Le Grand Prix de l’Imaginaire est tous les ans très attendu par la communauté francophone : créé en 1974, c’est la distinction la plus ancienne et l’une des plus respectées en science-fiction, fantasy et fantastique. Habituellement remis aux Utopiales, le prix déménage cette année à Saint-Malo pour le festival Étonnants Voyageurs, qui souhaite, sous l’impulsion de Michel Le Bris, accorder une place importante à l’imaginaire. Une initiative qui a pour moi une résonance particulière car, en 2000, l’événement s’était déjà très ouvert au domaine en invitant un certain nombre de supports, dont des fanzines inconnus. Justement, je participais à l’époque à Proscrit en compagnie de Stéphane Heude et Fabien Halkett et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés, jeunes fans éplorés aux yeux pleins d’étoiles et à la bouche remplie de questions naïves (j’avais même encore des cheveux) à côtoyer les plus grandes figures du milieu. Si nous n’avions pas eu cette chance, je n’aurais probablement pas fait toutes les rencontres qui m’ont permis de faire mes premières armes jusqu’à parvenir au But Ultime de l’Écrivain : ne plus avoir le temps d’écrire une ligne productive à force de raconter sa vie sur Facebook, Twitter et son blog.
Euh, attendez une seconde, j’ai dû louper un virage…
Plus sérieusement : le jury du GPI m’a fait plusieurs fois l’honneur de mentionner mon travail en écriture et en traduction et je suis vraiment très heureux que la traduction d’Immortel de Traci L. Slatton (L’Atalante) soit finaliste de cette sélection « 2010 – Étonnants Voyageurs »1. David Khara m’a demandé (entre la bière et le dessert) si ce n’était pas étrange d’être distingué pour un travail dont, finalement, on n’est pas l’auteur et j’avoue n’avoir pas su répondre sur le coup. Je vais m’efforcer de me rattraper : s’il faut rappeler que la traduction comporte une part indispensable de « recréation » car deux langues ne se calquent jamais à l’identique, ce qui fait que toutes les adaptations ne sont pas égales, je peine toujours à m’accorder une part de crédit dans ce travail. Car je pars effectivement d’un matériau préexistant, et je considère que mon rôle consiste à être le plus invisible possible, à être entièrement dévoué à l’original afin d’en laisser transparaître les qualités et les forces au mieux de mes capacités – or, il est plus difficile d’être discret que voyant.
En conséquence, je suis sincèrement ravi (et rassuré !) si le jury a pu considérer qu’on ne m’a suffisamment pas remarqué à la lecture ! Et, quel que soit le résultat (qui sera dévoilé à Étonnants Voyageurs, du 22 au 24 mai 2010 – j’y serai sur le stand de Critic, mais on en reparlera), j’aimerais profiter de cette occasion pour remercier ouvertement Traci L. Slatton de sa gentillesse et de son aide phénoménale pour les recherches (ce n’est pas tous les jours qu’un auteur vous envoie de lui-même sa bibliographie) et, bien sûr, les éditions L’Atalante grâce à qui j’ai énormément appris, et continue à apprendre à chaque nouvel ouvrage.
Bravo, bien sûr, à tous les finalistes du prix (dont le site est ici), avec une pensée particulière pour Sylvie Miller, finaliste elle aussi, car je connais son attachement à l’excellent Yoss et à Interférences en particulier !
Roman francophone
- Le Soupir de l’immortel d’ Antoine Buéno (Héloïse d’Ormesson)
- Homo Vampiris de Fabien Clavel (Mnémos)
- Nuigrave de Lorris Murail (Robert Laffont)
- Chien du heaume de Justine Niogret (Mnémos)
Roman étranger
- L’Homme-rune de Peter V. Brett (Milady)
- Dans les limbes de Jack O’Connell (Rivages)
- Chute & Rédemption de Brandon Sanderson (Orbit)
- La Clé de l’abîme de José Carlos Somoza (Actes Sud)
Nouvelle francophone
- « Les Trois livres qu’Absalon Nathan n’écrira jamais » de Léo Henry (Retour sur l’horizon, Denoël)
- « Hilbert Hôtel » de Xavier Mauméjean (Retour sur l’horizon, Denoël)
- « Louise ionisée » de Norbert Merjagnan (69, ActuSF)
Nouvelle étrangère
- « Exhalaison » de Ted Chiang (Bifrost 56)
- Océanique (recueil) de Greg Egan (Le Bélial’)
- Interférences (recueil) de Yoss (Rivière Blanche)
Roman jeunesse francophone
- Salicande de Pauline Alphen (Hachette)
- Eté mutant de Victor Dixen (Gawsewitch)
- La Reine des lumières de Xavier Mauméjean (Flammarion)
Roman jeunesse étranger
- Hunger games de Suzanne Collins (Pocket)
- Le Livre des choses perdues de John Connolly (L’Archipel)
- Lombres de China Miéville (Au diable vauvert)
Prix Jacques Chambon de la traduction
- Lionel Davoust pour Immortel de Traci L. Slatton (L’Atalante)
- Sylvie Miller pour Interférences de Yoss (Rivière Blanche)
- Michel Pagel pour La Conspiration du loup rouge de Robert V.S. Redick (Fleuve Noir)
- Henry-Luc Planchat pour La Louve et le démon de Alfred Angelo Attanasio (Calmann-Lévy)
Prix Wojtek Siudmak du graphisme
- Alain Brion pour Chute & Rédemption de Brandon Sanderson (Orbit)
- Gilles Francescano pour Marouflages de Sylvie Lainé (ActuSF)
- Diego Tripodi pour l’anthologie 69 (ActuSF) et Petits arrangements avec l’éternité de Eric Holstein (Mnémos)
BD
- Jason Brice (tomes 1 à 2) de Alcante et Milan Jovanovic (Dupuis)
- La Brigade chimérique (tomes 1 à 3) de Fabrice Colin, Serge Lehman et Stéphane Gess (L’Atalante)
- Black Summer de Warren Ellis et Juan José Ryp (Milady)
- King of Nekropolis de Danijel Zezelj (Mosquito)
Manga
- Superior (tomes 1 à 3) de Ichtys (Ki-oon)
- La Cité Saturne (tome 1) de Hisae Iwaoka (Kana)
- Ikigami : Préavis de mort (tomes 1 à 4) de Motorô Mase(Asuka)
- Le Samouraï bambou de Taiyou Matsumoto (Kana)
Essai
- L’Encyclopédie de la Fantasy de Jacques Baudou (Fetjaine)
- Les nombreuses vies de Cthulhu de Patrick Marcel (Les Moutons électriques)
- Sexe ! Le trouble du héros de Alexandre Mare (Les Moutons électriques)
Prix spécial
- Richard Comballot pour l’ensemble de ses anthologies
- Jean-Marc Lofficier et Brian Stableford pour leur travail de promotion et de traduction de la SF francophone chez Black Coat Press
- Jean-François Thomas pour l’anthologie Défricheurs d’imaginaire. Une anthologie historique de science-fiction suisse romande (B. Campiche)
- La sélection couvre seulement six mois en raison du décalage des calendriers entre les festivals. ↩
Mais où s’arrêtera-t-il ? (bis)(ou ter, je sais plus).
Cet homme n’a pas de limites !
Et vraiment bravo pour cette nomination (et espérons ce prix) car le travail est ingrat et la reconnaissance insuffisante au vu de l’ampleur de la tâche.
Fingers crossed !
Merci beaucoup, c’est très gentil ! Quoi qu’il arrive, je suis ravi que cette trad ait été remarquée, car elle n’était pas très facile, et c’est déjà une très grande reconnaissance 🙂
Tiens, j’avais pas vu, ça !
Bien sûr, un traducteur part d’un matériau préexistant. Comme un interprète. On récompense bien les musiciens et les comédiens, je trouve tout à fait normal de récompenser les traducteurs.
je suis en train de lire un livre qui me plait beaucoup, mais dont la traduction (et/ou la relecture trop rapide) me fait parfois grincer des dents, et…
Bravo Lionel !
Merci Lucie! 😀 C’est vrai que ça fait très plaisir de voir la profession reconnue, surtout que les journalistes très grand public (radio et télé) ont souvent tendance à oublier que les livres étrangers ne s’écrivent pas directement en français tout seuls!