Procrastination podcast s08e15 – Le travail éditorial des manuscrits chez les éditions Critic, avec Éric Marcelin

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s08e15 – Le travail éditorial des manuscrits chez les éditions Critic, avec Éric Marcelin“.

Suite de cette conversation au long cours qui accompagnera toute la saison 8 de Procrastination avec Éric Marcelin, directeur de Critic, à la fois librairie indépendante implantée à Rennes depuis plus de vingt ans et maison d’édition d’imaginaire qui compte dans le paysage français, avec au catalogue Christian Léourier, Laurent Genefort, Lou Jan, Romain Benassaya, Marine Sivan et bien d’autres. Avec cette double casquette et l’expérience des années, Éric a un regard précieux et riche d’enseignements. Suite des échanges sur le versant éditorial dans ce troisième épisode : Éric explique en détail comment se déroule le retravail des manuscrits chez Critic, le but visé, le processus, et propose quelques conseils pour réussir au mieux la soumission de son projet. Il aborde ensuite l’évolution du marché de l’imaginaire en France et ses vœux pour l’avenir.
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2024-04-14T15:49:26+02:00lundi 15 avril 2024|Procrastination podcast|0 commentaire

Vous ne verrez jamais les scènes coupées

Excellente question qui revient de loin en loin, et récemment à l’annonce que j’ai tronçonné sauvagement l’équivalent en longueur de La Volonté du Dragon dans le manuscrit de La Succession des Âges : est-ce qu’on verra un jour les scènes coupées en mode bonus ?

Eh bien : mes excuses, mais non.

Deux raisons à cela : déjà, je ne coupe en réalité quasiment jamais de scènes à proprement parler, je remanie, je réécris, je condense, je réorganise, ce qui conduit parfois à dégraisser la moitié du matériel, mais les réelles coupes franches sont devenues très rares. Je n’ai pas de scènes supprimées, donc, à montrer… Il m’arrive en revanche de les réécrire de zéro quand je suis totalement passé à côté de leur angle (c’est justement le cas en ce moment où la v1 de la scène sur laquelle je travaille semblait tout droit sortie de Kaamelott – après un long moment très lourd dans l’histoire, je crois que j’avais besoin de légèreté, mais c’est totalement hors propos dans « Les Dieux sauvages »…), mais la fonction dans l’histoire reste. Je dois juste entièrement réécrire avec une mise en scène, un discours, une couleur différentes.

Ensuite, si ça a dégagé, c’est qu’il y a une raison. C’est que ça n’avait pas d’intérêt pour l’histoire, et, au final, c’est cela que je vise. On attribue à Bismarck que, pour continuer à respecter la loi et les saucisses, il ne faut pas voir comment on les fabrique ; je crois qu’on peut dire la même chose des romans… Si c’était pertinent, ça serait resté dans le bouquin. Comme ça ne l’est pas, je ne crois pas que ça le soit davantage en-dehors, et je trouve l’exercice, pour tout dire, un peu vain.

La seule exception que je ferais à cette règle serait pédagogique. Il pourrait y avoir de la valeur à montrer d’où l’on part et où l’on arrive, en étudiant presque phrase par phrase le raisonnement et les choix conduisant au résultat.

Mais en-dehors de ça, donc, je crains de devoir garder pour moi la scène à la Kaamelott des fromages bénis de Korig le fermier.

2024-04-07T20:09:03+02:00lundi 8 avril 2024|Journal, Technique d'écriture|0 commentaire

Un million de signes pour La Succession des Âges

Parce que bon, au stade où on en est, fêter 300 000 ou 600 000, ça devient trivial. (À un moment, tuez-moi)

Les esprits affûtés que vous êtes auront peut-être remarqué que un million, c’est la moitié de deux (jusqu’ici on est d’accord), et que la barre de progrès du livre n’affiche pas 50%. Comment que quoi ? J’ai un algorithme personnel d’une opacité digne de PageRank qui mélange le volume du manuscrit à là où j’en suis dans l’histoire, et qui s’appelle : le Doigt Mouillé (patent pending). En vrai, dans mon calcul de progression, je surestime encore la taille du livre avec une vague louche. Je voudrais reprendre pas mal de choses à terme sur ce premier million, mais c’est le second qui va m’aiguiller pour ce faire. Niveau progression absolue, j’approche des 50%. Par rapport à l’histoire, c’est legit.

C’est parti pour le suite.

2021-07-22T17:24:48+02:00jeudi 29 juillet 2021|Journal|10 Commentaires

Procrastination podcast s05e06 – Le retravail des manuscrits, avec Mireille Rivalland

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “s05e06 – Le retravail des manuscrits, avec Mireille Rivalland“.

(Épisode enregistré à distance pour raisons logistiques.)
Mireille Rivalland, directrice des éditions l’Atalante, grande et belle maison installée depuis plus de 40 ans à Nantes en parallèle avec la librairie du même nom, revient dans Procrastination – encore merci à elle pour sa disponibilité ! L’Atalante publie polar, BD, théâtre, essais et bien sûr de l’imaginaire avec de grands noms comme Terry Pratchett, Orson Scott Card, Poul Anderson, Dmitry Glukhovsky, Pierre Bordage, Fabrice Colin ou encore Jean-Claude Dunyach.
À présent, loin des idées reçues ou des légendes parfois urbaines sur cette étape de la publication, Mireille explique de façon pratique comment se déroule le retravail éditorial sur les manuscrits. Comment cela fonctionne-t-il vraiment ? Y a-t-il des situations d’incompréhension, ou même de formatage ? Où les discussions s’arrêtent-elles ? Que représente une relation de travail harmonieuse entre auteur et éditeur ? Et que devrait savoir un jeune auteur ou autrice du métier d’éditeur pour faciliter les choses ?

Procrastination remercie profondément Mireille Rivalland et les éditions l’Atalante ! Pour retrouver les éditions et la librairie en ligne :
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Références citées
– Ursula K. Le Guin, Le Langage de la nuit

Procrastination est animé par Mélanie Fazi ( https://www.melaniefazi.net ), Estelle Faye ( http://www.estellefaye.fr/ ) et Lionel Davoust ( https://lioneldavoust.com ). Diffusion : Elbakin.net.

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2020-12-14T17:55:07+01:00mardi 1 décembre 2020|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s05e06 – Le retravail des manuscrits, avec Mireille Rivalland

La photo de la semaine : Vue plongeante sur Séoul

En fait un retravail d’une vieille version / vieille photo, reprise et retraitée avec ce que j’ai appris depuis les années. Le cadrage reste forcément impossible à rattraper, mais il était quand même possible de rendre bien mieux l’effet.

Seoul from Above

2019-02-21T06:59:05+01:00vendredi 22 février 2019|Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : Vue plongeante sur Séoul

Gardez le style et l’orthographe pour la toute fin des corrections (quand passer Antidote ?)

Donc, lundi, on a parlé d’Antidote, et c’était chouette. Une des raisons pour lesquelles il était temps que j’en parle, c’est aussi en rapport à une question auxiliaire que j’ai vu passer très souvent ces derniers temps. Il semble qu’à l’heure où j’écris ces mots, l’intégration entre Scrivener et Antidote soit un peu cassée, et donc, comment faire ? Cela cache une question plus profonde : quand corriger style et orthographe, en fait ? 

Mon avis, si vous m’en croyez (mais rappel : vous faites bien ce que vous voulez, bordel), c’est que la la correction de détail devrait représenter l’ultime étape de correction d’un manuscrit. Il y a beaucoup, beaucoup (trop) à faire avant, et notamment, finir le premier jet, s’assurer que l’histoire ait le bon rythme, qu’aucun fil narratif ne reste en plan, qu’il ne manque pas une scène (ou qu’il n’y en ait pas trop), etc. Tout cela, dans le métier, on appelle ça la passe narrative (ou la passe de fond, de scénario, d’histoire, etc.) (ou les, parfois – souvent ?). Corriger le style, nettoyer les répétitions, les fautes, c’est la (ou les) passe stylistique et donc, cela devrait s’effectuer sur une narration déjà validée (a minima par l’auteur elle-même).

Car à quoi bon retravailler un peaufiner un style qu’il faudra peut-être démonter, réécrire parce que Bob le poissonnier doit devenir charpentier, parce que le moment de la journée, les lieux doivent changer, parce qu’en fait non, c’était un cycliste ? Et si la scène disparaît tout simplement sans laisser de traces ? Ou que des longueurs exigent d’en couper un quart ? Pourquoi tout ce boulot ?

Oh, bien sûr, rien n’interdit de peaufiner le style en cours de route (et puis pourquoi pas, si cela vous aide à mieux sentir l’histoire), rien n’interdit rien, on est d’accord, mais si cela me semble une certaine perte de temps, il rôde surtout là un danger : on peut s’attacher davantage à un passage que l’on a corrigé en raison du temps qu’on y a passé, ce qui peut empêcher de voir l’évidence – à savoir, c’est pas bon, point, et ça doit gicler. (“Kill all your darlings”, comme disait Fitzgerald.) Cela revient à vouloir peindre une maison dont on n’a même pas encore terminé les plans… Et c’est un structurel / architecte qui vous dit ça.

Scrivener, malgré tout l’amour passionnel que je lui voue et les nuits que je passe avec lui (le pire c’est que c’est parfois authentique), est avant tout un outil de conception et de rédaction. Son boulot consiste à vous aider à écrire, à dominer vos idées, à mettre de l’ordre dans le chaos. Échanger avec autrui ? Peaufiner le style et la mise en page ? Absolument pas sa tâche. Antidote, lui, est un outil de correction et de polissage stylistique, OK : traque des répétitions, des verbes faibles, des répétitions, des erreurs orthographiques, des répétitions. Il s’agit donc de peaufiner un texte déjà cohérent, construit, fonctionnel narrativement, avec des personnages et une histoire qui tiennent debout.

Donc, à mon sens, la passe Antidote (ou de correction de détail au sens large) se réserve pour la toute fin, une fois la compilation du manuscrit effectuée, sur un fichier au kilomètre rassemblant l’ensemble de son travail. Et de là, on peut l’effectuer dans son traitement de texte classique favori, Word, LibreOffice, Pages, dont l’intégration avec Antidote est éprouvée et solide. À titre personnel, je ne savais même pas que l’intégration entre Scrivener et Antidote ne fonctionnait plus aussi bien, parce que je ne m’en sers jamais, par choix.

2019-06-01T14:37:43+02:00mercredi 22 août 2018|Best Of, Technique d'écriture|1 Commentaire

Procrastination podcast S02E12 : “Conseils de survie pour les corrections”

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “Conseils de survie pour les corrections“.

La correction d’un manuscrit est l’une des étapes les plus angoissantes pour les jeunes auteurs : comment acquérir le recul désiré sur son propre travail ? Voici quelques pistes fondamentales pour commencer sur ce sujet, sur lequel il sera assurément nécessaire de revenir. Laurent met en avant la différence entre l’inspiration et la technique de la correction, qui relève bien plus d’un « métier » que l’on peut maîtriser. Mélanie abonde, en mettant l’accent sur l’importance des coupes dans le premier jet. Et Lionel abonde aussi, avec un bref détour par la psychologie de la création et l’aspect anxiogène du processus. Les trois auteurs décrivent également en détail leur propre méthode de correction.

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2019-05-04T18:47:09+02:00jeudi 1 mars 2018|Procrastination podcast, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S02E12 : “Conseils de survie pour les corrections”

Atmosphère musicale pour Port d’Âmes

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Mon retravail sur Port d’Âmes va bon train. Dans l’ensemble, c’est une étrange expérience, plaisante mais pas toujours facile, de replonger dans cette histoire en compagnie de ces personnages, de mesurer le chemin parcouru depuis les premières versions, à la fois en profondeur et en maîtrise narrative, et puis de réduire tout cela jusqu’à l’essence, de se débarrasser des fioritures pour ne laisser que la chair, l’émotion et la tension. Trente-six chapitres dans l’ancienne version ; la finale en comportera à vue de nez une demi-douzaine de moins, alors que tous les personnages gagneront en densité et en complexité.

La couverture a commencé à circuler auprès des libraires, mais je ne peux la dévoiler encore ici. Elle est toutefois superbe, et reflète magnifiquement bien l’ambiance du livre.

Et en parlant d’ambiance du livre, s’il est un morceau qui la reflète et qui a nourri son écriture, c’est celui-là, et c’est ce que je souhaite partager aujourd’hui : Selling Out, tiré de World of Glass par Tristania, probablement le plus bel et le plus abouti des albums de métal gothique (à l’époque où le genre avait le vent en poupe). Quelques vers du texte figurent d’ailleurs en bonne place en exergue du livre. Une chanson qui s’écoute en boucle, en tout cas pour moi, tandis que je me plonge dans les ruelles tortueuses d’Aniagrad, la Cité franche au bout du monde où l’on raconte que tout se monnaye, même l’usage des miroirs.

 

2015-04-01T18:53:56+02:00mardi 7 avril 2015|Journal|Commentaires fermés sur Atmosphère musicale pour Port d’Âmes

Question : vivre les corrections

PhonecatJe crains d’avoir laissé échapper une autre question, mise de côté… Mais vu que La Route de la Conquête sort le 21 août, et que le livre a été bouclé il y a quelques semaines, la question est dans l’air du temps (en tout cas pour moi).

Comment vois-tu les réécritures suggérées/proposées/imposées(?) par l’éditeur? comme un bras de fer? une aide salvatrice et purificatrice de ton oeuvre encore brute?

Oh la bonne question. La réponse dépend énormément de l’éditeur, à vrai dire, de sa façon de travailler et de notre “compatibilité” quant à notre vision du résultat final.

De manière générale, je ne considère jamais qu’un de mes textes est achevé quand il part chez l’éditeur. Je m’efforce d’atteindre au maximum l’idéal que je me suis fixé, de faire de mon mieux, de relire soigneusement avec du recul, et je recueille l’avis de quelques relecteurs très proches dont je connais l’honnêteté, l’enthousiasme et la motivation à expliquer de façon claire ce qu’ils aiment ou non. Cela ne veut pas dire que je vais forcément suivre leur avis (je ne suis jamais automatiquement les avis extérieurs) mais cela me donne un aperçu très précieux de la réception d’une histoire, ce qui fonctionne ou non, et de là, je réfléchis à la façon dont cela affaiblit, ou sert le projet d’origine, et de quoi faire ensuite. Il peut m’arriver de rééquilibrer une faiblesse d’un récit en intervenant sur un point totalement sans rapport, mais qui restaurera, en un sens, l’harmonie des saveurs.

L’éditeur est un-e professionnel-le, qui a l’habitude de ses lecteurs (en principe), du marché. Il/elle a également une grande maîtrise de la littérature, de la narration, et va cerner avec précision non seulement d’éventuelles faiblesses, mais pourra proposer des solutions intelligentes pour y remédier. Je considère que le but de toute relecture ou correction est le suivant : tailler la pierre de manière à la rendre la plus brillante possible. Selon mon aisance avec le sujet, mon expérience sur la forme, j’apporterai une pierre plus ou moins brute ; il m’est arrivé qu’on me demande un important retravail ou bien quasiment aucun, et cela sans grande corrélation avec l’expérience. On réussit plus ou moins bien son coup en fonction d’une quantité de facteurs : l’énergie, la préparation, la connexion avec le sujet, la difficulté de l’aborder, etc. (Et, franchement, instinctivement, on devine en général à quel point on a atteint sa cible ou pas – en revanche, on ne sait pas forcément comment corriger le tir, et c’est là que l’éditeur est capital.) La seule chose qu’on ne doit pas ménager, bien sûr, ce sont ses efforts.

J’espère donc que l’éditeur sera capable de comprendre mon projet à travers le récit et d’y rentrer afin de le servir au mieux – non pas pour qu’il se conforme avant toute chose à des impératifs extérieurs comme un marché, mais pour que le récit soit le plus abouti possible dans ce qu’il doit être. Ce qui n’empêche pas de réfléchir au marché et à l’accessibilité d’une oeuvre au lectorat… mais c’est le talent et le professionnalisme de l’éditeur comme de l’auteur d’y parvenir sans dénaturer le discours ou la nature profonde de l’oeuvre. (Et comme La Route de la Conquête est d’actualité, j’en profite pour remercier Critic pour la liberté qui m’est laissée dans la création d’Évanégyre et pour la passion que l’équipe témoigne à cet univers!)

Quand ce talent est présent, quand il y a une vraie rencontre avec un éditeur, une communauté d’esprit, disons, alors il se produit une véritable émulation, tout le monde est heureux, et je pense que cela se ressent derrière pour le public qui est content aussi (et donc, si le public est content, cela se traduit en termes de ventes – dans l’édition professionnelle, il s’agit quand même, rappelons-le, de gagner sa vie). Je crois que c’est la bonne approche : toujours penser à cet équilibre, qu’on soit auteur ou éditeur, entre le plaisir, la fidélité à un projet d’un côté, et le plaisir du public de l’autre. Ne penser qu’aux premiers ou au deuxième, en général, conduit à manquer la cible qu’on visait pourtant.

En revanche, si cette rencontre ne se fait pas, si cette communauté d’esprit est absente, alors oui, cela peut se transformer en bras de fer, et là, c’est très déplaisant pour tout le monde. Dans ce cas, la maturité de l’auteur – qui s’apprend parfois dans la douleur – consiste à savoir précisément ce sur quoi il n’est pas prêt à céder, et à l’exposer avec calme et détachement. C’est un apprentissage fondamental pour l’intégrité d’un créateur. On découvre qu’on peut en général satisfaire une majorité d’exigences de correction et de retravail, même importantes, d’une manière qui soit cohérente avec son discours et son projet ; le professionnalisme consiste à faire ce travail, même s’il est vaste, et l’expérience apprend comment. En revanche, il faut savoir placer la limite au-delà de laquelle on sent qu’on trahit son instinct, son désir, le projet d’un récit. Il vaut mieux qu’un livre ne se fasse pas plutôt que regretter l’état dans lequel il sort pour avoir accepté le remaniement de trop. On peut toujours se quitter bons amis pour “divergences créatrices ». Aller au clash n’est jamais une bonne idée.

Un bon éditeur – plus exactement, l’éditeur qui vous convient – pourra vous demander un retravail que vous ne sentez pas. Votre travail consiste à y réfléchir sérieusement, mais aussi, le cas échéant, à savoir répondre “non” en votre âme et conscience – ce non signifiant : je préfère arrêter là qu’aller là où vous voulez me faire aller. Le bon éditeur saura l’accepter ; le bon éditeur sait comprendre vos forces et vos faiblesses, se couler dans votre façon de travailler, vous accompagner dans vos difficultés et vous aider à magnifier vos talents pour servir votre projet – projet auquel il croit aussi, un minimum, ou bien il n’aurait pas dû l’acheter, de toute manière, s’il voulait en faire totalement autre chose. Pour caricaturer, on ne demande pas à un roman de hard science de devenir du romantisme réaliste.

En principe, il aime ce que vous faites et c’est pour cela qu’il vous fait bosser. C’est la base de la relation. C’est aussi pour cela qu’il s’agit surtout d’une rencontre humaine. Et j’ai beaucoup de chance, parce que je suis très content de mes rencontres dans ce métier.

(Sinon, le lolcat d’illustration vient de cette très synthétique et drôle série d’articles sur l’édition du point de vue de l’éditeur, en anglais et résumée avec des chats, à lire absolument : ici, ici et .)

D’autres questions sur le métier de l’écriture ? Balancez-moi un mail ! 

2014-11-06T09:45:58+01:00lundi 21 juillet 2014|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Question : vivre les corrections

Annonce de service : je ne peux pas beta-relire

lolcat_kill_plotzC’est une annonce un peu difficile à faire et que j’ai essayé de mentionner à demi-mot une ou deux fois ici, mais, dans l’intérêt d’éviter des déceptions, de passer pour un goujat qui ne remplit pas ses engagements, il me faut le dire clairement. Il m’arrive de recevoir de plus en plus souvent des textes d’auteurs débutants qui voudraient mon avis sur leur travail. Je suis très touché de cette marque de confiance – révéler son texte à un inconnu, ou quelqu’un qu’on ne connaît que virtuellement, montre un sacré courage. Je suis également honoré que vous considériez que je puisse avoir quelque chose à dire d’intéressant sur votre travail. 

Hélas, pour autant que j’aimerais pouvoir aider et potentiellement transmettre ce que j’ai pu apprendre jusqu’ici, la réalité des choses me montre que je ne peux pas le faire, et il me faut dorénavant être ferme (pour moi) et clair (pour tout le monde) : chers lecteurs et participants des ateliers d’écriture, je ne peux pas beta-relire (ou simplement lire) vos textes.

Cela mérite une explication… et d’ajouter que je peux aider et partager ma modeste expérience d’autres façons pour lesquelles je reste aussi disponible que je peux l’être.

Pourquoi ?

Je ne vais pas chouiner comme une pauvre petite fille riche, alors, de manière concise :

1. Relire, annoter, commenter prend un temps certain. Il ne suffit pas de lire et de dire “c’est sympa ». Le retour informé d’un beta-lecteur nécessite une attention différente de la simple lecture sur le canapé et une réflexion après coup qui nécessite une disponibilité certaine. La trouver n’est pas évident. Dans les faits, hors horaires de travail, je l’ai très peu ; et je reçois, par ailleurs, de plus en plus de requêtes de ce genre. Si j’en honore une, je devrais les honorer toutes, et c’est matériellement impossible.

2. C’est un vrai métier, c’est celui d’éditeur. Il m’arrive de diriger des ouvrages (revues, anthologies) et, pardonnez-moi cette franchise, mais on me paie pour cela. Quand je passe 2 à 10 h (parfois même plus) sur un texte en fonction du niveau de commentaires, c’est autant que je ne passe pas à gagner ma vie (qui en a besoin) ni avec moi-même (j’en ai besoin aussi) ni avec mes proches (qui en ont besoin également, quoique là, j’admets que ça reste plus mystérieux).

3. Corollaire des deux raisons précédentes : je suis en retard, et ça me rend coupable. Je vois ces textes, ces demandes gentilles, je suis accaparé par autre chose, je ne le fais pas, je procrastine encore plus parce que je me sens coupable (comment revenir vers la personne après deux mois de silence ?), en face je passe pour un type hautain qui n’en a rien à foutre, etc. Bref, on est tous malheureux. Donc : no more.

4. Vous ne voulez pas mon retour. Je vous assure. Un(e) jeune auteur est plein(e) d’allant, d’idéaux et – bien souvent – de manque de confiance en lui/elle. L’expérience prouve que demander un avis dans ces conditions, c’est surtout espérer que je réponde combien c’est super. Sauf que l’écriture est mon métier. Du coup : d’une, le texte est un matériau avant d’être de l’affect ; de deux, j’ai un regard très, TRÈS sévère, parce que j’ai tendance à conserver la même exigence qu’avec un(e) pro. Je ne lis pas un texte en me disant “allez, c’est pas mal », je le lis en me disant: “est-ce que ça tient éditorialement la route?” Malheureusement, quelques jeunes auteurs sont ressortis un peu traumatisés par ce genre de session. Or, si, dans le cadre d’un atelier d’écriture, c’est le jeu et les paticipants sont même là pour ça, dans le cadre d’un avis informel à travers le Net, ça s’est un peu trop souvent terminé en malentendu. Et, parmi mes missions sur Terre, il y a “mettre le pied à l’étrier des gens », pas “leur casser le moral ». (Ni “m’en prendre plein la gueule en ayant voulu rendre service », ce qui est arrivé aussi, et là ça me rend méchant.)

Comment je peux me rendre utile

Il faut savoir ce que l’on fait bien… et c’est ce sur quoi je vais me concentrer dorénavant dans ce domaine. On dit dans ce métier “you can never pay back, only pay forward » – on ne peut pas rendre à ceux qui nous ont donné notre chance, mais hisser ceux qui viennent après nous. C’est important pour moi. Je m’efforce donc de redistribuer ce que j’ai pu apprendre à travers plusieurs initiatives dans lesquelles j’investis beaucoup d’énergie :

 

En particulier, en ce qui concerne le blog, je suis toujours ouvert à vos questions portant sur l’écriture. Je prends parfois du retard dans leur traitement, j’en suis navré, mais je m’efforce de corriger le tir afin de publier des articles développés qui alimenteront la discussion de tous. Si vous avez donc une ou plusieurs questions sur l’écriture, le métier, la technique narrative, etc. balancez-moi un courriel. Si je sens que j’ai quelque chose d’intelligent à proposer sur la question, je rédigerai un article qui deviendra disponible pour tous. Et il deviendra possible d’en discuter, d’apporter la contrepartie, et ainsi de suite.

2017-03-13T19:03:13+01:00vendredi 16 août 2013|Technique d'écriture|26 Commentaires

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