Les préceptes de Prospero : 11 règles pour la pensée critique

Alors que des débarqués du Moyen-âge défilent dans la rue pour protester contre des libertés qui ne leur enlèvent ni ne les obligent à rien, tandis que s’élèvent des cris d’orfraie contre une prétendue “théorie du genre” qui, rappelons-le, n’existe pas, que des célibataires en soutane prétendent régenter une vie séculaire dont, par définition, ils s’excluent et ne peuvent donc comprendre, il semble bon, voire urgent, d’établir une petite check-list, non-exhaustive, pour évaluer les idées en première approche (liste citée dans AKA Shakespeare) :

  1. Toute croyance, dans tout domaine, demeure une théorie à un certain niveau. (Stephen Schneider)
  2. Ne condamnez pas le jugement d’autrui parce qu’il diffère du vôtre. Vous avez peut-être tort tous les deux. (Dandemis)
  3. Ne lisez pas pour contredire ou réfuter : ni pour croire et prendre pour acquis ; ni pour trouver exposés et discours ; mais pour soupeser et réfléchir. (Francis Bacon)
  4. Ne tombez jamais amoureux de votre hypothèse. (Peter Medawar)
  5. Formuler des théories avant d’avoir des données constitue une erreur capitale. Imperceptiblement, on commence à tordre les faits pour qu’ils correspondent aux théories au lieu de tordre les théories pour correspondre aux faits. (Arthur Conan Doyle)
  6. Une théorie ne devrait jamais s’efforcer d’expliquer tous les faits, car certains d’entre eux sont erronés. (Francis Crick)
  7. C’est ce qui ne colle pas qui est le plus intéressant. (Richard Feynman)
  8. Éradiquer une erreur rend un aussi bon, voire meilleur, service qu’établir une vérité ou un fait nouveaux. (Charles Darwin)
  9. Ce n’est pas ce que tu ignores qui te met dans le pétrin. C’est ce dont tu es persuadé, mais qui est faux. (Mark Twain)
  10. L’ignorance est préférable à l’erreur ; et celui qui ne croit rien est moins éloigné de la vérité que celui qui croit ce qui est faux. (Thomas Jefferson)
  11. Toute vérité franchit trois états. D’abord, elle est raillée ; ensuite, on s’y oppose violemment ; enfin, on l’accepte comme une évidence. (Arthur Schopenhauer)

(La dernière vous concerne tout particulièrement, chers énergumènes de la Manif pour tous. Vous en êtes clairement au stade deux, quand le reste du XXIe siècle en est arrivé au trois concernant la liberté d’union.)

J’ajoute que les “faits” dont on parle dans ces préceptes devraient plutôt s’appeler “observations ». Aucun fait n’existe, à vrai dire, comme vérité indiscutable et contenue, bornée ; ne serait-ce qu’à travers le filtre des sens, de la conscience, le réel se dérobe toujours, ultimement, à son constat. Mais celui-ci reste suffisamment précis, pourvu qu’on s’attache à la raffiner, pour construire une base de débat approchant convenablement de l’objectivité nécessaire à la construction d’un consensus social.

Parce que maintenant, ça commence à bien faire.

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