Création produit > identité de marque

Histoire d’être plus rigolo et parce que cela rejoint ce dont on a déjà parlé sur le mythe des réseaux pour se faire connaître où j’ai pu constater des opinions divergentes, je vais commencer par vous en raconter une (d’histoire).

C’est (donc) l’histoire (ben oui, suivez) de quatre-cinq gugusses (et à un moment, une gugussette) de 20 ans fraîchement inaugurés qui se mettent dans la tronche qu’ils vont devenir le nouveau Nightwish / Dream Theater / Cradle of Filth / Muse (il y a un intrus dans cette liste, sauras-tu le retrouver ?) selon leurs fantasmes personnels (et on voit tout de suite que ça va déconner, mais un peu de clémence, les gugusse·ette·s – orthographe inclusive FTW – n’avaient donc que 20 ans tout mouillés, donc). Donc ils font des répétitions, commencent à composer, à un moment quand même boivent plus de bière au bar que composer, mais ils sont des pros, tu comprends, donc ils savent ce qu’ils font – ouais, c’est l’équivalent métal du type à cheveux longs qui glande au Starbucks avec un MacBook Air couvert d’autocollants qui va écrire le prochain grand roman social, promis juré, mais demain.

Bon, alors, avant que ça râle, au cas où ça n’aurait pas suivi, j’étais évidemment un des gugusses en question, hein, avec mes cheveux longs et mes doigts gras sur mes synthétiseurs (sachant qu’il aurait parfois mieux valu que je laisse jouer les arpégiateurs, c’est pas par hasard que je produis depuis en différé), et j’étais pas le dernier quand il s’agissait d’imaginer les concerts de cent mille personnes où même le tout-Paris s’étonne en pensant qu’il existait une alchimie secrète convertissant la bière en bonne musique. (Résistance, quand tu nous tiens.) Donc, je dis ça avec la tendresse qu’il faut avoir envers les ambitions qu’on a à vingt piges (à cet âge-là, j’ai aussi fantasmé un monde imaginaire qui se déclinerait en nouvelles et sagas sur des années de création avec un énorme plan maître et on va dire que ça s’est beaucoup mieux passé, donc bon, faut surtout pas avoir peur de rêver). (Incidemment, tout ça pour dire : être wannabe, je sais ce que c’est, j’en rigole ou cringe selon les jours et quand je parle de la quantité de boulot à investir dans son art, c’est pas pour emmerder le monde, c’est que je sais beaucoup trop bien.)

Tout ça pour en arriver à une certaine anecdote saillante (c’est de saison, l’escalade sportive était aux JO) résumant tout le bouzin : à un moment, lesdits gugusses + gugussette se sont dits, avec probablement une compo et demie dans l’escarcelle à ce stade : “hé, les gens, il faut absolument qu’on fasse un logo, et un site web pour se promouvoir”. (Il est très possible que je sois moi-même le responsable de cette connerie.)

Bon. Eh ben non, hein ? On continue à bosser, peut-être, d’abord.

Je parle de ça parce que ça m’est revenu après quelques écoutes de podcasts disparates sur l’écriture et les réseaux, et que certaines stratégies employées par des jeunes auteurs m’ont frappé comme étant, eh bien, l’équivalent 2021 du groupe des gentils couillons pensant au management avant le cœur du métier. Qui est : créer des choses de qualité, donc apprendre et améliorer son art, le travailler diligemment (et il y a fichtre de choses à apprendre, toute sa vie mais encore plus au début, forcément). Au lieu de cela, j’entends parler de “stratégies contenu” entre blog, newsletter, formations qu’on donne, comptes Instagram, communautés Discord, tweets, pages Facebook et évidemment, tout ça en parallèle12.

Bon. Heu. À ce stade, j’ai juste envie de poser une question, gentiment hein, mais le cœur du métier, c’est community manager ou écrivain·e ? Sérieusement, où diable trouvez-vous le temps d’écrire ? (J’écris à plein temps depuis plusieurs années et je n’en ai déjà fucking pas assez ! J’ai plutôt fait l’inverse : j’ai quitté tous les réseaux et tout récemment, la majorité des forums que je fréquentais aussi parce que, qui a le temps et la bande passante mentale pour ça ?)

Encore une fois, comme me le disait un de mes MJ de Donjons et Dragons dans une incarnation immortelle de tous les aubergistes du monde qui n’ont pas envie de répondre aux questions des joueurs : “chacun fait ce qu’il veut” mais j’interroge, juste, la pertinence de développer la stratégie média de la Lyonnaise des Eaux quand on n’a peut-être que quelques nouvelles publiées ici et là (ce qui est bien, hein ! on parle des à-côtés).

Ce n’est pas votre présence en ligne qui vous fera connaître, ce sont de bons textes. Mireille Rivalland l’a dit dans Procrastination, spoiler : Pascal Godbillon le dira aussi à la saison 6, et je vous invite, pour l’exercice, à aller regarder exactement combien d’auteurs et d’autrices découvert·es ou qui publient de premiers romans chez de grandes maisons ont une présence en ligne d’envergure sur les cinq dernières années. Personnellement, j’ai plutôt l’impression de constater (au doigt mouillé) une relation proportionnelle inverse entre les démarrages de carrières prometteuses et le plan média personnel de ces auteurs. Évidemment, un canal, un point d’eau (disons un site, peut-être un blog et/ou une newsletter), c’est nécessaire aujourd’hui ne serait-ce que pour qu’on sache où vous trouver et créer du lien avec votre communauté naissante (ce qui est chouette !), mais je pense que l’idée d’une galaxie média est une vache de fausse route quand on en est encore à faire ses gammes…

Alors, comme toujours, si ça vous amuse, c’est cool, et c’est autre chose. Il peut y avoir un plaisir sincère à rester sur Twitter (j’ai joué hardcore à WoW, qui suis-je pour juger des addictions des autres ?), et il y a un réel bénéfice à l’entraide des communautés en ligne. Et puis même, fantasmer sur le logo de son groupe qu’on aura en grand derrière soi sur la scène du Zénith, ce n’est pas interdit, ça fait rêver, et les rêves, c’est chouette, les accomplissements commencent toujours par là.

Mais on est d’accord, hein ? Ce n’est pas du boulot. Le boulot, c’est la création, la production. C’est là qu’on apprend et c’est là qu’on crée des choses à montrer et qu’on progresse. Le groupe de métal devra se soucier de son logo et de son site, bien sûr, mais ça vient quand on a déjà 10-15 compositions qu’on peut jouer sans pain de façon fiable et régulière (et ça n’est pas donné à tout le monde) (et non, effectivement, on n’est jamais arrivé à ce stade, vous l’aviez deviné, hein ?).

Et c’est là-dessus qu’il faut bosser, le reste viendra quand il devra venir. That’s all I’m sayin’.

  1. Je laisse de côté l’autoédition, que je connais beaucoup trop mal et qui peut nécessiter ce genre de chose, mais cela me semble ajouter à une charge de travail déjà considérable, ce qui constitue un solide argument en faveur de l’édition traditionnelle.
  2. Je laisse aussi de côté les gens qui ont des équipes pour les épauler et gérer ça pour eux.
2021-08-08T11:03:24+02:00mardi 10 août 2021|Best Of, Technique d'écriture|9 Commentaires

Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Par un étrange concours de circonstances sanitaire, le NaNoWriMo (ou DRoMA en bon français – bravo pour cette initiative, à suivre ici !) se déroule donc en confinement, ce qui s’y prête donc peut-être bien (fonction de votre situation précise). En 2013 (gloups) on m’avait demandé un pep talk – soit un discours de motivation ? De sergent instructeur ? Un massage de dos ? – pour le NaNo, justement, mais le site concerné a depuis disparu. Donc : revoici.

Au travail !

Vous l’avez peut-être déjà entendu : il n’y a pas de vérité absolue en art, il n’y a donc pas de méthode en création. Pas d’autre méthode que la vôtre, qui sera le fruit de vos expérimentations, de vos aventures et surtout de ce que vous goûterez, et de la façon dont cela vous fera mûrir. La seule façon d’apprendre à écrire consiste à vous connaître ; la seule façon d’apprendre à vous connaître consiste à écrire.

Il existe en revanche une vérité cardinale. C’est la persévérance. Bossez comme vous l’entendez. Mais BOSSEZ.

Bossez dans un café bondé ou isolé(e) chez vous dans le silence. Bossez dans la sérénité ou en vous tapant la tête contre les murs. Bossez dans les interstices de votre vie, bossez en vous ménageant de grandes plages de temps, bossez sur un smartphone ou un cahier relié de cuir, avec un synopsis, sans synopsis, en vous octroyant une pause au calme, en écrivant pendant un forcené douze heures d’affilée.

Mais, quoi qu’il arrive : BOSSEZ, sans relâche, de la manière qui vous ressemble aujourd’hui (qui ne sera peut-être pas la même demain).

Réfléchissez à ce dont vous avez besoin, mettez-vous en accord avec vous-même, écrivez, raffinez la formule, recommencez.

Créer, c’est dur. Écrire, c’est de la folie. Mais c’est de la magie, et c’est pour ça que vous êtes là. Pour faire naître votre histoire, pour vous immerger dans la vie de personnages et, peut-être, jouer des émotions de vos futurs lecteurs en virtuose, les faire passer par le rire et l’angoisse, par la peine et le triomphe.

Toutefois, nul autre que vous n’a décidé de se lancer dans cette galère, celle de la littérature en général et celle du NaNo en particulier. Et, plus important, nul autre que vous, si vous êtes honnête avec vous-même, si vous allez chercher au fond de vous la vérité qui n’appartient qu’à vous, ne peut dire ce que vous avez à dire. Si vous laissez vos histoires au fond de vous-même, nul ne les racontera pour vous.

Vous êtes seul(e) redevable de votre engagement envers vous-même. Vous vous êtes fait cette promesse. Et pour y parvenir, au fond, il n’y a pas de recette, pas de miracle : il y a de l’effort, de l’entêtement, du serrage de dents, quelques pétages de plombs, de la déprime et de l’extase.

Mais j’ai une bonne nouvelle : c’est normal. C’est le métier. Rassurez-vous. Est-ce que ça ira mieux avec le temps ? Probablement pas. Mais vous saurez une chose : que vous en êtes passé(e) par là, que vous avez survécu, fini, et continué.

Et c’est pourquoi, ce que vous ne devez pas faire, c’est baisser les bras. Vous dire que vous n’y arriverez jamais. (Ou alors, juste un peu. Mais pas longtemps. Prenez un chocolat chaud. Pleurez sur l’épaule de votre mère. Soufflez un peu. Jouez à Mario Kart. Mais ensuite : retournez dans l’arène, le couteau entre les dents, et faites rendre ses chapitres à votre histoire.) Ce que vous devez faire, c’est toujours remonter en selle. C’est insister. Ne vous arrêtez pas. Parce qu’au cœur de l’écriture, il n’y a jamais que cela : l’acte d’écrire, de rester devant la page, et d’aligner les mots. Derrière toute la théorie littéraire du monde – qui a son utilité et fait gagner des années de réflexion, ne vous y méprenez pas – il n’y a toujours qu’une personne, face à la page, qui écrit, sans s’arrêter, et qui, un jour, finit son livre.

Nul ne vous regarde. Nul ne vous relira si vous ne le souhaitez pas. Vous pourrez toujours retravailler plus tard. Alors, laissez-vous aller. Tentez, osez vous planter. Persévérez, même et surtout si ça vous paraît nul, incohérent, plat, pas crédible. Ne revenez pas en arrière. Ne corrigez pas. Notez peut-être sur une feuille à part ce qu’il faudra rattraper ; mais, pour l’heure, avancez.

Pour corriger, il faut avoir une base de travail, et c’est exactement ce que vous êtes en train de construire : ramer, grogner, défricher dans la sueur et une possible consternation le territoire vierge de votre histoire, pour disposer ensuite de matière. Mais vous ne pourrez rectifier le voyage qu’en l’ayant déjà accompli. Ce premier trajet n’est pas parfait. Mais ce n’est pas le but. Le but, c’est savoir les questions que votre histoire pose pour réfléchir ensuite aux meilleures réponses à leur apporter.

Alors, par tout ce qui est juste et bon, ne visez pas la perfection. Avancez, c’est tout. Insistez, toujours. Terminez ce fichu premier jet. Ne lâchez pas ; soyez celui ou celle qui tient bon quand tous les autres abandonnent. Ayez ce courage. Lâchez Facebook, laissez tomber la vaisselle, cloîtrez-vous et ne répondez plus au téléphone s’il le faut. Mettez des mots sur la page. Au bout du compte, malgré toute la technique narrative amassée – qui a sa valeur –, c’est cette persévérance qui est la seule à pouvoir vous conduire au bout de la route. C’est la règle de l’écriture n°1 de Robert Heinlein :
« Tu dois écrire. »

S’il n’y a vraiment qu’une seule chose à savoir, c’est celle-là.

PS : Si vous ne rencontrez aucune des difficultés susnommées, félicitations ! Bravo, et bon NaNo ! Par ailleurs, sachez que je vous hais. Gros bisous.

2020-11-02T12:41:12+01:00mardi 10 novembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Au travail ! (Pep talk NaNoWriMo)

Vous devez lire Comme par magie

Je sais, je vous ai fait le coup avec La Guerre de l’Art, hein ? Eh bien, Comme par magieBig Magic en VO1, c’est fascinant, parce que c’est exactement le même discours, avec des moyens diamétralement opposés.

Elizabeth Gilbert – l’autrice de Eat, Pray, Love – livre dans cet ouvrage une vision de la créativité heureuse, harmonieuse, qui se libère avec amusement de l’image de l’artiste qui porte ses dons artistiques comme une croix. Un peu d’autobiographie, beaucoup d’anecdotes pour certaines vraiment drôles, et pas mal de réflexions entre la philosophie et la spiritualité tracent un discours tendre mais sans complaisance sur la vie créatrice quel que soit le domaine, qu’il s’agisse d’écriture ou (véridique) de patin à glace. Résolument opposée à une vision moderne, post-Lumières, torturée de l’artiste se soumettant à des pressions inhumaines, elle prêche au contraire une démarche presque évanescente qui place le plaisir et le jeu au centre de tout ; de la légèreté, de la disponibilité, mais aussi – et c’est là que Pressfield et elle s’alignent dans une passionnante opposition de contraires – de la persévérance, de la volonté, de la confiance en soi et en l’univers.

Car là où Pressfield a une rhétorique résolument guerrière (c’est dans le titre), parfois à la limite de la culpabilisation, prêchant l’intensité et la persévérance à tout prix, avec une victoire à emporter sur la Résistance, Gilbert se place résolument sur le terrain de la coopération avec la Muse qui nous choisit pour nous murmurer des idées et, surtout, privilégie le principe de joie. Et c’est… vraiment nécessaire aussi.

Le plus beau ? C’est qu’ils disent donc, au final, exactement la même chose, avec des mots radicalement opposés : il existe quelque chose qui nous dépasse (ce que j’appelle personnellement le Mystère) où réside la créativité, qu’on le voie comme la Muse homérique (Pressfield) ou des sortes d’esprits désincarnés (Gilbert) voire des sortes d’anges (les deux auteurs) ; le travail d’un ou une artiste consiste à se mettre en lien avec cette “chose”, car la création est une voie formidablement nourrissante pour l’individu et le monde ; la seule voie pour y parvenir est la persévérance et la foi.

Si vous avez détesté La Guerre de l’Art (je sais qu’il y en a), lisez Big Magic. Je suis quasiment certain que c’est le bouquin qu’il vous faut à la place. Si vous avez adoré La Guerre de l’Art, lisez Big Magic quand même, parce que c’est une bouffée d’air frais salutaire dans la tendance à la pesanteur qu’on beaucoup de créatifs, un rappel constant à sourire, rire et travailler avec les obstacles au lieu de forcément les combattre à tout prix. Tout cela n’est qu’un tendre jeu, comme l’est la vie. L’art est à la fois la chose la plus importante et la moins importante du monde. Je trouve réjouissant, fascinant, et vertigineux de voir deux personnalités aussi différentes (d’après ce qui transparaît de leurs ouvrages, du moins) toucher à ce qui me semble être exactement le même phénomène. Personnellement, les deux m’ont nourri autant l’un que l’autre de façon complètement différente, et je sais que je finirai par m’en procurer de belles éditions pour les ranger côte à côte, réunis dans leur union au Mystère et dans ce que leur totalité représente à mes yeux.

Pour découvrir le ton drôle et chaleureux d’Elizabeth Gilbert, son TED Talk le plus court, sur la manière dont elle a repris l’écriture après le succès planétaire et inattendu et Eat, Pray, Love (pour poursuivre, jetez un œil à cette interview beaucoup plus poussée autour, justement, de Big Magic) :

  1. Et d’ailleurs, si vous pouvez, je vous encourage vraiment à préférer la version originale ici. Loin de moi l’idée de dire que la traduction est mauvaise, et les nombreux avis favorables en ligne montrent que le livre a su parler au public ; par contre, à titre personnel, le ton employé n’est pas du tout raccord avec mon ressenti de l’anglais.
2020-09-03T12:18:40+02:00jeudi 3 septembre 2020|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Vous devez lire Comme par magie

Worldcon 2019, jours 4 et 5

Je jure que lundi midi, quand un ami a reçu ses gyôzas au restaurant, je me suis dit : « mon cerveau doit ressembler à ça ». Ce qui méta-décrit mon état de cramitude : ce n’est pas tellement l’image qui compte que le fait que j’aie simplement pu la concevoir…

Bref ! Gros coup de bleu (de blues) à la cérémonie de clôture tandis que cette 77e Worldcon touche à sa fin et que symboliquement, le flambeau a été remis à l’équipe de l’année prochaine, ConZealand, à Wellington. Entre les tables rondes et les belles rencontres toutes reliées par notre passion commune, ces cinq jours sont passés extrêmement vite.

J’ai été frappé (comme à chaque fois) par le pragmatisme à la fois simple et décomplexé de l’approche de l’écriture dans le milieu anglophone. On adore encore, en France, se raconter des contes comme quoi le « talent » ou la « vocation » doivent primer sur toute autre considération ; que l’écriture (ou la création) restent la chasse gardée d’une classe mystérieuse d’élus mystiques qui « l’ont » (le truc) ou pas. Dans une culture qui s’est toujours proclamée égalitaire, cela me laisse drôlement songeur.

Rien de tout cela à une Worldcon. Tu veux écrire ? Bosse. Bosse, encore, encore et encore. Et puis davantage que ça. Ne lâche pas ; prends-toi des portes dans la tronche, marche sur les râteaux, c’est inévitable, cela fait partie du chemin hélas, mais quoi que tu fasses, n’oublie pas : ne lâche pas. Le travail est ta seule variable d’ajustement, et ce qui différencie ceux qui « y arrivent » (arrivent à publier, jouissent d’un certain lectorat, pour faire connaître leur travail au monde) c’est avant tout la persévérance, la volonté d’évoluer et d’apprendre sans cesse. C’est dur, oh oui. Mais tu veux ? Alors donne tout et même le reste, et tu pourras probablement y arriver, même si cela doit prendre dix ou vingt ans. Au fond, il n’y a qu’une seule vraie métrique : l’expérience. Et une seule pulsion : une niaque tellement invraisemblable qu’elle confine à la mégalomanie, l’inconscience, ou un mélange des deux. (Au passage, je repose ça là)

Tu te doutes, auguste lectorat, que je souscris entièrement au discours, parce que c’est celui que j’ai biberonné depuis plus de vingt ans, et j’oserais dire que c’est celui qui m’a conduit où je me trouve (soit, timidement, un peu plus loin qu’il y a vingt ans, c’est-à-dire : j’ai publié quelques trucs et des gens ont aimé), avec l’immense conscience que j’ai à peine commencé à vaguement accepter le chaos non-euclidien doublé de résolution indispensable qui semble apparemment former l’essence de ce métier. On apprend toujours, et c’est ça qui est merveilleux. On en a parlé il y a un an tout juste dans Procrastination, d’ailleurs (« Talent Vs. Travail »).

Non, ça ne sera pas plus simple ou plus facile, mais au bout d’un moment, tu finiras par comprendre intimement que c’est normal. Le talent existe peut-être. Mais vu qu’on ne peut pas y faire grand-chose, on s’en balance un peu, et tout ce que tu peux faire, c’est travailler sans relâche à cette chose qui compte pour toi ; et la seule personne à qui tu rends des comptes, en définitive, c’est toi-même. (Coucou, Steven Pressfield.)

Authentique, et il fallait que je reparte avec. Attention : peut contenir également des larmes de directeur d’ouvrage.

Sinon, ça fait tout drôle, j’ai mesuré le jour même que c’était la première fois que j’étais invité à intervenir sur une table ronde avec ma casquette musicale, aux côtés de Sam Watts (compositeur entre autres de la bande originale de Sarah Jane Adventures !), et pouvoir discuter avec le public de bandes-son légendaires (en replaçant au passage celle de Babylon 5 par Christopher Franke) a constitué un des grands plaisirs de cette convention.

George R. R. Martin sera toastmaster de ConZealand.

Ma plus grande erreur aura certainement été d’emporter une grande valide vide. En pensant que je rapporterais DES TRUCS. Ben forcément, hein. Je cherche, aussi. Les livres, c’est comme les gaz parfaits. C’est curieux, ça finit toujours pas occuper tout l’espace disponible.

2019-08-19T22:14:53+02:00mardi 20 août 2019|Carnets de voyage, Le monde du livre, Technique d'écriture|17 Commentaires

Procrastination podcast S02E20 : “Talent Vs. Travail”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Talent Vs. Travail“.

Le talent, le travail ou les deux ? Cette question a tendance à remuer les milieux artistiques, les discussions entre créateurs et Internet ; mais nos podcasteurs n’ont peur de rien et se lancent dans cette discussion en seulement quinze minutes. Mélanie, justement, se positionne entre les deux, et donne une intéressante définition du talent : ce serait ce qui ne s’apprend pas. Laurent non plus ne minimise certes pas l’importance du travail ; pour lui, la nature du talent est directement connectée à la nature même de l’art, et surtout ce qu’il génère chez son public. Lionel dit clairement que la notion de talent l’ennuie car elle est trop évanescente ; puisque la seule chose que l’on peut contrôler est le travail, alors travaillons.

Références citées :
– Harper Lee
– La collection Fleuve Noir Anticipation
– Stefan Wul

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

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Bonne écoute !

Et Procrastination reviendra le 15 septembre pour une troisième saison !

2019-05-04T18:45:57+02:00lundi 2 juillet 2018|Procrastination podcast, Technique d'écriture|3 Commentaires

Procrastination podcast S02E15 : “Les blocages”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Les blocages“.

Mélanie propose de parler pour cet épisode, non pas de l’angoisse de la page blanche, mais du réel blocage : le texte qui ne veut pas s’écrire, la situation qui ne se débloque pas, peut-être en lien avec la personnalité de l’auteur. Laurent est plutôt d’accord, mais Lionel déteste qu’on lui dise qu’il ne peut pas faire quelque chose, même s’il se soigne avec l’âge. Il se dégage au cours de l’épisode la nécessité capitale de l’introspection pour l’auteur, afin de savoir ce qu’il veut ou peut explorer – et comment il peut contourner une contrainte de manière créative, fût-elle personnelle.

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Bonne écoute !

2019-05-04T18:47:07+02:00lundi 16 avril 2018|Procrastination podcast, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S02E15 : “Les blocages”

Si Neil Gaiman doute aussi…

ray-bradbury-ray-bradbury-you-fail-only-if-you-stopAnecdote qui nous rassurera tous, entendue dans l’excellent podcast Writing Excuses (retranscrite de mémoire et traduite librement) :

Neil Gaiman est en train d’écrire un roman (probablement American Gods) et, un jour, appelle son agent.

“C’est nul, dit Gaiman. Je n’y arrive pas, j’ai franchi les deux tiers de l’écriture, mais franchement, je ne le sens pas, ce n’est pas bon, je rame, je crois que ça ne vaut rien. Je suis vraiment désolé, je crois que je ne vais pas pouvoir finir, je sais qu’on a un accord, mais…

— Neil, Neil, Neil, répond l’agent. Chut. Du calme. Respire un bon coup, reprendre ton livre, et continue. Tu rencontres peut-être des difficultés, mais je t’assure que ça ne peut pas être aussi mauvais que tu ne le penses. Ça ira. Tu vas finir ton livre, tu vas me le rendre, et il sera très bon. C’est certain.

— Comment peux-tu le savoir, tu n’en as pas lu une ligne ?

— Parce que, Neil, visiblement tu ne t’en souviens pas, mais, chaque fois tu écris un livre, tu arrives aux deux tiers, tu m’appelles, et nous avons cette conversation. Et tu finis le livre quand même, et il est très bien. Donc, je te le dis : retourne au boulot, et ton bouquin sera très bien.”

Cela me parle d’autant plus que cela vient de m’arriver avec la nouvelle que j’ai terminée tout récemment sur l’univers d’Évanégyre : l’écriture en a été ardue, et je l’ai néanmoins terminée satisfait. Quelle est cette mystérieuse propriété de certains manuscrits à incarner les pires doutes et difficultés lors de la rédaction, pour devenir miraculeusement au moins convenables (en tout cas à retravailler), voire subjectivement bons dès l’instant où le point final est apposé ? Sorte d’alchimie, je suppose, qui fait en un instant basculer le travail incertain en cours, le défrichage à la force du poignet, vers un tout achevé et fondamentalement extérieur, sur lequel il devient possible de se faire un avis objectif.

Avant, c’est de la sueur et des doutes ; mais ensuite, ça n’est plus que du texte.

2016-02-17T15:50:21+01:00mardi 23 février 2016|Technique d'écriture|12 Commentaires

Les déclencheurs, post-mortem

… Parce que “post-mortem” est en latin, et que c’est bien plus classe que “debriefing », et que j’en ai marre de voir de l’anglais partout (« BNP Paribas Real Estate, It’s the Place to Be », sérieux, ça ressemble à quoi ? Surtout que je suis persuadé que pas un seul des marketeux décerébrés ayant pondu un truc pareil ne sait prononcer correctement le “th” anglais autrement que “z », et ils font les malins avec de l’anglais à la con, enfin, bref, pheuque).

C’est la rentrée et l’exercice des déclencheurs est donc terminé. L’aventure a été plutôt suivie, et une petite communauté s’est même formée autour de l’exercice, ce qui est très sympa ! Si vous n’avez pas pris le train à temps, il est toujours temps de vous lancer. Voici un petit récapitulatif de l’ensemble des articles. Et si vous avez joué le jeu mais cherchez un exercice d’écriture rapide, il est aussi toujours possible de tenter avec un déclencheur différent.

La liste complète des déclencheurs par ordre chronologique

L’article des consignes

L’article bottage de cul

J’espère que vous vous êtes rendu compte, après ces neuf semaines, que

  1. Votre écriture est importante. Mais écrire, ça prend du temps. Donc, vous devez réserver ce temps, le désigner comme sacré, et vos proches doivent comprendre que là, vous faites un truc qui compte pour vous, et qu’on doit vous ficher la paix, pas d’exceptions à part enfants qui brûlent et maison qui s’est cassé un bras. Et encore.
  2. Écrire, ça peut se faire dans les interstices. Souvent, avec les priorités du quotidien, il est difficile de se mettre dans l’humeur d’écrire. Sauf que, selon les termes de Robin Hobb (je cite de mémoire), “vous devez comprendre que vous n’aurez jamais plus de temps que maintenant ». Si vous désirez écrire sérieusement, il faut tirer profit de ces moments. Ayez de quoi écrire sur vous. Noter cinq phrases dans un bus chaque matin, ça donne une page à la fin de la semaine. À la fin de l’année, ça donne deux nouvelles. OK, c’est peu, mais entre ça et ne rien faire du tout en vous lamentant de n’avoir pas le temps d’écrire, vous choisissez quoi ?
  3. Vous n’êtes pas forcément bon du premier coup, mais ON S’EN FOUT. Ce qui compte, ce n’est pas d’écrire merveilleusement bien – du moins, la première fois. Ce qui compte, c’est d’écrire. C’est mauvais, vous vous relisez et vous avez envie de vous enfoncer des aiguilles dans les yeux, vous grimacez devant vos lignes de dialogue ? Félicitations, c’est le métier. Tous les auteurs, même et surtout les pros, ont des moments comme ça. Le bonheur, avec l’écriture, c’est qu’on peut – qu’on doit – retravailler. On peut reprendre, encore et encore, jusqu’à ce que ça sonne juste, que ça rende bien, qu’on soit content. Ce qui compte, dans le premier jet, dans l’écriture, c’est de mettre de foutus mots sur le papier ou le clavier. Vous jugerez plus tard. Ensuite, toujours ensuite. Et plus vous écrirez, plus vous pratiquerez, plus vous prendrez de risques. Et plus vous prendrez de risques, meilleurs vous serez.

Alors ? Au boulot, stou !

J’espère que cette série d’exercices vous aura, si vous l’avez suivie sérieusement, décoincé et aidé à montrer que vous pouvez écrire. J’aimerais bien proposer à nouveau ce genre de choses à l’avenir, surtout à voir que, manifestement, cela a répondu à une demande. Du coup, n’hésitez pas à partager votre expérience en commentaires !

  • Comment l’avez-vous vécu ?
  • Aimeriez-vous voir d’autres exercices ? De quel genre ?

“Tu dois écrire” – Première règle de l’écriture de Robert Heinlein.

2018-07-17T14:20:47+02:00mercredi 5 septembre 2012|Technique d'écriture|30 Commentaires

Funambuler sur la frontière (Utopiales 2010)

Ill. P. Druillet

Comme tout le monde (hélas), me voici de retour après l’édition de 2010 de ces Utopiales, consacrées cette année au thème de la frontière. Les festivals sont souvent des moments intenses car, en plus de vouloir profiter des débats, des expos, ce sont des grand-messes de la profession, où l’on retrouve tous les copains, où des projets se nouent, où l’on côtoie des tas de gens qui vous disent, d’un air navré “ah ! il faut vraiment qu’on boive un coup, mais là j’ai rendez-vous avec Machin” – ton serviteur, ô auguste lectorat, étant probablement le pire de tous en la matière. Mais je ne me plains absolument de rien : j’ai eu la chance de faire des rencontres fantastiques, de boire quand même quelques bières et de donner quelques entretiens à des gens gentils qui ont même ri à mes blagues, alors bon.

Je m’étais réservé la matinée de jeudi pour voir les vingt minutes de Tron Legacy proposées en avant-première ; la lose, la voiture en a décidé autrement. J’ai quand même pu voir quelques débats, comme ceux autour du jeu proposés par David Calvo et Stéphane Bura, passionnants comme toujours ; le film Earthling, qui a remporté le prix Utopia mais ne m’a pas entièrement convaincu (critique détaillée à venir).

Mais, comme je le disais, ces festivals, ce sont surtout des rencontres ou des retrouvailles, avec les auteurs, blogueurs, traducteurs et lecteurs bien sûr : Mélanie Fazi, le regard aux aguets et l’appareil photo pour le capturer ; toute l’équipe de l’Atalante ; Antoine Mottier et Sébastien Cevey ; Lelf ; la dynamique équipe du Vade-Mecum du Disque-Monde ; El Théo et Christian Grussi des éds Sans Détour ; David Calvo et Stéphane Bura ; l’adorable Vincent Gessler halluciné de recevoir les prix Verlanger et Utopia (ex-aequo avec Ugo Bellagamba pour Tancrède) pour Cygnis – bravo, copain, tu sais comme je suis ravi pour toi ! Je préfère cesser l’inventaire ici, le name-dropping n’intéressant pas grand-monde – et plus j’en cite, plus je risque de vexer les éventuels oubliés…

La joie de faire de l’interpétariat est aussi de pouvoir côtoyer les plus grands ; j’ai pu ainsi relayer les propos de China Miéville (Perdido Street Station), dont j’avais traduit la toute première nouvelle publiée en France (Familiarisation dans Asphodale n°4), qui allie une grande gentillesse à une profondeur de réflexion sur les genres et la logique onirique qui montre une domination à la fois tranquille et parfaite de l’imaginaire. Je ne peux qu’éprouver – en toute humilité – une certaine communauté d’esprit pour quelqu’un qui cite Kafka en table ronde !

Couv. Yoz

Mais j’ai également fait la connaissance de Brandon Sanderson, auteur d’Elantris et de Fils-des-Brumes (traduit par Mélanie Fazi), et choisi pour terminer La Roue du Temps créée par le regretté Robert Jordan. Sanderson est un homme enthousiaste, chaleureux, et il est – je ne le dis pas à la légère – un modèle de travail. Au cours d’une interview que j’ai eu le plaisir de traduire pour Fantasy.fr, il a révélé par exemple avoir écrit CINQ livres non publiés avant de vendre Elantris. Quant à Fils-des-Brumes, c’est son… treizième.

Si ce n’est pas une leçon de persévérance, je ne sais pas ce qui peut donner un plus grand coup de pied aux fesses : Sanderson voulait devenir écrivain, et il a tout investi, sans retenue, dans sa passion. Sans jamais perdre la foi ni l’envie : il écrit parce que c’est ce qu’il veut faire, pas pour la gloriole, et voilà qui prouve assurément qu’il aurait continué, peut-être pour toujours, avec ou sans publication. Voilà, je pense, un auteur réellement compulsif. Je crois l’être aussi – je passe ma vie à produire du texte depuis toujours et c’est ce que j’aime par-dessus tout – mais, dans les difficultés qu’on rencontre forcément tous, coups durs et doutes, je ne saurais garder, parmi les maîtres américains, meilleur exemple à l’esprit dans ce domaine en particulier. Pour paraphraser Bouddha, “there is no way to writing : writing is the way”.

Bref, je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher la découverte de cet entretien, mais je le relaierai sans faute : bien des auteurs professionnels n’ont pas écrit autant que lui durant toute leur vie. Voilà une leçon magistrale d’apprentissage, de talent et d’insistance. J’ai maintenant hâte de lire ses livres.

En conclusion, ce fut une édition riche en émotions mais aussi très active pour ma part ; j’ai assez peu de photos et même peu twitté. Je n’ai pas encore trouvé une façon simple de rester en contact avec la communauté en déplacement, mais j’explore la chose !

2010-11-15T19:17:27+01:00lundi 15 novembre 2010|Le monde du livre|14 Commentaires

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