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Maintenant que les bases sont posées, passons à une revue des systèmes majeurs destinés à, prétendent-ils, nous rendre la vie plus facile, plus productive, avec moins d’efforts.
Le best-seller dans le domaine, rédigé par David Allen, lequel a accédé au statut de quasi-gourou parmi les managers et coaches modernes, est sans l’ombre d’un doute Getting Things Done (traduit en français sous le titre S’organiser pour réussir). GTD, en raccourci, est devenu un véritable phénomène qui a généré des milliers de sites, puis de logiciels se réclamant de la méthode.
Comment ça marche ?
GTD se caractérise par l’application d’une méthodologie systématique à toute situation professionnelle (et même personnelle), dès qu’il s’agit d’avancer sur une réalisation (de rendre le rapport de la Cogip à concevoir un nouveau jardin). De l’aveu de bien des gens, la principale difficulté rencontrée à notre époque consiste en une masse écrasante d’informations, de sollicitations, d’interruptions, qui brouillent à l’extrême notre clarté de vision et nous « alourdissent », nous rendent apathiques et incapables de décider sur nos priorités, et donc d’agir.
GTD a été conçu spécifiquement pour répondre à cette contrainte et à faciliter au maximum l’action, sans stress, et l’efficacité dans l’action. La méthode s’efforce de faire appel aux comportements humains courants, réduisant au maximum les efforts d’apprentissage et de discipline, et présente une conscience très aiguë de la tendance naturelle de l’humain à remettre les difficultés à plus tard.
La méthode s’articule autour d’un flux de travail immuable en toutes situations :
Collecter les entrées – c’est-à-dire recueillir, dans un nombre minimal de « paniers », les informations entrant dans nos vies : les idées qui nous viennent en tête, le courrier, les coups de fil, les messages, les courriels, etc. Le but est double : ne rien perdre, et éviter au maximum de stocker les informations dans sa propre mémoire – laquelle est globalement inefficace pour ce faire. Notre tête est faite pour inventer et créer, pas pour nous rappeler de payer nos factures et d’acheter du pain alors que nous sommes au milieu d’une réunion ou en vacances à Plan-de-Cuques. Vider sa tête dans un système externe et fiable est essentiel pour voir et penser clairement.
Traiter ces entrées. Attention, il ne s’agit pas de « faire » ce qu’elles représentent, au contraire. Il s’agit de se demander, simplement : « qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Est-ce que c’est une information sur laquelle j’ai besoin d’agir (payer une facture) ? Est-ce que ça sera rapide (auquel cas, m’en débarrasser directement), ou long (auquel cas, consigner un rappel dans un système fiable auquel je reviendrai pour l’effectuer) ? Quelle est l’action immédiate qui permettra de faire avancer le schmilblick ? Mais cela peut être aussi un élément de référence (auquel cas, si je n’en ai pas besoin dans l’immédiat, il me faut un endroit pour le stocker) ou encore, si je n’ai pas envie de décider maintenant (parce qu’il me manque des infos ou que je ne veux pas y penser pour le moment), GTD prévoit aussi une catégorie « remis à plus tard » – tant qu’il ne s’agit pas de procrastination, bien entendu. Décider sur l’instant ce dont relève tout élément entrant dans nos vies est une des habitudes les plus capitales que GTD peut apporter, surtout à nous, bordéliques qui avons constamment des piles informes de papiers de nos bureaux « dont il faudra faire quelque chose à un moment ».
Organiser. Une fois que j’ai traité toutes mes entrées, comment les organisé-je pour les rendre claires et lisibles ? Quelles sont mes priorités du moment ? Quels outils vais-je utiliser ?
Passer en revue. Si des entrées se sont accumulées sans avoir été traitées, mettre en ordre. Et surtout, surtout, passer en revue, au moins une fois par semaine, la situation courante pour garder le système à jour et décider des priorités pour la semaine à venir.
Faire. Ben oui, c’est bien joli tout ça, mais on construit tout ce bousin pour agir, alors, à un moment, il faut faire les trucs, pour de bon.
Le diagramme de GTD, devenu célèbre, se résume simplement ci-dessous :
À cette dimension « horizontale » (de l’arrivée d’une entrée à la réalisation des projets), s’ajoute une dimension « verticale », ou horizons d’action (horizons of focus, j’ignore la traduction officielle) qui vise à organiser nos buts et priorités dans la vie, de la gestion quotidienne à nos objectifs et valeurs dans la vie. Des passages en revue, plus ou moins fréquents en fonction de la hauteur de vue, s’ajoutent au système de base, et permettent de garder le cap sur nos désirs.
Est-ce que ça marche ?
Franchement, oui. La réputation de GTD n’est en rien usurpée. Rien que la lecture de Getting Things Done agit comme une bouffée d’air frais mentale : Allen a parfaitement cerné les tendances à la procrastination et à la désorganisation de tout être humain normalement constitué et lui donne des réflexes simples pour remettre un peu d’ordre là-dedans, et surtout – c’est probablement le point capital – se sentir bien. Il donne une foule de petits conseils qui semblent idiots ou simplistes, mais que personne n’applique pourtant, alors que, bon dieu, ils tombent sous le sens. Surtout, il laisse la place à la personnalisation des principes par chacun, et au choix des outils. Au coeur, GTD est un processus et pas une méthodologie, ce qui le rend facile à intégrer, et applicable à toute situation dès que l’on veut réaliser quelque chose, que ce soit un site web ou une fête de mariage.
Toutefois, GTD n’est pas aussi facile à adopter, en tout cas dans les premiers temps, qu’Allen le prétend. Le système est en soi intuitif, mais il repose sur un certain nombre de principes qu’il faut absolument respecter (Allen lui-même insiste dessus) sous peine de voir tout l’édifice s’écrouler misérablement. Bien des personnes disent avoir voulu adopter GTD et échoué. J’en fais partie ; j’ai fait deux tentatives ratées, mais parce que je me croyais plus malin et mieux organisé que la méthode et que je pouvais me dispenser de certains de ses principes. J’ai réussi quand j’ai décidé de balancer mes idées préconçues par la fenêtre et de suivre scrupuleusement les recommandations avant de les remettre en cause. Et là, ça a marché tout seul.
J’insiste en particulier sur la revue hebdomadaire du système, le temps de recentrage où l’on recolle les morceaux de la semaine et se prépare à la suivante. Sans elle, GTD ne fonctionne pas, point. J’ai essayé, et me suis planté dans le décor comme une otarie bourrée à la bière. Il faut passer en revue le système chaque semaine – même dix minutes seulement s’il y a panique en la demeure – pour s’assurer qu’on n’oublie rien, et surtout que les rouages ne s’encrassent pas pour devenir une nouvelle masse inerte qu’on n’ose ouvrir, par peur que toutes les tâches non effectuées, qu’on a bennées là comme la poussière sous le tapis, viennent nous sauter à la figure.
J’ajouterai que GTD nécessite, à mon sens, certaines adaptations et personnalisations pour fonctionner vraiment. Tout d’abord, sans les outils correspondants, le système est difficile à appliquer, et Allen ne donne – volontairement – aucun conseil, laissant chacun décider de son implémentation. Par chance, nous vivons une ère de smartphones et de 3G, ce qui représente un excellent complément (nous parlerons des outils dans un article ultérieur).
GTD recommande de traiter les entrées dès que possible et de faire immédiatement toute action nécessitant moins de deux minutes, mais je modérerai cette position. Les interruptions sont juste trop nombreuses, dans notre quotidien, pour rendre cette règle viable ; on se retrouve à ne gérer que des interruptions. GTD préconise également de réaliser l’inventaire de tous les projets en cours, mais aussi de ceux qu’on voudrait faire ; or, cela supprime, à mon sens, toute notion de priorités et présente le danger d’un autre type de noyade, plus pernicieuse. Pour ces raisons, je trouve que GTD fonctionne bien si on le couple à une méthode qui permet de réduire le nombre de travaux simultanés en cours (work in progress) tels que Zen To Done ou Personal Kanban, ce que nous verrons la semaine prochaine.
Allen a publié trois livres :
- Getting Things Done (S’organiser pour réussir)
- Ready for Anything (Prêt pour l’action)
- Making it all Work (Tout accomplir sans effort)
Disons-le tout de suite, Ready for Anything est largement dispensable, c’est une collection de trucs et astuces que remplaceront avantageusement des recherches sur le Net et même un abonnement à la lettre d’informations de David Allen. Getting Things Done est évidemment le must pour s’atteler à la méthode : le livre résume le système et ses principes, et permet d’adopter le système sans mal.
Toutefois, conscient des critiques énoncées ci-dessus (qui sont fréquentes chez les utilisateurs de GTD), Allen a ajouté la dimension verticale et les horizons d’action pour mieux établir les priorités et faire l’inventaire de ce que l’on désire réaliser, ce qu’il expose dans Making it all Work. Bien qu’une lecture utile et agréable, ce livre n’est toutefois pas à la hauteur du premier et il fournit davantage un intéressant complément qu’une véritable révolution. À lire si l’on se révèle conquis par GTD et pour aller plus loin si l’ajout d’un Personal Kanban (dont nous parlerons lundi prochain) ne convainc pas.
Et pour l’écriture ?
Honnêtement, GTD ne donne pas de vraies révélations pour construire des bouquins. Par contre, le système produit, par ricochet, une des situations les plus précieuses pour écrire : la clarté de vision. En armant son utilisateur pour choisir ses priorités, trier rapidement et efficacement les affaires courantes, GTD libère l’esprit de tout ce qui l’alourdit et fournit les conditions pour tirer avantage du moindre intervalle de temps. D’autre part, les réflexes que cultive GTD donnent une attitude proactive. Cela réduit, à mon sens, le temps passé à réfléchir inefficacement, à pédaler en vain sans savoir où avancer sur un projet de roman, pour poser des questions utiles : pourquoi suis-je coincé ? De quoi ai-je besoin pour avancer ? Qu’est-ce qui me déplaît dans la situation actuelle ? Comment agir pour résoudre ce blocage ?
Je crois que c’est la première fois que je lis une explication utile de ce qu’est GTD et de comment ça fonctionne (ou c’est censé, à tout le moins).
Bon, pour être très honnête, je crois que c’est aussi la première fois que je prends le temps de lire un article sur GTD jusqu’au bout. 🙂
Merci de ta lecture ! 🙂 Content d’avoir réussi à faire passer ce dont il s’agit.
Je n’ai pas réussi à faire grand chose avec GTD, peut être que je me crois également trop malin. Je vais y revenir du coup.
« …comme une otarie bourrée à la bière. »
le Gamel Trophy ! Les Nuls !
Merci Lionel 🙂
YEAH
Tiens, c’est marrant ça.
Je suis actuellement GTD dans mon taf où il y a pas mal de développement informatique.
Ce que j’aime dans cette méthode est simplement :
>> J’insiste en particulier sur la revue hebdomadaire du système.
Bref, faire le point, voir où l’on en est, voir ce qu’il manque, voir ce que l’on peut faire. Structurer son travail en gros.
C’est surtout ça qui est bon.
Ça permet de ne passer une semaine sur un point un peu floue et arriver le vendredi avec l’impression de n’avoir rien fait.
Après, je me fais un peu ça « comme un porc ».
Je me fais une petite liste et je raye quand je fini une action.
C’est vrai qu’on croit très souvent qu’on peut se passer de cette revue et qu’on imagine que c’est du temps perdu, mais c’est incroyablement efficace.
A ta présentation de GTD, je me rends compte que je suis au boulot la plupart de ces principes : revue hebdomadaire (ou presque) du travail à réaliser, et analyse rapide des entrées.
(idem, avec liste, mais également priorisation à court terme et rayer de la liste les actions réalisées).
Et ce qui me manque, ce sont les limites que tu liste à GTD : gestion des interruptions, voire gestion du travail en fonction du temps de cerveau disponible : je suis efficace en milieu d’après-midi, mais pas en début de matinée ou d’après-midi.
Du coup, j’ai hâte de voir la suite de tes articles.
Après GTD va aussi au-delà de ces principes, et fournit néanmoins des solutions pour gérer les interruptions, mais la règle de faire tout ce qui prend moins de deux minutes, loin d’aider à les gérer, renforce l’impression de ne pas faire ce que l’on est censé faire. J’ai fait de vrais progrès en découvrant ZTD, ce qui m’a fait évoluer vers un système type PK avant même de savoir ce que c’était. Suite lundi 😉 Merci de ton suivi !
Bonjour, Je suis consultante et accompagne de nombreux managers à la mise en place de GTD. Je suis ok avec Ld sur l’application « à la lettre ». Sauf un bémol sur la revue. Je la pratique et préconise quelques minutes chaque jour, surtout les jours difficiles. Uen revue hebdo devient un plus qui permet de se caler plus sur le décollage, la prise de recul. ça recale et permet de reprendre le contrôle de la situation. Et d’accord aussi sur les outils qui vont bien, et que nous avons à dispo. GTD peut s’implémenter très facilement avec Outlook, Notes ou Thunderbird, et un smartphone pour collecter. La notion de libérer son esprit pour retrouver de la créativité est également bluffante. Et fonctionne!
Merci pour votre intervention et pour avoir partagé votre expérience ! Et bienvenue ici. J’espère que vous resterez avec nous pour la suite des articles 🙂
Personnellement je fonctionne comme ça depuis des années. Sinon je n’aurais rien terminé.
Par contre je viens de trouver il y a quelques mois l’outil idéal pour gérer ça rapidement et éviter des milliers de bouts de papier qui se perdent. Ca s’appelle « Awesome Note » et c’est une app pour le iPad et iPhone (je suppose que ça existe aussi sous Android?
A côté de ça je fais sur un tableau noir un programme mensuel et un programme semainier pour avoir tout ça sous les yeux en permanence. Et ça marche pas mal. Ça vaut mieux avec trois jobs et une activité indépendante 😉
Nope, Awesome Note n’existe pas pour Android… Apple conserve une longueur d’avance pour les meilleures applis d’organisation. Et avec ton programme, tu appliques déjà les principes préconisés par Personal Kanban. 🙂
Je viens de lire ton article (et voir le site) sur personal Kanban. Pas mal du tout. Je vais ajouter ce « module » sur mon tableau semainier. J’aime bien garder un côté matériel
Merci, je ne connaissais pas du tout, et cela pourrait m’être très utile (si j’arrive à m’y tenir). La chose est qui plus est très clairement expliquée. Je vais suivre la série avec intérêt. 🙂
Merci et bonne lecture ! 🙂