Ouin, ouin. La théorie du genre (qu n’existe pas) ferait perdre des repères à notre tendre jeunesse, est responsable de la destruction de l’Occident (comme l’ont été l’imprimerie, l’instauration du divorce, le droit de vote des femmes).
Finalement, de quoi est-il question ? Simplement d’interroger la construction de l’identité et de reconnaître le poids du social, qui est peut-être plus fondateur – en tout cas aujourd’hui dans nos sociétés post-modernes fortement dématérialisées, industrialisées, intellectualisées – que le biologique chez Homo sapiens. De dire : oui, gamine, tu veux être cosmonaute, eh bien, ton patrimoine génétique ne s’y oppose pas, oui, gamin, tu veux être instit’ de maternelle, eh bien, ton patrimoine génétique ne s’y oppose pas. Gamine, tu veux porter les cheveux courts, pourquoi pas, gamin, tu préfères faire de la gym que jouer au ballon, pourquoi pas.
Fille, tu peux pousser une gueulante et boire de la bière si ça te chante. Garçon, tu es malheureux, tu n’es pas obligé de verrouiller ton coeur au titre de l’idéal fantasmé du cow-boy Marlboro.
Admettez que ce sont quand même des idées hautement compliquées, n’est-ce pas ? Les gens pourraient être libres de se décider eux-mêmes, et, du coup, heureux. On comprend pourquoi les religieux descendent dans la rue. Ça sape le fond de commerce. Le salut, c’est après la mort, quoi, merde.
J’en ai plus que marre de lire sur les réseaux sociaux une bien-pensance, teintée de conservatisme religieux peu réfléchi, qui ne sait pas trop quoi faire de ces idées, les trouve un peu malvenues, se rassure avec trois articles mal branlés de stagiaires en « philosophie » du Figaro pour s’assurer que, ouh là là, il vaut bien mieux que les choses restent comme ça, on ne sait pas trop ce que c’est comme ça, mais c’est mieux. Il faudrait « comprendre » les arguments des opposants, faire preuve de tolérance, de gentillesse, un bisou sur la joue, là, là ça va aller, la liberté des uns ne va pas menacer la tienne, mon chéri, prends ton gelsémium.
J’ai juste envie de vous demander, les mecs (car ce sont souvent des mecs, des pater familias où tout rentre bien droit dans les cases) : de quoi avez-vous peur ? Sérieusement ?
Homme et femme, quelle importance dans un débat ? Un entretien d’embauche ? Une orientation professionnelle ? (Dès lors qu’il ne s’agit pas d’entrer au GIGN) Un loisir ? Expliquez-le moi donc. Clairement.
On différencie les genres parce qu’on le souhaite, pas parce que c’est un impératif, une « loi naturelle » comme disent les fondus de la Manif contre tout le monde. (L’espèce humaine n’est pas naturelle, elle ne l’a jamais été ; elle était déjà responsable d’extinctions de masse il y a 10 000 ans.) C’est un consensus social, une construction (qu’étudient les gender studies). Comme toute construction, elle s’étudie, se questionne, s’observe.
Mais moi, je sais ce dont vous avez peur. Je suis un mec, hein, on peut se parler entre nous. Vous avez peur que votre domination soit sapée. Que la domination masculine, dont vous jouissez tant que vous ne la voyez pas, qui est tant intégrée à votre mode de vie que vous êtes incapable de considérer le monde autrement, vacille.
Vous savez, vous en avez, de la chance, de vivre dans vos douillets cocons où vous vous trouvez incapables de la voir, cette domination. C’est si confortable. Vous avez bien de la chance d’ignorer que les filles se font siffler dans la rue ou traiter de salopes parce qu’elles refusent de donner leur numéro, de ne pas voir qu’une victime de viol se voit répondre qu’elle n’avait pas à s’habiller court et que c’est de sa faute, de ne pas voir les inégalités salariales, de ne pas voir les mutilations génitales à la naissance, de ne pas voir les femmes voilées qui restent cloîtrées à la maison, de ne pas voir les conjointes qui meurent tabassées par leurs maris, de ne pas voir les filles à qui l’on explique que l’informatique c’est pas pour elles pourquoi ne pas faire esthéticienne ou marketing, etc.
Pourquoi parle-t-on de cela à l’école ? Parce qu’elle est un enjeu important. Elle reflète la société. Et elle se veut républicaine ; si ces crétins de parents sont incapables d’instiller ces valeurs d’égalité (je précise pour ceux qui ont séché les cours de français : l’égalité, ce n’est pas l’identité), alors on n’a pas le choix, il faut bien que la république essaie de rattraper le coup. Pour que vos gosses soient un peu plus malins que vous. Pour que l’espèce vise un peu plus haut, un peu plus loin, à la nouvelle génération.
Parce qu’en ce qui vous concerne, d’un homme à un autre, hein, on est entre nous : vous êtes plus que de petits garçons. Vous vous cachez derrière des impératifs moralistes et l’égocentrisme.
En conséquence de quoi : vous êtes de gros cons.
Je te trouve injuste ! Il pourrait y avoir des femmes qui voudraient entrer au GIGN (il peut y avoir des gros cons PAR-TOUT !) 😉
Je vois l’idée : statistiquement, il y a moins de femmes remplissant les critères physiques pour le GIGN. Mais s’il y en a et qu’elles veulent y aller, pas de souci !
Toute ressemblance avec une conversation ayant déjà eu lieu serait purement fortuite 🙂
J’aime quand Davoust tape du poing sur la table… quel homme! (sand déc: bravo!)
Bien dit !
En fait, je crois que le plus énervant sont les défenseurs mous de ce genre de mouvement comme le dit très justement Lionel. Genre « Oui, mais il faut comprendre ». RIEN DU TOUT !
Lionel Davoust juste le passage des mutilations sexuelles que je trouve un peu out of context (on parle de la situation en France right? et ça n’est pas toléré?)
C’est interdit en France, mais la pratique existe bel et bien. En France.
tu serais étonné Guillaume Wab Le Ray
http://mondeacsoc.blog.lemonde.fr/2013/12/06/a-saint-denis-une-maternite-prend-en-charge-les-femmes-victimes-de-mutilations-genitales/
J’applaudis des deux mains. Malheureusement, les premiers concernés par ce texte ne le liront pas (et même s’ils le font, ils n’en auront rien à foutre, enfoncés qu’ils sont dans leurs certitudes).
Pour le GIGN, comme pour beaucoup d’unités du genre, figurez vous que dans tous les cas, on a intérêt à modifier un chouia les critères de recrutement pour accueillir des femmes.
– cas 1 : on postule que es femmes, pour des raisons acquises ou innées, là n’est pas le débat, ont des aptitudes différentes des hommes. Et on en a besoin au GIGN, une unité qui a autant besoin d’analyse, de multitasking, de psychologie, de capacités d’empathie et de négociation que de gros bras. D’autant que deux fois sur trois, c’est plus que l’équipement (et les tests, et le profil des gens recherchés) est prévu pour un mec de 1m95 qu’une vraie raison physique genre bassin trop large. Filez un équipement adapté à une athlète féminine entraînée, et vous allez voir si elle ne suit pas le rythme.
cas 2 : on postule au contraire que les différences entre homme et femme sont soit négligeables, soit en fait des différences entre individus qu’on range abusivement sous l’étiquette du genre. Rien ne s’oppose donc à choisir n’importe quel candidat, homme ou femme, qui a les capacités nécessaires.
Diyann Belle Dame ok je retire
Moi je peux comprendre (i.e écouter avec empathie, i.e en me mettant à la place de l’autre) que ce soit déstabilisant et effrayant de rendre les clés de la domination masculine. Ce n’est pas pour autant que je ne la condamne pas.
Ah, et dans le cas de ma manif pour tous, j’ai peur que ce texte (admirable) ne soit pas suffisant. Il est faitpour des gens raisonnables et dotés d’un cerveau calibré sur 2014. Interrogez les gens dans la manif, ou les kékés dans les cités : ils sont réellement CONTRE l’égalité hommes femmes. Ils REVENDIQUENT cette domination comme naturelle/historique/religieusement prévue. Vous leur dites « les femmes sont écartées du travail plus souvent que les hommes », ils répondent « et alors ? 1531 style, biatch. Une femme reste à la maison. »
hop on pose à côté « 333 » de Sara Doke, on a les deux bornes du problème posées (et un bon ramassis de conneries évacuées) et on pourrait peut être avancer.
Bisous, camarade!
Ben tu sais Lionel, ce sera bien quand les féministes auront enfin l’égalité parfaite des sexes!!! Elles devront alors enfin admettre que finalement les femmes ne sont pas systématiquement plus intelligentes, douces, raffinées, cultivées, méritantes… que leurs homologues masculins. Parce que demander l’égalité (ce qui me semble normal d’ailleurs) en prônant la supériorité, je trouve ça complètement con (et le prend pas personnellement, c’est une considération générale)…
J’espère seulement la logique 80/20 s’applique à tous ces connards: 20% de la population fait 80% du bruit. En restant optimiste, on peut supposer que la majorité silencieuse est du côté du bon sens. (j’aimerais en être convaincu en tout cas)
Je l’espère Gi Ba, je l’espère aussi…
Fabrice, tu ignores simplement ce qu’est le féminisme. Là tu parles de quelques allumées minoritaires – il y en a toujours – et il convient de ne pas décrédibiliser un mouvement légitime pour quelques idiotes. (Dont, en plus, je comprends la rage dans une certaine mesure.) Puis-je t’inviter à jeter un oeil à ça (et aussi aux commentaires) http://lioneldavoust.com/2013/les-vrais-mecs-sont-feministes/
Ben écoute, je suis pour l’égalité, je suis contre la connerie à tous les niveaux, de tous les sexes, de tous les pays, et ce que (par abus de langage je pense) l’on appelle féminisme dans ce billet, c’est pour moi la normalité. C’est coller une étiquette à connotation sexuée sur quelque chose d’universel qui me dérange du coup… 🙁
Et yep, je sais que mon coup de gueule ne changera pas le monde, mais d’une, il me fait du bien, c’est déjà pas mal, de deux, en tant que mec, je trouve qu’il est de mon devoir d’ouvrir ma gueule. Ne serait-ce que pour dire à ceux que ça concerne: vous me faites honte.
Et yep, je sais que mon coup de gueule ne changera pas le monde, mais d’une, il me fait du bien, c’est déjà pas mal, de deux, en tant que mec, je trouve qu’il est de mon devoir d’ouvrir ma gueule. Ne serait-ce que pour dire à ceux que ça concerne: vous me faites honte.
C’est même pas « les vrais mecs sont féministes » ça devrait être « les vrais humains sont féministes » (même pas besoin d’aller jusqu’à humaniste)
Révélation : Il y a des connes chez les féministes comme dans le reste de la population! Ca alors !
C’est même pas « les vrais mecs sont féministes » ça devrait être « les vrais humains sont féministes » (même pas besoin d’aller jusqu’à humaniste)
Révélation : Il y a des connes chez les féministes comme dans le reste de la population! Ca alors !
Fabrice : Je raisonnais jadis comme toi, jusqu’à ce que je comprenne que le féminisme, c’est justement ce que tu décris dans ton deuxième commentaire, pas dans le premier. Là, j’ai pris conscience du fossé, de la gravité du problème, et oh putain. Ce qui va de soi pour toi ne l’est pas pour tous (et même là, on se rend compte du langage qu’on peut employer, de présupposés inconscients). Loin de là 🙁
Si la norme est pour toi l’égalité, alors ne fustige pas le féminisme au titre de la frange extrêmiste, défends au contraire ce qu’il transmet de progressiste, camarade 🙂
féminisme n’est pas misandrie (décidément, y’a de l’écho ici) et le féminisme c’est rétablir l’équilibre. Si le féminisme a mauvaise presse c’est aussi et surtout parce que ceux qui se sont sentis en danger ont utilisé les mêmes rouages que l’affaire « théorie du genre » pour ridiculiser/diaboliser le mouvement.
les vraies « féministes » que j’ai rencontrées, celles que j’admire et que j’estime plus que je ne saurais l’exprimer, m’ont expliqué qu’elles s’en prenaient plein la gueule du côté de certaines féministes. Nous on est quand même plus tranquille, moi je me dis humaniste, la moitié de l’humanité qui est rabaissée et sous-considérée depuis un paquet de millénaire c’est celle en XX. Ca vaut pas dire que c’est la seule juste que statistiquement ca vaut le coup de se dire qu’il faut avancer là-dessus. Alors bon si comme moi certaines féministes t’ont -comme moi pendant longtemps – traumatisé – entendons nous sur le fait que ces choses participe du bon sens et d’un rapport minimal au réalisme et à l’humanisme.
Moi je fonctionne à l’envers, les vraies dont je parlais au début je les considère même plus comme des féministes, c’est pour moi des humains de qualité, qui accessoirement se trouvent être des femmes et enfin peuvent être qualifiées de féministes au sens noble sans se réduire à ça.
Houla mais y a plein de mots compliqués… mais quand on est père au foyer de 3 enfants (ah zut la théorie du genre m’a transformé) on ne peut pas être bien malin.
Merci de ce billet coup de gueule, en espérant qu’il participe à changer les choses !
Si je puis me permettre, se dire humaniste c’est bien mais séparer les oppressions et donc donner à la lutte contre celles-ci des noms spécifiques (féminisme, anti-racisme…) est important car cela permet de lutter contre des discrimination/agressions/crimes spécifiques.
Tout rassembler sous un même nom c’est le risque d’invisibiliser certains problèmes.
Et sinon, merci pour ce billet coup de gueule 🙂
Que les hommes aient peur de perdre leur domination « du genre », ok. Mais mine de rien, ce ne sont (hélas) pas les seuls à réagir.
Il serait intéressant (et plus égalitaire) de se pencher aussi sur l’état psychologique des femmes qui se revendiquent anti-mariage pour tous et anti-théorie du genre…
Car de mon point de vue, pour rendre le combat de l’équité effectif, ce sont les premières à convaincre (et donc à comprendre).
Traiter de « gros cons » tous ceux qui pensent différemment, quel sens de l’argumentation ! Ce n’est certainement pas avec ce genre de discours affligeant que les choses avanceront….
Je laisse passer votre commentaire histoire qu’on voie que je laisse parfois passer même ceux qui n’apportent rien. (Ma bonté me perdra.)
Cher Monsieur, l’article entier est une argumentation. Les trois dernières lignes exposent, par suite logique, la conclusion à laquelle je parviens. Permettez-moi d’employer un peu de logique formelle :
– Si [se mêler de la morale d’autrui (= « être moraliste ») + réagir par égocentrisme + laisser parler la peur et l’ignorance]
– Alors => gros con
CELA s’appelle une argumentation. Vous êtes libre d’en attaquer les prémisses et/ou le déroulé, plutôt que d’utiliser des mots comme 1) « affligeant », ou 2) « tous ceux qui pensent différemment ». Là, ce ne sont 1) pas des argumentations 2) une lecture erronée car introduisant une généralisation fallacieuse absente de l’article initial. Voyez-vous la différence, mon cher Monsieur ?
Il n’a pas lu le billet, comme la plupart des gens qui font des amalgames, ils ne voient que la surface et pas le contenu.
En tout cas, beau billet et bravo, même si les gros cons resteront des gros cons…