Écriture et polygone de contraintes

On appelle polygone de contraintes la forme géométrique délimitée dans un plan cartésien par la rencontre des diverses régions-solutions au système d’inéquations donné.

Alloprof.qc.ca

Ouuuuh yeah, tu aimes le doux fumet des mots qui t’ont peut-être fait fuir les cours de maths en hurlant ? Hé, c’est dommage, parce qu’il y a beaucoup de notions finalement assez simples que tout le monde devrait apprendre à maîtriser pour son bien, disait mon banquier avec un sourire pensif en rassemblant les documents du crédit immobilier que je venais de signer.

Un polygone de contraintes, ce n’est pas compliqué ; c’est la zone délimitée par un certain nombre d’exigences. Un peu comme un diagramme de Venn, si l’on veut simplifier :

La phrase se situe à l’intersection des deux, et si vous êtes malin·gne, vous reconnaîtrez que ce n’est pas le meilleur exemple du monde, parce que ce ne sont pas des exigences mais des analyses après coup MAIS BREF

Si votre idéal romantique :

  • Est pâle
  • Immortel
  • Scintille au soleil

Le polygone de contraintes décrit Edward Cullen. Remplaçons la première par “a la méga classe” et la troisième par “porte des trenchcoats dissimulant visiblement des replis de l’espace-temps pour planquer des épées trop grandes” et la réponse devient Duncan McLeod.

Je vous avais dit que ça n’était pas compliqué.

Le rapport avec l’écriture ?

C’est que la réponse à un point épineux de scénario ou à un pan de création peut être étudiée de la même manière. Quand on n’a pas de préconception arrêtée sur quelque chose, mais que c’est important et qu’on veut bien le réfléchir, inventorier le polygone de contraintes peut former un point de départ fructueux (en utilisant des émojis pour indiquer les degrés de certitude).

Ça peut ressembler à ça par exemple, pris de mes notes de construction sur La Succession des Âges : je récapitule ici un certain nombre de choses établies, prévues, désirées et nécessaires par rapport à un certain mécanisme narratif important qui se dévoilera vers les 3/4 du bouquin. J’ai toujours su le “quoi” ; je travaille ici en détail le “comment”.

Plutôt que de tourner en rond à chercher l’inspiration, je trouve que la meilleure question à se poser est toujours : “que veux-je accomplir ici ?” On ne peut pas claquer des doigts et espérer avoir des idées chouettes sur commande, mais on peut partir à la pêche en commençant par mettre sur la table les pièces du puzzle et voir comment elles s’imbriquent.

2021-01-09T17:29:17+01:00lundi 11 janvier 2021|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Écriture et polygone de contraintes

Calibrer son document et se fixer des objectifs avec Scrivener

La Messagère du Ciel, premier jet terminé.
La Messagère du Ciel, premier jet terminé.

Les petites captures d’écran que j’ai partagé de loin en loin lors de la rédaction des Dieux sauvages (voir ci-contre) ont suscité quelques réactions : quel est ce logiciel ? Comment ça marche ? Comment me fixer des objectifs ?

Je pense que se fixer des objectifs d’écriture est un mécanisme utile pour avancer ses projets. Les objectifs varient bien sûr en fonction du temps disponible, de l’expérience, de la complexité du récit, mais l’expérience montre qu’il vaut mieux toucher un peu son projet tous les jours que beaucoup à intervalles irréguliers (on en a parlé ici à l’occasion du commentaire des règles sur l’écriture de Robert Heinlein). Entre autres parce que l’écriture s’apparente beaucoup à un muscle et qu’un muscle, ça travaille mieux régulièrement qu’un grand coup de temps en temps. Le travail régulier permet de conserver la motivation ainsi qu’une bonne mémoire de son projet, au lieu de devoir tout réapprendre à chaque fois.

Plus prosaïquement parce que l’expérience prouve que les longues périodes de temps disponible sont rares. Et que les attendre revient à risquer de ne jamais faire aucun progrès.

Étant conçu pour des auteurs, Scrivener (fortement recommandé dans la boîte à outils de l’écrivain, ici) propose donc des fonctionnalités intégrées rusées et puissantes pour le maintien de ces objectifs.

Le calibrage du document

Tout d’abord, Scrivener propose un calibrage automatique du manuscrit en cours – la partie « Draft » ou « Manuscrit » – c’est-à-dire, ce qui finira dans la compilation. Les notes, recherches et autres documents de référence qui figurent à côté ne sont pas comptés (logique et rassurant).

Plus précisément, chaque document de la partie Manuscrit peut être intégré ou non dans la compilation manuellement. Ce qui permet de conserver, parfois, des notes à côté d’un chapitre quand cela s’impose. Ici, deux dossiers du projet de Port d’Âmes, contenant côte à côte le chapitre 3 finalisé et les notes correspondantes au moment de mes propres corrections.

Il suffit pour cela de cocher ou non la case de l’inspecteur « Inclure dans la compilation » :

(On la retrouve en mode plan dans les diverses colonnes personnalisables.)

Se fixer des objectifs

Commande (ou Control) – majuscule – T donne la fenêtre des calibrages et objectifs :

Un clic sur le bouton en bas à droite (Modifier) donne accès à la personnalisation des objectifs d’écriture, que ce soit pour le manuscrit en cours ou pour les quotas quotidiens. Comme nous calibrons des documents à la française, on préférera les caractères espaces comprises, qui sont l’unité de référence dans l’édition chez nous.

Les options offrent tout un tas de subtilités pour paramétrer au mieux son expérience (sous Mac, au moins, je ne sais pas où en est la version Windows) :

scriv-options-objectis

À vous de voir la rigueur que vous voulez vous imposer : autoriser les chiffres négatifs (quand on corrige, par exemple) peut déprimer… Ou pas si l’on cherche justement à faire maigrir un manuscrit. Je recommande d’activer la notification quand l’objectif est atteint ; c’est une belle récompense, et permet de s’affranchir d’une consultation compulsive du compteur à chaque paragraphe (ce qui nuit un tout petit peu à la concentration).

Il faut se rappeler que Scrivener calcule ses cibles sur les documents signalés comme étant dans la compilation uniquement (sauf si on lui dit le contraire dans les options ci-dessus). Cela signifie que si vous écrivez 5000 signes de fiche de personnage dans la section Référence, il ne le comptera pas, par exemple. Plus subtil, si vous écrivez 5000 signes dans un document du Manuscrit mais que vous décochez ensuite l’inclusion dans la compilation, ces signes seront comptabilisés dans le quota quotidien. Mais au contraire, si vous écrivez 5000 signes dans un document puis que vous l’incluez à la compilation par la suite, Scrivener ne gardera pas trace du calibrage écrit. De même, rédiger des notes dans un document inclus à la compilation est une bonne manière de faire monter artificiellement le quota du jour… Mais un piège qu’on se tend à soi-même quand il s’agit de les supprimer (car le quota s’en ressent d’autant). (Bien sûr que c’est du vécu.) Bref, ayez conscience de votre paramétrage pour ne pas vous laisser piéger par l’automatisation. (Conseil de survie de base au XXIe siècle.)

Vous voilà parés pour tenir vos objectifs quotidiens – et ça tombe bien, car nous sommes en plein NaNoWriMo, le mois de l’écriture ! (Et si vous êtes en manque de motivation, pour mémoire, j’avais contribué un petit pep talk en 2013 archivé ici.)

Pour plus de ressources sur Scrivener et peut-être franchir le pas, si ce n’est pas déjà fait, rendez-vous sur cette page.

2019-06-07T22:41:27+02:00mardi 8 novembre 2016|Best Of, Technique d'écriture|8 Commentaires

124% (une forme de photo de la semaine)

Okay, quand je suis énervé et que je me donne une to-do list avec comme objectif en béton armé de terminer le roman AUJOURD’HUI (enfin, hier), on ne joue plus.

mdc-final

39 000 signes en une journée, ce n’est pas mon record (qui doit être, de mémoire, de 60 000 signes en finissant à 4h du matin), mais ça reste pas mal. Ainsi se termine pour moi le premier jet de La Messagère du Ciel, premier tome de « Les Dieux sauvages ». Avec un dépassement de signes finalement encore assez raisonnable, surtout que je sais, d’expérience, que mes premiers jets tendent à maigrir aux corrections. (Léviathan : la Nuit avait perdu ainsi environ 20% du volume de son premier jet, même si ce chiffre se réduit de livre en livre, à mesure que je deviens plus précis pour atteindre la cible que je me fixe au préalable.) Il reste une ou deux bricoles à ajouter / rafistoler sur le gros œuvre, mais je peux dire, à toutes fins utiles, que le roman est terminé. Yay ! (En espérant, comme toujours, qu’il en vaille la peine, etc, etc.)

… Du moins jusqu’à ses corrections. Mais c’est une étape beaucoup plus technique sur laquelle je sais que je progresse rapidement. Dans cette phase, je change totalement de casquette : du rôle d’auteur passant d’un chapitre à l’autre et découvrant l’histoire en compagnie des personnages à travers les grandes étapes préétablies du plan, je deviens, en un sens, mon propre ghostwriter. Ma situation est la suivante : je viens de recevoir ce manuscrit sur mon bureau d’un auteur un peu foufou, avec des problèmes à régler, un style à polir, une cohérence à surveiller ; à présent, mon rôle consiste à le rendre présentable tout en sachant qu’on ne me créditera jamais pour ce travail, mais que ce sera “l’autre” qui en retirera les lauriers.

Non, non, ce n’est pas du tout un métier bizarre.

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2016-11-03T23:00:36+01:00vendredi 4 novembre 2016|Journal|7 Commentaires

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