoire sont vraiment grosses, mais il y a des idées de personnages brillantes dans un univers cohérent et bien exploité, vu à travers son relatif loser de héros qui ne sait plus du tout où il en est, et l’équilibre entre idéalisme et cynisme est ménagé de façon intéressante. Il devait y avoir une saison 2 qui ne verra probablement jamais le jour, aussi certains coups de théâtre lancés dans le dernier quart d’heure de la saison 1 ne connaîtront pas de réponse, mais en-dehors de cela, les intrigues principales sont bouclées. C’est suffisamment singulier pour vraiment valoir le coup de se lancer.

Le Secret d’Élise (fantastique)

Production : TF1 (là je triche un peu pour la France, Le Secret d’Élise étant fondé sur un concept américain, qui a donné également Marchlands en Grande-Bretagne).

Le pitch : Tout s’organise autour de l’histoire parallèle de trois familles ayant vécu à trois époques différentes dans la même maison, en 1969, 1985 et 2015. Un drame ayant eu lieu en 1969 a des répercussions sur toutes les époques, jusqu’à la découverte de la vérité.

Ça vaut le coup ? Le Secret d’Élise ne révolutionne rien, mais a visiblement fait ses devoirs et étudié les tropes pour s’en servir avec une intelligence. La série est davantage une saga familiale qu’un récit de fantastique (même s’il est fondamental au déroulement) et l’histoire est archi-classique, mais la production est absolument irréprochable. Les trois époques prennent vie à travers un intelligent jeu de décors et de colorimétrie et on se prend à s’émouvoir des drames familiaux traversés aux trois époques. C’est très classique, mais c’est exécuté avec intelligence et cœur, et donc – à condition d’être sensible au format de la saga familiale et de ne pas chercher un fantastique très poussé – cela fonctionne très bien.

Trepalium (SF)

Production : Arte.

Le pitch : Dans un monde dévolu toujours davantage à l’hypercapitalisme, le chômage atteint les 80%. Les “actifs” sont littéralement esclaves de leur entreprise et se livrent une guerre incessante de performance et de productivité, au sein d’une ville située derrière un mur qui les sépare d’une immense “zone”, où sont relégués ceux qui n’ont plus rien et se battent pour survivre.

Ça vaut le coup ? Trepalium oscille sans arrêt entre le brillant et l’horripilant. La série semble très consciente qu’elle descend d’une certain archétype de l’âge d’or de la SF qui mettait davantage l’accent sur une idée, souvent à travers l’opposition entre une élite déshumanisée et une foule déshéritée, et lui rend d’innombrables hommages. Les inspirations art nouveau, la technologie bizarrement rétro, l’architecture et les costumes donnent à l’ensemble une patte graphique extrêmement réussie. Malheureusement, Trepalium tient beaucoup trop à son discours de dénonciation politique du productivisme pour laisser la place à ses personnages d’exister par eux-mêmes, à son scénario de reposer sur des piliers solides… et à son spectateur de s’investir dans le récit. L’impression d’assister à un prêche domine : l’industrie c’est mal, le travail c’est l’esclavage, l’ambition rend fou, le fanatisme vous coupera des vôtres – s’adresser avec davantage de subtilité à l’intelligence du spectateur, au lieu de lui marteler ce qu’il est censé penser, aurait probablement mieux servi le propos. À mon sens, le traitement de Trepalium est hélas trop léger pour pouvoir recommander la série sans hésiter.

  1. Je laisse évidemment de côté Kaamelott, d’une part parce que tout le monde connaît, et d’autre part parce que la licence génère pour ainsi dire sa propre catégorie : c’est génial.
  2. Donc oui, ca peut rappeler Carbone modifié, mais en uniquement en surface : à l’existence du transfert près, on pourrait tout à fait se trouver en 2019.
2019-09-23T14:59:34+02:00lundi 23 septembre 2019|Fiction|6 Commentaires

Allez quoi, c’est pas si mal, Iron Fist

Best moment de la série ever.

Attention divulgâchage, on va potentiellement basher, donc ne pas lire si vous n’avez pas vu au moins jusqu’à la saison 1 de The Defenders.

Je suis ultra déçu, auguste lectorat. Je boude, je te fais la tête. Quand on a discuté des séries Marvel sur Netflix, tu m’as promis tes grands dieux qu’Iron Fist était une bouse sans nom, une purge aussi ridicule qu’insupportable. Étant lancé dans le projet insolite de me taper toutes ces séries dans l’ordre avant leur possible retrait de Netflix au service du nouveau service (heu, répétition, pardon aux Antidotes) de streaming créé par Disney, je devais forcément y arriver, après m’être enfilé (métaphoriquement, hein, ça va quoi) Daredevil (pas mal), Jessica Jones (brillant) et Luke Cage (WTF sur les bords), venait, oui, le fatidique Iron Fist et, bordel, j’avais hâte ! J’aiguisais déjà mes popcorns en me réjouissant d’un séance nanardesque en riant cruellement, car je suis comme ça, quand je suis tout seul et que personne ne me regarde.

Eh bah je suis ultra déçu, parce que j’ai pas trouvé ça aussi mauvais qu’on me l’avait promis. Alors oui, c’est sûr, la série présente beaucoup de problèmes d’écriture, de caractérisation et de thèmes. Oui, c’est assurément la plus faible des quatre. Oui, on va dire ce qui ne va pas, ne partez pas, je vous sais méchants.

Mais commençons par nous opposer (parce que je dis “nous” parce que je suis royal, c’est comme ça) à la critique la plus fréquente adressée à cette série : le personnage de Danny Rand, supposément débile comme un clou, insupportable et mal campé. Objection, Votre Honneur, disait Matt Murdock un soir qu’il remplaçait Phoenix Wright parti chez son coiffeur. Danny Rand est certes totalement inadapté au monde moderne, mais le personnage tient (à peu près) debout narrativement, en tout cas dans les premiers épisodes de la série. Il débarque d’un monastère avec un iPod première génération (THE HORROR) en étant resté figé à dix ans d’âge et un syndrome de l’abandon gros comme le complexe de Midland Circle. On peut trouver ça gonflant en fonction de ses goûts personnels, mais moi je dis : ça tient debout, ou du moins, c’est pas plus mal écrit que Mariah ou surtout Diamondback (bordel, Diamondback) dans Luke Cage, et si on a toléré les deux premiers, moi je dis, car je dis beaucoup : tu dois pouvoir accepter Danny Rand comme il est, c’est-à-dire tout bancal dedans.

Alors par contre, oui, Iron Fist (j’ai l’esprit mal tourné de ne pas pouvoir écrire ce titre ce série sans grimacer à l’intérieur ?) a trois problèmes principaux, mais bon, si tu sais ce que tu achètes, une série basée sur un comics très grand public, donc avec les ressorts du média d’origine, tu ne peux pas décemment grogner pour deux d’entre eux, ou alors uniquement si tu veux lancer une manif’ pour que tout soit du niveau de Jessica Jones (brillant, superbement écrit, intelligemment symbolique, mais on en parlera peut-être un autre jour) et là je suis d’accord avec toi, mec ou nana, mais en même temps c’est pas la même dialectique, en fait. Bref : on est dans la tradition hollywoodienne très grand public.

Donc, les ressorts : l’écriture, le scénario, le traitement (les thèmes).

L’écriture. Bon, c’est pas compliqué, Danny Rand a visiblement trois phrases à son répertoire : “I’m fine”, “We need to attack now”, “We’re running out of time”. C’est presque risible quand on passe à The Defenders, ou au début, chaque personnage paraît directement découpé de son univers / série d’origine : Murdock, Cage et Jones sont égaux à eux-mêmes voire meilleurs, mais tu vois Danny Rand, et là tu ne peux que te dire : “wouah, mon pauvre, t’es toujours aussi mal écrit, toi”. Mais après, tu te rappelles ce que tu regardes : une série fondée sur un comics très grand public, et est-ce que tu peux en vouloir au média de s’exprimer ainsi ? Y a un méchant, faut aller le tataner, vite parce que New York est en danger. On est dans une situation finalement assez paradoxale et agréable : certaines productions dérivées de comics nous ont habitués à une vraie qualité dépassant les attentes (le premier Iron ManJessica Jones) et forcément, maintenant, on en veut davantage. Eeeeh ouais. C’est assurément une bonne chose. Mais quand l’écriture est “seulement” fidèle à des récits vieux de plusieurs décennies et originellement plutôt destinés à un public adolescent, du coup ça dépare un peu. Problème de narration ou de structure ? Je laisse le jury décider.

Le scénario. Manquerait pas grand-chose, mais les méchants de cet univers, Madame Gao et Bakuto en tête, paraissent un peu parachutés dans tous les sens juste pour donner l’opposition nécessaire au gentil du moment, et amener le coup de théâtre qui va bien pour sauver la situation / la retourner / donner l’information cruciale (rayez la mention inutile). Madame Gao n’aime pas Nobu. Nobu fait partie de The Hand. Attendez, Gao aussi. Ah bon ? Bakuto est chelou, mais bon, il a l’air sympa. Il emprisonne Gao. Donc c’est un copain. Attends, il est de The Hand aussi ? Et ils veulent quoi, en vrai ? Distribuer de la came ? Pour faire des sous ? DANS QUEL BUT ? Et tout ça passe sans rétribution autre que des menaces vagues (dans The Defenders, on apprend qu’ils passent leur vie à s’assassiner mutuellement, faut bien passer le temps quand on est immortel, j’imagine). Comment cette organisation a-t-elle tenu aussi longtemps avec tant de rivalités ? Mais là aussi, on est dans les règles du genre : les méchants sont tellement méchants qu’ils préfèrent céder à la méchanceté qu’à l’intelligence. Ça tient un peu du grand-guignolesque à la longue – une série comme Alias, qui jouait de ces ficelles PLUSIEURS FOIS par épisode, s’en moquait tellement à force que c’en était réjouissant et méta ; on pourrait arguer qu’il manque cette intelligence à cet univers, mais bon, encore une fois, c’est vouloir Jessica Jones à chaque fois, et pour ça je suis d’accord, dans l’absolu, hein, mais je trouve que nous ne pouvons pas être tellement plus royalistes que le roi, même en disant “nous”.

Traitement et thèmes. Là, par contre, c’est le vrai problème à mon sens en 2018. On ne peut pas faire grand-chose à l’histoire de Danny Rand, mais ça fleure quand même un peu l’appropriation culturelle : c’est l’histoire d’un blanc blondinet qui débarque dans un monastère tibétain et qui fait tout mieux que tout les locaux et obtient leur pouvoir suprême. Ça fait un peu “j’y arrive parce que je suis blanc et riche”, et ça aurait pu être évité avec une écriture un peu plus maligne, en ne faisant peut-être pas tant reposer Danny le fait qu’il était juste plus têtu que les autres, ainsi que sur sa cosmoénergie et son septième sens qu’il déploie quand il est suffisamment colère (parce que ça fait vraiment ça, sérieux)… Ce n’est pas du tout le premier récit de l’histoire de la narration à faire ça, on est d’accord, mais on est en 2018, pas en 1988 où l’on commençait à se demander si l’idée d’avoir un blanc qui donne des leçons aux locaux ne rappellerait peut-être pas un chti peu le colonialisme.

On pourrait aussi parler du traitement des femmes désagréablement maladroit après Jessica Jones. Colleen Wing, une femme indépendante, une guerrière loyale et solide se transforme peu à peu en princesse Disney à mesure qu’elle côtoie Danny, à qui il donne d’ailleurs peu à peu des cours d’arts martiaux comme à une grosse noob alors que la relation partait au début sur un agréable terrain égalitaire. Joy Meachum, femme d’affaires solitaire et impitoyable, fond comme du sucre à la réapparition de Danny et si le vide psychologique de l’absence familiale est abordé, ça n’est jamais traité avec finesse ; les actes de compassion et de chaleur envers Danny sont plutôt mis sur le compte de son caractère, parce que c’est une gonzesse, tu comprends, et une gonzesse, c’est forcément fragile. (Dans le genre, Jeri Hogarth tient bien mieux debout.) Et Davos (qui n’a pas inventé les Daleks, pourtant), qui devient méchant alors qu’il n’a quand même pas l’air bien Américain comme il faut, on en parle ? (La série joue même clairement là-dessus à son apparition quand il fait des shurikens en papier d’alu – d’ailleurs pardon, mais un peu lol quand même – me dites pas qu’il ne fait pas tueur envoyé par Al-Qaïda, parce que ça me paraît clairement l’intention qu’on cherche à faire passer au spectateur.) Tout ça, c’est quand même pas très adroit.

Entendons-nous bien, auguste lectorat : je ne suis pas en train de dire que l’histoire de Danny Rand ne peut plus être racontée en 2018 ; que Joy Meachum n’a pas la latitude pour avoir une psychologie faible ; mais que, quand on s’aventure sur ces terrains, de nos jours, c’est rendre hommage à son public comme à son époque d’essayer de faire spécialement gaffe au traitement. Colleen donne un peu l’impression de s’effondrer non pas parce que l’organisation qui l’a élevée et a construit sa vision du monde est finalement maléfique (vu son endoctrinement, à part la trahison de Bakuto, elle a finalement assez peu d’éléments pour se ranger pleinement du côté de Danny), mais parce que l’amûûûûr a frappé son petit cœur et que pfiou elle sait plus trop quoi penser et que mon chéri a forcément raison. Ça aurait été bien si ça avait été un peu plus subtil que ça, si les personnages avaient tenu debout par eux-mêmes, en explorant davantage leurs forces et faiblesses en tant qu’individus, au lieu de tous se rattacher à Danny (qui dérive déjà lui-même comme un radeau sans amarres, alors on est mal).

Ward Meachum à la rescousse. Quand soudain, un inconnu vous offre des fleurs. Je vais te confier, auguste lectorat, pourquoi j’ai finalement passé un agréable moment avec Iron Fist (non, sérieux, ce nom, y a que moi qui… ?) : Ward Meachum. Ce personnage de fils, pas brillant et cornaqué par un père abusif et immortel dans l’ombre m’a semblé, pour le coup, tout droit sorti de Jessica Jones pour sa finesse psychologique et son côté torturé. Trop moyen de partout pour se débrouiller tout seul, dissimulant sa terreur et son manque d’assurance sous une allure gominée presque plastifiée, même pas foutu d’être authentiquement salaud quand il essaie de repousser sa sœur pour son bien, cherchant désespérément à quitter tout ce qu’il a bâti et sombrant dans la came, jusqu’au parricide symbolique (et inutile), son trajet m’a absolument fasciné, et la paire avec le père (arf) fonctionne particulièrement bien. Tom Pelphrey, l’acteur, me semble assurément le meilleur de toute cette série, presque au niveau d’un David Tennant (de son côté presque sous-exploité, d’ailleurs) alors que c’est un rôle secondaire, et je n’ai vécu que pour suivre son parcours : même trois minutes du naufrage terriblement humain de Ward Meachum dans ce monde de cinglés, j’étais content. Et je regarderai la saison 2 d’Iron Fist rien que pour lui, et pour voir si des mèches se rebellent dans sa coupe impeccable. Mais je crains que son fil narratif, avec la mort du père, n’ait touché à sa fin.

Donc voilà, et maintenant j’attaque The Punisher, dont tout le monde m’a dit un bien suprême, et selon toute logique, je dois en déduire que je ne vais pas aimer et vous détester encore plus, hein ? (Maiiiis non, je sais que c’est bien.)

2018-09-23T22:47:52+02:00mercredi 26 septembre 2018|Fiction|14 Commentaires

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