Les éditions ActuSF mettent un point final à leur histoire

La nouvelle est tombée pendant ma longue déconnexion d’été, et c’est important de s’en faire l’écho.

Les éditions ActuSF étaient un repère majeur du paysage de l’édition français : vingt ans d’existence, construites autour du site du même nom, qui ont sans relâche poussé la fiction francophone (Morgan of Glencoe, Estelle Faye, Isabelle Bauthian, Katia Lanero Zamora et tant d’autres) tout en réalisant un énorme travail patrimonial (Je suis Providence, l’énorme biographie de Lovecraft par Joshi ; les actes des colloques universitaires des Imaginales…) et de traduction (Aiden Thomas, Robert Heinlein, Megan Lindholm, G. R. R. Martin hors « Game of Thrones »…)

Les formules habituelles couramment employées dans ce genre de situation, « tragédie », « séisme », bien que totalement vraies, ne peuvent rendre justice à la chose ; ActuSF, c’est de la fiction adulte, jeunesse, et young adult, des essais, des anthologies mais aussi tout un volet de la collection poche Hélios, presque1 400 titres. Toute une équipe éditoriale et toute une écurie d’auteurs et autrices, à qui j’exprime bien évidemment tout mon soutien, mais on va être clair, ça doit leur faire une bien belle jambe, parce que fait chier.

La fermeture d’ActuSF met en exergue les profondes difficultés de notre secteur – l’édition francophone indépendante d’imaginaire. Quand on explique que l’édition peut être très difficile, que quand on en parle, il faut distinguer les groupes multinationaux des indépendants, voici pourquoi c’est important. Quand on milite pour défendre la littérature francophone et donc évidemment les maisons indépendantes qui la promeuvent, voici pourquoi c’est important. ActuSF faisait partie des maisons qui donnaient régulièrement leur chance à de jeunes auteurs et autrices, à des projets sortant des sentiers battus.

C’est aujourd’hui un bastion d’une création vivace et originale qui s’éteint.

Je suis très triste, mais je vous avoue que je suis aussi en colère quand je pense aux réflexions ignares qui passent constamment sur les réseaux concernant par exemple les réalités de nos métiers ou l’exigence que représente la défense d’une littérature francophone originale. Voici. Pourquoi. C’est. Important.

Comme souvent, Bleuenn Guillou a frappé le clou sur la tête (hit the nail on the head, j’fais ce que je veux), avec un thread court qui va droit au but :

Ah ouais, et puis c’est le début du mois de l’imaginaire, là. Désolé, mais la fermeture d’ActuSF c’est la réalité du terrain ; alors on se bouge collectivement pour de belles initiatives autour de nos genres et, surtout, de la création originale en se rappelant qu’en France2, on fait de superbes choses.

Dans l’intervalle, vous avez une ultime chance d’aider les éditions ActuSF en faisant une commande massive3.

  1. Estimation réalisée sur le site, corrigez-moi le cas échéant.
  2. Je ne dis évidemment aucun mal de la fiction anglophone, vous l’aurez bien compris, mais elle n’a guère besoin qu’on la défende ; le français, oui, sur son propre territoire – et c’est pourquoi il faut se battre un peu. Ou alors on lâche l’affaire, on décide que le français est déjà du grec ancien, et pour être honnête, j’ai peur que ça ne soit déjà en cours, et c’est pour ça que je suis en colère.
  3. Ah oui, au passage, cela signifie donc que les jours de l’édition Hélios de Les Questions dangereuses, signée avec ActuSF, sont comptés. Il en va de même pour les éditions numériques de L’Importance de ton regard et de L’Opéra des serrures de Bruce Holland Rogers. Si vous les voulez, c’est maintenant.
2023-10-02T01:59:37+02:00mardi 3 octobre 2023|Le monde du livre|2 Commentaires

Un rempart contre le Pacifique

De retour d’un festival Rue des Livres toujours très sympa : une organisation gentille comme tout, une équipe Critic au taquet comme toujours, et le plaisir de retrouver la bande de l’imaginaire rennaise et d’ailleurs. Le joie de pouvoir glisser quelques mots de plus, dans la confidence, sur les projets en cours, notamment la série chez Don Quichotte qui suit son bonhomme de chemin et que je meurs d’envie de voir enfin diffusée, les nouvelles à paraître – la prochaine sur Évanégyre, ce sera en mai, dans l’antho annuelle du festival Imaginales. Le bonheur de retrouver les lecteurs fidèles, les blogueurs (dont Lelf, qui a déjà publié un compte-rendu et des photos de son côté), et aussi celui de faire de belles nouvelles rencontres. Une impression un peu bizarre, aussi, dimanche, tandis que nous étions plusieurs suspendus aux nouvelles du Japon, ceux d’entre nous équipés de smartphones relayant les dernières informations aux autres, dans le désolement, l’incrédulité et, aussi, la crainte. La sensation un peu creuse, pour ma part, que quel que soit le prestige dont se pare la littérature, quelle que soit sa force, pourtant tangible, capable de déplacer les montagnes et soulever les peuples, nous restons toujours un peu des terroristes de bac à sable qui jouent à se faire peur face à la puissance brute des éléments et aux tragédies atroces et crues qui viennent poignarder la réalité.

 

2011-03-14T12:30:42+01:00lundi 14 mars 2011|Le monde du livre|4 Commentaires

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