Procrastination podcast s08e03 De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s08e03 De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments“.

Une certaine concentration actuelle des attentes du marché sur la tension narrative, le conflit, le rythme peut faire crainte la difficulté d’écrire des relations peut-être saines ou pacifiques entre personnages. Peut-on le faire ? Comment écrire de l’enjeu et de la tension sans tomber dans la cruauté et la violence ? Pour Estelle, justement, un premier levier consiste à prendre conscience que celles-ci ne sont pas obligatoires ; au contraire, s’en abstenir permet de marquer du contraste. Ensuite, il convient d’accepter que dans un monde sombre aux événements âpres, les relations ne sont pas forcées de suivre le même motif. Mélanie souligne justement, exemples et choix de narration à l’appui, la puissance que ce contraste entre normalité et cruauté peut acquérir dans un récit. Pour Lionel, la difficulté s’enracine dans une compréhension restrictive ce qui fait un conflit narratif et sa tension, lesquels peuvent sortir du modèle frontal, interpersonnel et intense pour aborder quantité d’autres façons de raconter.

Reférences citées

  • L’Armée des ombres, film de Jean-Pierre Melville
  • The Last of Us, série de Neil Druckmann et Craig Mazin
  • Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
  • J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des anneaux
  • Star Trek, série créée par Gene Roddenberry
  • Ted Lasso, série de Bill Lawrence, Jason Sudeikis, Brendan Hunt et Joe Kelly
  • Doctor Who, série créée par Sydney Newman et Donald Wilson

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-11-01T08:17:00+01:00lundi 16 octobre 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s08e03 De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments

Les éditeurs n’ont pas pour mission de vous faire progresser

This just in, cet excellent fil sur Twix (ben quoi ?) d’absolue utilité publique :

Et qui me rappelle deux choses : d’une part, la passionnante intervention de Mireille Rivalland dans l’épisode 501 de Procrastination, où elle expliquait ouvertement que dans ses débuts à l’Atalante, elle renvoyait des retours circonstanciés pour chaque refus de manuscrit, et que les discussions sans fin qui s’ensuivaient ont fini par la dissuader de rentrer là-dedans.

D’autre part, des réflexions amères qui passent de loin en loin sur les réseaux, concernant, le fait que les maisons d’édition ne veulent pas aider les jeunes auteurs, relire des manuscrits déjà soumis auparavant, et mettent des années à répondre – insérez les frustrations courantes vis-à-vis du système.

Mes amis, je suis navré, je vais être brutal, mais les maisons d’édition n’ont pas pour vocation de vous apprendre à écrire ni de vous faire devenir de meilleurs auteurs, du moins pas tant que vous et elle ne vous êtes pas accordés un minimum sur un projet à défendre (ce qui implique un niveau basal de compétence comme de professionnalisme pour arriver à construire ladite entente), et là encore, vous n’êtes pas la finalité, c’est le projet, la finalité. (Votre apprentissage est un heureux sous-produit du processus, qui pourra être réinvesti dans tous les projets à venir, qui se conduiront à nouveau avec les mêmes équipes si tout le monde est content.) Ce sont des entreprises qui sont chroniquement en sous-effectif, noyées sous la masse des soumissions (qu’elles lisent et éclusent néanmoins parce qu’elles aiment sincèrement le livre) et dont le travail est de produire de chouettes livres pour leur public.

Pas de prendre en main votre carrière à vous. Vous êtes la seule personne à pouvoir le faire.

Encore une fois, appliquons la transformée simple qui consiste à transposer la problématique dans le domaine de la musique :

Une maison de disque n’a pas pour rôle de vous apprendre à chanter ni à jouer de la guitare, hein ? C’est absurde, on est d’accord ? Si vous présentez du potentiel, et si la rencontre esthétique / artistique se fait, alors oui, la maison va vous aiguiller et bâtir dessus. Mais il faut déjà que le potentiel soit là, et cela veut dire savoir jouer un minimum de son instrument.

C’est exactement la même chose dans l’édition littéraire, ni plus, ni moins. La difficulté inhérente à l’édition est que le langage est un outil largement plus répandu que le chant lyrique, et qu’il est donc plus ardu de voir soi-même si l’on chante juste ou pas. D’où l’importance supplémentaire du travail et, oserais-je dire, du retour critique.

Sérieusement, lisez le thread ci-dessus – chaque twix (je ne m’en laisserai pas) est un distillat d’un problème chronique dans le monde de l’édition pour les jeunes auteurs, et certaines réponses imbéciles qui y ont été faites ne viennent qu’inscrire un gros “CQFD” en lettres de feu visibles depuis Jupiter. Sur chaque point qu’adresse Bleuenn, les éditeurs pestent en coulisses depuis des années.

Maintenant, ne déprimez pas. Au contraire. Soyez malins. Revers positif de la médaille : si, sans même parler d’attitude professionnelle, vous vous comportez avec un minimum de bon sens, c’est-à-dire que vous n’arrivez pas comme un complet abruti sorti du métatarse de Jupiter, vous vous placez au-devant d’une grande masse qui, tragiquement, s’autodisqualifie. Dans votre cas, il ne restera plus qu’à parler du texte, ce qui place la conversation sur le seul domaine où, très franchement, elle devrait se tenir avant toute chose !

Les ressources disponibles aujourd’hui pour travailler son écriture sont ultra abondantes (je me contenterai de citer la nôtre et la mienne). Écrire, c’est comme un instrument de musique : ça demande autant de boulot. Alors : au travail – c’est comme toujours la seule chose que vous contrôlez. Bon courage – et bon dieu, amusez-vous !

2023-07-31T09:15:39+02:00lundi 31 juillet 2023|Technique d'écriture|2 Commentaires

Procrastination podcast s07e14 – Écrire les batailles

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e14 – Écrire les batailles“.

Après l’intimité de la scène d’action sur quelques personnages, Procrastination fait les choses en grand et explore les batailles rangées à plusieurs centaines, voire dizaines de milliers de belligérants. Mélanie n’aime pas ça ! Elle n’en écrit pas et n’aime pas en lire non plus. Mais Estelle adore ça, au contraire, et met avant tout l’accent sur la lisibilité de l’action, ce qui vient former un pôle de tension avec la confusion inhérente à la situation. Pour Lionel, la fonction narrative de la bataille, son possible discours seront intimement liés aux choix de narration et point de vue. Un travail d’explicitation pourra être nécessaire pour rendre l’action accessible en fonction des attentes inconscientes d’un lectorat d’une époque. (Il est par ailleurs désolé pour le léger changement de sa prise de son en cours d’épisode, dû à des contraintes techniques indépendantes sa volonté.)

Références citées

  • Henry V, film de Kenneth Brannagh
  • Le Seigneur des Anneaux, la trilogie des films de Peter Jackson
  • 1917, film de Sam Mendes
  • Braveheart, film de Mel Gibson
  • David Gemmell, notamment Légende et sa série sur Alexandre le Grand (Le Lion de Macédoine et ses suites)
  • Star Wars, licence fondée par George Lucas
  • The Expanse, série fondée sur les romans de James S. A. Corey
  • Game of Thrones, série fondée sur les romans de G. R. R. Martin
  • Le Musée de l’armée aux Invalides et sa librairie
  • Les éditions Osprey
  • La série des jeux vidéo Total War
  • Actuel Moyen Âge sur Twitter, https://twitter.com/AgeMoyen
  • Shadiversity sur YouTube, https://www.youtube.com/@shadiversity
  • Skallagrim sur YouTube, https://www.youtube.com/@Skallagrim
  • Napoléon Bonaparte (fallait bien qu’il arrive sur le tapis)
  • K. J. Parker, la trilogie Loredan

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-04-14T08:49:01+02:00lundi 3 avril 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e14 – Écrire les batailles

Procrastination podcast s07e13 – L’inconscient constructeur

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e13 – L’inconscient constructeur“.

Il arrive qu’au cours de l’écriture, des éléments disparates prennent une force et une signification totalement imprévues, et qui dépasse la raison de l’auteur ou autrice : l’inconscient était à l’œuvre, et révèle le dessein dont on était le jouet… Et c’est en général vachement bien. Comment cela se produit-il, et est-il possible d’apprivoiser ou du moins de stimuler son inconscient ?
C’est exactement le processus créatif de Mélanie, qui se laisse guider par les images, les imprévus, et les visions a priori emplies d’étrangeté ; elle met en contraste l’écriture du premier jet avec la correction, où la démarche est bien plus rationnelle.
Estelle se fonde moins sur cet aspect des choses, et justement, propose plusieurs exercices et approches pour nourrir son inconscient et laisser ses personnages guider l’histoire. Même en tant qu’architecte, Lionel défend la vie que doit conserver un projet et la confiance qu’il faut témoigner à son inconscient, qui sait où il va, et qui doit avoir la marge d’évolution de se révéler.

Références citées

  • Chris Vuklisevic, post de forum : http://www.elbakin.net/forum/viewtopic.php?id=10101&p=2
  • Constantin Stanislavski
  • Dean Wesley Smith, Writing into the Dark
  • Élisabeth Vonarburg, Comment écrire des histoires, Guide de l’explorateur

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-04-05T14:06:19+02:00mercredi 15 mars 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e13 – L’inconscient constructeur

Procrastination podcast s07e11 – Un héros doit-il avoir un but ?

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s07e11 – Un héros doit-il avoir un but“.

Ce motif circule beaucoup parmi les modèles d’écriture contemporains : la notion du but ou d’objectif pour les héros du récit, vue comme une quasi-nécessité. Procrastination décortique l’idée : est-ce bel et bien obligatoire ?
Mélanie avance que le récit a besoin d’une force motrice ; Lionel concourt, même s’il préfère des termes plus polyvalents comme ceux de protagoniste et de volonté. Estelle avance qu’il ne s’agit pas forcément d’absolus, contre-exemples à l’appui, ce qui entraîne une conversation sur les définitions mêmes de volonté, de protagoniste et de progression dramatique en narration.

Références citées

  • Raymond Carver
  • Joseph Campbell (pour le monomythe)
  • J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux
  • Gustave Flaubert, Madame Bovary
  • Robert Musil, L’homme sans qualités
  • Herman Melville, Bartleby
  • Clerks, film de Kevin Smith
  • Jack London, Les Vagabonds du rail / Les Temps maudits
  • H. P. Lovecraft
  • Mad Max, films de George Miller
  • Carson McCullers, Frankie Addams
  • Fiodor Dostoïevski, L’idiot / Crime et châtiment
  • James Joyce, Dubliners (« Les Gens de Dublin »)

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2023-03-02T00:07:37+01:00mercredi 15 février 2023|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s07e11 – Un héros doit-il avoir un but ?

Comment paramétrer Scrivener comme une machine à écrire Freewrite

Tout l’intérêt et la promesse de la Freewrite, c’est de pouvoir écrire sans distraction. On pense souvent, de nos jours, aux distractions nombreuses de la vie connectée (coucou Facebook), mais ça n’en est pas la seule source : une importante cause de doute, qui casse le flow de la création, consiste à juger en permanence les lignes précédentes et à les réécrire sans cesse, jusqu’à l’engourdissement et au dégoût.

Dans ce contexte, l’écran très limité d’une Freewrite est un atout, car il dissimule une grande partie du texte précédent, ce qui empêche de le triturer sans fin (pour ne corriger le premier jet que dans une phase ultérieure et distincte). Après, la Freewrite présente bien des désavantages : le prix d’abord, mais aussi l’absence de tous ces jolis outils bien pratiques que propose l’ordinateur comme la typographie automatique ou bien la correction orthographique à la volée.

Dans ce contexte, il est pertinent de vouloir répliquer dans son logiciel d’écriture (Scrivener, hein, évidemment) la limite artificielle de la Freewrite. Et bien sûr, c’est possible dans toute application digne de ce nom, avec une fonctionnalité appelée, selon les contextes, focalisations ou mode focus. Le focus est appliqué à un niveau du texte (paragraphe ou phrase), et le reste est estompé pour guider le regard là où ça compte. Ce qui ressemble à ça :

Les couleurs de l’éditeur sont bien entendu en Solarisé

Pour ce faire :

  • Présentation > Édition du texte > Focus > Sentence (oui, ils ont oublié de traduire “phrase”)
  • Tant qu’à faire, activez le défilement machine à écrire pour que la ligne courante reste sous vos yeux : Présentation > Édition du texte > Mode défilement

C’est là que brille le soin du détail apporté à Scrivener :

  • Les réglages de l’éditeur peuvent être distincts en mode normal (avec l’inspecteur et le classeur sous les yeux) et composition (avec seulement le texte en plein écran), ce qui permet de conserver deux paramétrages différents pour deux modes de travail, pour la correction et la rédaction par exemple ;
  • Si vous faites défiler le texte à la souris bien que le mode focus soit activé, tout le texte redevient visible, ce qui permet de relire quand même à la volée.

Et voilà. Notons que ça existe aussi sous Ulysses (Présentation > Mode machine à écrire et, de là, Contraste et Défilement sur place ; là aussi, les réglages sont distincts selon que l’application soit maximisée ou non). Même si j’aime beaucoup mes Freewrite, surtout la Traveler en déplacement, et que je n’écris jamais aussi vite qu’avec elles, cela a du sens de travailler direct sur l’ordinateur si l’on sait résister aux distractions externes. Et pour évacuer les distractions internes, voici une manière à mi-chemin (et moins coûteuse).

2024-03-19T05:36:57+01:00lundi 8 août 2022|Technique d'écriture|4 Commentaires

Procrastination podcast s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action“.

Le scène d’action est un trope extrêmement fréquent des genres populaires, dont l’imaginaire ; elle présente des défis techniques particuliers, requérant une première discussion globale sur l’approche et les conseils fondamentaux. Tout d’abord, pour Estelle, l’action est trop souvent traitée à part, comme un passage obligatoire, alors qu’elle doit s’insérer naturellement dans le récit, et qu’elle présente en réalité les mêmes fondamentaux que le reste de la narration – enjeux, caractérisation, évolution des personnages. Pour Lionel, c’est une expression sous pression de la volonté de personnages et de leur approche de leur résolution des problèmes ; mais sa concision et la clarté qu’elle requiert en font les difficultés principales. Quant à Mélanie, ce n’est pas son truc… prouvant là encore que l’on peut tout à fait s’en affranchir !

Références citées

– David Cook, Advanced Dungeons & Dragons 2e édition, Guide du Maître

– J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

– David Gemmel

– Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses

– Ellen Kushner, À la pointe de l’épée

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2021-04-14T18:08:52+02:00vendredi 2 avril 2021|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e14 – Conseils de survie pour écrire l’action

Une facilité courante : la construction en analepse

Bon alors, “facilité”, on s’entend, hein :

  • Il n’y a pas de “fautes” en art ; il s’agit ici de questionner son travail, et de se dire : “ai-je bien servi mon projet de la manière la plus efficace pour un public ?”
  • Quand je dis que cette construction est une facilité courante, ce n’est pas qu’elle à bannir, mais que son usage, surtout répété, mérite d’être interrogé dans le but de → rendez-vous au point précédent.

Mais si j’en parle, c’est que je suis frappé par sa fréquence dans les textes de jeunes auteurs (et des moins jeunes, y compris publiés). Et que j’en abusais aussi, moi-même, dans mes premiers jets. Et que, si c’est évidemment une construction tout à fait valide, puisqu’elle existe, elle est drôlement pratique, peut-être un peu trop, et que cela pousse donc à s’en servir avec parcimonie pour éviter ses défauts, car elle en a, et un peu trop aussi.

Mais mettons donc la charrue, puis les bœufs.

Qu’est-ce qu’une analepse ?

C’est un mot savant pour dire, en gros, “flashback. Tout ce qui se passe antérieurement à l’action du récit est une analepse :

Bob partit à la plage, car il avait vu la veille qu’on avait prédit une accalmie dans les invasions de méduses tueuses. Il était content d’avoir son maillot de bain en kevlar.

Où est l’analepse ? Tout à fait, c’est la cause dans ce récit passionnant et d’une grande qualité stylistique : “il avait vu la veille”, toussa.

L’analepse, c’est donc très pratique – ça permet de saupoudrer des explications au passage sans briser le rythme d’un récit, au moment où on en a besoin. Si, la veille, Bob a serré sur Tinder, on s’en tape un peu qu’au passage l’auteur nous raconte qu’il s’est intéressé à la météo. On veut voir le début d’une grande histoire d’amour, et si l’auteur a un cœur, c’est ce qu’il nous racontera, car on a tous besoin d’amour dans un univers envahi par des méduses tueuses.

Qu’est-ce que la construction en analepse ?

C’est un terme à moi, donc n’allez pas me citer en composition de khâgne, sauf si vous voulez me donner l’air malin et à vous pas du tout. Mais : la construction en analepse fonctionne de façon très simple :

  • Je débute ma scène : il se passe une action de ouf, je démarre dans le feu de l’action, yeaaaah
  • … mais il faut expliquer comment on est arrivé là, sinon on va rien piger, donc j’insère une analepse (souvent longue – c’est là que ça commence à coincer)
  • … et je reprends le feu de mon action style on a rien vu

Sauf que si. Par exemple :

Bob partit à la plage armé de son maillot de bain en kevlar, le cœur débordant de tension amoureuse. La veille, il avait matché avec Plectrude sur Tinder, une Franque qui aimait les fruits de mer. La vaillante Teutonne lui avait avoué qu’elle ne craignait aucunement les méduses tueuses, puis, à titre de démonstration et de préliminaires, avait procédé à un gobage de cnidaires urticants pêchés dans l’aquarium de l’appartement de Bob quand il l’avait ramenée chez lui, prélude à davantage de délices culinaires. Il devait la retrouver ce jour-là non loin de la piscine de gélatine… 

… Je résume l’analepse, hein, parce que là ça irait encore, elle est courte (et encore, vu que j’ai presque deux niveaux d’analepse, c’est encore moins digeste, comme vous pouvez le voir) mais, en général, l’analepse en question prend quelques épais paragraphes. Voire pages. Et là le collant blesse. Ou le b(ât)as.

Quel est le problème ?

Encore une fois, ce n’est pas forcément un problème, mais cela peut en poser.

Une analepse vient s’insérer antérieurement à l’action qui vient d’être établie (c’est tout le principe, hein) mais cela entraîne une difficulté : elle donne l’impression d’un coup de frein, on « halte » l’action principale pour raconter autre chose. Regardez la construction plus haut : je démarre sur une action fascinante (ou pas) mais dégringolade, on me suspend pour me donner de l’exposition (car à ce stade, l’analepse est une exposition) et… ben, ça coupe l’élan.

Or, si l’on a posé des questions narratives intéressantes avant le flashback, le lecteur veut que l’action principale continue ; cela peut être une technique pour jouer sur son impatience, mais… il faut être prudent quand on joue avec l’impatience du lecteur. À noter que cela part souvent d’une excellente intention : partir dans l’action, le plaisir, direct, pour faire avancer l’histoire ; mais s’il faut une page d’exposition pour qu’on comprenne, cela entraîne l’effet inverse, genre coup de rênes dans la tronche d’un cheval lancé à fond.

Est-ce à dire que c’est à proscrire à jamais ? Évidemment que non, mais il est bon d’avoir conscience des limites de la construction (de son effet “frein”) et donc de savoir ce qu’on fait – plus l’action principale est effrénée, plus un coup d’arrêt donné tôt sera frustrant. (Plus tard… il peut être “gagné”, au contraire – le lecteur est suffisamment pris pour tolérer un peu d’exposition et de ralentissement et vouloir avoir le fin mot de l’histoire… à vous de juger / doser. Mais c’est presque un autre sujet.) Cela peut aussi trahir dans un premier jet la situation d’un auteur qui part à fond dans son action avant de se rendre compte qu’il ne sait pas comment il en est arrivé là et a besoin de se l’expliquer à lui-même. Aucun problème au premier jet ; mais à la correction, on s’interrogera sur la pertinence de cet “échafaudage”.

Des manières avantageuses de remplacer la construction en analepse

La plus simple à mon goût est tout simplement… de ne pas faire d’analepse. C’est-à-dire d’antéposer tout simplement la narration, soit sous forme de résumé rapide, soit, encore mieux, si c’est intéressant, de donner corps à cette fameuse scène. Dans l’exemple avec Bob et Plectrude, cette soirée romantique a l’air passionnante et j’aimerais la voir détaillée par le menu (fruits de mer), que l’auteur fasse battre mon cœur de fleur bleue en développant le début de cette romance invertébrée. Mais au pire, placer l’exposition avant le début de l’action en échangeant le plus-que-parfait pour les temps de narration classiques fonctionne déjà pas mal pour vraiment pas cher… Essayons :

Le soir même, Bob matcha avec Plectrude sur Tinder, une Franque qui aimait les fruits de mer. La vaillante Teutonne lui avoua qu’elle ne craignait aucunement les méduses tueuses, puis, à titre de démonstration et de préliminaires, procéda à un gobage de cnidaires pêchés dans l’aquarium de l’appartement Bob quand il la ramena chez lui, prélude à davantage de délices culinaires. Le lendemain, Bob partit à la plage armé de son maillot de bain en kevlar, le cœur débordant de tension amoureuse. Il devait la retrouver non loin de la piscine de gélatine… 

Il faudrait polir un peu tout ça parce que c’est pas terrible quand même, mais vous avez compris l’idée : l’exposition / résumé passe finalement mieux ; trois phrases et nous sommes dans le cœur de l’action, à nous demander s’il y aura à un moment un requin pèlerin dans toute cette histoire (plot twist).

Soit dit en passant, c’est une situation à laquelle on est spécialement confronté dans le roman choral (points de vue multiples, comme « Les Dieux sauvages »), parce que l’on est bien obligé de résumer ce qui s’est passé pendant qu’on était concentré sur les autres personnages… c’est là que les techniques d’exposition par le conflit livrent toute leur utilité (pour mémoire, je repropose un atelier à distance sur le conflit en août), et que gérer la transmission de son information en la faisant passer de manière “transparente” à travers l’action, dans les interstices subtils où elle ralentit, par la simple caractérisation des personnages peut être extrêmement efficace. Pas facile, ça non, mais efficace parce que : invisible.

Mais déjà, on peut régler à mon sens deux cas sur trois d’analepses malvenues avec les simples techniques proposées plus haut, et si on en laisse une sur quatre dans le premier jet, c’est convenable (statistiques purement personnelles, ne les appliquez pas sans réfléchir) – comme je dis, ce n’est pas à bannir. Il reste donc… heu… 8% d’analepses à faire passer autrement. Ça n’est pas insurmontable.

2020-05-29T20:45:02+02:00mardi 9 juin 2020|Best Of, Technique d'écriture|1 Commentaire

Les conseils d’écriture de Jean-Claude Dunyach (Vidéo Imaginales)

Avec Jean-Claude Dunyach, nous animons tous les ans la Masterclass des Imaginales qui n’a donc pu hélas se tenir pour cause de suspension du monde (c’est la fin, mais en plus temporaire).

Pour prolonger le festival, et notamment toutes les initiatives autour de l’écriture des jeunes auteurs, l’organisation nous a proposé de répondre à quelques questions et de proposer quelques conseils : après ma pomme, voici la passionnante intervention de Jean-Claude.

2023-02-04T07:04:27+01:00mardi 26 mai 2020|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Les conseils d’écriture de Jean-Claude Dunyach (Vidéo Imaginales)

Procrastination podcast S04E12 – Les arcs narratifs partie 2

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “S04E12 – Les fils narratifs partie 2“.

Suite et fin de l’exploration des trames narratives, avec un accent plus spécifique sur le roman choral. Lionel commence par récapituler les notions de progression évoquées dans l’épisode précédent, et aborde les questions de rythme et de complexité liées à la forme ; Estelle insiste sur le fait que l’auteur décide sur quoi il attire l’attention dans son récit, notamment par rapport à la temporalité de l’histoire. Mélanie aborde quant à elle l’ordonnancement et l’équilibre des éléments dans une trame donnée.

Références citées
– Tragédies, Racine
– Princess Bride, roman de William Goldman, adapté par Rob Reiner
– South Park, créé par Trey Parker et Matt Stone (pas Oliver !). Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=vGUNqq3jVLg

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:18+02:00jeudi 2 avril 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S04E12 – Les arcs narratifs partie 2

Titre

Aller en haut