On l’attendait tel Godot, et on commençait en effet à se demander s’il arriverait, mais le voici : le rapport sur la condition des artistes et auteurs, liés aux mutations des secteurs économiques, est en ligne.
Comme toujours, il va falloir attendre qu’il soit examiné par les spécialistes, et que s’ouvrent les débats qu’il est censé générer, mais je trouve qu’un optimisme prudent est permis. Dans le récapitulatif des conclusions, je relève par exemple, dès la deuxième phrase, en gras dans le texte (toutes les emphases sont ici de mon fait) :
La mission relève ainsi un phénomène déjà ancien de fragilisation des conditions de vie et de création des artistes-auteurs, aggravé récemment par des facteurs conjoncturels, tandis que les artistes-auteurs demeurent insuffisamment organisés pour faire entendre leur voix et que les pouvoirs publics ne les prennent qu’imparfaitement en considération dans leurs politiques.
Y a un peu tout, là.
J’avoue que ça me fait plaisir aussi de discerner dans un rapport officiel, pour une fois, une approche des mutations technologiques qui ne soit pas à côté de la plaque, au contraire :
De même, la désintermédiation et la diffusion à grande portée des œuvres grâce aux plateformes font courir un risque de surproduction et de destruction de valeur, sans résoudre le lien de dépendance des artistes-auteurs envers les acteurs de l’aval.
Cette expression « les acteurs de l’aval » revient plusieurs fois et décrit bien la situation des auteurs, à la fois à l’origine de la chaîne, et dans des relations de dépendance complexes (et bien souvent précaires) vis-à-vis à d’elle. Pour ce qui est de la destruction de valeur, oui, mille fois oui : cet article sur la course vers le bas de la perception de la valeur, et sa relation au marketing, va fêter ses dix ans et je reste 100% convaincu de ce que j’y dis (beaucoup moins du ton employé, mais hé, faut bien mûrir à force). Voir ici pour un parallèle plus récent avec le jeu vidéo.
Le rapport met en avant quelques mesures à prendre avant tout autre travail, je retiens pour ma part :
l’organisation rapide d’élections professionnelles qui permettront de donner corps et légitimité au Conseil national des artistes-auteurs à créer […]
- conforter l’artiste-auteur au niveau individuel, en mettant à l’étude sans délai la définition d’un contrat de commande prenant en compte le travail de création […]
Si je suis un peu dubitatif par la constitution d’encore un corps professionnel (un remède très français : y a un problème ? Commençons par ajouter une commission en espérant que toutes les autres accepteront de s’y fondre), d’autant plus que le rapport signale l’illisibilité générale des structures du domaine, je lève les oreilles avec intérêt à l’idée de refondre la structure des contrats.
Donc, maintenant, les infos sont là, les recommandations aussi, les chantiers nécessiteront forcément du temps et des débats entre tous les représentants, mais si cela se concrétise, cela pourrait représenter une grande rénovation du métier.