Mais, alors que je passe parfois sur des sites qui relaient le défi, il m’arrive de lire : c’est trop dur. Je ne trouve pas vingt minutes dans la semaine. Ça ne m’inspire pas.
Ce qui me pousse, cette fois, à prendre mon bâton de sergent instructeur et à dire : hé, ho, les divas, ça suffit.
Vous voulez écrire ? Vraiment écrire ? Votre rêve consiste à publier un livre dont vous soyez content(e), puis à poursuivre ?
Vient un moment où faut se botter le cul.
(Je ne parle pas des gens qui écrivent pour eux sans ambition de publication, ce qui est une approche parfaitement légitime ; il n’y a là d’autre exigence que la sienne, puisqu’aucun regard destinataire, et aucune exigence de discipline.)
Si vous ne trouvez pas vingt minutes dans une semaine de probables vacances pour écrire sur un thème au choix parmi dix tous très différents les uns des autres, permettez-moi de m’interroger sur le sérieux de votre engagement “professionnel” (au titre de celui ou celle qui désire pratiquer l’écriture avec le sérieux d’un professionnel, pas de celui qui est payé pour ça). Si vous n’accordez pas ce minimum (car vingt minutes, on parle bien de minimum, moins, c’est ne rien faire) de sérieux à votre écriture, qui le fera ?
L’approche professionnelle exige parfois qu’on se fasse violence. Et se faire violence, être un(e) pro, c’est écrire même quand l’envie n’est pas présente, surtout pour apprendre à se connaître pour savoir comment réveiller la machine à “inspiration », sans attendre qu’elle vienne ; aller la chercher de force, et le plaisir qui va avec. Les déclencheurs vous déplaisent ? Il ne s’agit pas d’écrire toujours sur ce qu’on veut, parfois, mais aussi de savoir tordre un thème pour le faire coller à sa propre sensibilité et trouver ce qu’on a à dire dessus. Où se trouve votre envie d’écriture ? Là est la vraie question. Tordez-les, ces thèmes, et faites-leur cracher ce que vous voulez.
C’est même le meilleur exercice qui soit, car c’est la difficulté qui enseigne. (Ce n’est pas pour dire que l’écriture est une souffrance, bien au contraire ; elle est censée être un plaisir, mais elle comporte un apprentissage, et apprendre nécessite d’investir de l’énergie contre des épreuves, ainsi que se permettre de se tromper.) Apprendre à écrire est un processus constant, et on n’apprend pas le monde en restant dans la sûreté de chez soi. Écrire est un muscle. Un pro – surtout à plein temps – doit produire du texte, un texte bon pour ses lecteurs et qui lui fasse plaisir à écrire, et s’il ne s’est jamais préparé à la difficulté avec sérieux, s’il n’a pas appris à la transcender, à savoir quelle méthode de travail lui convient pour savoir attiser la passion au quotidien, il va dans le mur. (Ou plus exactement dans la grange avec une corde à attacher aux solives.)
Je parle d’expérience. Si j’avais laissé la timidité et le sentiment d’inadéquation face au mythe arthurien parler au lieu de me demander : “qu’est-ce que j’ai, moi, de personnel à dire, et que je peux apporter à ce thème ? », je n’aurais jamais écrit “L’Île close », qui, deux ans plus tard, était finaliste du Grand Prix de l’Imaginaire, lauréate du prix Imaginales, traduite aux États-Unis.
Mais je ne suis pas plus malin que vous. Je réfléchis et je pratique simplement autant que je peux, comme tout le monde. Ce que je peux dire en revanche, c’est que ce chemin ne défilera pas sous vos pieds de lui-même, c’est à vous de l’emprunter. Au bout du compte, écrire est un engagement que vous avez pris avec vous-même, et personne ne vous regardera ni ne vous félicitera de le faire. C’est pour vous que vous travaillez, et personne d’autre. Oui, il faut parfois du courage face à une feuille blanche, je ne dis absolument pas le contraire. Mais ce courage, c’est à vous de vous le donner, et de vous autoriser à l’avoir. Prenez-le à bras-le-corps. Vous ne le trouverez pas dans les prétextes et les fuites, c’est une certitude. Vous le trouverez en vous battant, en remportant de petites victoires, comme avoir consacré vingt minutes à votre rêve, et rien qu’à lui.
Vous voulez écrire ? Vous voulez vraiment écrire ?
Alors au boulot, bordel.
Avec tous mes encouragements.
Mon épisode préféré du Sandman de Gaiman, c’est “Three September and a January” (issue n°31). Il l’a écrit en plein blocage d’écriture, c’est l’avantage des comics: 1 mois = 1 scénario pas le choix.
Croire que la liberté totale favorise la création (peu importe le domaine derrière) me semble bien naïf, peut être que ça dépend des gens en tout cas moi je sais depuis un moment que c’est les contraintes qui me permettent de vraiment proposer quelque chose d’intéressant.
Le temps c’est ce qu’on en fait… moi j’ai pris 20 mn dans le train nancy-metz (très drôle ma relecture les feuilles étalées sur le siège en face… tiens je l’ai toujours pas remis sur Word celui-ci, celui du combat) et celui du méchant a fait ma pause a un moment pendant ma préparation de déménagement quand je saturais vraiment au milieu des cartons.
Franchement ça m’étonne un peu tout ça parce que les contraintes/incitations que tu donnes elles sont quand même facilement ré-appropriables. Et oui, il faut pouvoir être prêt à se faire violence 😉 Perso, si ça coince c’est qu’il y a quelque chose à comprendre ou à déterrer.
Je l’aime bien ton post, ça te fait du bien les embruns. Le “Loup” est de sortie 😉
Tu parles d’or, Lionel !
Yeah Lionel, good post ! Sûr que si l’on veut se consacrer à quelque chose de manière “pro”, il faut être prêt à faire un minimum de sacrifice pour. À moins de s’appeler Gontran Bonheur, rien ne s’obtient sans effort.
PS: complètement d’accord pour que tu rédiges plus d’articles sur l’écriture et l’édition 😀
J’ai bien envie de dire que je suis d’accord, mais c’est un peu trop facile, vu que moi je n’y mets aucune ambition et que tes exercices ne sont rien qu’un prétexte pour m’amuser…
Ceci dit, ça s’applique à bien d’autres choses 🙂
Je ne pourrais pas nier de telles évidences, mais je viens justement de publier un article (http://lestraverseurs.blogspot.fr/) sur la notion de travail dans l’écriture… Aujourd’hui, on aurait tendance à croire que tout devient possible grâce au travail, et même si effectivement ça commence par là, ça ne mène pas à tout non plus… Entre autre parce que, comme tu le dis bien, il faut trouver son propre mécanisme d’inspiration, sa façon de s’immerger dans la fiction. L’écriture ne désigne pas seulement la production d’un texte, mais tout le processus mental qui y conduit… Et là effectivement, il faut savoir se connaître soi-même.
J’espère que tu passes un bon séjour, ça a l’air en tout cas 🙂
La technique, c’est comme les règles de la perspective en dessin ou les gammes en musique. Si tu es génial(e), tu pourras arriver à faire un truc bien sans les connaître. Mais des génies, il y en a très, très peu et il est toujours préférable de penser qu’on n’en fait pas partie. Du coup, pour dessiner un château, ça aide drôlement d’avoir des notions d’architecture. Mais la technique, ça doit ensuite se digérer et devenir une seconde nature pour porter l’âme de l’oeuvre.
Nicolas Barret : Plutôt l’orque 🙂 Mais oui, j’en ai parfois un peu marre des wannabe-écrivains (ou wannabe-n’importe quoi, d’ailleurs) qui chouinent de ne pas pouvoir trouver une once de temps pour se consacrer à ce qui semble représenter tant d’importance à leurs yeux. A un moment, faut faire un choix, se bourrer la gueule entre potes ou bien écrire une page. Je ne place aucun jugement de valeur sur l’un ou l’autre : écrire ou pas, c’est un choix personnel. Mais dire qu’on veut écrire et passer son temps à éviter de le faire et/ou baisser les bras devant la première difficulté, faut pas déconner.
Certes…
Bien d’accord avec toi aussi. Moi la formule de 20 minutes ca marche plutot bien, meme si dans ce temps-la je n’arrive guere a pondre qu’un petit paragraphe. Du coup je me dis bien que ce n’est qu’une etape et qu’il faudrait y aller crescendo.
Thanks en tous cas pour ces petits exercices, c’est toujours divertissant…
Tout à fait, cela ne se veut évidemment pas un programme d’écriture réel mais une période ludique de remise en jambes et en confiance, en douceur, sans pression.