NOTE :
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→ Tour d’horizon des principaux logiciels d’écriture dédiés, édition 2018
C’est une question qui revient assez souvent en atelier mais aussi en ligne : à partir du moment où l’on accepte que l’écriture d’un roman doit comporter un minimum de planification (d’une page de notes pour un scriptural à des dossiers entiers pour un structurel comme yours truly), que cette construction est un métier très particulier qu’il faut apprendre en partie par soi-même, quels outils peut-on employer pour se faciliter la tâche ?
L’ordinateur offre évidemment des facilités de classement, d’archivage et de traitement du texte uniques, aussi des logiciels d’aide spécialisés sont-ils apparus, avec des intérêts très inégaux.
Exigences
L’écriture doit, à mon sens, ménager un juste équilibre entre spontanéité et rigueur de construction ; une intrigue qui avance est une intrigue qui fait des choix, et les assume dans leurs ramifications. Mais, dans le même temps, la créativité de l’auteur ne doit pas être corsetée ni orientée vers un chemin qui lui déplaît intuitivement. Ménager cet équilibre est une condition indispensable de tout logiciel d’écriture.
Pour mériter cette appellation et être un minimum utile, un logiciel d’écriture doit offrir à l’auteur un environnement centralisé pour la construction de son récit, soit, principalement, deux versants :
- La collecte de réflexions préparatoires, puis leur archivage pour s’y référer ultérieurement (Bob avait-il les yeux bleus ou noirs et était-il né en 784 de l’ère du Chaudron ou en 835 de l’éon de la Chaussette ?)
- La construction du scénario proprement dit, c’est-à-dire le recueil des scènes et leur agencement progressif vers l’ordre final du récit.
Je suis loin d’avoir tout testé (même si j’en ai testé un certain nombre), et, ces exigences à l’esprit, j’aurais tendance à recommander l’un des quatre suivants, chacun assez flexibles pour convenir à diverses manières de travailler, tout en organisant les informations de façon puissante.
Quarté+
Scrivener
[Mise à jour de 2015 : Scrivener sous Windows est à présent mûr, pleinement fonctionnel et, à mon sens, le logiciel roi des studios d’écriture. Plus d’informations ici.]
Scrivener a longtemps été une exclusivité Mac, mais une version Windows est en préparation (version beta téléchargeable et gratuite) pour sortie probable vers la fin de l’année. Le logiciel se présente plus ou moins comme un traitement de texte hiérarchique : un volet à gauche se comporte comme un classeur à intercalaires, chacun pouvant contenir un nombre illimité de fiches, qui peuvent aussi bien être des notes (personnages, lieux…) que des chapitres.
Ainsi, l’auteur effectue tout son travail dans Scrivener, de la préparation à la rédaction proprement dite. Pour l’organisation des scènes, le logiciel propose une vue « tableau en liège » où chacune se trouve punaisée virtuellement à la façon d’une fiche bristol, qu’il est ensuite possible de réarranger de manière à déterminer le meilleur ordre. Il sait également archiver plusieurs versions de la même scène, du premier jet à la version définitive, pour restaurer d’éventuels changements malencontreux.
À la fois puissant et très flexible, Scrivener associe le confort des outils dédiés à l’écriture à une grande fluidité d’usage, ce qui devrait lui permettre de s’adapter à tous les modes de travail. Deux regrets cependant : le traitement de texte est vraiment basique (il ne gère notamment pas les particularités de la typographie française et il sera très difficile d’y intégrer un pack de correction externe type ProLexis ou Antidote) et la beta sous Windows semble encore assez instable.
Writing Outliner
Writing Outliner est presque une honte tant c’est une repompe éhontée de Scrivener : interface semblable, mêmes bonnes idées, on retrouve un grand nombre de fonctionnalités. Cependant, Writing Outliner est construit comme une surcouche à Word : lancez le traitement de texte, un projet Writing Outliner, et vous avez les fonctionnalités puissantes de l’un avec les particularités de l’autre. Pour cette raison, Writing Outliner aurait ma préférence, car l’on peut continuer à employer tous ses autres logiciels complémentaires (packs de correction), la typographie sera correctement gérée, etc.
Liquid Story Binder XE
Attention, on entre dans du très lourd. LSBXE (pour les intimes) constitue à peu près l’accouplement contre nature d’un logiciel d’écriture avec une centrale de contrôle de silos à missiles atomiques. C’est la Rolls, le logiciel ultime, qui sait tout faire, d’archiver la moindre de vos réflexions à minuter à la seconde près l’emploi du temps des personnages, en passant par la diffusion automatique de musiques d’ambiance pendant votre rédaction. LSBXE regorge littéralement de modules dans tous les sens pour accomplir des tâches auxquelles vous n’aviez peut-être même pas pensé.
LSBXE a juste un léger problème : il est parfaitement incompréhensible.
Du moins, tant qu’on n’est pas prêt à investir un temps certain pour l’apprivoiser (je ne parle même pas de créer avec). La prolifération des modules, une aide très fonctionnelle mais qui n’aide pas à comprendre comment on est véritablement censé s’en servir, des partis pris d’interface inhabituels qu’on croirait hérités d’un logiciel Adobe en font une usine à gaz très jolie (du moins sur les captures d’écran) mais avec une courbe d’apprentissage sacrément raide. Écrire un roman avec ça me fait l’effet de dresser la comptabilité du foyer avec R : on peut, mais ce serait tellement plus simple avec Excel. Je le mentionne parce que LSBXE a ses fans inconditionnels et que le logiciel reste d’une énorme puissance. Tant qu’apprendre à s’en servir ne constitue pas une forme particulièrement retorse de procrastination…
Writer’s Cafe
S’il y a LSBXE à l’extrémité hardcore du spectre, alors Writer’s Cafe se trouve à l’autre (avec Scrivener quelque part au milieu) : simple d’usage, un look un peu Fisher Price sur les bords, plein de messages positifs et de citations d’encouragements d’auteurs connus, W’sC se veut volontairement rassurant pour l’auteur un peu incertain qui cherche à donner une forme à la myriade d’idées qui lui bouillonnent dans la tête. Et, franchement, ce n’est pas un mal.
W’sC veut recréer tout un environnement de travail unique pour l’écriture, un « bureau dans le bureau », proposant ses modules comme autant d’applications séparées, dont, avouons-le, un certain nombre fait un peu gadget (un générateur de noms pas bien transcendant, un répertoire de citations d’encouragement – sympa mais pas indispensable -, etc.). Il propose tout de même un journal, un carnet pour les réflexions en vrac, etc. En fait, W’sC montre plutôt quelle devrait être la méthodologie d’un auteur moderne, mais c’est un encouragement à trouver de meilleurs outils pour chaque tâche proposée.
Cependant, W’sC vaut son prix pour un seul et unique module, Storylines (en capture d’écran). C’est l’outil dédié le mieux conçu que j’aie essayé pour l’organisation d’un scénario. Chaque personnage ou ligne narrative est représenté physiquement sur le tableau ; chaque carte représente une scène, ou un chapitre, avec détails, lieux, etc. Très simple d’emploi mais très bien pensé, ce module permet de jeter à plat les idées d’une intrigue complexe pour les trier et les ordonner d’une façon très confortable, tout en orientant subtilement l’auteur pour se poser les bonnes questions. Encore une fois, le traitement de texte ne peut pas lutter avec un Word, mais, pour l’organisation de récits complexes à points de vue multiples, c’est un outil de débroussaillage à ne pas négliger. On peut aussi le recommander à l’auteur qui ne s’est jamais essayé à de tels outils, au jeune auteur qui cherche à se cadrer, avant de passer à Scrivener ou Writing Outliner.
And the winner is…
Bon, après ce tour d’horizon, je crois que l’article ne serait pas complet si je ne précisais pas ce que j’utilise moi-même parmi ceux-là.
Réponse ? Aucun. [EDIT de 2015 : À présent, si. C’est Scrivener, haut la main.]
J’utilise un autre mélange d’outils, qui ne sont absolument pas spécialisés pour l’écriture de fiction, et l’un d’eux est tout simplement Word. Le logiciel d’écriture ne fait pas l’auteur ; c’est se connaître qui aide à canaliser sa créativité. Un soft d’écriture ne remplacera pas la pratique ni, surtout, la méthodologie qui en découle. En ce qui me concerne, j’ai retrouvé les options qui m’étaient les plus chères et le juste mélange de flexiblité et de rigueur dans d’autres combinaisons de logiciels – mais ce n’est que moi. Des écrivains plus expérimentés utilisent LSBXE, Writer’s Cafe, Scrivener au quotidien (on peut citer Michael Marshall Smith ou Holly Lisle pour ce dernier) avec profit : à vous de voir là où vous vous sentez le mieux. Tous ces logiciels proposent des versions d’évaluation : téléchargez-les et essayez-les !
Dans l’intervalle, si vous avez des logiciels préférés ou à recommander, n’hésitez pas à le faire en commentaires !
Ah, et je mentionne à part que je teste un nouveau système d’intégration des commentaires entre le blog et Facebook, que j’espère meilleur que l’autre. En espérant qu’on n’aura pas de mauvaises surprises.
Sympa ce Writer’s Cafe. 🙂
Je ne savais même pas que ça existait ! Mais j’aime bien ma chemise et ses 250 pages de notes bordéliques…
Moi je suis plutôt partisant de l’usage des outils minimalistes : Writemonkey par exemple.
Ou TextRoom malgré ses défauts.
@+
O.
Salut Lionel,
Je sais que tu en as déjà parlé et que tu ne l’aimes pas trop car trop rigide selon toi mais il existe aussi ywriter5, disponible sous Windows, et que je commence a peine découvrir.
Même si Scrivener est plus souple (notion purement subjective évidemment), on peut être au moins sur d’une chose : Ywriter5 est une version finalisé contrairement a Scrivener qui comporte encore un certains nombres de bugs. Pour autant, j’attends la première version stable de Scrivener – fin de l’année donc – avec impatience.
Bien à toi 😉
Tiens donc : M Sanahujas traine aussi ses guêtres par ici… Bien le bonjour !
NB : un Storyboard est également possible avec Ywriter5
Lionel, as-tu déjà essayé Celtx?
Dans le domaine du livre il y a Scénari et La poule ou l’oeuf.
Chacun sa méthode et ses outils, bien sûr 🙂 Ceux-là sont juste les ténors du genre (et, comme je le disais, après les avoir testés en profondeur, je ne les utilise finalement pas).
Raphaël Aj : J’ai une licence de Celtx qui traîne dans un coin (je dois avoir une licence d’à peu près tous les softs d’écriture existants…). Essayé, fortement désapprouvé. Je me suis senti « corseté » justement, le soft m’obligeant à répondre à des tas de questions auxquelles je n’avais pas envie de répondre là, tout de suite, dans de petites cases alors que mes idées ont tendance à fonctionner en mode pelote de laine (je tire sur un truc, tout un tas vient avec). Mais je pense que pour la rédaction de scripts et sur un projet déjà pré-construit, ça doit être adapté.
Pardon, c’était le domaine du LIBRE, pas du livre…
euh, papier + stylo + idées = matériel d’écriture au complet. Qui a besoin de ces logiciels ?
C’est vrai qu’on est allé sur la Lune avec des règles à calcul, qui a besoin de l’informatique?
Les gens, personne ne vous dispute votre méthode – personne ne dispute la méthode de personne. Vous êtes tous assez expérimentés pour savoir, au premier chef, que la méthode d’écriture est quelque chose d’éminemment personnel qui se développe au fil du temps et qui vous sera unique. Comparer les expériences est très enrichissant, mais il n’y a, de fait, pas de voie unique. Veuillez garder à l’esprit que la vôtre VOUS convient, et pour cela vous pouvez la croire unique, mais c’est uniquement parce que vous, être humain, êtes unique. ^__^ (waaah.)
Personnellement, l’informatique apporte des facilitiés de stockage et d’organisation qui me conviennent extrêmement bien et me fait gagner un temps certain. Holly Lisle (30 romans publiés) ne jure que par Scrivener. Je ne l’ai jamais lue mais avec une bibliographie pareille, je me dis qu’il peut être intéressant de creuser des voies différentes, quitte à décider ensuite qu’elles ne nous conviennent pas. J’ai testé ces softs, ils ne m’ont pas convaincu à 100%, mais s’ils intéressent Michael Marshall Smith ou Andreas Eschbach, il y a peut-être un bout de bébé à conserver dans la bonde une fois l’eau du bain vidée.
Moi je souhaiterais avoir un logiciel pour aider à la réalisation d’anthologies. J’ai toutes les specs en tête. Si quelqu’un a du temps à perdre pour le développer…
Argh, ce serait un jeu qui m’amuserait bien. Le temps, malheureusement… 🙁
Il me semble que vous aviez aussi cité One Note autrefois. J’y suis devenu assez accro a cause de la possibilité de laisser des bouts de textes/idées n’importe où, juste en cliquant sur la page. Il permet aussi de trier sa production. Non ? Une raison particulière de ne pas l’utiliser ?
Non, au contraire, c’est mon outil principal d’écriture. Mais l’article ne visait qu’à parler des logiciels d’écriture dédiés, ce dont OneNote ne fait pas partie, puisque c’est un logiciel de prise de notes générique adapé à toutes sortes d’usages.
Me voilà conforté dans mon usage 🙂 Merci.