On est en 2023 et je paie pour un moteur de recherche

Sauf que si c’est pas gratuit, c’est pas moi le produit, et justement parce qu’on est en 2023, j’aime bien.

Le moteur de recherche, c’est un peu la base d’une vie moderne connectée, plus encore quand a besoin d’une clarification de règles à Terraforming Mars quand on écrit des trucs sur des machins et que l’on a besoin d’informations précises comme la possibilité de transporter une longue lettre dans un cartouche sur le dos d’un oiseau messager (ce qui revient un peu à connaître la vitesse de croisière d’une hirondelle non chargée, d’ailleurs, ce qui est spécialement important sur des ponts suspendus). Google donne des résultats excellents, je n’en disconviens pas, mais considérez-moi vieux jeu, j’aime bien mes données et qu’elles me restent personnelles.

Quelles alternatives respectueuses de la vie privée ? J’ai longtemps essayé DuckDuckGo et Qwant, mais quand on se retrouve à devoir taper !g pour revenir sur Google une recherche sur trois, on peut considérer que le service est inadéquat. Brave Search est un poil mieux, mais reste insuffisant pour des recherches pointues.

Des fous ont lancé il y a cinq ans Kagi, considérant qu’il y avait de la place sur le marché pour un moteur de recherche de qualité, payant et respectueux de la vie privée. On doit être plusieurs fous à être d’accord, car l’entreprise est non seulement toujours là, mais elle se développe.

Pourquoi le chien fait la gueule ? Je ne sais pas. Peut-être faut-il chercher l’étymologie de cagi en vieux français. Non, n’y allez pas. Je vous aurai prévenu.e.

Kagi propose des résultats de qualité, mais aussi, ce qui est intéressant, moins nombreux que la concurrence. Au lieu de noyer l’utilisateur sous douze mille pages semblables et cent mille images identiques, l’algorithme s’efforce de fournir des infos à la fois variées mais qui se recoupent le moins possible, ce qui rend utile l’exploration des pages 2 et 3 des résultats, et assure que dans l’immense majorité des cas, si l’info n’a pas été trouvée, c’est qu’elle n’est pas disponible. En particulier, Kagi est très doué à pêcher des réponses obscures sur Reddit ou dans des forums. Il est également possible de favoriser certaines sources au détriment d’autres, mais je n’ai jamais creusé là-dedans : je demande à mon moteur de recherche qu’il me réponde clairement d’emblée, ce que Kagi fait très bien sans configuration.

Combien ça coûte ? Ça dépend de l’usage, soit du nombre de requêtes mensuelles. On peut évidemment se faire une idée avec un plan gratuit, et monter en gamme jusqu’à l’illimité :

À titre d’exemple, 300 recherches suffiront pour une personne normalement constituée ; sachant que je fais beaucoup de recherches documentaires, je varie entre 400 et 600 recherches par mois, ce qui n’est pas non plus énorme (mais m’oblige quand même à un plan Professional).

Installer Kagi comme moteur de recherche par défaut

Évidemment, tout ça ne sert à rien si on ne peut pas utiliser son moteur tout nouveau tout beau avec la même immédiateté que son Google, hein ? Heureusement, les créateurs n’ont pas oublié de rendre leur produit disponible sur tous les navigateurs avec une extension qui interceptera obligeamment vos recherches pour les renvoyer vers leur moteur. Et oui, il y en a une pour Safari aussi, qui fonctionne sur Mac et iOS, ce qui permet de conduire ses requêtes depuis la barre d’adresse, comme avec Google. Joie !

Si vous utilisez Alfred (vous utilisez Alfred, hein ?), installer Kagi comme moteur de recherche par défaut est simplissime également. Quand vous êtes abonné.e au service, on vous fournit une URL de recherche personnelle à ne partager avec personne, contenant un jeton d’identification. Il suffit de créer une entrée supplémentaire dans la catégorie Web search d’Alfred (voir ci-contre) puis d’entrer votre URL de la façon suivante, en plaçant le jeton évidemment à la bonne place :

https://kagi.com/search?token=VOTRE_JETON_ICI={query}

Et voilà, c’est beau :

Un joli jouet (mais un peu pour riche, oui)

Est-ce que ça vaut le coup ? Honnêtement, si l’on parle du seul service, il n’est pas fantastiquement meilleur par rapport à Google pour valoir le prix de l’abonnement. Mais si l’on ajoute la vie privée dans la balance et que l’on est sensible à cet argument (comme je le suis), alors Kagi est non seulement la meilleure solution de rechange à Google, c’est aussi la seule valable.

Ça n’est certainement pas le premier produit que je vais vous recommander, mais il est important d’en parler, je trouve fantastique qu’une entreprise puisse faire de la concurrence à Google avec une vraie pensée derrière et une offre viable, et si vous êtes sensibles à ces arguments, vous vous reconnaîtrez. Sinon, vous passerez votre chemin, et ça marche aussi.

➡️ Explorer Kagi

2023-11-20T07:29:03+01:00jeudi 23 novembre 2023|Juste parce que c'est cool|2 Commentaires

Ce week-end, c’est l’Ouest Hurlant à Rennes !

C’est maintenant ! (Enfin, bientôt) La première édition du festival L’Ouest Hurlant, le tout nouvel événement majeur de l’imaginaire, a lieu en fin de semaine, les 30 avril et 1e mai, à Rennes. J’ai l’honneur d’en être le parrain en compagnie de ma camarade Estelle Faye, et un très beau programme, qui mêle grand salon du livre, activités ludiques, recherche universitaire et journées dédiées aux scolaires s’annonce !

Je participerai pour ma part aux tables rondes suivantes :

  • Jeudi 28 avril, 10h, Foyer : Les littératures de l’imaginaire (journée scolaires). En compagnie d’Estelle Faye et Stéphanie Nicot. Modération : Zelda de Doctriz.
  • Jeudi 28 avril, 14h30, Grande salle : La maison du futur (journée scolaires). En compagnie d’Elisa Beiram et Saul Pandélakis.
  • Samedi 30 avril, 10h, Grande Salle : Comment détourner l’histoire dans ses histoires ? En compagnie d’Adrien Tomas. Modération : Axel Lenouvel.
  • Samedi 30 avril, 11h30, Grande Salle : Construire une ville imaginaire. En compagnie de Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian. Modération : Corentin Daval.

Pour les dédicaces, je serai à ma table à la Librairie Centrale au minimum aux horaires suivants :

  • Samedi 30 avril :
    • 12h40-13h10
    • 14h-15h
    • 16h-17h
    • 18h-18h30
  • Dimanche 1e mai :
    • 11h-12h
    • 14h-15h
    • 17h-18h

Rappelons enfin que l’entrée est gratuite et que le festival déploie un certain nombre de mesures sanitaires pour la santé de toutes et tous. Alors, aucune raison de ne pas venir !

À ce week-end !

2022-05-02T18:31:10+02:00lundi 25 avril 2022|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Ce week-end, c’est l’Ouest Hurlant à Rennes !

13 raisons pour lesquelles je déteste Microsoft Word comme outil romanesque

On m’a demandé de l’expliquer de loin en loin, genre, “oh, mais t’écris sous Scrivener, c’est tellement compliqué, Word fait bien le boulot” – NAN NAN NAN arrêtez vous me faites mal à la tête. Word est adéquat pour écrire une lettre. Mais écrire un rapport ou un roman sous Word, c’est comme écrire à la Remington avec des maniques de four – OKAY OUI tu peux faire le job et quelque part, maximum respect à toi d’y arriver. Mais franchement, est-ce que tu préfères faire une rando poursuivi par des hyènes affamées avec des chaussures remplies de verre pilé ou bien, heuuuu… rester chez toi à manger des chips ?

OKAY C’EST UNE COMPARAISON BIEN POURRIE mais je hais Word quand même et parce que :

1. Le ruban. Des années maintenant qu’on se tape cette interface, qu’on la hait collectivement, et que Microsoft, dans une parfaite attitude microsoftienne, continue à nous l’imposer.

2. Le chargement progressif des fichiers. Nous avons des machines qui ridiculisent d’un facteur mille ou dix mille les engins utilisés pour les premières missions lunaires, et Word n’est toujours pas foutu, sur mon Mac M1, de charger un tome entier de « Les Dieux sauvages » d’un million et demi de signes en un temps inférieur à PLUSIEURS FUCKING MINUTES.

3. Il ne fonctionne pas avec la correction système de l’orthographe de macOS.

4. Pas de « bip » ou de message si aucun résultat de recherche n’est trouvé (du coup, t’es jamais sûr qu’il ne s’est pas endormi au volant).

5. Copier une quinzaine de pages, commande-N pour créer un nouveau fichier prend DIX SECONDES. On rappelle, avec une machine qui aurait pu gérer cent programmes Apollo.

6. Dis-moi, Word, tu es tellement mal codé que si j’ai copié quelques pages, tu dois me demander si tu veux garder le contenu dans le presse-papier à l’extinction ? Genre, ça va étouffer un téraoctet d’espace disque ?

7. Remplacer un mot surligné fait apparaître au hasard le surlignement dans le texte en mode suivi des modifications, notamment les caractères portant des accents circonflexes. POURQUOI ? PARCE QUE C’EST PLUS JOLI COMME ÇA ?

8. Cette façon atroce de dire « nous » (dans tous les programmes Microsoft récents). « Nous n’avons pas trouvé de résultats de recherche. » Je suis en train d’utiliser un logiciel, pas de recevoir un courrier de l’URSSAF Limousin.

(Ça m’évoque d’ailleurs cette vieille capture d’écran surréaliste de Windows.)

9. J’essayais juste de taper le caractère « û » dans « mûr », quand soudain :

Ça veut dire quoi ? Sous le pavé de texte, la plage ?

10. Quand tu échanges en suivi des modifications avec un Word étranger, il TE MET ÇA PARTOUT PARCE QUE TU AS VISIBLEMENT CHANGÉ DE LANGUE TROIS MILLIONS DE FOIS

12. Tu fais une simple recherche dans un texte, quand soudain

13. Cette purge coûte 70 balles par an dans l’abonnement Office, alors que Scrivener en coûte 50 une fois pour toutes.

Évidemment, l’honnêteté intellectuelle me pousse à rappeler cet épisode de Procrastination où Laurent Genefort explique travailler sous Word. J’ai aussi vu Brandon Sanderson travailler sous Word. Mais franchement ! Hein !

Et puis il faut dire aussi que le mode suivi des modifications est passable.

MAIS

FRANCHEMENT

HEIN.

2022-03-18T07:27:09+01:00mercredi 23 mars 2022|Humeurs aqueuses, Technique d'écriture|10 Commentaires

Research mode

Petit teaser : documentation (partielle) pour un des textes de science-fiction évoqués la semaine dernière et qui devraient sortir cette année. C’est un des aspects du métier que j’aime le plus : la chance de pouvoir parler à absolument tout le monde de tous les sujets imaginables et d’apprendre sans cesse. En fin d’année dernière, j’ai également eu le privilège de m’entretenir quatre heures par Zoom avec un ethnologue de l’université de Pretoria avec qui nous étions mutuellement fascinés par les univers de l’autre ; une des plus belles et émouvantes rencontres que j’ai pu faire de récente mémoire, et qui me rendent reconnaissant à l’univers de toutes les portes que mon humble clavier dresse devant moi.

2022-01-26T12:06:33+01:00lundi 31 janvier 2022|Juste parce que c'est cool|4 Commentaires

On ne peut pas vraiment vous recommander une maison d’édition

Petite réflexion aléatoire qui m’est venue à l’issue de quelques conversations avec des auteurs et autrices à leur premier (ou peu s’en faut) manuscrit achevé, et qui cherchent, étape évidemment logique, à le placer. La question fréquente qui vient ensuite est : “vers quelle maison d’édition devrais-je me tourner ? Peux-tu recommander quelqu’un ?”

Et je suis toujours fort dépourvu comme quand la bise fut venue, ou plutôt ma réponse est toujours la même : en fait, je ne peux pas. Et je crois que personne ne peut recommander une maison d’édition comme ça, en tout cas pas sans avoir lu le manuscrit en détail (et je suis forcé de dire tout de suite que je ne peux pas le faire), ainsi que conversé avec la personne de son projet artistique et de son éventuelle stratégie quant à ce qu’elle désire accomplir. Et à ce stade, en laissant de côté l’aspect thérapeutique de la verbalisation, la personne retirerait beaucoup plus de ce temps et de cette énergie à faire le travail de recherche elle-même.

Le choix d’une maison d’édition est quelque chose d’éminemment personnel, qui concerne bien sûr une entente autour d’un projet, mais aussi une compatibilité professionnelle et de caractères. Et ça, personne à part l’auteur ou autrice ne sait mieux qu’iel ce qu’iel cherche, désire, et personne d’autre ne connaît mieux son projet pour chercher où le placer. (Et puis aussi, apprendre à connaître un paysage éditorial me semble une curiosité professionnelle satisfaisante, mais également fondamentale et salutaire.)

Bien évidemment, en revanche, il est tout à fait possible de converser de maisons spécifiques, d’approches de travail, de retours d’expérience pour voir si les compatibilités esthétiques et professionnelles pourraient s’annoncer favorables. Mais, sans placer d’abord la relation éditoriale sur le plan affectif – car c’est pour commencer une relation d’affaires –, demander qu’on vous recommande une maison d’édition me semble fonctionner aussi bien, en un sens, que de demander : “tu aurais des amis à me conseiller ?” Ben… c’est pas la manière la plus pertinente de procéder, quoi.

Je pose un dernier truc là, qui en vous dira peut-être beaucoup plus sur moi que sur l’édition en soi, mais bon : il y a plus de vingt ans, quand j’épluchais l’Internet balbutiant pour comprendre le fonctionnement du monde éditorial, je suis tombé sur le conseil suivant : “ne vous saoulez jamais avec un éditeur”. J’ai trouvé cela évidemment tout à fait pertinent – risquer de se ridiculiser ou de vomir ses margaritas sur les chaussures de quelqu’un qui pourrait vous faire signer un contrat est évidemment une très mauvaise idée. Mais aujourd’hui, j’en suis venu à penser différemment : il faut travailler avec les éditeurs avec qui on peut se saouler. (Et y aller mollo sur les margaritas.)

Ce n’est évidemment pas une relation qui se construit du jour au lendemain, de la même façon que le trajet de chaque créateur et créatrice se forge résolument autant qu’il le ou la forge.

2021-12-13T17:37:10+01:00lundi 13 décembre 2021|Best Of, Technique d'écriture|6 Commentaires

Les actes du colloque universitaire des Imaginales 2020 sont disponibles

Game of Thrones, un modèle pour la fantasy ? est un épais volume rassemblant les interventions des chercheurs et chercheuses en littérature réalisées au cours du colloque universitaire organisé par les Imaginales en 2020 :

Au printemps 2019, la diffusion de la dernière saison de la série télévisée Game of Thrones a l’effet d’un tsunami dans le paysage culturel mondial. On peut désormais, et sans doute pour longtemps encore, observer les traces laissées par son passage. L’objectif de ce livre est d’établir un premier bilan collectif sur ce que le succès de la série mais aussi des romans de George Martin ont pu apporter à la manière dont la fantasy est perçue. Dans quelle mesure le phénomène GoT a-t-il transformé la fantasy ?

Entre articles et interventions d’auteurs, ce livre vous replonge dans l’univers de cette série mythique et dans la fantasy telle qu’elle est désormais.

Contributions de Maureen Attali, Tasnime Ayed, Florian Besson, William Blanc, Yann Boudier, Marie-Lucie Bougon, Justine Breton, Florian Favard, Vivien Feasson, Marie Kergoat, Romain Mathieu, Laura Muller-Thoma, Aurélie Paci, Thierry Soulard et Anne Besson.

Le livre sera bien entendu disponible aux Imaginales dans quelques jours ; j’avais eu l’honneur d’apporter une minuscule pierre à l’édifice (une pierrette, disons) (sans pot au lait) en participant à la table ronde auteurs et autrices au sujet de l’influence de l’œuvre de Martin dans le genre (intervention disponible sur YouTube).

Le livre sort aux éditions ActuSF, et notez que pour encore 24 heures, toute commande sera dédicacée par les intervenantes et intervenants !

➡️ Plus d’informations et commander

2021-10-22T18:23:18+02:00mardi 12 octobre 2021|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Les actes du colloque universitaire des Imaginales 2020 sont disponibles

Procrastination podcast S04E04 : Les clichés

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “S04E04 – Les clichés“.

L’attribution de « cliché » à une œuvre est probablement l’une des critiques les plus sévères que l’on puisse faire à son encontre, et l’une des plus grandes consternations pour son auteur. Comment éviter de tomber dedans ? Lionel avance une différence avec le concept d’archétype ; Estelle la prolonge en ajoutant la notion de contexte historique et culturel. Mélanie explore ce qu’on peut en tirer, et comment elle se relie à l’originalité personnelle évoquée dans l’épisode précédent.

Reférences citées
– Laurent Genefort
– Harry Potter
– Carl Gustav Jung
– The Boys, de Garth Ennis et Darick Robertson
– Alexandre Aja, Piranha 3-D
– La Cabane dans les bois (Cabin in the Woods), de Drew Goddard
– Friends, de Marta Kauffman et David Crane
– Alien, de Ridley Scott
– Street Trash, de J. Michael Muro
– Mulberry Street, de Jim Mickle (le film avec les rats mutants !)

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:23+02:00lundi 2 décembre 2019|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S04E04 : Les clichés

Procrastination podcast S04e03 – Faire original

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Faire original“.

Une question fréquente (voire une angoisse) des auteurs, jeunes et parfois moins jeunes : si tout a (paraît-il) déjà été dit, fait, écrit, comment faire pour être original dans sa création ? Mélanie confirme que la question de l’originalité des idées était très importante pour elle au début, mais s’est vite rendue compte que ce n’était pas ce qui restait des textes ; et surtout, que beaucoup de thèmes, idées et images étaient traités depuis la nuit des temps. Estelle renchérit en abordant le piège fréquent de ne pas vouloir se constituer une culture, surtout dans les genres, pour « ne pas subir d’influence » ; alors qu’en vérité, on s’inscrit plutôt dans une lignée de créateurs. Lionel renchérit sur l’intérêt de connaître les tropes, à la fois dans son genre mais aussi à l’extérieur, pour voir quelle exploitation personnelle, authentique, en faire, car l’originalité connaît bien des facettes en réalité, y compris dans le traitement.

Reférences citées
– Frankenstein, Mary Shelley
– Orson Scott Card
– Alien, film de Ridley Scott
– H. R. Giger
– Alejandro Jodorowsky 
– Philip K. Dick
– Troma Entertainment
– Fabrice Colin
– Vladimir Nabokov
– Catherine Dufour
– Marguerite Yourcenar
– Francis Berthelot
– Le Seigneur des Anneaux, J. R. R. Tolkien
– Harry Potter, J. K. Rowling
– Game of Thrones, G. R. R. Martin
– John Cleese on Creativity In Management, https://www.youtube.com/watch?v=Pb5oIIPO62g

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2020-10-19T11:35:24+02:00vendredi 15 novembre 2019|Procrastination podcast|2 Commentaires

Parlons de femmes guerrières dans la fantasy (et dans « Les Dieux sauvages »)

Couv. Alain Brion

(Rappel : je suis hors ligne cette semaine en train de batifoler avec les dingos et les wallabys.) 

Un des grands honneurs de ce métier et que des gens semblent se soucier des raisons pour lesquelles vous faites et écrivez des trucs, et vont jusqu’à vous demander votre avis là-dessus. Là, vous priez pour en avoir un, d’avis, et qu’il ne soit pas trop bête, parce que c’est dans ces moments-là que vous levez la tête du guidon et que vous vous dites : fichtre, je participe à ma modeste échelle à une culture, et cette culture m’accueille avec amitié. Alors déjà : merci. C’est une sensation assez vertigineuse et, ben, on espère y contribuer, au final, des choses positives, malgré toute sa terrible imperfection humaine.

Angélique Salaun est actuellement en deuxième année de thèse. Elle dit :

Je travaille sur la figure de la femme guerrière/femme en guerre dans la fantasy épique francophone et anglophone. Afin de nourrir mon étude je souhaite recueillir les témoignages des auteurs et autrices composant mon corpus d’étude.

Avec sa permission, je retranscris ici ses questions et mes réponses sur le thème de la femme guerrière en fantasy, notamment dans le contexte de la série « Les Dieux sauvages ». Je l’en remercie grandement, tout comme je la remercie d’avoir voulu se pencher sur mon travail (et sur ce que je pouvais avoir à raconter dessus).

Dans au moins un de vos romans de fantasy vous avez choisi de mettre en scène comme personnage principal une femme guerrière. Pouvez-vous m’en dire davantage sur ce choix ?

En fait, en toute honnêteté… Difficilement. Je sais bien que c’est une figure assez rare ou inhabituelle dans la fiction, mais, pour ma part, ce choix ne s’est pas fait avec cette notion présente à l’esprit. Il s’est simplement présenté naturellement. La série « Les Dieux sauvages » s’inspire en filigrane de l’épopée de Jeanne d’Arc donc j’étais forcémentobligé d’avoir au moins une femme guerrière, mais au-delà de cela, la présence de Nehyr ou même de Chunsène, que l’on peut également considérer comme des femmes guerrières, n’est pas spécialement née de considérations sur leur genre. Ce sont des personnes avec des objectifs, des buts, un passé plus ou moins trouble ou difficile, des méthodes particulières pour parvenir à leurs fins, et il se trouve, simplement, que ce sont des femmes. Certes, cela va informer leur vision du monde et parfois leurs méthodes d’action dans la société patriarcale où elles évoluent, mais c’est une facette de leur humanité – qu’elles vivent, en plus, toutes différemment.

Votre personnage de femme guerrière est-elle inspirée d’autres figures de combattantes ?

L’épopée de Mériane dans « Les Dieux sauvages » reprend certains grands motifs de celle de Jeanne d’Arc, et surtout des mythes auxquels elle a donné naissance, en effet. Pour Nehyr et Chunsène, il n’en est rien (en tout cas, rien de conscient).

Dans le cas d’une réécriture de l’histoire d’une guerrière préexistante, pouvez-vous expliquer le choix de cette figure plutôt qu’une autre ?

Jeanne d’Arc représente un paradoxe qui m’a toujours semblé ironiquement savoureux. Nous avons là une jeune femme qui se présente comme envoyée de Dieu, sauveuse de son monde ; ce à quoi elle parvient. En conséquence de quoi, elle finit brûlée sur le bûcher par l’Église représentant ce même Dieu. (Oui, elle est rapidement réhabilitée, mais post-mortem.) Il me semblait là y avoir un terreau extrêmement riche à explorer sur la place des femmes dans les sociétés médiévales, sur le trajet d’une figure qui devient une légende plus ou moins malgré elle, ainsi que sur le traitement réservé aux femmes par les religions dogmatiques.

On dit souvent que la fantasy est affaire de garçons. Qu’en pensez-vous ?

Les expressions à l’emporte-pièce disant que x ou y est affaire de garçons / filles tombent directement dans mon filtre anti-spam mental. Les généralisations de ce genre n’expriment pour moi qu’une chose : l’insécurité de celui / celle qui les prononce, et qui cherche désespérément à catégoriser un monde dont l’infinie et splendide subtilité lui échappe.

Le lectorat est aujourd’hui majoritairement féminin, et la fantasy ne s’est jamais aussi bien portée. Il suffit de se rendre dans n’importe quel festival ou événement relatif à l’imaginaire pour constater que les femmes aiment et s’investissent dans la fantasy comme les hommes.

Il me faut cependant être juste et mentionner que le genre n’a pas toujours convenablement traité les femmes – on pourra se souvenir de couvertures dénudées qui n’avaient rien à voir avec le contenu des livres, ou de certaines « œuvres » qui ne voyaient les femmes que comme des faire-valoir ou des récompenses dans la chambre pour de preux tueurs de dragon. La fantasy n’est néanmoins pas la seule coupable, tous les genres ont été plus ou moins touchés par ces stéréotypes – et les mœurs progressent avec les années, bien heureusement.

Comment envisagez-vous la création d’une femme guerrière comme personnage principal ?

Une femme guerrière est un être humain qui se trouve être une femme et un guerrier. Je n’envisage absolument pas ce genre de personnage différemment des hommes ou de tout autre archétype. Ce personnage a des caractéristiques et des origines qui vont influencer ses modes d’action et son rapport aux autres notamment à travers la société qui l’a formé, mais le fait d’être une femme n’est pas obligatoirement plus déterminant que d’être guerrier, ou religieux, ou grand, ou timide, ou séduisant, ou révolté, etc. Tout le monde vit ses convictions, ses origines, son apparence, son genre, son passé, ses aspirations différemment et, en outre, avec plus ou moins d’intensité. Tout cela forme un tout unique qui compose l’alchimie d’un être humain donné avec ce qu’il ou elle est, ses relations, sa sensibilité, ses aspirations, ses révoltes, ce qui tracera son voyage, son histoire, ses rêves, ses réussites et ses tragédies.

Pour vous quelle est la représentation la plus juste d’une guerrière en fantasy ?

Les seuls personnages qui m’intéressent sont les êtres humains et, pour moi, la représentation juste d’un être humain est simplement celle qui s’efforcera de le montrer dans toute l’envergure de ce qu’il ou elle est. Encore une fois, que ce soit une femme guerrière n’est qu’un épiphénomène. On parle d’un être humain dans toute sa complexité et le traitement du personnage doit simplement bénéficier du même soin que tous les autres (modulo leur importance narrative).

En créant votre femme guerrière vous êtes-vous posé la question de la vraisemblance ?

Par rapport à quoi ? Écrivant de la fantasy, je conçois en grande partie mon monde, mon univers, pour servir de décor aux histoires que je désire raconter. C’est cela qui dicte la vraisemblance : la cohérence narrative interne. La seule loi de vraisemblance en fiction consiste à maintenir son lecteur dans le flux du récit. Dans « Les Dieux sauvages », j’ai des femmes guerrières dans une société patriarcale, et cette société considère qu’une femme guerrière, ce n’est pas très vraisemblable. C’est un jeu avec le lecteur, un questionnement sur nos a priori. Pendant ce temps, mes personnages de femmes guerrières s’en tapent royalement que la société ne soit pas d’accord avec elles. Elles sont là. Ce monde va devoir faire avec.

Si oui sur quels types de documents avez-vous pu vous appuyer pour vos recherches ?

Je ne me documente pas tant sur le fond historique que sur les légendes et les mythes qu’il engendre – c’est le terreau qui m’intéresse principalement. Me documentant sur Jeanne d’Arc (articles en ligne, quelques livres), je n’ai pas tant cherché le détail historique et sa vraisemblance dans l’épopée que j’allais raconter, mais ce qui a enflammé l’histoire et les imaginations, à commencer par la mienne. J’écris de la fantasy et je considère qu’à ce titre, mon substrat n’est pas l’histoire, mais l’imagination enflammée par l’histoire. Bien sûr, quand je décris un siège dans un contexte médiéval, par exemple, je dois m’assurer que les techniques présentées soient cohérentes et logiques ; mais le déroulé des événements plus vaste sera dicté par le monde que j’ai mis en place et par les trajectoires que mes personnages désirent, plutôt que par mes recherches. Tant que mon histoire conserve une cohérence interne, et que je m’efforce à mon tour de m’adresser aux imaginations des lecteurs et lectrices, ma mission est accomplie. Le reste ne m’appartient pas.

Avez-vous noté des réactions de vos lecteurs par rapport à vos personnages de femmes guerrières ? Si oui, lesquelles ?

Elles ont été bien reçues, ce qui me fait très plaisir et m’honore énormément, car je suis un homme dépeignant certains personnages d’un point de vue que je ne peux connaître intimement, et si je m’efforce de le faire avec toute l’empathie dont je suis capable, les intentions ne garantissent pas la réussite !

Propos recueillis par Angélique Salaun. 

2018-08-30T09:31:58+02:00mercredi 5 septembre 2018|Entretiens|1 Commentaire

Comment étudie-t-on les orques sur le terrain ? (À mi-chemin auprès d’Orca Guardians)

Heeeyyy bien, un peu comme d’habitude, je pensais pouvoir bloguer un peu ici en Islande sur mon volontariat auprès d’Orca Guardians, mais à chaque fois l’action s’emballe et les jours passent. La vie en volontariat est un espace étrange, où une fois le rythme acquis, les jours s’organisent selon des rythmes étrangement semblables, mais avec d’infinies variations dues aux surprises de la nature. (Si vous lisez ceci pas en avril 2018… continuez à lire : c’est un article de fond ! Sans mauvais jeu de mot.)

Ton humble serviteur dans une tenue différente de d’habitude, auguste lectorat. Photo Megan Hockin-Bennett.

Alors, comment étudie-t-on les orques ? Orca Guardians met résolument sur la recherche non-invasive (pas de biopsies ni de balises, par exemple), ce qui est rendu possible par le soutien de Láki Tours, qui permet aux chercheurs de sortir en mer chaque fois que le temps le permet. Des observations quotidiennes, parfois pour la journée entière en fonction de la saison, représentent une véritable manne de données et une chance particulièrement rare – une sortie en mer est coûteuse en personnel et carburant.

Et les chercheurs, en l’occurrence, c’est en ce moment ma chef et son humble assistant (moi), qui restons sur le pont supérieur de l’Iris par tous les temps (et on a beau être en avril, quand le vent souffle en Islande, il faut a) être vêtu chaudement et b) avoir le cœur bien accroché) à la recherche de souffles, de dorsales, de tout indice de la présence d’animaux, pour que les passagers de Láki Tours puissent les admirer tout à leur guise et avec plaisir – et, de notre côté, récolter les données. Soit : prendre des photos. Plein, plein de photos. En notant évidemment la position GPS, la date, la météo, le comportement, d’éventuelles associations avec d’autres animaux : oiseaux, baleines…

Car l’observation se fait principalement par la technique connue et éprouvée de la photo-identification. Bien des espèces de cétacés présentent des zones susceptibles de recevoir des marques et des entailles en milieu naturel qui ne se résorbent pas ; elles forment une sorte d’empreinte digitale unique pour chaque animal. Avec des observations régulières et de bonnes photos, on peut déduire une incroyable quantité d’informations : quel animal a été vu quand et où ; son succès de reproduction dans le cas d’une femelle accompagnée d’un petit ; ses associations sociales…

Chez les orques – sujet d’Orca Guardians, évidemment – on s’intéresse tout spécialement aux entailles sur la dorsale et à la forme de la selle (la zone plus claire en retrait de la dorsale). Plus tout autre signe distinctif, mais bien sûr, mais il s’agit du cas général. Par exemple :

© Lionel Davoust

Tout de suite, en sortant cette photo un peu au pif des dossiers que j’ai accumulés depuis mon séjour ici, trois caractéristiques me sautent aux yeux :

  • La présence de deux entailles visibles sur le fil de la dorsale (en rouge)
  • Un motif pigmentaire ou cicatriciel sur la selle (en vert) qui permettra d’isoler cet individu parmi les plusieurs dizaines (ou centaines) de photos prises dans le feu de l’action
  • La selle présente une forme intéressante, presque sans aucune extension vers l’avant (en jaune). (Il faudrait s’en assurer sur d’autres clichés, toutefois.)

On pourrait repérer encore bien d’autres points, mais c’est juste pour donner une idée générale.

De retour à terre, on épluche toutes les photos qu’on a prises, et qu’on espère aussi bonnes que possibles :

  • On trie les bonnes, on garde la meilleure dans une série de rafales, on jette tout ce qui est flou, inutile, ou qui a été pris selon un mauvais angle ne permettant pas de distinguer les traits qu’on veut mettre en valeur ;
  • On les sépare en côtés gauche et droit. On traite les côtés séparément ; on recoupe les photos pour déterminer lesquelles désignent le même animal pour un côté donné au sein d’une même rencontre – cela revient à un jeu des sept erreurs en mode hardcore ;
  • À partir des observations de terrain (on se rappelle qu’il y avait par exemple trois animaux) et des détails sur les photos, on associe les côtés gauche et droit pour déterminer ce qui relève d’un seul et même animal autant que possible ;
  • Enfin, on cherche dans le catalogue des animaux identifiés par Orca Guardians (plus de 300 à l’heure actuelle) qui l’on a bien pu voir… ou si l’on a affaire à un ou une inconnue !
Extrait du catalogue d’Orca Guardians.

C’est un travail de très, très longue haleine. Plus que n’importe quel autre domaine, les données naturalistes nécessitent une ténacité et une persévérance à toute épreuve pour commencer à dégager des tendances sur une population. Le travail conjoint d’Orca Guardians et Láki Tours est vraiment admirable (et je ne dis pas ça parce que je travaille pour eux en ce moment – je dis ça parce que je le savais et voulais donc travailler pour eux).

2019-06-04T20:23:42+02:00jeudi 26 avril 2018|Best Of, Carnets de voyage|9 Commentaires

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