Procrastination podcast s10e04 – Le sensitivity reading partie 1

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s10e04 – Le sensitivity reading partie 1« .

Le « sensitivity reading », relecture par une personne concernée par une problématique donnée, a cristallisé un certain nombre d’idées reçues voire de paniques morales ; dans ce double épisode, Procrastination définit la question, son importance et sa pratique dans l’écriture de fiction.
Lionel rappelle d’abord qu’il s’agit, dans le fond, de faire appel à un·e expert·e, ce qui ne devrait choquer personne, et sur des sujets potentiellement porteurs d’impacts psychologiques ou traumatiques, ce qui exige d’autant plus de soin.
Estelle insiste sur l’importance du vécu et de l’expérience personnelle, quotidienne, des personnes concernées, et rappelle qu’on a toujours interrogé le vécu des gens dans la littérature.
Mélanie voit dans le monde que l’on écrit celui que l’on reflète et qu’on espère, à son échelle, contribuer à créer. Elle relate son expérience de la pratique du sensitivity reading à travers l’un de ses récents textes.

Références citées

  • Grady Hendrix, Witchcraft for Wayward Girls
  • Différente, film de Lola Doillon

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Bonne écoute !

2025-10-28T00:35:58+01:00lundi 3 novembre 2025|Procrastination podcast|0 commentaire

De retour sur Bear notes, mais utilisez Obsidian quand même

VOUS ALLEZ RIRE. Si si, je vous assure, vous allez rire. Ahaha.

Je suis de retour sous Bear notes, ayant quitté Obsidian après plus de deux ans d’utilisation non-stop (à vue de nez).

Mais qu’est-ce qu’il fait ? Mais pourquoi ? Mais encore ? Quand il va retourner sous Obsidian la semaine prochaine, ou pire, tout envoyer balader et créer des agents dans Notion ?

Nan nan nan. On se calme.

J’ai un cerveau câblé un peu spécial, voyez-vous. Entre autres, je cumule une forte tendance à l’accumulation couplée à une propension rapide à la noyade. C’est-à-dire que mes besoins, identifiés au long cours et depuis six ans de pratique de la méthode Zettelkasten, sont parfois un peu spécifiques. Entre autres, la tension identifiée ici de longue date entre Bear et Obsidian subsiste : l’un est limité mais merveilleux à employer, l’autre est d’une puissance renversante mais exige une retenue dans son application, au risque de passer plus de temps à concevoir son système qu’à s’en servir.

Et je tombe régulièrement dans le piège. Je me suis rendu compte que j’avais un problème que je n’arrivais pas à endiguer quand le nombre de mes captures à classer n’arrêtait pas d’augmenter malgré ma discipline GTD quotidienne, où je m’astreins à traiter la pile. Il me faut quelque chose de simple et rapide pour organiser mes idées et mes captures prises au vol, ou bien je ne le fais juste jamais. Attention, quelqu’un de vissé un peu plus typique que moi n’aura sans doute pas ce problème, mais moi, je l’ai très clairement.

J’ai aussi un autre besoin très spécifique : je vis en Australie mais je viens tous les ans en France, aussi veux-je la localisation géographique de mon journal personnel. C’est possible dans Obsidian ; le plugin MapView fait de son mieux pour rendre la chose aussi facile que possible, mais cela reste un intermédiaire et là encore, si ça n’est pas immédiat, je ne le fais pas, terminant avec l’équivalent numérique d’un panier entier de post-its avec des fragments d’idées qui ne veulent plus rien dire. Il faut que je puise tout classer à la volée, ou au moins que je n’aie pas à me poser de longues questions de classement.

Or, l’intérêt fondamental d’Obsidian est l’intégration. C’est-à-dire la possibilité de tout centraliser dans le même système, du journal aux notes en passant par les tâches (si on le souhaite) jusqu’à sa bibliothèque de PDF. (Je vois régulièrement des gens qui vivent à plein temps dans Obsidian – c’est possible.) Mais j’ai clairement constaté qu’il me fallait sortir mon journal d’Obsidian pour cette histoire de géolocalisation (et revenir, pour info, sous Day One). Et à partir de là… Un intérêt majeur d’Obsidian s’effrite.

Bear remplit les exigences d’une app de notes moderne

D’abord, il faut quand même que Bear fasse le boulot minimal de ce qu’on attend pour une app de notes, mais c’est le cas :

  • Liens wiki,
  • Mise à jour de ces liens si l’on renomme une note,
  • Rétroliens (backlinks),
  • Multifenêtrage,
  • Table des matières d’une note donnée,
  • Formatage riche (tableaux, surligneurs multiples, gras / italique / souligné…)
  • Export des notes en Markdown.

Les avantages de Bear sur Obsidian

Bear fait trois choses bien mieux qu’Obsidian, qui fonctionnent particulièrement bien avec mon cerveau :

Je ne peux rien ajouter comme fonctionnalités. J’ai l’ensemble à ma disposition, point. Je peux choisir un thème et la typographie, éventuellement me faciliter la vie avec trois macros, mais c’est tout. Au boulot, coco. (Car non, je n’ai clairement pas la volonté de résister à cette sirène ADHD qui me murmure dans Obsidian : « cette fonctionnalité n’est pas possible, mais regarde, il y a bien une demi-douzaine de plugins qui l’offrent, installe-les tous et cherche le meilleur »)

La gestion des médias est bien meilleure. C’est un peu stupide, mais je capture quantité d’images, de copies d’écran, voire de pages web, et je n’ai pas à me préoccuper des « attachements », des fichiers à purger s’ils deviennent inutiles qu’Obsidian impose : Bear gère tout ça pour moi. Glisser-déposer, supprimer les notes, les attachements sont gérés pour moi. À l’usage, ça s’est avéré un gros point de friction dans Obsidian.

Tags ou dossiers ? Tags, point. C’est probablement ce que j’aime le plus. Pas le choix avec Bear : une note a autant de tags qu’on souhaite, et la voilà aussitôt classée où l’on souhaite, dans autant de tiroirs que l’on veut, selon autant de facettes que l’on désire (quoi, thème, client, projet…). Il suffit de les taper dans la note, et elle se déplace magiquement ! À l’époque du Jurassique, quand j’utilisais Evernote, j’étais parvenu à un système de mots-clés rapide et immédiat qui reflétait exactement ma façon de penser et m’offrait cette immédiateté. Eh bien, plus de dix ans plus tard, je n’ai pas trouvé beaucoup mieux…

Parce que la question n’est pas de faire un beau système, la question est de faire un système qui fonctionne. Donc, de s’y retrouver, même si ça n’est pas parfait. Or, Obsidian gère les tags, mais fonctionne quand même bien mieux avec des fichiers ou des liens – y gérer ses fichiers par tags est laborieux (à moins de mettre des… plugins !). Dans Bear, je tape des tags, même s’ils n’existent pas encore, la note se classe immédiatement. Dans Obsidian… pour classer quelque chose, il faut créer un dossier (mais lequel ?), déplacer la note, se poser la question des tags… Trop de décisions.

Les bonus (in)attendus de Bear

Bear apporte en plus tous les avantages d’une app native :

  • Des widgets bien foutus,
  • L’intégration entre plate-formes (je peux insérer dans une note sur mon Mac une photo prise sur l’instant avec mon iPhone),
  • L’autocorrection dans les zones de texte (ce que les apps Electron, dont Obsidian, ne savent toujours pas faire),
  • La performance,
  • La synchro iCloud qui fonctionne toute seule (et offre en plus depuis la 2.4 un chiffrage de bout en bout à condition d’avoir activé la Protection Avancée des Données).

En revanche, je ne m’attendais pas du tout à ce que Bear menace en plus de remplacer Goodnotes / Notability. Il offre en effet les outils système de prise de notes manuscrites, comme dans Notes et autres apps du même tonneau, ce qui permet de mêler les notes au clavier et à la main dans le même environnement. Et ça, c’est beaucoup plus utile pour réfléchir que de mêler journal et notes au même endroit (c’est même un vieux rêve). Ça n’est pas aussi fluide que dans une app dédiée, mais le bénéfice est tellement notable et l’interface tellement flexible !

Ce qu’Obsidian fait très bien et que Bear ne fera sans doute jamais

Bear, au fond, cherche à offrir l’expérience de prise de notes la plus élégante fondée sur le Markdown (étendu par ses multiples itérations) et la simplicité Apple. En conséquence, il y a des fonctionnalités disponibles sous Obsidian qui ne seront sans doute jamais présentes sous Bear. Si vous les voulez, Bear n’est sans doute pas pour vous.

  • Graphe
  • Alias définis par note (« épaulard » et « Orcinus orca » formant des synonymes établis de la note « orque » par exemple)
  • Plugins
  • Altération précise de l’interface
  • Bases de données

Personnellement ? J’avais commencé à inventorier mes instruments virtuels dans Bases, le fantastique (il faut le dire) plugin qui permet d’interroger ses notes comme une base de données, mais je me suis rendu compte qu’au lieu de les inventorier pour les choisir, je ferais mieux de m’en servir, et que la base de données se constituerait dans ma tête. En cinq ans d’Obsidian, je n’ai jamais réussi à rentrer vraiment dans Dataview. À ce stade, je pense devoir accepter qu’en fait, ça n’arrivera jamais.

Avec Bear, je travaille dans mon système. Avec Obsidian, je travaillais sur mon système. Cela fait quelques semaines maintenant que j’ai refait la transition, et l’effet se fait déjà sentir : le classement et le traitement de mes idées est beaucoup plus rapide, parce que je n’ai pas le choix de la manière de procéder. Des tags, des liens, des options de formatage puissantes mais limitées. Point. Et moi, j’ai besoin de cette contrainte.

Je continuerai à enseigner Obsidian en ateliers

Tout cela n’est pas pour dire du mal d’Obsidian, qui reste une app fantastique, importante, dirigée par une équipe avec une éthique impeccable et qui a démocratisé les outils modernes de la gestion de la connaissance. Même pour commencer (et de toute façon si vous êtes sous Windows), cela reste un outil incontournable, qui est en plus totalement gratuit pour un usage personnel. Dans mes ateliers d’organisation de ses notes et de ses idées, je continuerai d’enseigner Obsidian, que je ne désavoue nullement et demeure ma recommandation générale « par défaut ». Il se trouve juste que je travaille depuis assez longtemps dans cet espace (et avec les câblages atypiques de mon cerveau) pour constater que, pour moi et avec ma configuration mentale, Bear est le choix nécessaire.

Du coup, la page Tech Stack est modifiée en conséquence (avec quelques autres petites altérations dont je ne m’étais pas rendu compte au fil du temps). Il va aussi falloir que je vous raconte comment j’ai quitté DEVONthink pour EagleFiler, mais c’est une autre histoire.

2025-10-23T13:15:16+02:00mercredi 29 octobre 2025|Technique d'écriture|3 Commentaires

Le Zettel de la quinzaine : Les personnages ne connaissent que leur présent (202310201835)

Pour mémoire, ces notes sont des extraits bruts de décoffrage de mon système de notes privé, afin d’expérimenter avec une forme différente de partage dans l’esprit des digital gardens.

Forever – is composed of Nows –

– [[Emily Dickinson]]

C’est ainsi que fonctionne la narration : on a une succession de présents qui peuvent dépeindre l’éternité, de la même façon que l’éternité reste faite de présents, et que nos vies elles-mêmes sont des successions de présents. 

C’est-à-dire que les personnages ignorent l’épaisseur du livre, ignorent le destin de l’action dans laquelle ils se trouvent, ils croient toujours à l’action qu’ils entreprennent de pleine volonté, même si l’auteur sait que c’est voué à l’échec.

Il convient donc de ne pas laisser ce savoir invisible retenir l’élan de la narration. Les personnages, comme le lectorat, sont dans l’action proprement dite, dans un perpétuel présent où réside l’ignorance du destin. Par conséquent, il convient de présenter et développer les enjeux au fur à mesure qu’ils se présentent dans le temps des personnages, c’est-à-dire celui de l’action. Qui sera celui de la lecture. 

On court sinon le risque du [[Désamorçage narratif]]. Même s’il est intéressant et épique de présenter une atmosphère de la fatalité, un aspect [[Rouleau compresseur de l’histoire]], mais trop y faire appel fait voir l’aspect artificiel de la narration et, mal dosé, prive les personnages de leur [[Agentivité]] et fait déborder la narration plutôt sur un commentaire de [[L’absurde]]. 

Notamment prégnant dans le cas d’un personnage qui choisit de se suicider héroïquement à la page 20 : on voit bien qu’il reste 300 pages et que donc il ne peut pas mourir

CC-By-SA par Kai Schreiber
2025-10-23T14:00:45+02:00jeudi 23 octobre 2025|Technique d'écriture|0 commentaire

Procrastination podcast s10e03 – Les thèmes dans la fiction

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s10e03 – Les thèmes dans la fiction« .

Les thèmes sont censément les clés de voûte de la littérature, mais il existe pourtant des pans entiers de la fiction où ils ne sont pas spécialement centraux. Quelle place dans l’écriture à proprement parler : faut-il les décider à l’avance, ou bien les laisser se présenter si c’est le cas ?

Lionel pense que qu’il est inévitable d’en avoir, ne serait-ce qu’à travers les préoccupations personnelles des personnages. Dès lors, autant les conscientiser pour s’en emparer au lieu d’en devenir esclave, voire risquer les biais inconscients. Il met en avant l’importance de l’inconscient dans leur émergence.

Pour Mélanie, les thèmes incarnent le liant dans son travail de fiction ; ne pas les avoir cernés suffisamment entraîne souvent des blocages dans son processus.

Estelle expose trois niveaux de lecture des thèmes : à la création, à la réception publique et à l’exégèse. Elle met en avant un équilibre à trouver entre l’importance de l’inconscient, l’incapacité fondamentale de tout contrôler dans la création, et la conscience nécessaire qu’il faut avoir de son travail et des courants sous-jacents dans l’œuvre des autres, surtout quand vient s’insérer le recul historique.

Références citées

  • Pour saluer Melville, essai de jean Giono
  • Bring her back, film de Danny et Michael Philippou
  • Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness), roman de Joseph Conrad
  • Amok, roman de Stefan Zweig
  • Moby Dick, roman d’Herman Melville
  • Dracula, film de Luc Besson, inspiré du roman de Bram Stoker
  • Adrien Party

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2025-10-08T01:36:09+02:00mercredi 15 octobre 2025|Procrastination podcast|0 commentaire

Procrastination podcast s10e02 – Dix ans de podcast, nos apprentissages les plus importants

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Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s10e02 – Dix ans de podcast, nos apprentissages les plus importants« .

Dix saisons de podcast et de pratique de l’écriture en parallèle : le moment paraît symbolique pour revenir sur les apprentissages les plus importants, acquis à titre personnel, dans ce laps de temps.

Pour Estelle, c’est l’importance crucial de trouver sa propre voie. De ne pas se conformer aux trajets ni aux injonctions des autres qui, pour intéressants qu’ils peuvent sembler, correspondent rarement à la personne ; et donc, trouver et tracer celle-ci.

Pour Mélanie, c’est apprendre à connaître son fonctionnement et à respecter son rythme personnel, ce qui a occasionné chez elle une leçon profonde d’acceptation de soi et du parcours qui a résulté.

Pour Lionel, c’est les strates toujours plus profondes de l’adage « show, don’t tell », avec la dramatisation érigée comme vecteur idéal de narration.

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2025-11-06T01:32:26+01:00mercredi 1 octobre 2025|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s10e02 – Dix ans de podcast, nos apprentissages les plus importants

Procrastination podcast s10e01 Considérations générales sur l’ergonomie du poste de travail, avec Karima Amarouche

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C’est la rentrée, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : « s10e01 Considérations générales sur l’ergonomie du poste de travail, avec Karima Amarouche« .

Passer ses journées, ses semaines, ses années devant un clavier projeté dans son imaginaire peut entraîner des conséquences très tangibles sur la personne de l’auteur·ice et notamment son corps : mal de dos, de main, d’épaule… Pour sa dixième saison, le podcast Procrastination est enchanté et honoré de s’entretenir avec Karima Amarouche, ergonome à France Travail, membre du département ergonomie et analyse des activités et spécialiste de la prévention des risques professionnels, afin de créer le meilleur – et le plus durable – environnement d’écriture possible !

Pour ce premier volet de cette conversation au long cours, il sera question d’introduire la science de l’ergonomie et ses recommandations générales. S’agit-il seulement d’une science du corps ? Quels risques court-on si l’on néglige sa santé au travail ? Quels sont les signaux d’alarme à surveiller, physiques mais aussi cognitifs ? Quelles recommandations globales peut-on faire à tout un chacun ?

Références citées

Karima Amarouche recommande également ce site de ressources sur la santé au travail et l’ergonomie : https://www.ekas-box.ch/fr/#!/home/trailer

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2025-10-20T09:37:18+02:00lundi 15 septembre 2025|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast s10e01 Considérations générales sur l’ergonomie du poste de travail, avec Karima Amarouche

En écriture, ne négligez pas les coûts de préproduction

J’ai découvert un certain nombre de pièges avec l’écriture de « Les Dieux sauvages », en particulier La Succession des Âges (il avance, il avance, il est gros), et je pourrais sans doute écrire un Comment écrire de la fiction ? complet sur les leçons apprises à la dure au cours de ce projet ; mais ce serait curieusement spécifique, alors autant en partager ici quelques-unes, hein ? Histoire que vous puissiez les refaire tranquillement de votre côté et qu’on puisse ensuite trinquer à notre déréliction.

Le piège du moment, en ce qui me concerne, soit, dans mon contexte, la lenteur ajoutée à l’écriture, ce sont les coûts de préproduction. Dans le cinéma, c’est bien connu : on voyage sur les lieux de tournage pressentis, on les choisit, on conçoit les costumes, ce qui représente un investissement avant même le tournage du premier plan. Dans le jeu vidéo aussi : on crée du concept art, on architecture son projet, on explore des mécaniques et on les choisit et les affine avant de réaliser le produit à part entière.

Rien de tout ça ne semble vraiment s’appliquer à l’écriture de fiction, hein ? Surtout quand on clôture une saga sur laquelle on travaille depuis des années. En principe, l’histoire est connue, les personnages aussi, les lieux ont été établis, « il n’y a plus qu’à » dérouler.

Évidemment, non. La Succession des Âges nous emmène dans des lieux qu’on n’a pas encore vus en détail, touche à des concepts plus vastes de l’univers d’Évanégyre, et bien sûr apporte son lot de révélations finales. Ces révélations ont toujours été prévues depuis le début de l’écriture (relisez le prologue de La Messagère du Ciel à la lumière des derniers événements de L’Héritage de l’Empire), certaines lignes de dialogue des ultimes scènes existent depuis… 2016. Mais sentir et savoir ce qu’on va faire n’est pas équivalent à lui donner vie.

Écrire une histoire exige une vie à part entière, une connaissance intime et approfondie des lieux, des fonctionnements, des raisons d’être des choses – il faut en savoir beaucoup plus qu’on ne va en dire, car autrement, il est impossible de trier et de savoir quoi dire. Et cela, mes amis, c’est du coût de préproduction. On arrive à Plan-de-Cuquiel, cité elfique qu’on croit connaître car on en parle depuis 3000 pages, mais il faut alors décider : quelle logique aux lieux ? Quelle organisation sociale effective par rapport aux intentions voulues ? Certes, c’est une communauté anarcho-syndicaliste, mais techniquement, qui est le secrétaire général depuis deux ans et est-ce que ça se passe bien, ce qui se transcrit littéralement dans l’atmosphère de l’auberge où les personnages font halte pour la nuit ?

C’est ainsi qu’on se retrouve à devoir faire du worldbuilding inattendu et imprévu alors qu’on pensait dévaler la longue pente vers sa conclusion. Écrire, c’est choisir l’information pertinente et vivante à donner pour incarner l’histoire. On peut en improviser beaucoup sur le moment. Mais pas tout.

Attention aux coûts de préproduction.

2025-09-07T09:20:56+02:00mercredi 10 septembre 2025|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur En écriture, ne négligez pas les coûts de préproduction

Le Zettel de la quinzaine : En fiction, c’est l’agentivité qui donne l’illusion de libre-arbitre (202304260914)

Pour mémoire, ces notes sont des extraits bruts de décoffrage de mon système de notes privé, afin d’expérimenter avec une forme différente de partage dans l’esprit des digital gardens.

En fiction, le libre-arbitre des personnages est une illusion puisque l’œuvre existe déjà : le chemin est écrit. C’est la découverte de celui-ci à la lecture / visionnage, reposant sur l’ignorance des événements à venir, qui crée l’illusion que les actes entraînent des conséquences.

Par conséquent, en fiction, l’agentivité tient lieu de libre-arbitre : l’illusion de liberté des personnages peut être simulée par le fait que leurs actions aient des conséquences importantes. Ils sont actants de leur histoire (et c’est pourquoi on les a choisis pour la raconter : elle est intéressante et ils sont partie prenante de leurs événements).

CC-By-SA par Kai Schreiber
2025-09-01T09:22:55+02:00mercredi 3 septembre 2025|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Le Zettel de la quinzaine : En fiction, c’est l’agentivité qui donne l’illusion de libre-arbitre (202304260914)

Vaincre l’angoisse de la page blanche avec la méthode… Pomodosignes

La méthode Pomodoro m’a littéralement sauvé la vie (et la carrière) pendant des années en découpant l’angoisse d’écrire les monstres que j’écris en sessions de travail digestibles ; avec quelques raffinements développés à l’usage pour le travail de création. Au lieu d’écrire 15000 signes (ce qui est vaste), on travaille 25 minutes (ce qui est simple). Refaites suffisamment de tranches de 25 minutes et vous avez 25 ans (je dois à peu près en être à ce stade pour La Succession des Âges).

Un truc m’a cependant toujours gêné, c’est la nécessité pour moi de devoir travailler ainsi depuis plusieurs années de manière à conserver un rythme de production correct. Certes, j’ai plus d’ambition et d’expérience ce qui, dans mon cas, est paralysant (je vois beaucoup trop vite les défauts du premier jet) ; je construis aussi des histoires beaucoup plus complexes qu’à mes débuts. Cependant : si je crois en mon travail, si j’aime mes projets, pourquoi sont-ils si difficiles à exécuter, au point que j’en doive me tromper l’esprit en découpant la journée en tronçons brefs ? Pourquoi parvins-je à rentrer tous les jours 1000 signes chaque matin en déplacement en 10-15 minutes quasiment sans difficulté, mais qu’une journée de travail libre n’en fournit parfois que 3000 ?

Pendant longtemps, je l’ai expliqué en me disant qu’avec des Pomodoros, je ne découpais pas l’effort (qui ne m’a jamais fait peur) mais l’angoisse (qui fait peur. C’est, heu, son job). Mais la méthode Pomodoro n’est pas sans défaut – toutes les journées ne sont pas égales, tous les efforts non plus. On peut ramer sur un détail pendant quinze minutes, comme tracer 2000 signes en une demi-heure. Un tronçon de 25 minutes est un tronçon facile à concevoir, mais il ne reflète pas vraiment, à mon goût, la nature de l’effort dans le cadre de la rédaction soutenue (le plus difficile dans mon cas). Parfois, ça roule. Parois, c’est la misère. C’est ainsi.

Et si, tout simplement, on changeait la métrique ? D’intervalles de temps, arbitraires et inégaux, on passait à une tranche de signes écrits, indiscutable et tangible ? Je travaille ainsi depuis quelque temps et les résultats sont comparables avec la méthode Pomodoro – ce qui est bien – mais sans la légère culpabilité de ne pas arriver à me botter les fesses temporellement – ce qui est bien, bien mieux. I give you, donc, la méthode Pomodosignes, extrêmement simple pour l’écriture et, pour ma part, bien plus gratifiante. Tout simplement, une pause de 5 minutes est permise tous les 2000 signes écrits (ajustez l’intervalle selon vos besoins ; par exemple, j’ai essayé 2500, c’est trop pour mon mental de poisson rouge).

Plus spécifiquement, la journée prend en compte les spécificités de l’effort bien particulier que représente la rédaction au long cours.

  • Le premier créneau est consacré à la reprise de contact avec le projet. On reprend ses notes, on relit, on se remet dedans, et on n’a qu’à écrire 1000 signes pour se permettre une pause. En déplacement, en période difficile ou d’urgence autre que l’écriture, on peut s’arrêter là ! On a déjà avancé.
  • Ensuite, on procède par tranches de 2000 signes. Chaque tranche octroie 5 minutes de pause. La beauté de la chose, c’est que cela prend en compte les sessions où l’on ne veut pas s’arrêter parce qu’on est possédé par l’écriture. J’ai fait 5000 signes au lieu de 2000 avant de m’essouffler ? J’ai droit à deux pauses, et la prochaine tranche ne requiert que 1000 signes avant de m’octroyer un nouveau bout de saucisson. C’est incitatif, directement corrélé à la quantité de mots produits dans le document, ramène l’attention à la production de matériel tangible, au lieu de l’aspect parfois flou de sessions de travail fondées sur le temps. Mais cela accepte aussi que, parfois, une phrase coûte plus cher que trois paragraphes entiers.

Tous les studios d’écriture (Scrivener, Ulysses) permettent en outre de calibrer sa session de travail en signes et de conserver un indicateur graphique de son progrès sous les yeux. Je recommande de commencer donc par calibrer la journée à 1000 signes, puis d’aller de 2000 en 2000 : c’est idiot, mais c’est une motivation colossale de voir enfin une barre de progrès de rédaction que l’on remplit régulièrement au lieu de cet énorme objectif idéal que, soyons honnêtes, on n’atteint jamais.

Scrivener permet d’éditer ses objectifs du jour, et notifie même quand on les atteint.

Évidemment, ça ne fonctionne que pour la rédaction, mais je trouve la planification et la réflexion bien moins difficiles à encadrer. Quand on rêve, tout est idéal, complet, juste ; les mots sont parfaits, le message est d’autant plus idéal qu’il peut demeurer inconsciemment vague à l’esprit et donc porteur des contradictions révélant l’absence de tout choix. La véritable épreuve du feu, c’est faire descendre cet idéal dans l’incarnation du langage ; c’est là, donc, que l’on peut bénéficier d’un coup de pouce comme ce genre de méthode.

2025-08-25T09:53:44+02:00lundi 25 août 2025|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Vaincre l’angoisse de la page blanche avec la méthode… Pomodosignes

Le Zettel de la quinzaine : Le Zettelkasten est une carte mentale (mindmap) à n dimensions (202207311655)

Pour mémoire, ces notes sont des extraits bruts de décoffrage de mon système de notes privé, afin d’expérimenter avec une forme différente de partage dans l’esprit des digital gardens.

Je vois le Zettelkasten comme la version supérieure de la carte mentale. C’est une carte mentale en n dimensions, permettant la capture d’hyperespaces de pensée quand la carte mentale est limitée à deux dimensions. La carte mentale a du coup tout son intérêt quand un sujet peut effectivement être capturé en deux dimensions et qu’on peut donc bénéficier d’une représentation graphique (impossible pour un hyperespace). Dans ce cas-là, la complexité du Zettelkasten est superflue et prive l’utilisateur d’un outil visuel commode.

Mais dès que la complexité échappe à une représentation plane – comme pour un livre, un univers fictif, une thèse, un sujet d’étude, ou le projet constant de s’améliorer soi-même tout au long de la vie – le Zettelkasten devient indispensable.

CC-By-SA par Kai Schreiber
2025-08-06T08:43:07+02:00lundi 18 août 2025|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Le Zettel de la quinzaine : Le Zettelkasten est une carte mentale (mindmap) à n dimensions (202207311655)
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