Summer Wars : samurai geeking

Salué par la critique comme le héraut époustouflant d’une nouvelle conception des mondes virtuels, réalisé par des pointures (Mamoru Hosoda et le studio Madhouse aux commandes), Summer Wars est sorti sur notre territoire auréolé de gloire. À vrai dire, la simple affirmation assassine que, selon Libération, Alain Finkielkraut (dont les remarques à l’encontre du Net témoignent d’une incompréhension tragique des vrais enjeux) serait incapable de comprendre ce long métrage avait suffi à me donner envie de le voir.

Nous sommes dans un futur très proche – ou même aujourd’hui. Oz, un super réseau social, connecte toute la planète en une sorte de super Facebook mâtiné de WoW : on peut y discuter bien sûr, mais aussi jouer, commercer, rassembler toutes ses informations et activités personnelles. Accessible depuis n’importe quel terminal, Oz est devenu le point focal de la vie du plus grand nombre.

Entre en scène Kenji, qui a travaille sur la sécurité d’Oz comme job d’été. Mais Natsuki, la jeune fille dont il est secrètement amoureux, lui propose un autre job d’été, bien particulier, dans sa famille, un job dont elle ne révélera la teneur qu’une fois sur place. La jeune fille est issue d’un ancien clan japonais dont la prestigieuse lignée remonte aux guerres médiévales ; et, à l’occasion de l’anniversaire de la matriarche, il doit se faire passer… pour son petit ami. Or, pendant son séjour, Oz subit une attaque d’une envergure sans précédent, plongeant le pays dans le chaos. Á la résidence Jinnouchi, le siège va s’organiser tandis que les relations complexes vont se dévoiler au sein du clan.

Évacuons tout de suite les critiques élogieuses qui laissaient entendre à une œuvre de l’envergure de Ghost in the Shell : non, Summer Wars ne présente rien de révolutionnaire sur la nature des réseaux sociaux, ni même une image inédite d’une génération qui serait née avec le web 2.0. Au contraire, les mécanismes sont souvent simplistes pour ne pas dire un peu magiques, avec un grand méchant mystérieux et surpuissant qui rappelle les ordinateurs devenus miraculeusement conscients après avoir reçu la foudre ou même le contenu d’une coupe de champagne qui faisaient recette dans les années 80 (salut, Short Circuit ou Electric Dreams). Parce que le responsable de la circulation avait un compte sur Oz, apprend-on, les feux tricolores se mettent à se dérégler – ce qui a autant de sens que de craindre le piratage des armes nucléaires après un hack du compte WoW de Nicolas Sarkozy. Oz apparaît comme une boîte noire un peu extraordinaire qui justifie tours de passe-passe et blocages quand l’intrigue a besoin de changer de rythme, ce qui est antinomique avec un traitement approfondi du thème. On passera sur le craquage de clés de plusieurs milliers de bits à la main ou sur la prouesse de mécanique orbitale parfaitement impossible qui clôt le film…

Mais cela n’a pas grande importance car, contrairement à ce qui est annoncé, Summer Wars est avant tout une histoire humaine et de famille. C’est là, d’ailleurs, que la critique dessert le long-métrage en plaçant l’emphase sur ce qui n’est, en somme, qu’un prétexte à la véritable intrigue : une tranche de vie d’une galerie de personnages hauts en couleur, oppressés ou exaltés par le passé mythique d’un clan prestigieux, placés sous la domination bienveillante d’une grand-mère restée une daimyo dans l’esprit. C’est une intéressante, amusante et touchante étude d’un Japon amoureux de ses racines confronté à un défi moderne. Et c’est là que réside toute la charge émotionnelle et l’intérêt du film, mais c’est sûr que le promouvoir avant tout comme une histoire de famille aurait été bien moins vendeur que les thèmes à la mode comme les réseaux sociaux.

Summer Wars n’est donc pas le chef-d’œuvre attendu censé faire table rase de l’approche du virtuel. C’est une jolie histoire humaine dans un contexte improbable, entre réseaux sociaux magiques et clan antique complètement barré, avec laquelle on passe un chouette moment, et c’est très bien.

En tout cas, Alain Finkielkraut peut le voir sans crainte.