C’est une annonce un peu difficile à faire et que j’ai essayé de mentionner à demi-mot une ou deux fois ici, mais, dans l’intérêt d’éviter des déceptions, de passer pour un goujat qui ne remplit pas ses engagements, il me faut le dire clairement. Il m’arrive de recevoir de plus en plus souvent des textes d’auteurs débutants qui voudraient mon avis sur leur travail. Je suis très touché de cette marque de confiance – révéler son texte à un inconnu, ou quelqu’un qu’on ne connaît que virtuellement, montre un sacré courage. Je suis également honoré que vous considériez que je puisse avoir quelque chose à dire d’intéressant sur votre travail.
Hélas, pour autant que j’aimerais pouvoir aider et potentiellement transmettre ce que j’ai pu apprendre jusqu’ici, la réalité des choses me montre que je ne peux pas le faire, et il me faut dorénavant être ferme (pour moi) et clair (pour tout le monde) : chers lecteurs et participants des ateliers d’écriture, je ne peux pas beta-relire (ou simplement lire) vos textes.
Cela mérite une explication… et d’ajouter que je peux aider et partager ma modeste expérience d’autres façons pour lesquelles je reste aussi disponible que je peux l’être.
Pourquoi ?
Je ne vais pas chouiner comme une pauvre petite fille riche, alors, de manière concise :
1. Relire, annoter, commenter prend un temps certain. Il ne suffit pas de lire et de dire « c’est sympa ». Le retour informé d’un beta-lecteur nécessite une attention différente de la simple lecture sur le canapé et une réflexion après coup qui nécessite une disponibilité certaine. La trouver n’est pas évident. Dans les faits, hors horaires de travail, je l’ai très peu ; et je reçois, par ailleurs, de plus en plus de requêtes de ce genre. Si j’en honore une, je devrais les honorer toutes, et c’est matériellement impossible.
2. C’est un vrai métier, c’est celui d’éditeur. Il m’arrive de diriger des ouvrages (revues, anthologies) et, pardonnez-moi cette franchise, mais on me paie pour cela. Quand je passe 2 à 10 h (parfois même plus) sur un texte en fonction du niveau de commentaires, c’est autant que je ne passe pas à gagner ma vie (qui en a besoin) ni avec moi-même (j’en ai besoin aussi) ni avec mes proches (qui en ont besoin également, quoique là, j’admets que ça reste plus mystérieux).
3. Corollaire des deux raisons précédentes : je suis en retard, et ça me rend coupable. Je vois ces textes, ces demandes gentilles, je suis accaparé par autre chose, je ne le fais pas, je procrastine encore plus parce que je me sens coupable (comment revenir vers la personne après deux mois de silence ?), en face je passe pour un type hautain qui n’en a rien à foutre, etc. Bref, on est tous malheureux. Donc : no more.
4. Vous ne voulez pas mon retour. Je vous assure. Un(e) jeune auteur est plein(e) d’allant, d’idéaux et – bien souvent – de manque de confiance en lui/elle. L’expérience prouve que demander un avis dans ces conditions, c’est surtout espérer que je réponde combien c’est super. Sauf que l’écriture est mon métier. Du coup : d’une, le texte est un matériau avant d’être de l’affect ; de deux, j’ai un regard très, TRÈS sévère, parce que j’ai tendance à conserver la même exigence qu’avec un(e) pro. Je ne lis pas un texte en me disant « allez, c’est pas mal », je le lis en me disant: « est-ce que ça tient éditorialement la route? » Malheureusement, quelques jeunes auteurs sont ressortis un peu traumatisés par ce genre de session. Or, si, dans le cadre d’un atelier d’écriture, c’est le jeu et les paticipants sont même là pour ça, dans le cadre d’un avis informel à travers le Net, ça s’est un peu trop souvent terminé en malentendu. Et, parmi mes missions sur Terre, il y a « mettre le pied à l’étrier des gens », pas « leur casser le moral ». (Ni « m’en prendre plein la gueule en ayant voulu rendre service », ce qui est arrivé aussi, et là ça me rend méchant.)
Comment je peux me rendre utile
Il faut savoir ce que l’on fait bien… et c’est ce sur quoi je vais me concentrer dorénavant dans ce domaine. On dit dans ce métier « you can never pay back, only pay forward » – on ne peut pas rendre à ceux qui nous ont donné notre chance, mais hisser ceux qui viennent après nous. C’est important pour moi. Je m’efforce donc de redistribuer ce que j’ai pu apprendre à travers plusieurs initiatives dans lesquelles j’investis beaucoup d’énergie :
- Le blog propose des années d’archives avec beaucoup d’articles autour de l’écriture, ainsi que des ressources en accès libre et des recommandations d’outils. D’autres auteurs se promènent ici en commentaires – salut, camarades, et merci – et ont souvent un autre avis que le mien, ce qui est une excellente chose ;
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Je donne plusieurs ateliers ou masterclasses dans l’année (qui sont annoncés le cas échéant dans l’agenda du site) ;
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[Mise à jour 2016] Enfin, avec mes camarades Mélanie Fazi et Laurent Genefort, nous avons lancé en septembre 2016 un podcast autour de l’écriture appelé Procrastination où nous abordons toutes les deux semaines un sujet relatif au métier, sous l’angle technique.
En particulier, en ce qui concerne le blog, je suis toujours ouvert à vos questions portant sur l’écriture. Je prends parfois du retard dans leur traitement, j’en suis navré, mais je m’efforce de corriger le tir afin de publier des articles développés qui alimenteront la discussion de tous. Si vous avez donc une ou plusieurs questions sur l’écriture, le métier, la technique narrative, etc. balancez-moi un courriel. Si je sens que j’ai quelque chose d’intelligent à proposer sur la question, je rédigerai un article qui deviendra disponible pour tous. Et il deviendra possible d’en discuter, d’apporter la contrepartie, et ainsi de suite.
à rapprocher de l’avis de Nicolas Ancion ; http://ancion.hautetfort.com/archive/2008/09/09/pourquoi-je-ne-lis-plus-les-manuscrits-qu-on-m-envoie.html
Non, mais dis donc, c’est quoi ce sexisme ? « Je ne vais pas chouiner comme une pauvre petite fille riche » Tu crois que les petits garçons riches ne chouinent pas ?
😉
(moi je lis, par contre [autopromo éhontée] Mais ce n’est pas gratuit 😉 )
Oui, ben tu n’as qu’à monter un atelier d’écriture sur Rennes, tu te démerdes à être payé.
Et tu me dis où et quand, avant tout le monde, que j’aille m’y inscrire.
(Lionel tu es un chou cultissime)
« « you can never pay back, only pay forward » – on ne peut pas rendre à ceux qui nous ont donné notre chance, mais hisser ceux qui viennent après nous. » OUI, BORDEL! 🙂
« « you can never pay back, only pay forward » – on ne peut pas rendre à ceux qui nous ont donné notre chance, mais hisser ceux qui viennent après nous. » OUI, BORDEL! 🙂
sisi
Je ne le fais plus gratuitement. Pour moi et pour les gens : quand c’est gratuit, ça a moins de poids ! En plus, tu es généreux en disant « jeunes auteurs ». Scribouillards convient souvent…
(dit mad jad qui hisse, qui hisse, qui hisse de son mieux^^)
moi je continue à le faire gratos, MAIS uniquement pour les amis proches (et les jeunes loulous dont je veux, MOI, voir le travail) (et là c’est moi qui demande)
(mais je suis en retard, en retard, en retard ET COUPABLE)^^
Oui, ben hisse pas trop loin, ça fait mauvais genre.
Mais alors, pour hisser, faut lire les textes des jeunes en mal d’avis, non ?
Arf, t’as répondu entre temps MAd Jad …
Enfin là, je pense que Lionel parle des jeunes auteurs inconnus qui veulent envoyer leur prose sous le seul prétexte qu’on est un auteur publié, et pas des jeunes auteurs qui ont déjà soumis ou déjà publié.
Ben oui, moi quoi.
On peut conseiller à ces inconnus de lire les textes des auteurs à qui ils s’adressent, leur en parle. Et après, on peut discuter…
ah ben oui, en général mais je suis pas systématique non plus Olivier Paquet (le système, c’est l’ennemi du créatif et de l’heureux hasard^^) (et pour l’instant personne m’a envoyé comac à froid, donc je ne sais pas) (a priori je dirai non aussi)
Je ne parle effectivement pas des amis proches, qui, d’ailleurs, me rendent la pareille (avec autant de sévérité 😉 ). Je crois que tous les auteurs ont un cercle de lecteurs… J’aurais plutôt tendance à conseiller aux jeunes auteurs de se constituer le leur pour s’émuler mutuellement.
Olivier, j’aime beaucoup ta solution.
Et David, cela fait partie des idées qui me trottent plus ou moins dans la tête. Je ne sais pas du tout si ça se fera un jour mais c’est au moins agréable de savoir que j’aurais au moins une personne intéressée ! 😉
(Rochester : <3 C'est parce que je suis breton, les choux, ça me connaît !)
oui, les gars, faisons un genre de Clarion français, je suis pour !
Ca s’appelle cocyclics, non ? :)))))
hmmm, pas pareil, Clarion, c’est en temps réel – trois semaines de conf’ et d’écriture.
Kesskecé Clarion ? un festival de l’écriture ?
m’enfin, David, Clarion ! http://literature.ucsd.edu/affiliated-programs/clarion/about.html
c’est genre LE workshop de la sf ! Je suis allée à Milford (l’équivalent anglais en bien plus petit), une semaine, et j’ai apprécié, alors que bon, les trucs collectifs, c’est pas follement mon truc.