Auguste lectorat, fuis ! Ceci est un article de blog.
Il y a un petit nouveau cette semaine, sur le mur derrière l’ordinateur de travail :
(Noter l’ajout de ma main – enfin, de mon étiqueteuse – en-dessous.)
ReLIRE et la confiscation que le registre implique nous a – à commencer par moi – choqués en grand nombre , mais plus choquantes encore sont les exultations de certains, outrés par le fait que l’on puisse éventuellement exiger une rémunération de son travail – ou, pire, que celui-ci soit respecté. Il est profondément écœurant, je le dis, de lire que le travail d’un créateur pourrait ne plus lui appartenir dès publication (j’ai répondu à cela lundi) et qu’il serait censé, au nom du bien commun, abdiquer toute prétention dessus. Il est également profondément agaçant, et provocateur d’aigreurs, de recevoir des leçons sur le droit, la culture, de gens qui ne sont même pas capables de connaître le sens des mots qu’ils emploient ou de présenter une argumentation logique cohérente, laquelle s’effondre dès qu’on souffle dessus.
Je confesse être sorti de ma bonhomie naturelle cette semaine sur les réseaux, un peu partout, parce que fatigue, parce que merde, parce que je ne viens pas donner à des menuisiers des leçons de menuiserisation, à des codeurs des leçons de codeurisation, alors j’apprécierais qu’on ne vienne pas m’en donner d’écrivaillage ni qu’on présume de me réformer la tronche, en prétendant que c’est pour mon bien, en plus, quand on n’est pas – toujours pas – capable de produire des modèles économiques viables et que la logique fondamentale ne semble pas encore acquise.
Est-ce à dire qu’il faut se mettre la tête dans le sable – là là, non les usages n’ont pas changé, oui il faut réprimer et verrouiller ? Certainement pas (une recherche basique sur le site vous montrera combien je m’y oppose, ne serait-ce qu’en raison de l’inutilité des mesures). Mais il y a une différence entre questionner, expérimenter, et répliquer « t’façon c’est comme ça, deal with it, pis ranafout’ ». Internet est merveilleux : il met les humains en contact. Internet est atroce : il met les humains en contact. C’est bien facile, derrière l’écran, de faire fuser la petite remarque qui va bien, qui donne l’impression qu’on a de la hauteur, de se sentir intelligent et tellement fort, quand on n’est pas partie prenante dans le sujet, et que le mec en face se trouve de toute façon à des centaines de kilomètres et qu’il est incapable de vous coller une baffe à fins thérapeutiques. (On peut même lancer des partis politiques fantoches, dites.) En ce qui me concerne, je suis en ligne comme en vrai : ce que je dis en ligne, je le dirais aussi en face à face. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
Malheureusement, cette célèbre prière n’est pas encore exaucée (mais que fait Google, bordel ?) :
Il faut donc faire avec. Même si, quand on manie les mots, qu’on (s’)est formé à en faire son métier, ils peuvent produire le même effet ; et le problème, avec les mots, c’est qu’ils sont des Kalachnikov : une fois qu’on a appris à tirer avec, on a envie de tirer sur quelque chose. Et quand on vous en donne l’occasion, hé ben…
La véhémence dont il m’arrive de faire preuve n’est que le reflet de la violence de l’état de fait que nous subissons vis-à-vis de nos droits. Toutefois, j’ai sorti un jour à un ami exaspéré par la bêtise de collaborateurs : « Tu ne peux pas expliquer à quelqu’un que c’est un gros con dans l’espoir qu’il soit d’accord avec toi. » Ainsi en va-t-il aussi du Net, et je ferais bien de méditer ma propre phrase. Coller des baffes soulage, et j’ai toujours dit que j’étais un bouledogue, parce qu’il en faut, parce que l’angélisme m’insupporte, parce que je ne m’abuse nullement sur les tristes travers de la nature humaine (sinon, je serais anarchiste), mais, hélas, on ne dit plus « merci monsieur » à une claque depuis 2000 ans – tout se perd, bon sang, l’UMP a raison !
Bref. Article inhabituellement personnel (ça n’arrivera pas souvent) pour, d’une part, clore le sujet pour la semaine, d’autre part, me lier publiquement, par ton regard, auguste lectorat, à un meilleur usage de mon temps et de mon énergie que l’absurdité si justement pointée par XKCD sur mon nouveau compagnon mural. Je ne me retire pas des réseaux, des débats, mais je reprends de la hauteur. Je me conforme à nouveau à mon propre principe : je fais mon truc, et j’avance. Je ne fais pas ce métier pour être « constaté » par une époque, mais pour progresser, moi-même, et défricher ce que j’ignore encore.
Et, car je veux vraiment rendre hommage, je lance de gros high five à vous, auteurs bien sûr mais surtout lecteurs, bibliothécaires, blogueurs, (re)croisés sur les réseaux, qui comprenez tout ça, qui le vivez aussi, qui avez cette hauteur toute zarathoustrienne, et qui ressentez vous aussi ces agressions comme si c’était votre propre cœur que l’on désirait mettre à la disposition de tous – et c’est le cas, car c’est votre plaisir, votre lecture et donc votre intimité qu’on galvaude. Merci de vos partages, de vos réponses, de vos répliques, de votre compréhension et d’avoir joint vos voix aux nôtres, bien fatiguées et furieuses.
Je le dis très clairement : tant qu’il y aura des gens comme vous, je serai en mesure de considérer que ce que nous faisons n’est pas totalement vain, et même que l’humanité, dans son intégralité, ne l’est pas non plus.
Difficile de dire à quel point, franchement, vous me donnez foi en l’avenir du monde. Pas le mien ; peu importe le mien ; je fais des trucs et on voit ce qui se passe ; ma place, on s’en fout, et puis nous ne sommes tous que des battements de cils à l’échelle des millénaires ; je parle de celui de la culture dans son ensemble, en tant qu’entité baignant l’humanité, meilleure arme dont l’on dispose pour résister à la bêtise, à l’obscurantisme, continuer à rêver et donc à progresser ; celle qui fera, on l’espère, que nous serons collectivement moins idiots dans cinq siècles qu’aujourd’hui.
La semaine prochaine, on parlera d’écriture, d’Évanégyre, et il fera beau.
Bon week-end !
Je me demande si je ne devrai pas faire la même…
Vivement le jour où on pourra recâbler à distance le clavier des cons sur une boucle haute tension… gzzzzzt.
moi j’aime bien avoir tort sur internet ça me détend de la vraie vie, et ça n’a strictement aucune importance vu que ce sera oublié la semaine suivante^^
(enfin la plupart du temps^^)
l’important ce n’est pas d’avoir raison c’est surtout que les autres arrêtent d’avoir tord !!!
*tort
pardon un lapsus quand l’autre à tort c’est tentant de le tordre
C’est un lapsus ? Dommage, j’ai cru un instant que c’était ironique 😀
Merci !
(fais gaffe aux infos que tu donnes… t’as déjà la côté auprès de pas mal de bibliothécaires mais si elles apprennent que tu as une ETIQUETEUSE… !!! sérieux, tu joues avec le feu)
J’adore mon étiqueteuse ! Je m’en sers tout le temps 😀
Tu es à ce point à cheval sur l’étiquette ?
Fifty labels of Davoust.
J’étais là, sur le sol de son appartement. Comment avait-il su me convaincre? Qu’était devenue la jeune bibliothécaire coincée que j’étais avant de le rencontrer ? J’étais là, nue, attachée et sans repères. Aveuglée par le bandeau, je ne pouvais me fier qu’à mon ouïe mais même cela il le maitrisait. Il avait allumé la sono et tout l’appartement baignait dans des chants de mammifères marins. Leurs voix étrangères et troublantes résonnaient dans la pièce et troublaient ma perception auditive. Je le devinais proche, perçus son souffle sur ma nuque quand tout à coup j’entendis tout prêt de mon oreille droite un bruit rapide, mécanique. Mon corps réagi avant que je ne parvienne à identifier ce son, un long frisson me parcourut toute entière. Je manquais défaillir mais mon léviathan m’attendait pour me recueillir dans ses bras puissants. Et à nouveau il fit cliqueter l’étiqueteuse. Une nouvelle décharge traversa mon corps. J »étais perdue, mais heureuse de me soumettre toute entière à la volonté de mon dragon…
« J’adore mon étiqueteuse ! Je m’en sers tout le temps » C’est honteux! honteux!!!
Après je sais pas ce que tu utilises pour tes déviances mais le cliquetis mécanique dans ce contexte est plus cool que le ronron à l’impression des nouveaux modèles électroniques. Avec tes bêtises, j’en suis venu au fait qu’on peut faire un rapprochement évident entre machines à écrire/ordi et étiqueteuse manuelle/électronique: même si beaucoup moins pratiques à l’usage les premières restent drôlement plus glamour.
(voilà c’était très con, je peux retourner à mon dossier pro)
Oh, comme je ferais bien de faire miennes ces bonnes résolutions ! Merci Lionel 😀
@Nicolas Barret : je ne peux m’empécher de site XKCD : Rule 34 ! http://imgs.xkcd.com/comics/rule_34.png
Nicolas : Je suis écroulé de rire!! xD Tu es cinglé, et c’est génial. Merci! 😀 😀 Il faut que le monde le sache.
Perso je préfère la rule 63 « For every given male character, there is a female version of that character, and vice versa. » (chacun sa kryptonite, moi c’est Lady Loki <3 ce qui pourrait vite arriver à du 34 )
Non faut pas que le monde sache... pour l'oral de mon concours il faut que j'ai l'air normal 😉 - à peu près. Vues les conneries que je m'ingurgite sans parler de celles que j'écris fatalement je compense à côté.
J'ai trouvé mon créneau : la fantaisie mythérotique 🙂 Tiens, une collection Mythéros, mix mythologie et érotisme. Parlons de l'Ile Close tiens! Quelle occasion manquée !!! "Avant de céder à la froide sensualité du porteur de lumière" mais hop après t'as esquivé. Franchement... Si j'arrive à lancer ma collection je te commande un texte explicite sur Lucifer et la Dame du Lac. T'en pense quoi, Lucie?
Excellente idée, Nicolas 😀
Nicolas Barret hélas je crains que cela ne puisse pas se vendre sur Amazon http://newsfeed.time.com/2013/12/23/amazon-is-at-war-with-monster-erotica/
Rien à voir, mais l’erreur est excusable. Elle rejoint la confusion classique avec la dinosaur erotica et la monster erotica. Genre envers lesquels j’ai plus que des doutes. Au-delà de l’éthique et de la question de l’image de la femme qu’on y véhiculer, il n’y a aucune chance au monde qu’un ptérodactyle ou un T-rex soit pris d’envies sexuelles devant une femme nue.
En revanche il y a des passages de la mythologie, de notre culture commune qui ne sont pas connus, qu’il s’agit de réinterroger. Un exemple sera plus éclairant: quand Loki pour empêcher la construction dans les temps d’Asgard se change en jument et sera monté(e) par l’étalon du maître bâtisseur, revenant enceint(e) pour donner naissance à Sleipnir, le destrier d’Odin, quel enseignement les Anciens veulent-ils nous donner? Au-delà du fantasme du changement de sexe il y a un sens plus philosophique à mettre en avant, un enseignement pour la vie de tout les jours de tout à chacun, c’est à cela qu’aspire notre collection et c’est que vous pourrez découvrir dans notre ouvrage « Night Mare » disponible sur Lamazone.fr
Mythéros, la collection interdite aux boloss.
Tu la vends super bien. Je crois que tu es mûr. 🙂
Les « Fifty labels of Davoust » de Nicolas Barret (que je n’ai pas l’heur de connaître) sont la meilleure tranche de nimportenawak ingurgitée depuis longtemps.
En ce moment précis, je suis poste à l’accueil de la médiathèque, où je me suis donc esclaffée comme un mammifère marin (Ok, Lionel, je parie que les baleines ne rigolent pas comme ça). Heureusement, il n’y a personne à cette heure.
Pour ceux qui seraient en train de confirmer leur opinion sur la flemme des fonctionnaires, je précise que je suis tombée ici en faisant ma veille métier sur l’actualité de l’édition.
Bon, et parce que quand je vois un article de Lionel Davoust jaillir de Facebook, je saute dessus. Par exemple, dans l’article « Petite fatigue », j’ai adoré « commander sur Amazon Prime, bouffer chez McDo des bouchons à artères en cinq minutes, sauter à la hussarde quelqu’un rencontré une heure plus tôt sur un dancefloor trop bruyant pour saisir ne serait-ce que son prénom ».
En fait, Lionel, je voulais juste signaler mon soutien à toute tentative de nettoyer ce caca (ReLIRE).
Grand merci Blop ! Ainsi que pour ta lecture fidèle !
Hélas pour ReLIRE il semble que nous ayons assez peu d’armes : et la nouvelle fournée vient de tomber, il faut que tous aillent éplucher le registre pour retirer leurs oeuvres le cas échéant… La machine ne s’arrête pas.
Bin en même temps, le pire c’est que j’ai effectivement une relecture de cet épisode de la conception de Sleipnir 😉
Joli article de blog !! Mdr pour « Fifty labels of Davoust », j’en veux une autre d’histoire comme ça ^^
Merci!! 😀 (et je suis hyper fan aussi de l’histoire 😀 )
Moi je viens d’accrocher « l’erreur est de croire que j’ai le temps » sur mon poste d’ordi. (vas-y, tu peux te faire plaisir…)
Je découvre l’existence de Scrivener grâce à la jeune louve, tu l’as essayé depuis 2011? (t’as vu la qualité de recherche documentaire monsieur, j’ai déjà regardé sur le blog), c’est intéressant? quelques mots en plus dessus?
Merci miladies et Lionel: la fatalité se rapproche de moi, mon destin est bien d’être le Kilgore Trout de la fantasy.
(puisque l’entrée wikipedia française est bien prude : Trout, who has supposedly written over 117 novels and over 2000 short stories, is usually described as an unappreciated science fiction writer whose works are used only as filler material in pornographic magazines.
Vonnegut, c’est bon, lisez-en)
Je pourrais en écrire une autre avec un jeune garçon déniaisé par deux elfes sylvaines harpistes…
(Arrivé à ce stage, je me suis retrouvé à commencer ma phase de documentation et à rechercher le site des deux soeurs Olsen que tu aimes tant et… non mais sérieusement c’est leur site officiel et leur slogan c’est …
C’est au-delà des pires élucubrations lovecraftiennes,Tonton Wittgy disait « ce qu’on ne peut énoncer clairement il faut le taire. » Afin de préserver le peu de santé mentale qu’il me reste, je laisse un silence absolu couvrir cet ineffabilité et je vais me coucher)