Anecdote qui nous rassurera tous, entendue dans l’excellent podcast Writing Excuses (retranscrite de mémoire et traduite librement) :
Neil Gaiman est en train d’écrire un roman (probablement American Gods) et, un jour, appelle son agent.
« C’est nul, dit Gaiman. Je n’y arrive pas, j’ai franchi les deux tiers de l’écriture, mais franchement, je ne le sens pas, ce n’est pas bon, je rame, je crois que ça ne vaut rien. Je suis vraiment désolé, je crois que je ne vais pas pouvoir finir, je sais qu’on a un accord, mais…
— Neil, Neil, Neil, répond l’agent. Chut. Du calme. Respire un bon coup, reprendre ton livre, et continue. Tu rencontres peut-être des difficultés, mais je t’assure que ça ne peut pas être aussi mauvais que tu ne le penses. Ça ira. Tu vas finir ton livre, tu vas me le rendre, et il sera très bon. C’est certain.
— Comment peux-tu le savoir, tu n’en as pas lu une ligne ?
— Parce que, Neil, visiblement tu ne t’en souviens pas, mais, chaque fois tu écris un livre, tu arrives aux deux tiers, tu m’appelles, et nous avons cette conversation. Et tu finis le livre quand même, et il est très bien. Donc, je te le dis : retourne au boulot, et ton bouquin sera très bien. »
Cela me parle d’autant plus que cela vient de m’arriver avec la nouvelle que j’ai terminée tout récemment sur l’univers d’Évanégyre : l’écriture en a été ardue, et je l’ai néanmoins terminée satisfait. Quelle est cette mystérieuse propriété de certains manuscrits à incarner les pires doutes et difficultés lors de la rédaction, pour devenir miraculeusement au moins convenables (en tout cas à retravailler), voire subjectivement bons dès l’instant où le point final est apposé ? Sorte d’alchimie, je suppose, qui fait en un instant basculer le travail incertain en cours, le défrichage à la force du poignet, vers un tout achevé et fondamentalement extérieur, sur lequel il devient possible de se faire un avis objectif.
Avant, c’est de la sueur et des doutes ; mais ensuite, ça n’est plus que du texte.
Ahaha oui je l’avais lu en anglais ^^ Neil Gaiman… ah une de mes références cultes!! J’aime beaucoup sa façon de voir le monde. Dans un reportage il parlait de l’écriture et de la fiction. Il disait que les bonnes histoires unissaient les gens entre autre. ^^
J’ai suis exactement pareil (pour le blocage aux 2/3 hein. Pour le talent… on en parlera un autre jour si vous voulez bien)
Le passage des 2/3 a toujours ete un cap difficile a passer. D’ailleurs je suis en plein dedans :p
Si je n’avais qu’un blocage aux 2/3, je serais heureuse… C’est pratiquement à chaque chapitre que je me pose la question. :p Et pourtant, ça finit par donner quelque chose et même que des fois, j’en suis fière. 😀
C’est amusant, plusieurs auteurs que j’ai interviewés souffrent du même problème angoissant des 2/3, et chacun a sa façon de lutter contre. C’est souvent le conjoint qui s’y colle, d’ailleurs:-)
Je suis en plein dedans (dans le tome 2). A presque 600 000 signes et au moment d’aborder les derniers chapitres, la complicité avec mon mari ne suffit plus. Du coup je débloque grâce à un regard extérieur (qui me rassure) et grâce aux retours qui commencent à arriver au sujet du tome 1. Et je sais que le Salon Fantastique va me rebooster, ça me le fait à chaque fois. Les rencontres avec les lecteurs, c’est le carburant dont les auteurs ont besoin. Parce que c’est d’être trop longtemps en état de solitude qui fait naître le doute (en tout cas chez moi).
Le dénouement est sans doute la phase la plus difficile, dans son processus lui-même. Le début, plein de l’élan généré par la conception, le milieu est confortable parce que les choses sont mises en place.
Pour ma part, c’est plus une question de durée. Aux 2/3, il commence à y avoir un peu de lassitude car ça fait déjà un moment qu’on est sur le projet. Et en même temps, on est encore loin de la fin. Il reste 1/3, ce qui n’est pas négligeable.
Mais le dénouement… Eprouver la solidité des noeuds et des fils narratifs…
Plus le temps passe, plus je me rends compte que beaucoup de bouquins sont bons jusqu’au 2/3 – 3/4. Passé ce point, où il est temps de dénouer les intrigues et de relier les arcs, trop d’histoires ne tiennent pas le choc :/
C’est pas les 2/3 pour ma part, c’est toujours le début ou la fin qui m’interroge. Merci anyway Lionel pour cet article.
Avec plaisir 🙂
J’ai le même problème des 2/3 du bouquin XD c’est symptômatique ou quoi ?