Payer les auteurs invités : jusqu’où aller ensemble ? [table ronde aux Imaginales 2018] + un commentaire

Ce débat aux Imaginales 2018 a été capté par le site de référence ActuSF et faisait participer Samantha Bailly, Sara Doke, Stéphanie Nicot, Stéphane Wieser et moi-même. Il peut être écouté librement en ligne ou bien téléchargé sur cette page.

En prime, un extrait vidéo :

Et, comme le sujet soulève beaucoup les passions et que j’ai vu des comptes rendus et des réactions plus ou moins houleuses, je vais juste prendre un instant pour repréciser ma position (si vous avez déjà vu une partie de cette tartine passer sur Facebook, c’est normal), qui n’est pas grand-chose de plus que ce que j’ai dit dans ce débat, mais écrivons-le une bonne fois, au jour d’aujourd’hui (berk, cette expression) en 2018 :

Je suis juste un mec qui fait des choses comme il pense à un moment donné, au cas par cas, en essayant autant que possible de péter la baraque de personne et en se donnant le droit d’évoluer.

J’ai pu lire que j’étais pour la gratuité de toute intervention : c’est absurde, puisque je dis le contraire. Je fais en revanche des nuances en fonction des événements ET des types d’intervention (une conférence et une table ronde, ce n’est pas le même boulot, et ce n’est aussi pas le même boulot en fonction du thème : quand on m’appelle à parler de biologie marine sur un panel, par exemple, ou de mes livres). Je négocie au coup par coup en homme d’affaires. J’ai dit très clairement que je faisais une différence entre, d’une part les festivals à entrée gratuite (dont la mission culturelle est indiscutable et cela bénéficie à tout le secteur, donc à moi – et ça c’est mon avis de mec qui vient de l’halieutique et du développement durable) et/ou très locaux (même raison), et d’autre part à entrée payante (où il y a tout un continuum, mais si on parle de Livre Paris, c’est là clairement une machine commerciale à l’extrémité du spectre). J’ai aussi dit à répétition que mon avis n’était que le mien, que j’étais le candide dans cette discussion (et je crois que c’était la raison de ma présence, n’étant membre de quasiment aucune organisation et gérant ma barque tout seul : je suis “extérieur”), en expliquant que je prenais des décisions de business qui n’engageaient que moi, rendant hommage aux représentantes syndicales, et j’ai explicitement invité les jeunes auteurs à prendre conscience de leurs droits et à les défendre (ce que toutes les restitutions que j’ai vu passer ont remarqué, et tant mieux). J’ai insisté sur le fait que l’auteur devait à mon sens aujourd’hui se comporter en homme/femme d’affaires pour gérer et réfléchir à sa carrière, ses contrats, ses occasions, ce qui est difficile car il n’est généralement pas équipé pour ça (là, le fait d’avoir été formé comme ingénieur, même si je n’ai jamais vraiment exercé, m’a bien armé).

J’ai aussi vu passer qu’étant un gros vendeur, je n’avais aucune légitimité à venir tenir ce discours. Je suis très flatté par le vote de confiance, mais permettez-moi de remettre les choses en perspective : les années où j’ai pu m’affranchir de toute activité annexe grâce aux seuls droits d’auteur de mes livres (typiquement en complétant grâce à la traduction, les cours à la fac et – tiens donc – des conférences – ce qui, soit dit en passant, signifie fréquemment enchaîner deux journées de boulot en une, oublier l’existence des week-ends pendant des mois, demander ponctuellement un coup de main financier aux proches pour joindre les deux bouts, se former à des tas d’outils de productivité pour ne pas perdre une minute de la journée et garder une longueur d’avance, etc. ) se comptent sur les doigts d’une main. Alors oui, j’ai parfaitement conscience que c’est déjà super bien, hein, mais c’est hautement aléatoire – rien n’est jamais gagné ; ça m’a pris plus de dix ans de carrière et de galère, et ça implique une vigilance de tous les instants, de tous les ans, et de la gestion à un, deux ans d’avance, et ça peut s’effondrer en quelques années d’inactivité (je n’ai pas le droit d’être malade, fatigué, etc. – je remercie la providence pour la santé de fer que j’ai, d’ailleurs). Je ne m’étends jamais sur ce genre de chose mais, pour info, j’ai eu des mois très difficiles où j’ai dû vivre aux crochets de mes proches (et je sais aussi que j’ai la chance d’avoir eu cette possibilité).

Sur le sujet de la rémunération, j’ai émis des craintes par le passé notamment sur l’accessibilité des événements aux jeunes auteurs qui ne sont pas bankable et donc peu rentables s’il faut les payer (c’est dans les archives du site, mais l’article est daté aujourd’hui). Si, à le déduire à certains commentaires, je suis donc considéré bankable aujourd’hui (merci, ça fait bizarre…), j’aurais pu totalement esquiver la question, hein – après moi le déluge, take the money and run – au lieu de juste la questionner. Or, je questionne les machins, c’est mon truc, c’est pour ça que j’écris, en fait. Donc j’avais des craintes, mais qui ont évolué grâce notamment au travail à la fois des syndicats et des festivals comme les Imaginales qui ont démontré que rémunérer les débats était possible sans mettre en péril une manifestation, ni la diversité de son programme (deux piliers à mon sens indispensables).

C’est quand même vachement bien qu’on soit rendu là, non, si on avançait avec ça ?

2018-06-08T06:32:56+02:00lundi 11 juin 2018|Entretiens, Le monde du livre|2 Commentaires

No future et steampunk [débat aux Utopiales 2017]

© ActuSF

Je continue à rattraper mon retard sur tout ce que je comptais archiver par ici, et j’arrive presque à me retrouver à jour : aux Utopiales 2017, j’ai eu le plaisir de participer à un débat sur le steampunk et ses liens avec le punk tout court en compagnie de Karim Berrouka, Sara Doke et Karine Gobled, table ronde modérée de main de maître par Antoine Mottier.

La captation de l’intervention a été réalisée par le site de référence ActuSF et peut être écoutée librement en ligne ou bien téléchargée sur cette page. Avec un extrait vidéo ci-dessous :

2018-02-18T23:07:47+01:00lundi 19 février 2018|Entretiens|1 Commentaire

ReLIRE aux oubliettes

Les dirigeants de ReLIRE, incapables de comprendre le problème.

Les dirigeants de ReLIRE, incapables de comprendre le problème.

Yatta ! Comme j’en ai parlé à plusieurs reprises, auguste lectorat, impossible de ne pas réjouir – enfin – de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui vient, purement et simplement, de coller une balle dans la nuque du projet léonin ReLIRE, dont se gargarisaient scandaleusement les pouvoirs publics et qui a coûté une somme honteuse au contribuable.

Rappel rapide des faits : il s’agissait avec ReLIRE d’autoriser – sans l’accord préalable de l’auteur – la réédition de livres indisponibles au bénéfice, pour moitié, des éditeurs qui les avaient laissés s’épuiser. L’auteur touchait certes 50% des bénéfices, mais devait s’opposer volontairement à l’exploitation de son travail s’il ne désirait pas entrer dans le dispositif (principe de l’opt-out), par ailleurs entaché d’un nombre d’erreurs dans sa base de données qui défonçait carrément toutes les limites de l’incompétence. En gros, s’il ne surveillait pas attentivement le registre chaque année, son travail se trouvait exploité sans son accord explicite – et prouver qu’il était bien l’auteur tenait du parcours du combattant. (Résumé plus détaillé ici.)

Grâce au combat mené par Sara Doke et notre immensément regretté camarade Yal Ayerdhal, avec la compétence pointue de Me Franck Macrez, la CJUE a statué : le droit moral est souverain, et l’auteur seul peut entendre disposer de son travail – qui lui appartient ; ce siècle exige-t-il tant qu’on le rappelle ?

À titre personnel, je me réjouis avec une joie carrément sauvage de cette victoire et n’adresse que mépris à toutes les huiles guidées par la paresse qui crurent un jour bon d’exproprier les auteurs de leur propre travail. Et, comme le signale Sara dans cet excellent entretien donné à Actualitté, on peut s’interroger que les sociétés d’auteurs ne s’en réjouissent pas davantage, à l’exception du SELF.

Plus d’informations sur la décision et le dossier, voir cet article qui récapitule l’ensemble des décisions.

Merci à tous les combattants qui ont défendu ces droits pourtant fondamentaux et inscrits de longue date dans les conventions internationales.

2016-11-21T18:08:50+01:00mardi 22 novembre 2016|Le monde du livre|Commentaires fermés sur ReLIRE aux oubliettes

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