Comment étudie-t-on les orques sur le terrain ? (À mi-chemin auprès d’Orca Guardians)

Heeeyyy bien, un peu comme d’habitude, je pensais pouvoir bloguer un peu ici en Islande sur mon volontariat auprès d’Orca Guardians, mais à chaque fois l’action s’emballe et les jours passent. La vie en volontariat est un espace étrange, où une fois le rythme acquis, les jours s’organisent selon des rythmes étrangement semblables, mais avec d’infinies variations dues aux surprises de la nature. (Si vous lisez ceci pas en avril 2018… continuez à lire : c’est un article de fond ! Sans mauvais jeu de mot.)

Ton humble serviteur dans une tenue différente de d’habitude, auguste lectorat. Photo Megan Hockin-Bennett.

Alors, comment étudie-t-on les orques ? Orca Guardians met résolument sur la recherche non-invasive (pas de biopsies ni de balises, par exemple), ce qui est rendu possible par le soutien de Láki Tours, qui permet aux chercheurs de sortir en mer chaque fois que le temps le permet. Des observations quotidiennes, parfois pour la journée entière en fonction de la saison, représentent une véritable manne de données et une chance particulièrement rare – une sortie en mer est coûteuse en personnel et carburant.

Et les chercheurs, en l’occurrence, c’est en ce moment ma chef et son humble assistant (moi), qui restons sur le pont supérieur de l’Iris par tous les temps (et on a beau être en avril, quand le vent souffle en Islande, il faut a) être vêtu chaudement et b) avoir le cœur bien accroché) à la recherche de souffles, de dorsales, de tout indice de la présence d’animaux, pour que les passagers de Láki Tours puissent les admirer tout à leur guise et avec plaisir – et, de notre côté, récolter les données. Soit : prendre des photos. Plein, plein de photos. En notant évidemment la position GPS, la date, la météo, le comportement, d’éventuelles associations avec d’autres animaux : oiseaux, baleines…

Car l’observation se fait principalement par la technique connue et éprouvée de la photo-identification. Bien des espèces de cétacés présentent des zones susceptibles de recevoir des marques et des entailles en milieu naturel qui ne se résorbent pas ; elles forment une sorte d’empreinte digitale unique pour chaque animal. Avec des observations régulières et de bonnes photos, on peut déduire une incroyable quantité d’informations : quel animal a été vu quand et où ; son succès de reproduction dans le cas d’une femelle accompagnée d’un petit ; ses associations sociales…

Chez les orques – sujet d’Orca Guardians, évidemment – on s’intéresse tout spécialement aux entailles sur la dorsale et à la forme de la selle (la zone plus claire en retrait de la dorsale). Plus tout autre signe distinctif, mais bien sûr, mais il s’agit du cas général. Par exemple :

© Lionel Davoust

Tout de suite, en sortant cette photo un peu au pif des dossiers que j’ai accumulés depuis mon séjour ici, trois caractéristiques me sautent aux yeux :

  • La présence de deux entailles visibles sur le fil de la dorsale (en rouge)
  • Un motif pigmentaire ou cicatriciel sur la selle (en vert) qui permettra d’isoler cet individu parmi les plusieurs dizaines (ou centaines) de photos prises dans le feu de l’action
  • La selle présente une forme intéressante, presque sans aucune extension vers l’avant (en jaune). (Il faudrait s’en assurer sur d’autres clichés, toutefois.)

On pourrait repérer encore bien d’autres points, mais c’est juste pour donner une idée générale.

De retour à terre, on épluche toutes les photos qu’on a prises, et qu’on espère aussi bonnes que possibles :

  • On trie les bonnes, on garde la meilleure dans une série de rafales, on jette tout ce qui est flou, inutile, ou qui a été pris selon un mauvais angle ne permettant pas de distinguer les traits qu’on veut mettre en valeur ;
  • On les sépare en côtés gauche et droit. On traite les côtés séparément ; on recoupe les photos pour déterminer lesquelles désignent le même animal pour un côté donné au sein d’une même rencontre – cela revient à un jeu des sept erreurs en mode hardcore ;
  • À partir des observations de terrain (on se rappelle qu’il y avait par exemple trois animaux) et des détails sur les photos, on associe les côtés gauche et droit pour déterminer ce qui relève d’un seul et même animal autant que possible ;
  • Enfin, on cherche dans le catalogue des animaux identifiés par Orca Guardians (plus de 300 à l’heure actuelle) qui l’on a bien pu voir… ou si l’on a affaire à un ou une inconnue !
Extrait du catalogue d’Orca Guardians.

C’est un travail de très, très longue haleine. Plus que n’importe quel autre domaine, les données naturalistes nécessitent une ténacité et une persévérance à toute épreuve pour commencer à dégager des tendances sur une population. Le travail conjoint d’Orca Guardians et Láki Tours est vraiment admirable (et je ne dis pas ça parce que je travaille pour eux en ce moment – je dis ça parce que je le savais et voulais donc travailler pour eux).

2019-06-04T20:23:42+02:00jeudi 26 avril 2018|Best Of, Carnets de voyage|9 Commentaires

Sur le tournage d’un documentaire à propos des orques

J’avais très rapidement laissé entendre au détour d’une phrase que lors de mon mois à Grundarfjörður à travailler pour Orca Guardians, il se préparait peut-être quelque chose de très chouette, et le communiqué de presse est tombé – je vais donc le traduire rapidement plutôt que broder (l’original est disponible ici)…

Orca Guardians Iceland commence à tourner un documentaire sur la conservation des orques dans la péninsule de Snæfellsnes

Le 15 avril dans la péninsule de Snæfellsnes, Orca Guardians Iceland a commencé à tourner un nouveau documentaire qui a pour titre de travail : “Les orques de l’ouest de l’Islande et leur protection : comment la vision du prédateur marin suprême évolue parmi les communautés islandaises locales.”

Ce récit bilingue (islandais – anglais), qui met en avant une approche non-invasive des orques, se focalise sur les liens entre habitants et animaux, ainsi que sur le développement des mouvements de conservation au sein des communautés islandaises.

Les deux facettes fondamentales du projet, la vie sauvage et les êtres humains, seront mis en avant à travers la question suivante : comment les communautés locales ont-elles évolué depuis 2010, date à laquelle davantage d’orques ont été aperçus autour de la péninsule ?

Le documentaire vise à inciter les spectateurs à agir contre la pollution et les perturbations de la faune, tant à l’échelon local qu’international, en mettant en avant des mesures pratiques de protection. Des gens de tous horizons, liés à l’histoire des orques, ont été conviés à participer à des entretiens.

Le documentaire est produit par Orca Guardians Iceland en coopération avec Xu Media Production et Wild Sky Productions, et rassemble une équipe internationale aux membres originaires d’Islande, de Chine/Canada, de Grande-Bretagne, de France et d’Allemagne. Le tournage se poursuivra jusqu’au 6 mai 2018 et est parrainé par Láki Tours Whale Watching. Ce projet est rendu possible grâce à l’apport d’une subvention de la National Geographic Society.

Me voilà donc, en plus d’assistant de terrain pour la recherche sur les orques, à prêter main-forte à un documentaire sur la conservation et la protection des orques. Il y a en moi un gamin de huit ans avec des étoiles dans les yeux qui n’en revient pas.

2018-04-16T23:11:20+02:00mardi 17 avril 2018|Carnets de voyage|10 Commentaires

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