if-my-killing-claw-is-on-my-foot-does-that-mean-i-m-a-contortionist-9c875aAuguste lectorat, si tu traînes sur les Internets sociaux, peut-être as-tu vu passer il y six mois que je me trouvais fort dépourvu alors que la bise était déjà venue : sujet à une tendinite calcifiante de l’épaule droite qui avait dégénéré, à force de mauvais traitements, en une paralysie douloureuse du bras en question, ce qui, quand on est droitier, est un peu, selon la terminologie sociologique précise, la lose. Cherchant une forme de solution dans ta sagesse collective, tu fus assez bon pour m’indiquer quantité de pistes, et je t’en remercie encore1 – et l’on m’a demandé de revenir sur l’expérience par la suite afin de partager ce qui a marché, ou non, pour en faire bénéficier ladite sagesse collective. Dont acte. Si les articles à nature médicale – aïe j’ai mal – pauvre de moi – vous gavent, vous êtes entièrement libre de lire autre chose ; je n’ai pas l’habitude de rédiger ce genre de contenu, et le but est ici d’éviter à d’autres, potentiellement, les mêmes pièges qu’à moi.

Disclaimer : je ne suis pas médecin et mon avis n’est en rien médical. Allez voir un médecin compétent et ne venez pas râler ici si vous êtes traités de travers suite à cette lecture, parce que je ne suis en rien responsable. Ceci n’est que mon expérience et elle n’a de valeur statistique que pour n = 1, n n’étant pas vous, en plus, hélas. Si, malgré tout, d’éventuels poursuivants se présentaient, sachez qu’ils seront contrevenus.

Ceci étant dit, avanti.

Descente au je m’enferre

Historique rapide. Il y a trois ans, je commence à ressentir une gêne fugace au niveau du biceps qui apparaît si rarement que je n’y prête pas attention, et me trouve surtout dans l’impossibilité de recréer la douleur à la demande, ce qui est un peu compliqué pour consulter. Je pense que cela va passer, mais, quand je me trouve à dormir dans des conditions moins qu’idéales en mer dans les Hébrides, je me retrouve tous les matins avec une douleur nette et sourde dans l’épaule qui ne passe qu’après plusieurs minutes d’immobilité absolue. Un peu inquiet, je vais consulter, parce que j’ai là un problème identifiable.

Et là démarre un parcours erratique où s’enchaînent des approximations qui me feront aboutir, deux ans et demi plus tard, sous codéine à dormir le bras surélevé sur un oreiller.

Mon généraliste, après un examen superficiel, me diagnostique une tendinite, tout court. Il m’envoie chez le kiné, qui travaille avec le diagnostic qu’on lui a fourni, sans succès ; ma douleur se situant en plus principalement au niveau du biceps, il masse tout ce qu’il peut, essaie de remonter au dos, me donne des mouvements, mais rien n’y fait (voire, c’est pire), malgré une vingtaine de séances. La suite logique consiste à m’envoyer chez le rhumatologue. Lequel, visiblement, se passionne autant pour mon cas que pour un rhume, et me prescrit des infiltrations quand il constate que me gaver d’anti-inflammatoires ne donne rien.

Celles-ci sont réalisées à l’aveugle, et me soulagent à peine et temporairement. On m’en fait donc une deuxième, pour un résultat égal. La suite, me dit le rhumatologue que j’imagine établir mentalement une liste de courses sur Zalando en même temps qu’il me parle, consiste à une opération.

“Pop pop pop poppa Gangnam Style, lui réponds-je en substance, j’ai un super coach de remise en forme qui m’a parlé d’ultrasons et d’ondes de choc, si on tentait un truc pas invasif d’abord ?”

Visiblement déçu de ne pas avoir recours à une invasion (et je suppute une filiation lointaine entre mon rhumatologue et Gengis Khan), il accepte du bout des lèvres. Me voilà partant me faire onde-de-choquer l’épaule. Ce qui ne donne pour ainsi dire rien : l’aspersion d’azote liquide que la kiné m’administre en fin de séance pour faire refroidir les tissus me fait limite plus de bien que le traitement en soi.

Je décide plus ou moins d’en prendre mon parti, après tout, ça va à peu près, mais ça empire à nouveau, je ne peux plus faire de sport impliquant le haut du corps, bref, j’en ai marre. Je tente l’ostéopathe, qui réalise une première séance excellente malgré un discours macrobiotique frisant la pseudoscience qui éveille ma méfiance (“Vous mangez trop de lait, nous ne sommes pas faits pour digérer les produits laitiers, ce n’est pas la même espèce, vous comprenez, c’est cela qui vous nuit” – un raisonnement qui contredit l’idée même de prédation, ce qui me fait dubiter sévère sur la justesse de sa représentation du monde). Et, sur les trois suivantes, le dit ostéo me coince totalement, à un point grave de paralysie, comme énoncé en avant-propos : je fais diversion en me prétendant la réincarnation de Jamel Debbouze mais, intérieurement, selon la terminologie psychologique précise, je flippe ma race.

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On arrête tout et on recommence

Je me dis que j’ai été mal aiguillé, que ce n’est pas possible que rien ne fonctionne sur mon cas, et je reprends tout depuis le début. Pas encore prêt à employer les médecines parallèles (je me sens dans le cas d’un type avec une fracture ouverte à qui l’on conseille une inhalation de cartilage de requin pour renforcer les tendons – pourquoi pas en prévention, mais là, c’est hélas un peu tard pour mon cas), je profite du changement de carrière de mon généraliste pour en prendre un autre. Je cherche sur Internet un médecin du sport avec un rayonnement certain, j’en trouve un qui s’occupe d’une équipe de foot professionnelle qui s’exprime dans la presse et qui habite à dix minutes de chez moi, et je me dis que s’il aide des athlètes de haut niveau, il doit bien pouvoir me trouver une solution virgule bordel.

En quinze minutes, il me diagnostique lui aussi une tendinite mais m’envoie immédiatement faire des radios pour déterminer quel type de tendinite exactement. (Parce que c’est comme les glaces, ça existe en plusieurs parfums.) Il n’exclut pas l’opération mais grogne en entendant mon parcours, et laisse entendre : “vous allez déjà retenter avec mes kinés à moi tout ce que vous avez déjà tenté, et si ça ne marche pas, on envisagera de vous ouvrir, mais d’abord, éliminons bien tout, okay ?” Ravi que ce médecin-là ait plutôt une ascendance avec Gandhi, je hoche la tête énergiquement et ajoute aussitôt aïe parce que ça me tire dans l’épaule.

Verdict : tendinite calcifiante – l’os se “colle” au tendon et fait rouiller l’épaule. Les douleurs dans le biceps ? C’est dû aux difficultés de jeu de l’articulation : oui, vous avez mal dans le bras, mais la source est ailleurs.

Je fais six séances d’ondes de choc et miracle : dès la première, la douleur constante disparaît ; dès la deuxième, je récupère 30% de mobilité ; au bout de six, mon état continue à s’améliorer dans les semaines suivantes et je récupère au final 90% de mes capacités, ce qui est mieux qu’au moment où le trouble s’est déclaré.

Ce qui a changé ? Eh bien, les kinés savaient administrer des ondes de choc, eux. Il ne suffit pas de passer la machine sur le patient en imaginant que ça marche tout seul ; il faut communiquer avec la personne, chercher les sites critiques, dénuder le tendon en faisant jouer l’articulation, etc. C’est du boulot, pas de la frime.

Les leçons retenues

Voilà l’expérience. En deux mots, qu’en retirer, façon présentation à l’Américaine ?

  • Les infiltrations à l’aveugle, c’est mouais. Cette technique est utile si elle est ciblée et effectuée sous imagerie. Sinon, c’est un protocole standard, mais il est loin de fonctionner à tous les coups.
  • Les ondes de choc, c’est magique, ou pas. Les ondes de choc fonctionnent très bien mais seulement si le praticien est compétent. Pour reprendre la terminologie médicale précise d’une mienne connaissance kinésithérapeute en formation, “quand on te fait des ondes de choc, t’es censé pleurer ta race”. Le kiné doit communiquer (et vous avec lui), pousser la machine à vous faire mal, mettre la zone à traiter en évidence, au lieu de passer l’émetteur au pifomètre en murmurant un soin des blessures mineures. D’autre part, cette technique agit dans le temps. Comme elle lèse un peu la zone à traiter pour stimuler sa régénération, on sent des améliorations encore des semaines après l’arrêt du traitement : c’est normal et c’est pour cela qu’on limite le nombre de séances.
  • L’imagerie, c’est nécessaire.
  • Un bon diagnostic, poussé, fait tout.

Deux évidences pour finir, mais quand même.

Et rappelez-vous : le feu, ça brûle.

  1. En particulier aux médecins / infirmiers qui ont partagé leur avis.