Payer une facture en France, payer une facture en Australie

Ceci est une histoire vraie :

Payer une facture en France (en l’occurrence, soins exceptionnels) :

  • Recevoir la notification papier.
  • Constater la présence d’un papillon à détacher à renvoyer avec son chèque.
  • Constater qu’on n’a plus de chéquier depuis très longtemps.
  • Chercher – et trouver – en petit sur le document la mention d’un portail de paiement des finances publiques.
  • Aller sur ledit portail.
  • Constater qu’il ne marche pas avec Safari. Sortir le Chrome qu’on garde pour ce genre d’occasions.
  • Remplir le numéro de client.
  • Remplir le numéro de facture.
  • Remplir le numéro d’ordre.
  • Constater que le numéro d’ordre n’est pas bon.
  • Le recopier à nouveau.
  • Constater qu’il est toujours faux, malgré l’assurance de l’avoir tapé correctement.
  • Scruter la facture. Constater qu’il existe un autre numéro d’ordre, qui porte exactement le même nom que le premier, ailleurs sur le document, pas du tout à côté des précédents identifiants parce que fuck you that’s why.
  • Rentrer ce numéro d’ordre.
  • Ouf, ça marche.
  • Valider le paiement.
  • Temps consacré : 7 minutes.

Payer une facture en Australie (quelle qu’elle soit) :

  • Aller directement à la section dite BPAY, laquelle est standardisée pour toutes les factures.
  • Aller dans son appli bancaire. Rentrer le numéro d’émetteur BPAY.
  • Constater que l’application confirme, en toutes lettres, le nom de l’émetteur avec le numéro rentré.
  • Rentrer son numéro de client.
  • Payer.
  • Temps consacré : 15 secondes.

Bonus : Se rappeler que, à l’avenir, toute facture émise par le même organisme pourra être payée directement dans la section BPAY avec les mêmes identifiants dorénavant enregistrés et que le temps de l’opération sera quasi instantané.

2025-08-25T09:55:40+02:00mercredi 27 août 2025|Humeurs aqueuses|2 Commentaires

IA, soupe tiède et soif d’humanité

L’IA me pète les genoux, l’IA me sort par mes yeux, l’IA et ses petites baguettes magiques de merde qui ont fleuri dans tous mes outils me donnent envie d’aller acheter une machine à écrire de vingt-cinq kilos pour défoncer un rack de serveur avec, bref, je ne suis point enthousiasmé par ce prétendu outil en quête d’un modèle économique et fondé sur le plus grand pillage d’œuvres de l’esprit de l’histoire humaine et qui démontre régulièrement qu’il est plus con qu’une chaise à trois pieds

L’IA ne crée pas, ça commence à se savoir, elle ne fait que remixer ce dont on l’a nourrie et ce, de façon globalement peu adroite, en plus, et y a forcément des crétins pour crier au miracle, comme des spectateurs revenant d’un événement de David Copperfield fermement convaincus que la lévitation existe :

There's a thread on Twitter that purports to show that AI can save money by producing visual effects better than Hollywood. And it's just identical shots that wouldn't exist without straight plagiarism of the source material. It might be the dumbest thread I've ever seen.

Matt Novak (@paleofuture.bsky.social) 2025-05-14T04:48:48.085Z

RENDEZ-VOUS COMPTE CETTE PHOTOCOPIEUSE ÉCRIT DU DOSTOÏEVSKI C’EST UN MIRACLE

Hélas, le monde étant ce qu’il est, pour des textes simples, des brochures publicitaires, des musiques d’illustration, l’IA est déjà en train de mettre des pelletées de gens sur la paille (MAIS LE PROGRÈS ! nous clame-t-on). Mécaniquement, ça percole aussi dans l’art au sens large (on a parlé des techbros de Spines), mais j’ai un rêve – probablement un peu idéaliste, mais c’est un rêve, alors c’est fait pour :

Nous baignons déjà dans une soupe artistique tiédasse où plus le risque est important, plus la sécurité prime, en témoignent les blockbusters Marvel sortis à la chaîne, la lassitude du public envers les formules-qui-marchent, la nouvelle trilogie Star Wars bancale, etc. Une fois de temps en temps sortent cependant des projets risqués qui bluffent tout le monde : Outer Wilds, Twin Peaks, Messe pour le Temps Présent, Severance, The Fountain, de vrais projets d’artistes (avec les parcours épineux qui les accompagnent souvent, malheureusement), qui pètent tout et inspirent toute une sphère.

Or l’IA ne créera jamais quelque chose de totalement novateur, c’est tout le contraire, elle va donc renforcer l’aspect soupe tiédasse dont nous avons déjà… euh… soupé. Mon rêve, ma croyance, mon fils, ma bat… euh… c’est que cette situation développe une appétence renouvelée pour les projets d’artistes, les approches folles, novatrices, les vrais risques qui disent quelque chose, d’autant plus en réaction vis-à-vis de l’immense photocopieuse qu’est l’IA où tout est plus ou moins pareil et mécaniquement réchauffé. On voudra de l’humain, qui saigne, qui met son cœur sur la table, qui te prend le visage entre les mains, te plante les yeux au fond de l’âme et te dit : « tiens, putain, de la vie brute dans ta gueule ».

Soyons grand·es, beaux et belles, fantastiques – fous. Je veux dire, ça a bien marché pour Boris Vian.

Ouais, je rêve. Je sais. Mais une part de moi y croit quand même. C’est parce que je garde une foi déprimante envers notre espèce. Sinon, je ne ferais pas des articles avec des gros mots.

2025-05-16T16:33:16+02:00mercredi 21 mai 2025|Humeurs aqueuses|5 Commentaires

L’histoire récente en un graphique

Petit jeu : sur le graphe suivant, résumant la force de l’euro contre le dollar australien (qui est assez volatile, car servant de monnaie relais sur les échanges mondiaux), pouvez-vous trouver le moment de l’investiture de Donald Trump, puis le moment où il a annoncé ses droits de douane absurdes ?

Évidemment, ça fait mes affaires (je fais le plein de ma bagnole pour une quarantaine d’euros Down Under…) mais je préférerais de loin que, vous savez, on ne détruise pas le monde, et en plus, par bêtise abyssale.

Au cas où vous l’auriez raté, la formule censément complexe et puissante avec des lettres grecques de partout pour calculer les droits de douane de l’administration américaine est un simple rapport de pourcentage de la balance commerciale avec un état donné, divisé par deux. Ce qui n’a aucun fondement dans la réalité, et pour ajouter à la connerie stellaire de la situation, ces tarriffs ne sont pas appliqués par état souverain, mais par domaine Internet (.fr, .au, .uk…) ce qui signifie que des îles inhabitées sont taxées, ainsi que… l’Antarctique. (Qui, au rythme où vont les choses, exportera peut-être de moins en moins d’icebergs)

Le clou dans le cercueil : cette brillante tactique aurait été suggérée… par une IA. Donc, quand on dit que cette « technologie » a le potentiel de détruire le monde, ça commence, mais juste parce que notre espèce a atteint un niveau de stupidité collective suffisamment prodigieux pour s’y fier aveuglément.

Le monde se rééquilibre souvent, cependant, après une crise. L’indécrottable optimiste en moi veut voir ici le potentiel pour l’entrée dans un âge nouveau, après, certes, une crise d’envergure, parce qu’il semble qu’on ne sache toujours pas faire autrement.

Et le monde ne se rééquilibre pas tout seul – il le fait grâce à l’action concertée et prolongée des peuples.

2025-04-09T10:49:45+02:00mercredi 9 avril 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur L’histoire récente en un graphique

Meta a sciemment pillé des téraoctets de livres (nous sommes tous dedans) pour entraîner ses « intelligences artificielles »

Je n’ai plus l’envie ni l’énergie de chercher des formules créatives pour exprimer toute la haine que Meta m’inspire. Aucune mesquinerie n’est assez basse, et qu’importent les dégâts causés sur les peuples, les esprits, les jeunes. La dernière en date, mineure en comparaison des atteintes aux droits humains fondamentaux mais révélant quand même toute la pourriture de cette culture d’entreprise et sa certitude d’être au-dessus des lois et de la décence, c’est le piratage de téraoctets de livres pour entraîner leurs modèles de langage, sans aucune compensation bien sûr des auteur·ices.

À peu près tout l’imaginaire français est dedans (puisque c’est basé sur les ebooks pirate LibGen). Vous pouvez vérifier ici.

Ma pomme

Si vous aimez le livre, les auteurs, l’édition et même juste les gens tout court, je ne sais plus comment dire qu’il faut radicalement couper les ponts avec cette verrue de l’humanité, clôturer les comptes et aller ailleurs. Oui, je sais, ça n’est pas facile, vous avez des gens dessus qui refusent de bouger, mais au bout d’un moment, arrêter la clope aussi, c’est dur, surtout quand vos potes fument, et pourtant, c’est nécessaire, et au bout d’un moment, c’est vos potes immobilistes qui doivent avoir l’air un peu nigauds.

Si vous travaillez dans le livre et l’édition, et que vous vous sentez captif·ve de Meta, vous vous trouvez dans la même situation que quelqu’un qui travaille dans un centre de protection de la nature à démazouter des goélands toute la journée pour découvrir que vous êtes payé·e par Exxon. L’image n’est pas anodine : dans certains cas, ces groupes sont les seuls à payer pour le travail nécessaire, et il faut bien le faire.

Mais il faut vous rappeler qu’ils sont la cause même du problème que vous combattez. Meta s’essuie les pieds sur la dignité humaine, dont la culture et le droit de disposer de son travail représentent une toute petite partie. Personne ne les arrête, personne ne les critique, parce qu’ils sont « trop gros ».

Mais qui leur a donné ce pouvoir ? Nous. Meta monétise et privatise un des biens les plus précieux de l’humanité, la connexion. Nous devons de toute urgence leur reprendre avant de finir mazoutés à notre tour. Jusqu’à quand allons-nous accepter de jouer le jeu ?

Nous devons guider collectivement le public vers des alternatives plus vertueuses et tout aussi faciles d’emploi comme Bluesky, la bonne vieille newsletter, le serveur privé Discord, le forum, etc. Il faut se rappeler que la présence d’un public sur une plate-forme n’a guère de corrélation avec la qualité des échanges ou la capacité à communiquer autour de son travail. Noyé·es dans les algorithmes et les pubs, nous devenons forcé·es de payer pour mettre devant les gens qui pourtant veulent nous suivre le contenu qu’ils veulent voir (je suis assez vieux pour avoir vu l’arrivée de l’algorithme il y a treize ans, et le problème est toujours le même).

Ça s’appelle du racket.

2025-03-24T21:07:06+01:00mercredi 26 mars 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Meta a sciemment pillé des téraoctets de livres (nous sommes tous dedans) pour entraîner ses « intelligences artificielles »

Un boss de boîte d’IA prétend que les gens n’aiment pas faire de musique, sans doute parce qu’il n’a pas d’âme

Ces gens me fatiguent.

Mikey Shulman, président de Suno, justifie son pillage modèle économique en prétendant la chose suivante :

I think the majority of people don’t enjoy the majority of the time they spend making music. (Je crois que la majorité des gens n’apprécient pas la majorité du temps qu’ils consacrent à créer de la musique)

Peu importe que l’espèce humaine en crée depuis LITTÉRALEMENT LA NUIT DES TEMPS, hein. Peu importe que les enfants chantent à tue-tête et adorent les clairons et les tambours offerts par des amis de la famille aux intentions troubles. Peu importe que l’histoire n’ait pas attendu l’arrivée de Suno pour donner Beethoven et Jean-Michel Jarre.

« Je ne crois pas que les hommes préhistoriques qui dessinaient des déesses de la fertilité sur des cavernes aimaient tellement faire ça, en vrai » – Mikey Shulman aussi, j’imagine

L’intérêt de la création est dans le voyage. L’intérêt de la vie, oserais-je, est dans le voyage ; c’est pour ça qu’on aime prendre cher dans Demon’s Souls. Je doute que Shulman ait jamais joué de quoi que ce soit dans sa vie, parce que même moi, qui suis un claviériste totalement dégueulasse, je m’amuse à tripoter les touches, et si le temps de la création peut être difficile, il est enrichissant.

Il est même probablement enrichissant parce qu’il peut être difficile ; c’est la fondation même de la sensation d’accomplissement (conquérir la difficulté).

On n’aurait jamais dû laisser ces compteurs de haricots s’approcher de près ou de loin de l’art et de leur pratique qu’ils ne comprennent visiblement pas. Notre société, gangrénée par son aspiration à ses quinze secondes de gloire, veut parvenir à des résultats, à des récompenses, en imaginant que produire un banger avec un prompt va a) faire d’eux des artistes, leur donnant une identité dont ils attribuent justement la valeur à l’accomplissement ci-dessus, ce qui génère nécessairement un mensonge intérieur b) leur donner le succès et par voie de conséquence c) valider toute la démarche, sauf que la validation se trouve d’abord dans la réalisation et non dans la reconnaissance d’autrui

Dans l’absolu, les outils facilitant la création (des instruments au sens large, allant dudit clairon au séquenceur aléatoire) sont des aides providentielles pour donner à la vision humaine la capacité de s’exprimer. Mais cette vision, pour être respectée, nécessite un travail incompressible, parce qu’elle est inhérente à la personnalité de l’individu, ce qui n’est pas réplicable ni automatisable. J’ai un copain australien, père de deux enfants, extrêmement occupé dans son quotidien, avec une main en vrac l’empêchant de jouer de quelque chose, qui a utilisé Suno pour construire un album de métal en écrivant ses textes de A à Z puis en générant quelques 200 versions pour parvenir à un résultat qui lui plaisait.

De son propre aveu, ça été un boulot immense pour parvenir à un résultat qu’il a filtré et décidé. (Je m’insurge contre l’absence de régulation des entreprises d’IA, mais je ne le voue pas aux gémonies en tant que personne – il ne se considère de toute façon pas comme compositeur ni star internationale.)

Notez bien. Textes originaux. 200 versions. Pour être content à l’arrivée.

Hmm.

Je verrais bien là une ironie pour Mikey Shulman, mais quoi… 

Pour la peine, je remets ça là, tiens.

2025-02-12T00:42:06+01:00mercredi 12 février 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Un boss de boîte d’IA prétend que les gens n’aiment pas faire de musique, sans doute parce qu’il n’a pas d’âme

Le dark enlightenment, une des clés pour comprendre ce qui est en train de se passer sous nos yeux

J’hésite à relayer ça parce que c’est tellement aberrant que je me fais l’effet d’un conspirationniste, mais le déroulé théorique colle tellement avec l’actualité complètement insensée et terrifiante des deux dernières semaines (et France 24 en parle, donc ça n’est pas non plus zinzin) que ça vaut le coup de poser ça là, comme on dit, et je vous fais confiance pour évaluer la chose à l’aune de la réalité.

On connaît l’existence du Projet 2025, la feuille de route de Donald Trump, cependant il semble de plus en plus que ça ne soit que la partie émergée de l’iceberg, et le moyen pour arriver à quelque chose que… là tout de suite, à 9h45 du matin, je n’ai pas les mots pour décrire.

Prenez dix minutes de votre temps – vraiment, prenez-les – pour lire deux fiches Wikipédia (en anglais si vous le pouvez, elles sont plus développées et mieux sourcées) :

Celle de Curtis Yarvin, le « penseur » en tête de file du mouvement du dark enlightenment (néoréaction) qui pourrait bien former un des objectifs des bouleversements américains actuels :

Political strategist Steve Bannon has read and admired his work. Vice-president JD Vance has cited Yarvin as an influence, saying in 2021, « So there’s this guy Curtis Yarvin who has written about these things, » which included « Retire All Government Employees, » or RAGE, written in 2012. Vance said that if Trump became president again, « I think what Trump should do, if I was giving him one piece of advice: Fire every single midlevel bureaucrat, every civil servant in the administrative state, and replace them with our people.

Ça vous dit quelque chose ? (C’est explicite dans le Projet 2025)

Et donc, d’autre part, la page sur la néoréaction / NRx / dark enlightenment :

Neocameralism is the replacement for democracy where it gives everyone many options for « Exit » out of a undesirable autocracy and its taxes, rules and regulations, you don’t get to vote because in the neoreactionary ideal state they oppose democracy because it’s viewed as being anti-freedom, « Exit » is where you vote with your feet, you are free to bring your labor to another ‘gov-corp’ or governmental corporation, a complex patchwork of small, and competing, autonomous city-states.

Pour essayer de terminer sur une petite note d’optimisme quand même – je suis tombé sur ça, que je pose aussi, en annonçant d’emblée mon ignorance en la matière (insultez mon ignorance si vous voulez – si d’autres qui lisent ces mots ignoraient ça comme moi et se sentent l’envie d’aller creuser, j’aurai gagné ma journée) :

Two software developers became quietly known in tech circles in the 2000s and were almost the reverse image of each other. Both developed web alternatives. Both developed alternatives to the current government model.The right has read Yarvin and it shows. The left has not read Marsh and it shows.

Anonymous (@youranoncentral.bsky.social) 2024-12-06T05:58:45.972Z

Tout le fil vaut la peine d’être consulté mais en résumé, Heather Marsh serait diamétralement opposée à Yarvin, en s’attaquant aux mêmes symptômes (la difficulté d’organiser une société de plus en plus atomisée et volatile, en raison des développements technologiques) mais avec des réponses radicalement inverses, fondées sur l’ouverture et la collaboration.

Franchement, la page 3 de Binding Chaos part bien.

Corporations have the freedom to live in a world without borders or social responsibility, to own property no individual can claim and to control a one world government and legal system. This has had insupportable consequences for the world’s resources and individual rights.

Site et blog d’Heather Marsh, si vous voulez vous faire une idée.

2025-02-05T03:51:30+01:00mercredi 5 février 2025|Humeurs aqueuses|Commentaires fermés sur Le dark enlightenment, une des clés pour comprendre ce qui est en train de se passer sous nos yeux

« Les femmes sont la propriété de leur époux », pourra-t-on dorénavant lire tranquille sur Facebook

Oui, c’est le genre de post qui va dorénavant être autorisé sur Facebook, Instagram et Threads. Ou dire « les gays sont anormaux » ou « les jeunes trans n’existent pas ». Dans un mouvement de trahison opportuniste hélas parfaitement cohérent avec l’absence totale d’éthique de Mark Zuckerberg, Meta vient d’annoncer :

  • La fin d’une flopée de restrictions sur les discours haineux, permettant entre autres « toute allégation de maladie mentale ou d’anormalité basée sur le genre ou l’orientation sexuelle »
  • La fin de leur programme de vérification des faits, remplacé par des « community notes » façon X.

Exactement ce dont on a besoin en ce moment à l’échelon planétaire.

Meta est un putain de cancer sur la civilisation, un réservoir de négativité dont le fonds de commerce est basé la polarisation avec ces foutus algorithmes. C’est un mensonge de prétendre que l’on peut tenir des conversations équilibrées et posées sur ces machins : le COVID nous a montré, en temps réel et pendant deux ans, le bordel que ça a été alors qu’il y avait des politiques en place. La manière dont l’engagement fonctionne promeut mécaniquement la désinformation et le contenu d’extrême-droite. C’est le paradis du sealioning. Lever les restrictions, ça signifie mécaniquement promouvoir le sensationnalisme, la bêtise, la réaction immédiate. C’est la fin de la tempérance.

Je n’ai jamais fait mystère que je n’ai jamais vraiment aimé ces plate-formes, mais j’en reconnais l’intérêt, en particulier en vivant à l’autre bout du monde, les comparant à un salon littéraire permanent. En revanche, je ne participerais en aucun cas audit salon si l’organisateur cautionnait les discours comme « les femmes transgenres n’existent pas, ce sont des hommes pathétiquement perdus » (chacun de mes exemples sont pris verbatim de la revue de presse en fin d’article), ce qui est le cas ici.

Je suis devenu écrivain pour, entre autres, être libre de mon discours et explorer les complexités du monde. C’est beaucoup trop de boulot pour, proportionnellement, une rémunération beaucoup trop modeste pour, en plus, accepter de compromettre avec ce que je crois et, même, écris.

J’avais bêtement cru, en revenant sur Facebook et en tâtant d’Instagram, que Meta avait évolué et peut-être compris son rôle social. Non, Meta est irrécupérable, c’est une entité fondamentalement toxique, opportuniste et toute hygiène mentale devrait l’exclure, au même titre que TikTok.

Je ne jette la pierre à personne de vouloir rester sur ces plate-formes parce qu’il ou elle y percevrait une nécessité d’existence (« toute ma clientèle est là, si je m’en vais, je me coupe de mes revenus »). Je pointerais cependant quelques faits tirés de ma propre expérience :

  • J’ai quitté tous les réseaux en 2020. Le tome 4 de « Les Dieux sauvages », L’Héritage de l’Empire, sorti en plein confinement et sans présence réseau autre que celle de Critic, n’a pas souffert.
  • J’ai connu une productivité et un calme sans précédent (rapport à mon métier qui est de, vous savez, écrire).
  • La qualité des échanges que j’ai eus (par la newsletter ou ici) a augmenté drastiquement.

Après, certes, j’ai eu moins d’échanges et de liens au quotidien, mais c’était beaucoup plus réfléchi, profond, intéressant. Donc, satisfaisant pour tout le monde. Ne vaut-il pas parler réellement à cent personnes que crier à dix mille que ça n’intéresse pas ?

Je pointerais aussi que ces plate-formes n’ont que le pouvoir qu’on leur donne et nous leur en donnons collectivement beaucoup trop. Elles sont très douées pour nous faire croire qu’elles sont indispensables, mais je crois fermement qu’il y a d’autres moyens de constituer nos communautés et, même, de constituer un réseau social. Bluesky est un excellent exemple de ça ; le seul réseau qui trouve réellement grâce à mes yeux et que j’ai plaisir à utiliser parce qu’il n’y a pas d’algorithme. Et les premiers retours sont que : certes, il y a moins de monde, mais proportionnellement, on trouve bien plus de clients (si c’est des clients qu’on cherche).

Ce qu’on peut faire

Se barrer en masse, comme de X (une des meilleures décisions de ma vie récente en termes de rapport énergie / bien-être).

Réfléchir aux alternatives, retrouver le bonheur d’une vie sans algorithmes, et les refuser.

Pour ma part, toutes ces informations seraient suffisantes pour me faire partir, à jamais, de tout ce que Meta touche de près ou de loin (comme j’ai déjà évacué avec succès Google et Microsoft de ma vie). Cependant, John Gruber de Daring Fireball, un analyste que je respecte, pourtant farouchement anti-Trump, décode différemment la situation – et c’est le seul truc qui retient ma réaction furieuse. Il tend à dire que les règlementations internationales (en gros, européennes) rendront impossibles ces changements et qu’il s’agirait ici de brasser beaucoup d’air pour un simple exercice de génuflexion devant l’orange bouffie. Ce qui n’est pas glorieux, mais me fait retarder ma décision de dynamitage ; non pas parce que j’aime Facebook et Instagram (non, je déteste ces machins qui me donnent l’impression de tuer quelques neurones à chaque ouverture) mais par respect envers vous, qui y êtes et m’accordez votre intention et votre fidélité.

Je vous ai déjà fait un numéro de « je m’en vais » (en 2020) pour « je reviens » et je suis très conscient du temps que vous-mêmes passez sur ces plate-formes (avec plaisir même, je ne juge personne). Je vous suis très reconnaissant de vos suivis divers, de vos commentaires, de nos interactions. Il n’est pas question que je fasse la girouette ou la diva, et si je m’en vais de nouveau, ce sera pour de bon, en assumant toutes les conséquences1.

Une chose est sûre, il me semble vital, dans le monde où nous sommes, d’attirer l’attention sur ces situations. Si je n’utilise pas la mienne, de plate-forme, pour parler de tout ça, pour rappeler qu’on se tue le cerveau collectivement en se rendant malheureux avec ça, et peut-être, suivant les déroulements à venir, d’agir en cohérence avec moi-même, pourquoi je fais ce travail, bon dieu ? Pourquoi je passe tant d’heures, parfois au détriment de ma vie personnelle, à façonner au mieux de ma compétence des histoires, des personnages qui se battent pour leur destin et leur actualisation ? Si elle l’avait devant lui, Mériane collerait une énorme gifle à Zuckerberg (et l’enverrait au tapis tellement il est tout fragile).

Nous devons inventer d’autres modes, reprendre le pouvoir de notre communication, de notre lien social. Meta a réalisé un hold-up planétaire sur une activité humaine fondamentale tout en la vidant de sa substance ; combien de temps allons-nous encore tolérer de nous polluer ainsi l’esprit ?

Références

  1. Venez sur Bluesky ! Tant que ça dure… mais je crois qu’ils ont compris leur positionnement qui est : « exactement le contraire du reste ». Aller à l’encontre de ce placement serait un suicide commercial, ce qui me donne espoir.
2025-01-12T21:38:06+01:00lundi 13 janvier 2025|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

Le monde est différent. Nous pas.

Well, fuck.

John Scalzi

Je ne vais pas prétendre que j’ai une grande analyse profonde à vous proposer alors que le monde entier a la gueule de bois, que nous sommes innombrables à être terrifié·es du monde dans lequel nous nous réveillons aujourd’hui et de ce qui nous attend pour les quatre ans à venir.

Une pensée cruciale, cependant : il est indispensable de ne pas baisser les bras. Je sais qu’on en a tou·tes gros sur la patate, que le monde est vraiment très très compliqué, est-ce qu’on pourrait calmer un peu le manège un moment s’il vous plaît – il est sain et normal de se poser un peu avec ses émotions, d’accepter qu’on vient de prendre une brique sur le coin de la gueule et que ça fait mal, deux secondes, je dis aïeuh, je suis à vous dans un instant.

Cependant, la vie n’est pas finie, la civilisation n’est pas vaincue, le monde n’est pas mort. Je sais que c’est extrêmement tentant de penser ou de parler ainsi, parce qu’on en a marre, mais les mots ont du pouvoir, et si nous commençons à les dire, même de dégoût, ils finiront, à force, par prendre de la réalité. Nous créons notre environnement autant qu’il nous façonne.

That is very much how autocracies take hold. People get tired of fighting. Mass withdrawal from the public sphere is the foundation of autocracy.

https://talkingpointsmemo.com/edblog/status-check-before-midnight – emphase de mon fait

L’avenir peut sembler bouché, le monde épouvantable, et ils le sont à bien des degrés. Les droits de tout ce qui n’est pas hétéro, cis, homme, blanc et riche, l’équilibre géopolitique, le climat, tout ça se trouve en très réel danger. La colère envers les irresponsables qui ont voté pour un criminel fasciste est légitime. Mon cœur saigne pour tous les amis qui se trouvent là-bas et les innombrables personnes qui ne voulaient pas de lui.

Pour essayer de nous donner une lueur d’espoir, rappelons-nous que :

  • Dans les années 1950, le McCarthysme battait son plein avec l’existence d’un comité jugeant les activités anti-américaines (HUAC).
  • Dans les années 1960, la crise de la baie des Cochons a amené le monde au bord de la Troisième Guerre Mondiale.

Le monde a survécu, et ce qui passe pour notre civilisation aussi.

Ce n’est absolument pas pour minimiser et dire que tout ira bien – non, parce que l’élection de Trump et ses doctrines vont faire, et font déjà plus que ravages : des morts. Et ça n’est que le début. Mais sa présence n’est pas une fatalité, un signal d’extinction. L’humanité a déjà connu des crises graves, et elle est encore là, grâce à la décence, aux bonnes volontés, aux personnes courageuses qui ont gardé un compas moral.

La seule véritable catastrophe consiste à jeter l’éponge. Ne le faisons pas, où que nous soyons. Tou·tes, à notre échelle, nous devons résister, par la pensée, la parole et l’acte.

Et, en passant, l’une des leçons les plus immédiates et tellement faciles à retirer pour nous dans le reste du monde, c’est qu’il faut voter. Les extrémistes vont toujours aux urnes, et quelle que soit l’opinion qu’on pouvait avoir de Kamala Harris, la situation était claire : dans un cas, il y avait une candidate respectueuse du processus démocratique, des institutions de son pays, dans l’autre, un autocrate avéré, condamné plusieurs fois, leader d’une insurrection, qui cite Hitler tranquille.

Ce n’est pas la même salade. Du tout. Et si la France ou d’autres pays se trouvent confrontés à ce même genre de situation, j’espère que nous aurons collectivement la clairvoyance de le constater, quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir de « l’alternative ».

Les votes comptent. Les États-Unis vont endurer quatre ans (on espère que ça se limitera à ça) très douloureux, et le monde aussi, par voie de conséquence. Qu’il le veuille ou non, ce pays montre le chemin au monde: maintenant qu’ils ont fait cette erreur colossale, ne la faisons pas à notre tour. Et ça peut être, parfois, aussi décisif que bouger son cul en nombre pour éviter qu’une pure ordure se retrouve élue par défaut.

2024-11-07T06:14:36+01:00jeudi 7 novembre 2024|Humeurs aqueuses|3 Commentaires

L’édition et l’imaginaire ne sont pas imperméables : à un moment, il faut se bouger

Au détour d’une conversation avec l’équipe d’Elbakin.net, j’apprends une nouvelle qui, comme disent les jeunes (ou peut-être déjà plus), me bute.

Leur podcast principal, qui a lancé des appels à candidatures il y a quelques mois (et vient de reprendre !), a reçu royalement le nombre suivant de candidatures :

Trois.

(J’écris cet article avec leur approbation pour communiquer le nombre, mais ils n’ont aucune idée de ce que j’écris et ne sont nullement associés à mes mots, même si, quand ils m’ont donné l’accord de donner le chiffre, j’ai senti de leur part un léger serrage de fesses, ayant probablement senti mes gros yeux à 17000 km de distance.)

Les gens, en fait les gens qui ne me lisent pas, donc c’est un peu ballot, mais bon, bref, les gens : il faut qu’on se parle. Cela fait à peu près une décennie, à la louche, que je lis des questions en ligne du genre : l’imaginaire c’est fermé on peut pas y rentrer, l’édition c’est super opaque, moi je veux bien faire du réseau mais comment je fais je connais personne, et d’ailleurs c’est la seule façon de publier hein, c’est connaître qui il faut –

Désolé, mais, à force

Mes amis, on le ressasse éternellement dans Procrastination, un auteur établi a été un jour un auteur débutant, tout le monde a fait le même parcours que vous, les temps changent mais pas tant que ça par certains côtés, et en plus, beaucoup (même si de moins en moins, le temps avance, tout ça) l’ont fait avant l’omniprésence d’Internet, soit sans le littéral débordement d’information qu’on y trouve (formations, articles, forums, des années de tables rondes captées entre autres par ActuSF, podcasts évidemment, etc.).

Mes amis, j’aurais donné très cher pour avoir accès à tout ça quand j’ai commencé et que – y a prescription, donc je l’avoue – j’imprimais des pages et des pages de ressources uniquement disponibles en anglais à la salle informatique de mon école à deux heures du matin en profitant qu’il n’y ait pas de quota.

Quand je lis ces bouteilles à la mer sur les réseaux et qu’en face, je vois que le podcast Elbakin.net, porté donc quand même par l’un des premiers sites de France, reçoit trois candidatures, j’ai vraiment du mal à comprendre. Okay, peut-être n’êtes-vous pas à l’aise avec le format (mais je vous dirais bien : dans mes années formatrices, j’avais envie de faire des trucs, d’écrire, d’apprendre, donc mon confort avec un format n’entrait pas en ligne de compte, ma réponse de base à « tu veux faire x ? » était : « oui » et je voyais après comment j’allais me tirer de ce guêpier), cependant ça n’est pas une occurrence isolée (voir l’anecdote avec mes étudiants citée dans l’article d’origine). Des occasions pour découvrir un métier et un milieu, des médias, il y en a plein d’autres (bénévolat en festival, blogging, revues amateur…)

Attention, je ne dis pas qu’il faut bosser gratuitement, le travail mérite rémunération ; mais quand on débute, qu’on est, par définition, un complet amateur, des occasions de faire des trucs chouettes au titre du loisir (on faisait des fanzines, autrefois, par exemple), ça existe, ce sont de super occasions d’apprendre, de faire, et c’est comme ça que les portes peuvent finir par s’ouvrir, juste parce que vous montrez enthousiasme, motivation et un début de compétence. (En parlant de portes, j’ai l’impression d’en avoir une énorme devant moi, totalement ouverte, et de l’avoir totalement défoncée, mais visiblement, ce n’est pas une évidence.)

Mes amis, s’investir et se construire, ça nécessite plus que poster une demi-question sur Threads et se réjouir de voir « ah ben je suis pas le seul à me demander ça, c’est quand même compliqué hein, emoji cœur sur toi avec les mains ». Bien sûr, la validation, c’est chouette, mais vous savez ce qui vous entraîne plus loin et vous permet d’atteindre vos buts et vos objectifs ?

L’absence de validation. Sortir de chez soi dans le vaste monde (qui n’est pas aussi dangereux qu’on l’imagine).

Être validé, c’est confortable, et c’est une nécessité humaine. Mais ce qui nous fait progresser, apprendre, évoluer, c’est justement ce qui ne nous valide pas ; ce qui nous met en situation d’inconfort et nous oblige à agir. Bien sûr, les deux sont nécessaires à une existence, et on préférera certains dans certains contextes (le soutien dans son entourage proche, par exemple), et tout le monde va chercher un équilibre différent à des moments différents. Toutefois, si votre vie n’est faite que de validation ou que de défi, je suis navré, mais il y a un souci quelque part.

Mes amis, dans une vie qui se veut créatrice, la peur et l’immobilisme ne peuvent pas vous gouverner. Désolé, mais la peur est comprise dedans. Ça n’est pas négociable. Ce que vous en faites, comment vous apprenez à la gérer, c’est ce qui fera la différence, et la bonne nouvelle, c’est que ça se travaille ! La mauvaise, c’est que personne ne le fera à votre place. Il n’y a pas, dans la création, de dû, d’occasion qui viendra frapper à votre porte sans que vous n’alliez d’abord à la découverte du monde, ni de récompense en corrélation avec le travail investi. Si vous raisonnez en termes de justice ou de rétribution, je vous le dis tout de suite, c’est fondamentalement injuste ; donc, arrêtez de penser ainsi et pensez plutôt à l’épanouissement offert par le chemin.

Faites-le parce que ça vous nourrit. Ou ne le faites pas. Il n’y a, justement, que des essais.

Ou encore, dans les mots immortel du roi Arthur :

Emoji cœur sur vous avec les mains.

2024-10-06T01:59:34+02:00mardi 8 octobre 2024|Best Of, Humeurs aqueuses|17 Commentaires

Procrastination est à présent disponible sur Deezer

Merci à l’équipe d’Elbakin.net qui, on le rappelle, assure la diffusion de Procrastination depuis neuf ans ! Vous l’avez demandé, et c’est maintenant le cas : le podcast est à présent disponible sur Deezer.

➡️ Procrastination sur Deezer : https://www.deezer.com/fr/show/1001277761

2024-10-02T02:57:01+02:00lundi 7 octobre 2024|À ne pas manquer, Humeurs aqueuses, Le monde du livre|Commentaires fermés sur Procrastination est à présent disponible sur Deezer
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