Technique d'écriture
Lundi, c’est déclencheurs (6) : une phrase à la con
Rappel des règles du jeu : il s’agit d’écrire pendant vingt minutes sur un, ou plusieurs éléments, remaniés ou non, de la liste ci-dessous. L’article initial de la série se trouve ici.
Déclencheurs : une phrase à la con
- « C’est ma dernière journée ici-bas. »
- « La mayonnaise, c’est bon pour les frites. »
- « Cette nappe cirée me rappelle Marie-Amélie. »
- « Pourquoi a-t-il fallu traverser à la nage? »
- « Reviens, je t’ai fait des coquillettes. »
- « Je ne l’aime pas, mais je suis prêt(e) à faire un effort. »
- « La cause est plus importante que nous tous. »
- « Si c’est un manche à balai, alors je suis une théière. »
- « J’ai passé du thé de contrebande quand tu n’étais qu’un(e) gosse. »
- « Peu m’importe ce qui se dresse entre nous. »
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Je suis plus cinglé que toi

Lionel Davoust est un écrivain de fantasy et de thriller (Le Mystère Léviathan, Points, Port d'âmes, Critic), anciennement biologiste marin. Conseils d'écriture, actualités du livre, récits de voyage, bêtises et coups de gueule. Dieu est mort et vous êtes tous vivants.
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Stage d’écriture intensif à l’école Les Mots, Paris. Places limitées (8 à 12 participants).
Bien des écoles de création littéraire américaine résument la notion d’histoire à celle de conflit. Où est l’adversaire ? Qui les personnages doivent-ils vaincre ? Mais cette notion est souvent mal comprise, résumée à une opposition binaire entre deux camps et à une confrontation souvent fondée sur la violence. Or, dans le contexte de la création narrative, elle est bien plus vaste : elle représente l’énergie fondamentale de tout récit, tandis qu’elle exprime, de façon globale, la notion de difficulté et de tension, qui sous-tend toute intrigue romanesque.
À la fois question préparatoire féconde et boussole pour s’extirper d’une impasse littéraire, la notion de conflit en narration forme un socle dont la compréhension profonde aide l’auteur à rendre ses récits plus efficaces, plus prenants, tout en simplifiant son travail en lui fournissant les questions cruciales qui l’aideront à progresser dans son histoire. Et, loin d’un affrontement binaire de film à grand spectacle hollywoodien, elle lui permettra au contraire, s’il le désire, de complexifier ses intrigues et ses personnages sans jamais sacrifier le suspense et l’intérêt du lecteur.
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2 Comments
Sabine
Passation de pouvoir
J’attends Arnold. Il a promis de me faire rentrer dans le métier. C’est un monsieur. Et ça, ce n’est pas un euphémisme. C’est une litote.
Les études de philologie, c’est beau mais ça ne nourrit pas tant que ça – matériellement, s’entend. Et puis j’ai toujours rêvé d’être un aventurier. Quand j’ai rencontré Arnold, dans le bar du Vaisseau Fantôme, c’était comme si je rencontrais le passeur vers la vie de mes rêves. Ce soir-là, il a parlé pendant que je l’abreuvais de rhum.
— J’ai parcouru le monde entier dans les cales des bateaux de marchandises… J’ai traversé la jungle sans boussole… J’ai passé du thé de contrebande quand tu n’étais qu’un gosse.
J’ai tendu l’oreille. Mon vice, c’est le thé. Je m’étais fait virer de l’université le jour où on m’avait pris sur le fait, alors que je m’apprêtais à déguster une tasse de Lapsang-Souchong dégotée au prix de mille périls. La vie était bien triste depuis que le gouvernement avait décidé d’interdire tous les excitants : café, thé, alcool. Même l’herbe à chat. Les quelques personnes assez téméraires pour en prendre devaient s’échanger des adresses sous le manteau.
Il fait froid dans la ruelle où j’attends Arnold. Il est en retard. Et si c’était un menteur ? Alors ma seule chance de survivre disparaîtrait. Ce n’est pas seulement que j’adorerais devenir contrebandier de thé et récupérer un peu de la cargaison pour ma conso. C’est que je n’ai plus de quoi vivre.
Une silhouette se traîne contre le mur. J’hésite entre l’ignorer et m’approcher ; mais l’homme s’approche, m’agrippe. De près, je reconnais Arnold. Il saigne au ventre.
— C’est mon dernier jour ici-bas…
Il me parle à l’oreille d’une voix hachée.
— Fouille dans mon manteau pour trouver les coordonnées de Kim. C’est lui qui te fera démarrer…
Je l’aide à s’adosser au mur ; il me remercie du regard. À sa respiration sifflante, son léger tremblement, je sais qu’il ne parlera plus, alors je reste auprès de lui, ma main dans la sienne, et nous attendons ensemble son dernier instant. Je pense à ce que j’aurais aimé vivre avec lui – il aurait été mon mentor, on aurait échappé à la police de justesse à plein d’occasions, il aurait déroulé le fil de toutes ses histoires et nous aurions bu du thé ensemble. On aurait ri tous les deux au-dessus d’une tasse d’Oolong, échangé des informations succintes avec de l’Assam, contemplé le ciel sans avoir besoin de rien dire avec une tasse d’Earl Grey. Comme deux grands amis.
Arnold serre ma main ; ses yeux brillent. Il me sourit et tente de me dire quelque chose. Mais son corps subit les ultimes secousses, son regard se fige et il meurt.
Dans son manteau, je trouve des papiers indiquant qu’il avait fait du lobbying pour réintroduire les excitants légalement dans notre pays.
Je n’ai pas pu enterrer Arnold, mais je lui ai fermé les yeux et j’ai placé dans ses mains une mignonnette de rhum, une capsule de café instantané et un sachet de thé. Lapsang-Souchong. Mon préféré. J’ai embrassé son front et j’ai quitté la ruelle.
Un jour, je deviendrai comme lui.
Armelle
Elizabeth posa sa tasse de café sur la table et s’assit. Une légère auréole se forma au contact du formica. Elle attendit que le café brûlant refroidisse quelque peu, elle n’aimait pas le café trop chaud. Elle saisit un morceau de sucre dans la boîte et le laissa fondre doucement dans le liquide. Son regard s’arrêta un instant sur cette boîte à sucre. Une image du Mont-Saint-Michel ornait son couvercle. Elizabeth se souvenait précisément du jour où ils avaient acheté la boîte : c’était pour leurs cinq ans de mariage. Richard l’avait emmené par surprise en Normandie, avec la caravane, et ils avaient passé quatre jours là-bas. Ils s’étaient promenés sur la plage, avaient acheté des glaces et avaient même regardé le soleil couchant. Un soir, ils étaient sortis au restaurant : Richard avait commandé une assiette complète de fruits de mer et des frites. Le restaurant était un peu guindé, les autres convives dégustaient leurs plats du bout des lèvres avec beaucoup de manières. Pour la faire rire, il avait vidé le petit pot de mayonnaise destiné aux fruits de mer sur ses frites. « La mayonnaise, c’est bon pour les frites », qu’il avait dit, et ils avaient ri. C’était chouette, pensa Elizabeth.
A l’époque du Mont-Saint-Michel, Richard était un encore un jeune homme plein de vie et d’envies. Son caractère fort et son côté loufoque l’avait immédiatement séduite. Elle l’avait connu à seize ans, il en avait alors vingt. Aujourd’hui, elle avançait vers son quarante-deuxième printemps. Oh, elle avait changé elle aussi, bien sûr. Son corps n’était plus si svelte, sa poitrine plus si ferme, et son ventre portait les stigmates de deux grossesses. Ses dents étaient jaunies par le café, et elle ne se maquillait plus.
Elizabeth soupira. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas fait l’amour. Avant, ils adoraient le faire dans la caravane, installée devant la maison. C’était comme quelque chose d’excitant, on se cognait, on rigolait, les vitres se couvraient vite de buée, on ouvrait les petites fenêtres pour aérer un peu, et puis on recommençait. Elizabeth ne se sentait plus du tout désirable. Elle ne se contentait pas de ne pas aimer son corps, non, elle abandonnait son cops. Comme s’il lui devenait étranger. Bien sûr, Richard regardait les autres filles, surtout les jeunes. Il n’était pas bien séduisant non plus, et souvent, les demoiselles se gaussaient précieusement de sa drague d’un autre temps.
Un bruit se fit entendre dans l’entrée : Richard rentrait du travail. Elizabeth se leva et l’accueillit sur le pas de la porte avec un baiser timide. Elle prit son imperméable, l’accrocha sur le porte-manteau puis repartit vers la cuisine pour servir à son mari un whisky on the rocks, comme il aimait en siroter après une journée de travail. Richard s’assit à table, saisit son verre, puis le reposa. A cet instant même, Elizabeth sut que quelque chose ne tournait pas rond. Un léger tremblement envahit sa voix.
– Ben, tu ne bois pas ton whisky ?
Richard leva les yeux vers elle, des yeux emplis de chagrin mais aussi de détermination.
– Je te quitte.
Le silence explosa dans la cuisine. Elizabeth eut un vertige. Le sucre fondait dans le café, les glaçons disparaissaient dans le whisky, et la pendule égrenait lentement le crépuscule de leur couple.
Richard se leva.
– Mais… reviens, dit Elizabeth dans un souffle. Je t’ai fait des coquillettes. »