Procrastination podcast s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe

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C’est la rentrée, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe“.

Début d’une conversation exceptionnelle avec l’autrice et musicienne Morgan of Glencoe qui courra sur une partie de la saison 7, pour une plongée en profondeur dans les réalités, défis et atouts de l’autoédition. La saga de Morgan, « La Dernière Geste », a commencé sa vie en autoédition avant d’être reprise en édition traditionnelle chez ActuSF. Mais Morgan continue de s’autopublier, lui donnant une perspective unique sur les deux mondes. Dans ce premier volet, elle partage son parcours, les réalités du processus d’autoédition ainsi que les compétences à acquérir au-delà de l’écriture pure. 

Pour retrouver Morgan en ligne : 

– Site officiel : http://morganofglencoe.com/

– Chaîne Twitch : https://www.twitch.tv/morgan_ofglencoe

– Twitter : https://twitter.com/morganofglencoe

Références citées

– Les éditions et la librairie Critic

– Cocyclics https://cocyclics.tremplinsdelimaginaire.com

– L’Écurie littéraire 

– Elen Brig Koridwen

– Prix Fondcombe 

– Laurent Miny

– Bookélis https://www.bookelis.com

– Amazon https://www.amazon.fr

– L’association des Auteurs Indépendants du Grand Ouest (AIGO) https://collectifaigo.wordpress.com

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2022-09-28T08:36:37+02:00jeudi 15 septembre 2022|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e01 – Parcours et compétences de l’autoédition, avec Morgan of Glencoe

Approche systématique et productivité dans l’écriture de fiction (podcast « Assez parlé ! »)

Si vous ne le saviez pas, ajoutez-le à votre liste : l’école d’écriture Les Mots a un podcast, intitulé Assez parlé ! et où les auteurs reviennent sur leur parcours et, surtout, leur approche et ce qui leur tient à cœur dans celle-ci.

J’ai eu le grand plaisir de me soumettre à la question pour l’épisode 16, autour notamment des approches du flow, des liens entre productivité et créativité, de l’organisation personnelle, le tout lié évidemment à l’écriture de textes de fiction dont on soit content avec le moins de douleur possible. C’est aussi l’occasion de lever un peu le voile sur Comment écrire de la fiction ? ! (Ce titre est rigolo, il me permet d’écrire en toute impunité des phrases avec des ponctuations improbables.)

Un immense merci à Lauren Malka qui crée et réalise l’émission pour son travail proprement colossal de production et pour avoir extrait d’un entretien de plus d’une heure une substantifique moelle. (Et je mesure l’envergure de la tâche, je sais combien je peux divaguer. Vous ne savez pas dans Procrastination combien je m’auto-insulte parfois quand je produis ma voix en me priant d’arriver au fait, par pitié.)

Lionel Davoust raconte la première fois qu’il a été fasciné par le pouvoir magique de l’écriture. Il revient sur toutes les embûches et surtout, il partage avec nous quelques uns des outils, découverts au fil de ses recherches et rencontres, qui lui ont permis de renouer avec cette passion et d’en faire son métier. 

Comment un biologiste marin, spécialiste des cétacés, devient-il écrivain à temps (archi-)plein ? Par quel virage à 180 degrés un jeune homme d’une vingtaine d’années décide-t-il d’abandonner une prometteuse carrière de chercheur scientifique pour se consacrer entièrement à l’invention de mondes futuristes dans le genre littéraire qu’on appelle “l’imaginaire” ? Lionel Davoust, auteur d’une trentaine de nouvelles, de près de dix livres de science fiction (dont trois sagas !) et lauréat du prix Imaginales en 2009 (avec “L’Île close”) n’est pas devenu écrivain du jour au lendemain. En bon biologiste, il a calculé sa trajectoire, étudié les plans, mesuré les risques avant de “plonger”.

Dans cet épisode, il raconte la première fois qu’il a été fasciné par le pouvoir magique de l’écriture. Il revient sur toutes les embûches qui, adolescent, l’ont empêché de retrouver ce super-pouvoir auquel il avait goûté dans l’enfance. Et surtout, il partage avec nous quelques uns des outils, découverts au fil de ses recherches et rencontres, qui lui ont permis de renouer avec cette passion et d’en faire son métier. Grand lecteur d’essais théoriques signés par des écrivains, chercheurs, psychiatres américains, hongrois, canadiens… sur la productivité, le développement de la créativité et sur l’apprentissage technique de l’écriture, Lionel Davoust livre ici des conseils précis pour s’organiser, mener à terme ses projets mais aussi pour libérer la partie du cerveau qui doit se consacrer au “flow” de l’écriture.

Quelques références à noter :

– “Flow” (En anglais : “Flow : The Psychology of Optimal Experience”.dans lequel Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue hongrois (dont nous écorchons le nom dans l’épisode !) décrit l’état psychologique de grand bonheur dans lequel on se trouve lorsque l’on plonge entièrement dans une activité (Editions Harper and Row, New York)

– «S’organiser pour réussir” (“Getting things done”) sous titré “L’art de l’efficacité sans stress” de David Allen (théoricien américain de la productivité) qui délivre des conseils pour accomplir ses missions, s’acquitter de sa charge de travail sans se laisser déborder par elle (Leduc S. éditions)

– “Ecriture. Mémoire d’un métier”, livre incontournable de Stephen King sur l’art d’écrire

Les mois qui viennent, Lionel Davoust publiera deux livres auxquels il tient beaucoup : le cinquième et dernier tome de sa série de fantasy épique intitulée “Les Dieux sauvages” (éditions Critic). Et un essai réunissant ses conseils d’écriture : “Comment écrire de la fiction ?”, à paraître aux éditions Argyll en mai 2021.

A la fin de l’épisode, Lionel Davoust vous lance un défi et vous propose un rendez-vous (à ne pas louper) !

2021-04-15T11:15:06+02:00lundi 19 avril 2021|Entretiens, Technique d'écriture|2 Commentaires

Technique d’écriture, parcours et “Comment écrire de la fiction ?” sur le podcast Double Vie

Double Vie : “Le podcast de la création, des auteur·rice·s et de leur mode de vie.” Mickaël Rémond reçoit auteurs et autrices, illustrateurs et illustratrices, musiciens et musiciennes de tous horizons pour parler de parcours, de vie créative et d’organisation au quotidien de tous les rôles parallèles que cela peut impliquer. J’ai eu le grand plaisir d’inaugurer la saison 2 du podcast :

On parle de parcours, de biologie marine, évidemment d’écriture, d’approche technique, d’organisation au quotidien et en particulier de Comment écrire de la fiction ? : à quoi peut-on s’attendre dans ce petit bouquin et quel en est grossièrement le plan ? (Dans le cas précis, c’est marrant de pouvoir évoquer la fin d’un livre sans craindre de spoiler) D’ailleurs, jetez une oreille aussi au dernier épisode de la saison 1, où Mickaël reçoit Xavier Dollo et Simon Pinel pour parler des éditions Argyll !

➡️ La page de l’épisode et le flux des dernières publications du podcast

Merci à Mickaël !

2021-03-01T18:29:38+01:00mercredi 3 mars 2021|Entretiens|Commentaires fermés sur Technique d’écriture, parcours et “Comment écrire de la fiction ?” sur le podcast Double Vie

Travailler dans le milieu de l’imaginaire ?

Je laisse encore un peu reposer les résultats de la grande consultation publique sur la newsletter (j’y reviendrai la semaine prochaine) mais il apparaît déjà un peu de demande pour un peu plus de log et un peu moins de web dans cet endroit de perdition. Ça tombe bien : voici une question complexe et compliquée pour laquelle je me suis dit, publier une réponse pourrait être utile. Avec donc des vrais bouts de parcours personnel dedans, qui n’ont donc que cette valeur : ils sont personnels.

J’aimerai avoir tes conseils sur ce sujet car mon voeu est de devenir écrivaine professionnelle à plein temps. Ma priorité est l’écriture, tout en payant mes factures. Saurais-tu quel type d’emploi à mi-temps il est possible de postuler dans le monde du livre (ou mieux, de l’imaginaire) ?

Je ne vais pas te mentir : houlà.

Ça a l’air aussi inconfortable que celui en fer.

C’est un truisme, mais il est vrai : les parcours dans ce domaine (surtout pour l’écriture) sont éminemment individuels et, en plus, mes débuts commencent à dater (20 ans, à la louche), à une époque où le paysage littéraire était très différent. (Il y a dans ces deux / articles des passages où je détaille davantage mon « comment »  et tu constateras qu’à chaque fois, j’ai « gravi » des échelons, peu à peu, en me lançant dans des choses de plus en plus complexes et sur la durée). Je ne peux pas te dire : fais ce que j’ai fait – parce que tout le monde a fait différemment.

D’autre part, la culture (même la littérature blanche) est un petit milieu qui n’a pas de sous mais est toujours à la recherche de compétences. La difficulté consiste donc à arriver à se former, à développer son savoir-faire (quel qu’il soit, pour être éditrice, écrivaine ou autre) afin qu’on fasse de plus en plus confiance en face. Et, à force de persistance (et parfois de bénévolat pour se faire la main…), les occasions arrivent. Je reposte cet article – ne prends surtout pas le ton un peu agacé pour toi (il s’adressait à une recrudescence d’étudiants branleurs à l’époque) ; par contre, je pense qu’il peut aider à montrer en filigrane comment ça marche et ce qui est attendu.

Personnellement, il se trouve que j’étais bilingue et que j’avais fait la connaissance des bonnes personnes au bon moment (j’en ai parlé à la convention française, mais je remercie notamment Stéphanie Nicot, Stéphane Manfrédo et Lucie Chenu pour m’avoir repéré), j’ai donc pu faire quelques traductions ici et là (avant de décrocher de plus gros contrats qui m’ont réellement nourri) tout en vivant de soutien scolaire à côté et de cours d’informatique au 3e âge le temps de me faire un petit nom dans l’édition, ce qui m’a mis sur le radar du milieu et ouvert quelques portes.

Pour ma part, je me suis donc jeté à l’eau en 2001, j’ai mis trois ans à publier ma première nouvelle professionnellement (« Tuning Jack » dans Galaxies en 2004 – ce qui est relativement court dans l’absolu), j’ai continué à en placer ici et là, mais j’ai mis sept ans de plus à apprendre la technique du roman et à publier le premier (La Volonté du Dragon chez Critic, 2010), entamant vraiment ma carrière d’écrivain pro. Et dans l’intervalle, je ne faisais que travailler du texte, ou du moins ceux des autres, à travers la traduction et un peu d’édition (parce que je savais déjà ce que je voulais voir ou pas dans des textes, même si je ne savais pas le faire pour moi).

Je ne dis pas ça pour te faire peur ni te décourager, mais pour que tu aies bien conscience que si tu veux gagner ta vie dans ce domaine, il faut beaucoup de temps, de persistance et que cela ne fonctionne pas comme un milieu professionnel habituel où l’on répond à des annonces pour trouver du boulot. Cela se construit par du réseau, sur la durée et le long terme, et encore aujourd’hui, j’ai de la chance que « Les Dieux sauvages » marchent extrêmement bien et me donnent une certaine aisance financière et une réputation qui m’a permis de lâcher la traduction pour me rediriger vers des ateliers et des conférences sur la créativité, mais je le peux parce que, maintenant, j’ai le CV pour montrer ma compétence ; cependant, j’ai puissamment conscience que tout cela reste extrêmement précaire. J’aurai 42 ans cette année, j’ai toujours su que je ne voulais pas d’enfants (j’ai donc peu de charges), « Les Dieux sauvages » tome V sortira en 2022, et, après, je devrai rebâtir quelque chose, pas de zéro quand même, mais je devrai prouver à nouveau ce que je sais faire à avec un nouveau projet. Et ce sera comme ça pour toujours (ou jusqu’à ce que HBO me rachète les droits de « Les Dieux sauvages », bien sûr. Je suis totalement ouvert à la négociation. Je dis ça. Au cas où. Hein.).

On peut y arriver, bien sûr, nous sommes évidemment plusieurs à l’avoir fait, mais je recommanderais quand même, comme le dit Elizabeth Gilbert dans Big Magic, d’éviter de donner à ton écriture la charge de te nourrir, surtout en construction de carrière – c’est un moyen très sûr pour se déprimer (testé et désapprouvé). La meilleure approche pour moi est celle de Cal Newport qui consiste à prendre le problème à l’envers, ce qui est particulièrement juste dans le domaine artistique à mon sens.

Voilà ce que je peux dire. Paradoxalement, je reposte aussi un article que j’ai écrit pour les jeunes férus de baleines souhaitant devenir naturalistes, mais dont beaucoup de points s’appliquent à une carrière littéraire (tout spécialement le côté « inventer sa carrière » et « accumuler les expériences »). (Je pense que l’un m’a préparé à l’autre…)

Encore une fois, je ne vais pas te faire peur, mais j’insiste sur le fait que j’ai eu la chance d’être rapidement au bon endroit au bon moment. (Et puis j’ai quand même eu mon lot de galères, hein.) Quand la chance met du temps à venir… il faut garder la foi. Il faut aimer la pression et le stress. De façon générale, j’adhère beaucoup à l’approche de Cal Newport ; je pense que, quel que soit le désir ou la vocation, il convient de réfléchir, non pas à la carrière, mais au mode de vie qui convient le mieux (et qui permettrait par exemple en l’occurence de ménager l’écriture à côté, le temps de la faire monter en puissance). En revanche… et bien, n’imagine surtout pas qu’elle te donnera la quiétude et un revenu stable.

Sauf si HBO frappe à ta porte, bien entendu… 

Quoi qu’il en soit, en tout cas : meilleurs vœux ! Et beaucoup de plaisir – car, malgré ses difficultés, la vie créative est l’une des plus riches qui peut s’offrir à l’esprit.

2020-11-15T11:43:16+01:00mercredi 18 novembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|12 Commentaires

De l’ingénierie à l’écriture [entretien pour Planète Agro]

Donc, dans une vie antérieure, comme dirait Obi-Wan Kenobi après cette sombre histoire de Coruscant Papers le forçant à se reconvertir dans la contemplation de l’érosion éolienne, je fus ingénieur agronome (halieute), et quels ne furent pas mon honneur et ma joie d’être contacté par Planète Agro, le magazine du réseau professionnel, pour un portrait sur ma pomme. (Pomme. Agronomie. Humour drôle.)

Sérieusement, c’est une vraie joie de recevoir cet écho de ce milieu et un honneur d’être ainsi présenté dans un futur numéro. Merci à Rayène Fennira pour son intérêt envers mon travail, pour sa synthèse d’un (très) long entretien qui ne pourra être publié dans le magazine faute de place, mais que voici, histoire de, parce que vous comprenez, c’est un peu mon cœur de métier, les histoires de.

Qui êtes-vous et quels sont vos origines géographiques ? 

Né à Paris, je quitte la capitale dès que possible… c’est-à-dire quand j’intègre ; j’obtiens Grignon, mais je décide résolument de choisir Rennes, car je cherche à m’approcher de la biologie marine. Viser l’halieutique forme donc le choix logique. Je me suis établi là-bas et j’y suis resté. 

Mais j’ai toujours eu des aspirations artistiques, notamment dans le domaine de l’écriture, écrivant sur mon temps libre depuis des années des histoires ou des articles. Une fois le diplôme d’ingénieur agronome en poche, je décide de prendre une année sabbatique pour essayer (avec la merveilleuse inconscience qu’on a à vingt ans) de me lancer dans le milieu littéraire. Je me rends compte que c’est beaucoup, beaucoup plus compliqué que je ne le pensais… mais je sais que c’est ma voie – d’autant plus que le fonctionnement en indépendant me correspond parfaitement. 

Aujourd’hui, je suis écrivain professionnel. J’ai publié une quinzaine de traductions, environ trente-cinq nouvelles, une dizaine de romans et recueils dans le domaine du thriller et des littératures de l’imaginaire, c’est-à-dire science-fiction / fantastique / fantasy, avec une prédilection pour cette dernière. J’étudie également beaucoup la productivité dans le domaine créatif, pour ma propre pratique, mais cela se transcrit de plus en plus en conférences, ateliers, perspectives d’ouvrages. 

Quel est votre parcours? 

Après le diplôme, donc, je me lance la fleur au fusil dans l’écriture. Je m’aperçois qu’il y a là toute une technicité, une maîtrise de la narration que, malgré mon intérêt, je n’ai jamais acquise et qu’il va falloir apprendre. Un monde entier sépare les premières histoires que je griffonnais au fil de la plume des immenses sagas que je rêve d’arriver à créer un jour… 

Avec une approche finalement très proche de celle de l’ingénieur, je me mets donc résolument à apprendre : je veux tout faire, tout apprendre de ce qu’on appelle la chaîne du livre. J’entre comme critique littéraire dans une revue de science-fiction, et comme je sais très précisément ce que j’aime et n’aime pas lire, je me retrouve à occuper des postes éditoriaux, notamment à diriger une revue littéraire de fantasy à mon tour. (Pour la petite histoire, j’ai la chance à l’époque d’interviewer au téléphone G. R. R. Martin, l’auteur de « Game of Thrones », qui était à l’époque une série surtout connue des amateurs du genre – nous sommes des années avant la série télé…) Je deviens traducteur littéraire, faisant mes armes chez des éditeurs indépendants, jusqu’à ce que cela devienne mon activité rémunératrice principale. 

Mais, en parallèle, j’apprends à raconter des histoires, plus seulement pour mon loisir, mais comme un professionnel. Il y a une foule de choses à découvrir, à conceptualiser et maîtriser pour proposer des récits susceptibles d’intéresser des éditeurs : caractérisation des personnages, dialogues, action, rythme, construction scénaristique, style, cohérence… Je ressemble un peu à un guitariste de plage qui s’est mis en tête de devenir musicien de scène, alors il faut sacrément pratiquer, mais je m’accroche et je me construis peu à peu comme auteur. Je commence à publier des nouvelles professionnellement en 2004 parallèlement à mes autres activités littéraires ; j’ai la chance et le plaisir de voir mes textes de plus en plus appréciés, ce qui me permet de me centrer de plus en plus sur la création ; je publie mon premier roman en 2010 (La Volonté du Dragon, aujourd’hui épuisé) et à présent, grâce à mes lecteurs formidables, j’ai la possibilité de ne plus me consacrer qu’à l’écriture, en proposant quelques ateliers et conférences sur la créativité en parallèle. 

Que faites-vous actuellement ?

Actuellement, je travaille sur une vaste saga de fantasy épique, intitulée « Les Dieux sauvages », qui s’inspire fortement des grands épisodes de la Guerre de Cent Ans (notamment Jeanne d’Arc) pour en faire une réécriture mythique, et critique quant au rôle des religions et du sort qu’elles réservent aux femmes. Nous sommes dans un cadre complètement imaginaire, où se dressent quelques spectres de notre modernité, mais où le ou la connaisseur•se d’histoire pourra voir des échos de certains événements familiers ! La série a été comparée à la presse à un « Game of Thrones » français, ce qui est évidemment un honneur immense – et un merveilleux écho par rapport à mes timides débuts mentionnés plus haut ! 

Je me trouve actuellement dans les dernières étapes du bouclage du quatrième tome sur cinq projetés, intitulé L’Héritage de l’Empire. Le premier tome, La Messagère du Ciel, vient de ressortir en poche chez Folio. 

Comment est née cette passion ? et depuis quand vous la pratiquez ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu écrire. Je me rappelle nettement, étant vraiment jeune (j’avais deux, trois ans ?), avoir vu ma mère laisser un mot à quelqu’un ; et quand elle m’a expliqué la nature de l’écrit, j’ai trouvé que c’était le pouvoir le plus incroyable du monde. Pouvoir laisser à quelqu’un un message qu’il ou elle peut recevoir en l’absence de l’émetteur, et que celui-ci suscite des idées ou des images… cela m’a semblé incroyable, et j’ai tanné mes parents pour apprendre à écrire bien avant l’âge légal ! J’ai dû apprendre vers six ans, et là, j’ai directement commencé à écrire des histoires. 

Comment la pratiquez-vous et l’avez-vous appris ? Tout seul, en groupe ?

Quand j’ai voulu passer du rôle de guitariste de plage à celui de musicien de scène, j’étais convaincu que l’écriture avait sa technicité, comme tous les arts. La musique s’apprend, le dessin s’apprend, pourquoi pas l’écriture ? J’ai donc commencé à dévorer tout ce que je pouvais trouver sur la technique narrative, mais j’ai trouvé étonnamment peu de choses en langue française à l’époque (autour des années 2000 ; la situation a changé depuis). La rigueur narrative, la technicité, c’est chez les Américains que je les ai trouvées et apprises. Et aussi, un auteur apprend avant tout en lisant, en s’immergeant dans des histoires, du cinéma, des séries, même du jeu vidéo – et en écrivant. J’ai donc beaucoup dévoré, et beaucoup écrit… 

Je suis extrêmement solitaire dans ma pratique ; je peux passer douze à dix-huit mois à écrire sans jamais rien montrer à personne, jusqu’à ce que je considère que cela peut être lisible, mais pas avant. Quand je fais lire à mes proches et évidemment à mes éditeurs, c’est que je considère être arrivé au bout de ma compétence ; les regards extérieurs peuvent alors m’aider à aller plus loin. 

A quelle fréquence ?

C’est mon métier, donc tous les jours, comme n’importe quel professionnel. Je consacre cinq heures par jour à l’écriture minimum, le reste concernant ce qui va autour : échanges avec les lecteurs sur le blog, promotion, administration, médias, etc. 

Participez-vous à des événements en relation avec cette passion (plutôt votre métier) ? Annuels, régionales, internationales ?

J’ai tous les ans un planning d’événements littéraires, en effet, où je dédicace et parle de mon métier ou de mes histoires dans le cadre de débats avec d’autres auteurs pour le public. Ce sont des occasions très précieuses pour un métier si isolé que l’écriture et dépourvu de tout aspect de représentation. C’est la possibilité de rencontrer les lecteurs, anciens et nouveaux, de maintenir ainsi des relations parfois sur des années, de développer même des amitiés. 

Quelles sont vos ambitions dans ce métier ? 

Raconter de bonnes histoires. Arriver à faire vibrer les lecteurs et lectrices avec des récits surprenants, poignants, épiques ou drôles, qui les fassent s’évader, qui partagent parfois de vastes interrogations sur l’humanité. C’est ma seule ambition et mon seul principe. Je n’ai pas un discours, je n’écris pas pour dire quelque chose, pour faire une démonstration, pour propager des opinions, pour flatter mon ego ; je suis un serviteur de la fiction. J’écris parce que j’ai des questions sur le monde et aucune réponse, et que les histoires sont les formes les plus ancestrales de métaphorisation et de compréhension du réel. À travers le voyage des personnages, j’espère que les lecteurs – et moi-même ! – retirerons quelques réflexions, mais avant tout des moments forts. 

Comment avez-vous pu maintenir cette passion malgré les contraintes de temps (études d’agro) et d’espace (voyages d’études, césure) ainsi que celles des études et des choix d’orientation ?

C’est très simple : j’ai toujours rendu mes rapports et mes mémoires au tout dernier moment… parce que j’écrivais, oui, mais pas ce que j’étais censé rendre ! J’ai remis mon mémoire d’halieutique sur le fil à l’école en personne, parce qu’au lieu de travailler à l’écrire, je construisais l’univers de fantasy où allait entre autres se dérouler la saga « Les Dieux sauvages » mentionnée plus haut… Comme quoi, même si je ne savais pas que j’en ferais vraiment mon métier à l’époque, mon inconscient, lui, savait peut-être où penchait ma future vie professionnelle… 

Meilleur moment vécu grâce à cette passion, devenue votre métier ?

Le meilleur moment est toujours quand un lecteur ou une lectrice vient vous expliquer que votre livre a pu lui faire du bien d’une manière ou d’une autre. Même si c’est juste pour l’évasion, ou parfois, comme cela arrive aussi, quand, par les hasards de l’existence, votre livre tombe au bon moment entre les mains de cette personne pour l’aider peut-être à surmonter un moment difficile de sa vie. Une chose est claire : je n’y suis pour rien, les auteurs sont seulement des montreurs de miroirs ; parfois, quand le moment est juste, quand les astres s’alignent, le miroir correspond à ce dont le lecteur avait besoin, et c’est une merveilleuse convergence de l’existence. Dans ces moments-là, je me dis… eh bien, que ça valait le coup de rendre mes mémoires d’ingénieur sur le fil !

Quel est votre écrivain préféré, représente-il votre idole dans ce domaine ?

J’ai trois maîtres à penser dans le domaine, mais si je ne dois en retenir qu’un seul, ce serait Boris Vian. (Les deux autres étant Roger Zelazny et Joe Michael Straczynski.) Quand j’ai lu L’Écume des Jours en fin de collège, cela a littéralement fait exploser le carcan des classiques dans lequel je me trouvais enfermé (et malheureux) en cours de français depuis des années. Le roman se montrait tellement libre, tellement irrévérencieux, tellement fort dans son intrigue, que je me suis rendu compte que l’écriture, la création, c’était avant tout la liberté. Vian m’a donné l’autorisation de suivre ma voie, et c’est la leçon la plus importante pour un créateur. 

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire les romans fantastiques et pas un autre type de romans ? Qu’est-ce qui vous a attiré le plus vers ce type de romans ? 

Parce que l’imaginaire, justement, offre la plus grande des libertés. C’est par ailleurs la forme la plus ancestrale de narration ; l’imaginaire descend en droite ligne de la mythologie, du conte philosophique ou de fées, du premier récit de l’histoire humaine dont on ait retrouvé une trace écrite (Gilgamesh), d’Homère… L’imaginaire permet de raconter des histoires d’une envergure que notre monde ne permet pas, avec une liberté incomparable d’exploration, tout en s’astreignant évidemment à un soin sans faille quant à la cohérence de l’univers et à la psychologie de la narration. L’imaginaire me permet de parler des grandes mouvances de l’humanité, de la marche des empires et de la dynamique de l’histoire, mais de le faire avec des dragons. Et s’il y a un principe universel en ce monde, c’est tout est mieux avec des dragons, non ? 

Ne vous a pas semblé difficile d’apprentissage ?

Si. Et ça l’est toujours. Il ne se passe pas une journée sans que j’aie l’angoisse de me mettre au travail, d’être à la hauteur de ce que j’ai fait la veille, il y a une semaine, il y a un an. Tous les jours, je rencontre une difficulté nouvelle, tous les jours, j’apprends quelque chose de nouveau sur la narration, sur mes personnages, sur moi-même. C’est un processus qui ne se terminera jamais ; après, donc, plus de quinze ans de publication professionnelle, je commence tout juste à avoir très, très vaguement l’impression de commencer à comprendre un peu ce que je fais. Mais cela n’empêche pas de continuer. Après tout, si je savais déjà tout ce que je vais faire avant de m’y mettre, cela ne serait pas de la création. 

Quel est votre style ? Pourquoi avez-vous choisi ce style ? Qu’est-ce qui vous a attiré le plus dans ce dernier ?

Je ne sais pas si l’on choisit un style. Je crois que le style, la musique de la plume, de l’enchaînement des mots, s’impose à soi en vertu de principes esthétiques à la fois très forts et très inconscients. Pour moi, d’ailleurs, c’est en effet une musique, un rythme, un équilibre subtil aussi sémantique que visuel. Une phrase raccourcie à un endroit entraînera forcément des rééquilibrages de ponctuation, de vocabulaire, pour maintenir un flux de narration que j’espère transparent pour le lecteur. Pour moi, le bon style est celui qu’on ne voit pas ; celui qui permet d’emmener le lecteur dans une histoire et un monde de la façon la plus efficace possible. C’est ce qui gouverne mes choix ; tout doit servir l’histoire. Je ne suis pas là pour qu’on m’entende écrire, pour me faire mousser avec des tournures alambiquées, mais pour que mes mots s’effacent, au contraire, au profit des événements, des personnages. 

Préféreriez-vous évoluer vers un autre type d’écriture ou de romans ? Si oui, pourquoi ?

Certainement pas. Rien n’est plus en lien avec l’inconscient collectif que les littératures de l’imaginaire, rien ne permet davantage de symbolisme, de diversité d’expression, de liberté de création. Dans une même saga comme « Les Dieux sauvages », je peux parler de religion, de place des femmes, de dynamique historique, évoquer la terreur de l’accident nucléaire, traiter les effets dévastateurs de la peur sur la diplomatie, explorer les notions de devoir et de responsabilité liée au pouvoir, représenter de l’intérieur le poids que portent sur les épaules les figures historiques et en quoi l’amitié et l’amour leur sont cruciaux, le tout avec tous les effets spéciaux du monde et un budget sans limites. Aucun autre genre ne permet un tel souffle ! 

Anecdote concernant votre passion ou quand vous avez pratiqué celle-ci ?

J’ai un critère parfaitement scientifique et rigoureux pour savoir si des personnages sont assez développés dans ma tête pour être écrits : 

C’est si je suis au volant en train d’attendre qu’un feu passe au vert, et qu’ils se mettent à s’enguirlander d’eux-mêmes dans ma tête sans que je ne leur aie rien demandé… 

Qu’est-ce que votre formation agro vous a elle apporté (sur le plan des compétences) pour que vous deveniez l’auteur qui vous êtes ? 

De la puissance de travail, des connaissances pour concevoir des écosystèmes fantastiques à peu près cohérents… mais surtout une approche systémique des problèmes. C’est capital pour aborder un thème en littérature car, tant que c’est possible (et raisonnable), je trouve que l’on devrait éviter de se limiter à une vision unique, mais au contraire s’intéresser à la diversité des vécus pour comprendre leurs conséquences – surtout si celles-ci s’affrontent. Écrire, c’est un peu comme faire de l’analyse de paysage… !

Propos recueillis par Rayène Fennira.

2020-10-11T15:20:15+02:00mardi 13 octobre 2020|Entretiens|4 Commentaires

Retour sur un parcours (une heure d’entretien à la Convention française de SF)

Je vais être honnête : c’est hyper dur de relayer ce genre de choses parce que j’ai toujours un peu l’impression de me la raconter to kingdom come. Donc on la faire la plus factuelle possible : le mois dernier, j’ai eu le très grand honneur de faire partie des invités de la Convention française de science-fiction. Et le très grand honneur, aussi de pouvoir causer pendant une heure sur mon parcours, interrogé par Jérôme Vincent. Et ça me fait très plaisir d’avoir pu revenir ainsi sur des étapes qui commencent à remonter : mes débuts, notamment, la direction d’Asphodale, et pas mal d’autres passages sur lesquels j’ai finalement assez peu causé dans l’absolu. Si vous être curieux•se de savoir par quels concours de circonstances étranges on passe du statut de biologiste marin chevelu et naïf à celui d’auteur professionnel chauve et peut-être encore naïf quand même, c’est par là que ça se passe.

Mille mercis à Jérôme pour l’animation de cette rencontre ! Et à ActuSF pour la captation, car l’entretien est à présent disponible en ligne ici.

2020-09-23T22:33:04+02:00lundi 28 septembre 2020|Entretiens|Commentaires fermés sur Retour sur un parcours (une heure d’entretien à la Convention française de SF)

Critic a 10 ans, le parcours de 4 auteurs [entretien]

Critic a dix ans, donc ! C’est toujours l’occasion de revenir sur le parcours de la maison depuis sa création, et le blog Au Pays des Cave Trolls propose un entretien avec quatre auteurs et notre parcours personnel tant éditorial que créatif :

  • Clément Bouhélier
  • Emmanuel Chastellière
  • Thomas Geha
  • Et moi-même.

Genèse des projets, élaboration et travail en commun, c’est à lire ici. Merci à Célindanaé de fêter cet anniversaire très spécial avec nous tous !

2019-11-11T23:55:41+01:00lundi 11 novembre 2019|Entretiens|2 Commentaires

Pourquoi l’imaginaire ? [Entretien]

Hop, un petit entretien en vidéo récemment mis en ligne : en juin dernier, j’ai eu l’honneur et l’avantage d’être le parrain de la Journée des mondes oniriques à Charleville-Mézières (la ville où tout discours se doit de mentionner Rimbaud, c’est pourquoi dans le mien j’ai dit “vous devez en avoir marre qu’on vous sorte Rimbaud donc je le ferai pas”, check).

L’organisation m’a proposé une petite discussion sur ce que je fais de mes journées, pourquoi, la technique de l’écriture, et pourquoi l’imaginaire. Si tu traînes souvent en ce lieu de perdition, auguste lectorat, tu n’apprendras pas nécessairement grand-chose, puisqu’il s’agit surtout d’une jolie présentation (et merci !), mais l’ambiance est détendue, le décor est chouette, on est bien :

2019-05-13T21:49:52+02:00mercredi 3 avril 2019|Entretiens|Commentaires fermés sur Pourquoi l’imaginaire ? [Entretien]

“On est une goutte d’eau dans l’océan” – sur l’humilité et l’écriture, entretien par Justine Carnec

Justine Carnec, étudiante en journalisme, m’a proposé cet entretien dans le cadre de ses travaux personnels après avoir découvert et aimé Port d’Âmes (gloire à elle !). Parce qu’elle avait d’excellentes questions, qu’elle a fait un excellent travail de synthèse dans une discussion qui partait dans tous les sens, et afin qu’il en subsiste une trace, le voici – ça parle de sujets peu courants, comme la postérité et l’impact de la littérature. Pour une lecture à tête reposée, l’entretien est également disponible mis en page en PDF.


« On est une goutte d’eau dans l’océan »

Interview : Justine Carnec

Amoureux de l’écriture et de science-fiction, dont ses parents sont friands, il écrit sa première nouvelle à six ans. Mais, passionné par la mer, les orques et les dauphins, il décide de faire des études d’agronomie, pour devenir biologiste marin. Après l’obtention de son diplôme, il revient finalement à la littérature, à laquelle il se consacre entièrement depuis 2001. Avec humour et humilité, il raconte pourquoi ses romans lui permettent à la fois de raconter des histoires et de contribuer aux questionnements du monde.

Où êtes-vous né ?

Ah ! (rires) Je suis né en région parisienne, ça arrive à des gens très bien !

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de venir vous installer en Bretagne ?

J’ai toujours été attiré par la mer, et je venais en Bretagne jeune. Quand j’avais 18 ans, je suis venu faire mes études d’agronomie à Rennes, car c’était là qu’était la seule école qui avait une spécialité en rapport avec la mer. J’ai ensuite décidé de tenter ma chance dans le domaine de l’écriture, et comme j’étais bien là où j’étais, je ne suis jamais reparti.

Quand avez-vous commencé à écrire ?

J’ai commencé à six ans. Quand, gamin, j’ai découvert ce qu’était l’écrit, j’ai trouvé ça génial. Alors j’ai bassiné ma mère pour apprendre à écrire, et, gloire lui soit rendue, elle m’a pris une répétitrice. C’est comme ça que j’ai appris à lire et à écrire avant d’entrer en primaire. Et je pense que j’ai toujours eu envie d’écrire des histoires.

Quelle a été la réaction de vos parents quand ils ont appris que vous écriviez ?

C’était un peu de leur faute ! C’étaient tous les deux des grands lecteurs de science-fiction. Forcément, ça a déteint sur moi. J’ai déclaré que je voulais tenter ma chance quand j’ai fini mes études. Mais j’avais déjà écrit un bouquin, des nouvelles ici et là, je m’impliquais de plus en plus dans le milieu de la SF et de l’imaginaire… Donc c’était un peu une évolution naturelle. Mon père, qui est dans le domaine de l’édition musicale, a accueilli ça en disant : « Écoute, t’as un diplôme, tu peux tenter ta chance pendant un certain temps et voir ce que ça donne. ». Rétrospectivement, je pense que j’ai eu la chance des inconscients, parce que je ne me rendais pas compte à quel point c’était dur.

Commencer à écrire à 6 ans, c’est un peu une vocation… Pourquoi avez vous décidé de faire des études en biologie marine ?

Je ne sais pas si c’est une vocation. J’ai découvert ce truc-là, ça a pris toute la place dans ma tête, et je n’étais plus capable de faire autre chose. Mais j’étais aussi passionné par la mer, les dauphins, les baleines… J’étais totalement dans la génération Grand Bleu. Et puis, il fallait quand même avoir un diplôme sérieux, histoire d’assurer les arrières. Mais en fait, je me suis rendu compte, une fois que j’ai eu le diplôme en poche, que la recherche était exactement ce qui ne m’amusait pas, et que tout le côté romantique du commandant Cousteau, qui passe sa vie sur les bateaux pour aller voir les dauphins, ça représentait un à deux mois de travail dans l’année. Moi, je voulais entrer là-dedans pour le côté rêve ; je ne me rendais pas compte. J’étais un peu candide par certains côtés. (rires)

Qu’est-ce qui vous a poussé à laisser la biologie marine de côté pour vous consacrer à la littérature ?

C’est vrai que la question s’est posée de rester dans ce domaine, mais je me suis vite rendu compte que c’était soit la recherche, soit travailler en zoo marin, avec, des deux côtés, les problèmes que ça peut entraîner. Mon truc, c’était le terrain : je préférais mille fois récurer les bassins que de faire des analyses statistiques. Or, une façon de retrouver ça, c’était de parler de l’émerveillement que ça causait chez moi, dans des bouquins. Et puis, j’ai gardé contact avec ce domaine-là en partant de temps en temps en volontariat. Paradoxalement, en écrivant et en allant aux salons littéraires, j’ai été beaucoup plus amené à parler de biologie marine que je l’aurais probablement fait si j’avais été chercheur. J’ai même eu des contacts avec des éditeurs pour faire des livres de vulgarisation sur ce genre de sujets. Je ne pense pas que j’aurais eu cette chance là en restant dans le milieu de la recherche. C’est assez paradoxal : j’écris des romans, et on dirait que ça me donne un crédit meilleur à celui de chercheur. (rires)

Comment en êtes-vous venu à faire de la traduction ?

Mes parents m’ont mis au jardin d’enfant en anglais quand j’avais 6 ans, ce qui fait que j’ai appris l’anglais avec très peu de retard par rapport au français. Aujourd’hui, je suis bilingue. Et puis, quand j’ai décidé que je voulais écrire, j’ai voulu essayer un maximum de trucs. À l’époque, Stéphanie Nicot m’avait fait rentrer dans Galaxies (revue de SF, ndlr) en tant que critique littéraire, et j’ai rencontré Jean-Daniel Brèque, grand traducteur de l’imaginaire, qui s’occupait des fictions anglophones. Je lui ai dit que je tenterais bien la traduction, et il a considéré que mon début n’était pas trop mauvais, donc j’ai continué. Je me suis assez vite rendu compte que ça me permettait d’affiner ma plume, en me coulant dans celle d’un autre. La traduction m’a appris à considérer l’écrit comme un matériau entièrement plastique. Tout l’aspect « technicité » de l’écriture, c’est en grande partie la traduction qui me l’a enseigné.

Ancien biologiste marin, traducteur, écrivain, auteur de jeux de rôles, vous réalisez même des podcasts et animez des ateliers dans des salons littéraires, ça fait beaucoup de métiers… Comment vous imaginiez-vous, enfant ?

Je pensais que je serais un commandant Cousteau. Mais il y avait aussi le côté « Ah, j’aimerais bien écrire des livres, raconter des histoires… ». Je travaillais à l’école dans ces deux buts, mais au collège, les cours de français m’ont complètement cassé les jambes. C’est en Troisième que ma prof de français, gloire lui soit rendue, m’a mis Boris Vian entre les pattes, et que j’ai découvert qu’on pouvait faire des trucs fun avec la littérature « sérieuse » (je lisais de la SF, mais tout le monde sait que c’est pas de la vraie littérature, hein). Et, voilà, je m’imaginais entre les deux, peut-être à écrire des bouquins tout en allant étudier les dauphins dans mon zodiac. (rires) Bon, j’étais gamin, ce n’est pas ma faute.

Aujourd’hui, comment vous définiriez-vous ?

J’essaye de ne pas définir les trucs, à commencer par moi-même. Définir, c’est déjà un peu enfermer. J’essaye de faire des choses qui ont du sens, d’une manière qui ait du sens. L’un étant aussi important que l’autre. Je n’écris pas des bouquins pour passer un message, mais pour raconter une bonne histoire, et pour essayer de contribuer de manière anonyme aux questionnements du monde. « De manière anonyme », ça paraît bizarre, parce que mon nom est sur la couverture. Mais il y a un truc que j’ai réalisé il y a quelque temps, c’est qu’aucun auteur vivant et travaillant aujourd’hui n’atteindra la postérité. Mais ce n’est pas grave. D’ailleurs, on se rend compte en regardant les choses en détail, que ce que la postérité conserve, c’est aussi en grande partie une question de circonstances. Il y a beaucoup d’auteurs moins connus que les classiques très célèbres, qui sont aussi intéressants, voire davantage, ne serait-ce que dans le cadre de la littérature de l’imaginaire. Par contre, on est lus, et ce n’est pas que notre parole n’a aucune valeur et qu’on prêche dans le désert, mais… On est une goutte d’eau dans l’océan. Ça ne veut pas dire que ce qu’on fait ne sert à rien et n’a pas de sens. Ça veut dire que ce qu’on fait à un moment va peut-être pouvoir résonner avec une, dix, cinquante personnes avec de la chance, et que ça va peut-être contribuer à faire avancer une réflexion. Tout ça, c’est une goutte d’eau dans l’océan, même si chaque goutte est importante. Je le fais moins maintenant, mais, quand je partais en volontariat, j’avais l’habitude de dire que c’était un truc que tous les auteurs devraient faire. On arrive dans un endroit perdu au bout du monde, où tout le monde s’en fiche de vos activités. Et c’est très bien. Je pense qu’il y a beaucoup d’auteurs à qui ça ferait beaucoup de bien de réaliser que ce qu’on fait est important pour soi avant toute chose, mais qu’il ne s’agit pas du centre du monde.

Je suis allé loin, là… Je ne sais pas si j’ai répondu à la question. (rires)

Vous n’aviez pas trente ans quand vous avez commencé à publier des nouvelles. Quand avez-vous commencé à vous dire « Ça y est, je suis écrivain » ?

C’est un truc que j’ai toujours essayé d’éviter de me dire. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds « J’écris des bouquins. ». Ce n’est pas que j’en aie honte, mais le fait de dire « Je suis écrivain », même si c’est une description juste de mon activité, ça va projeter dans l’esprit des gens une image préconçue que je n’ai pas forcément envie de projeter. Je préfère donc dire que j’écris des bouquins. Mais, pour ce qui est de savoir à partir de quand j’ai commencé à me dire que je savais ce que je faisais, eh bien, à chaque livre, j’ai l’impression que j’en sais un peu plus. Quand j’ai eu un certain nombre de nouvelles derrière moi, qu’on commençait à me payer régulièrement pour ça, et qu’on m’en demandait, je suis dit que, peut-être, je n’étais pas complètement un imposteur. Mais ça ne va pas beaucoup plus loin que ça. J’écris des bouquins, je fais de la traduction, je compose un peu de musique pour les jeux vidéo, et puis voilà.

Quels sont les moments de votre vie qui vous ont le plus inspiré pour l’écriture de vos textes ?

Il y a de tout… J’ai vu un panneau qui m’a fait rire, à mettre sur la porte de bureau d’un écrivain. C’était : « Attention, écrivain au travail. Les passants innocents risquent d’être intégrés à l’histoire. ». Un auteur fait exactement ça, et le premier matériau, c’est lui-même. Par exemple, dans ma nouvelle trilogie, je traite de trucs qui me grattent et qui m’agacent depuis longtemps. Mais le lecteur devine simplement que ça me gratte et que ça m’agace. En fait, personne ne peut voir l’auteur à travers le récit. Ce qu’on peut apprendre, c’est simplement les questions qu’il se pose, pas les réponses qu’il donne. Et puis, je pense que l’écriture change l’auteur. Un auteur qui finit un bouquin n’est pas le même que quand il l’a commencé, même s’il l’a écrit sur une période courte. Et, avec l’âge, les questionnements changent. Port d’Âmes, que j’ai publié en 2015, est un manuscrit que j’avais écrit huit ans plus tôt, et que j’ai réécrit aux deux tiers. Pour moi, retravailler dessus a presque été une expérience en collaboration avec un auteur mort. C’est-à-dire que c’était moi, des années plus tôt, avec des questionnements spécifiques à cet âge-là. L’auteur que j’étais devenu, avec le savoir-faire acquis, s’est mis au service de la publication de ce manuscrit-là, auquel je tenais. C’est pour ça que je me suis vraiment vu comme mon propre écrivain fantôme. C’est un drôle de métier.

2019-08-28T21:21:43+02:00jeudi 2 février 2017|Best Of, Entretiens|Commentaires fermés sur “On est une goutte d’eau dans l’océan” – sur l’humilité et l’écriture, entretien par Justine Carnec

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