La veille, donc, je me suis montré antipathique en donnant des réponses qu’en général personne ne veut.
Aujourd’hui, nous allons examiner ce qu’on peut réellement faire dans un marché toujours plus saturé de soumissions éditoriales, avec des supports qui se raréfient, et ce notamment dans le cas du roman (même si j’ai tendance à recommander d’attaquer par des nouvelles), où il est quand même difficile d’en écrire treize en attendant d’être publié (… même si c’est ce qu’a fait Brandon Sanderson, donc…).
La règle d’or reste toujours le respect de conditions de soumission de l’éditeur. Renseignez-vous ! Parfois, celles-ci autorisent les soumissions simultanées : cherchez ces éditeurs-là et allez-y gaiement. Parfois, celles-ci mentionnent clairement que toute absence de réponse au bout de quatre, six, huit mois valent refus ; prenez-les au mot et renvoyez votre travail ailleurs. Mais si celles-ci exigent une exclu sur la lecture pendant six mois, jouez le jeu en connaissance de cause. Et, bien sûr, si l’on vous demande trois chapitres plus synopsis, envoyez trois chapitres plus synopsis. Pas le livre entier. Jamais.
Reste le cas difficile du silence radio. Que faire pour obtenir des nouvelles de son oeuvre ?
De manière générale, si l’on laisse s’écouler un temps de traitement raisonnable, il n’est pas interdit de relancer poliment. (J’insiste. Poliment, bordel.) Nous sommes entre êtres humains de bonne compagnie et l’éditeur comprend que vous ne pouvez pas non plus lui garder votre livre jusqu’en 2050. L’idéal est de l’attraper en personne sur un festival, de se présenter courtoisement, d’expliquer qu’on a envoyé un livre à telle date, et qu’on n’a pas encore reçu de nouvelles, est-ce normal ? La réponse la plus probable sera « Oui, nous sommes en retard sur le traitement des soumissions. » (Les éditeurs sont généralement en retard sur les soumissions, ce n’est pas parce qu’ils s’en fichent, c’est parce qu’ils 1) en reçoivent un volume ahurissant et 2) doivent faire tourner la maison au jour le jour, ce qui est plus prioritaire que tout le reste, et c’est normal.) « Relancez-nous dans n mois. » C’est aussi simple.
Pas la peine de dire en soumettant votre travail qu’en l’absence de réponse sous n mois, vous vous réservez le droit de soumettre ailleurs ; cela vous fait paraître procédurier. On s’en doute bien. Relancez au bout du délai que vous vous êtes fixé ; ensuite, si vous ne recevez aucun signe de vie malgré deux ou trois relances courtoises et bien espacées dans le temps, alors sentez-vous libre d’aller ailleurs. Si l’éditeur se réveille, il ne pourra alors pas vous en vouloir comme évoqué hier : vous l’avez amplement prévenu. Et si, malgré tout, le texte est encore disponible quand il vous fait une offre, tout le monde sera content.
Maintenant, se pose la question suivante : qu’est-ce qu’un temps de traitement raisonnable ?
Aaaah…
Pour les nouvelles
S’il s’agit d’un appel à textes pour un projet donné (anthologie) : déjà, en règle générale, il vaut mieux toujours privilégier les projets annonçant une date de publication, un éditeur, n’importe quelle forme de calendrier. Les appels du genre « on cherche à amasser des manuscrits pour l’instant, mais on les publiera peut-être un jour » débouchent rarement sur du concret. Rien n’empêche de participer, mais ne vous laissez pas bloquer à long terme, surtout si, au bout du compte, rien ne sort jamais nulle part. Quand il y a un calendrier, notamment une date limite de rendu des textes, cela donne une idée du moment où les responsables vont commencer à trier les soumissions et donc d’à partir de quand il est légitime de s’impatienter.
Pour un support à soumission continues (revue, webzine), c’est forcément plus flou si rien n’est annoncé.
Il y a quinze ans, quand j’ai commencé (fichtre) la moyenne de temps de traitement dans la profession était de trois mois pour les nouvelles. Nous nous imposions ce délai pour Asphodale, comme le faisait Galaxies. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est plutôt le minimum. La limite basse me semble donc trois mois, et c’est même probablement un peu tôt pour s’interroger. Quatre mois me semble un bon délai pour commencer à demander ce qu’il en est. (Toujours poliment, hein.)
En revanche, si le projet qui vous intéresse a publié un calendrier (clôture des soumissions au moins n, parution au mois n + 6, par exemple), visez quelque part entre les deux. La fabrication (mise en page et impression) d’un livre prend un (si l’on est très rapide) à deux mois. Il faut aussi compter les corrections avec les auteurs en amont, ce qui prend du temps. Calculez donc un délai raisonnable pour avoir des retours sur votre travail. Dans l’exemple donné, avec un calendrier pareil, au bout de n + 2 mois, on peut vraiment se demander si l’on a été retenu ou non.
Pour les romans
Il s’en envoie tellement et c’est tellement difficile d’estimer une vitesse de travail dans ce domaine… Pour cette raison, avant six mois, cela me paraît peu réaliste d’avoir un retour. Se repose donc la question des soumissions simultanées si l’on espère publier rapidement. Est-ce pertinent ?
Je persiste à penser résolument que non (mais je suis certain qu’on me contredira avec véhémence en commentaires : auguste lectorat, lis-les pour avoir un avis différent du mien, ce qui est tout l’intérêt d’un blog). Mais si l’on veut tenter, je lis parfois qu’on recommande d’envoyer le manuscrit tous les trois mois (ou plus) à un éditeur différent, ce qui offre un moyen terme entre la salve d’envois tous azimuts, ce qui risque de susciter des conflits, et l’attente parfois très longue d’une réponse (et, quand même, il est parfaitement compréhensible qu’on ne souhaite pas mourir de vieillesse en attendant). Pourquoi pas.
Enfin, certains envoient bel et bien tous azimuts. Cela se fait : il faut juste avoir conscience des risques.
Mais en cas de problème, tu ne diras pas, auguste lectorat, que je ne t’ai pas lourdement prévenu et n’ai pas déconseillé la pratique. N’hésite pas à donner tout particulièrement ton avis en commentaires sur ce point.
Suivez vos soumissions !
En bonus, n’oubliez pas de suivre ce que vous avez envoyé à qui et quand, pour savoir quand relancer si vous le souhaitez, quelles sont vos relations avec x ou y, et surtout pour éviter la gaffe classique… Renvoyer plusieurs fois le même manuscrit au même interlocuteur ! La SFWA propose ces cinq ressources pour suivre ses soumissions ; le plus simple et le plus pérenne dans le temps me semble le logiciel Sonar, conçu spécialement à cette fin.
Bon courage et bonnes soumissions, et n’oublie pas, auguste lectorat : si tu veux établir une carrière solide et durable, le meilleur calcul consiste toujours à privilégier la patience.
Le truc, en fait, c’est d’avoir une vingtaine de romans sous le coude à envoyer à autant de maisons différentes, quoi.
article intéressant. L’auteur reconnu, lui, a son livre par an à sortir chez son éditeur attitré. L’auteur avec un bagage et possédant un projet peut déjà tâter le terrain auprès de certains éditeurs. Quant à l’auteur débutant ou ayant subi les ratés de précédents éditeurs, il a intérêt à envoyer tous azimuths AMHA. Et le premier qui prend tant mieux.
J’avoue avoir envoyé mon dernier roman à plusieurs éditeurs, mais dès qu’il a été pris par l’un j’ai prévenu tous les autres afin qu’ils écartent le manuscrit.
Pareil que Romain. J’ai envoyé à beaucoup mais j’ai prévenu quand il a été accepté (en même c’est venu après 27 mois ^^)
Perso la réponse positive a été reçus 2 mois après l’envoi, donc j’ai pu prévenir à temps. Après, je ne l’ai pas envoyé à « beaucoup » mais quand même à la demi-douzaine pouvant être intéressée.
Perso, j’ai eu une foule de non avant d’avoir le oui, donc le nombre d’éditeurs à prévenir s’était considérablement restreint ^^
Merci de nous faire part de ton point de vue et de ton expérience. Je rejoins pour ma part l’avis de Jess Kaan. Autant, quand on est un auteur déjà connu (même modestement) des maisons d’édition, on peut sans doute se permettre d’attendre. Autant, quand on cherche à se lancer, qu’on a essuyé plusieurs dizaines de refus pour plusieurs manuscrits, on a envie que ça bouge. Pour ma part, j’essaye d’espacer mes envois en fonction de mes priorités : d’abord la maison que je cible en premier, puis quelques mois après, la deuxième sur ma liste, puis je rapproche les envois à mesure que ma liste diminue. Attendre six (délai court) à neuf mois (délai le plus souvent constaté) voire 12 mois (déjà vu) pour une réponse et un nouvel envoi, quand on cherche à se lancer, je trouve ça trop long.
Je like pour l’image.
Ce que vous dites est immonde, Lionel Davoust ! Vous êtes un vendu et un malandrin ! (j’ai bon? j’ai bon?)
Très très fort, même.
Relance polie après délai raisonnable (le fameux 4 mois, 4 et demi) pour les nouvelles, c’est ce que je fais déjà, au final. Et je constate qu’il n’y a pas de solution miracle face aux mauvais fanzines qui restent silencieux au-delà de la décence… Si ce n’est apprendre à les éviter !
Pour les romans, avec le temps et les refus qui s’accumulent, je deviens blasé et relance de moins en moins. Par contre, j’avoue envoyer tous azimuts. C’est peut-être une erreur, mais comme il a été dit, tout est déjà si lent dans ce domaine que je n’aurais pas le courage d’attendre un retour éditeur par éditeur. Au pire, si l’un décide un jour d’avoir la bonne idée de me publier, je préviendrais les autres.
En tout cas, merci pour ces articles, je ne pouvais pas espérer réponses plus complètes à mes questions !
Soumissions, soumissions… Ça concerne la littérature style « 50 nuances de Grey » ?
Je crois que « littérature » n’est pas le terme adéquat pour qualifier cette « oeuvre ».
Merci beaucoup pour cette série (2 pour le moment 🙂 ) d’articles !
C’est très intéressant. Surtout qu’effectivement, je n’avais pas envisager sous votre angle la soumission simultanée. En fait, ce n’est pas vrai, je partais du principe que toutes les maisons d’édition me refuseraient ou m’oublierais et donc, du coup, j’avais prévu tout envoyer en une fois pour gagner du temps puisque ce ne serait que des refus… pessimisme, quand tu nous tiens !
Dès lors, je reverrai ma manière de faire quand le moment sera venu.
Par contre, comment choisir l’ordre d’envoi d’un manuscrit ? Je suppose qu’une fois qu’on a sélectionné les maisons éditions à la bonne ligne éditoriale pour nous, il ne suffit pas de les lister et d’envoyer les manuscrits par ordre alphabétique des maisons. Quels sont les critères, d’après vous, qui définiraient cet ordre d’envoi ?
Le temps de réponse ? La réputation ? Notre préférence par rapport aux publications des maisons ?
Une fois passés les critères du sérieux, du ciblage, de la rémunération proposée, de la promotion accordée au livre (tous les éditeurs n’ont pas les mêmes moyens, c’est normal)… je crois qu’au fond, le critère principal doit toujours rester l’envie. Une relation auteur-éditeur, c’est aussi une entente, une compatibilité d’humeur, de personnes, de goûts. Je pense qu’il vaut mieux être bien traité par un petit que mal par un gros. Le temps de réponse, en revanche, ne saurait jamais être un critère. Encore une fois, on ne fait pas ce métier parce qu’on est pressé ! 🙂
Merci pour votre réponse ! 😀
J’ai, toutefois, encore une question… (on va me coller l’étiquette d’emm… nnuyeuse notoire ! XD)
Que pensez-vous d’autopublier son roman/sa nouvelle en attendant qu’il/elle trouve son éditeur. J’entends beaucoup d’avis divergents à ce sujet.
Je sais que ça arrange certains éditeurs parce que ça veut dire que l’auteur a déjà un public et une comm’ en place et que, donc, c’est moins de travail pour l’éditeur. Mais d’un autre côté j’entends que ça n’arrange pas les éditeurs puisque ça veut dire qu’une partie des droits se sont déjà envolés qu’ils n’auront pas l’exclusivité du titre.
Qu’en pensez-vous ?
Et, d’ailleurs (encore une question ! :D), si on a déjà envoyé son manuscrit à un éditeur, nous est-il interdit/déconseillé d’en parler, de visu, à d’autres qu’on rencontreraient dans des salons/foires/bars/… ?
Je pense que construire un public et une communauté en autopublication est un travail bien plus vaste qu’on ne l’imagine et que les rares succès cachent l’immense majorité qui n’est pas lue. Le livre électronique est – en moyenne – peu lu, l’autopublication l’est – en moyenne encore – encore moins (surtout en France). Imaginer se construire une communauté n’est pas moins difficile que de publier un premier roman chez un éditeur classique. Et si les éditeurs classique refusent tant de manuscrits, ce n’est pas seulement parce qu’il refusent des choses impubliables, c’est une minorité ; la vérité, c’est que 90% des soumissions ne sont pas au niveau. Travailler et améliorer son écriture me semble un meilleur calcul artistique que de chercher l’autopublication pour gagner du temps à tout craint ; j’ai encore envie de vous demander : pourquoi tant d’impatience ? 🙂
Concernant l’attitude des éditeurs à ce sujet, elle varie complètement de l’un à l’autre. Ils ne courent pas après l’exclu juste pour le plaisir de collectionner des droits, mais pour pouvoir exploiter le livre sereinement et avoir un maximum de retour sur le travail investi. Certains voient donc l’autopublication comme une concurrence, mais d’autres pas. Et les avis vont changer, dans un sens ou dans l’autre, à mesure qu’on prend du recul sur cette question.
Enfin, il n’est pas interdit de parler de quoi que ce soit, mais ce n’est pas obligatoirement opportun. En règle générale, demandez-vous simplement si, dans un autre métier, vous parleriez de x ou y à tel ou tel interlocuteur ? À ce titre, l’édition est un métier comme un autre et on y observe la même réserve que dans toute autre filière professionnelle, commerciale ou industrielle. 🙂
Ce n’est pas une question d’impatience, en tout cas pas dans mon cas… surtout que mon roman n’est pas fini !
En plus, je ne suis pas impatiente, juste pessimiste. 🙂
Je m’interroge surtout au vu de ce qui se déroule autour de moi. J’ai une amie qui refuse l’édition classique pour ne pas perdre ses droits sur son travail. Elle s’est donc autopubliée. Mais, une éditrice d’une petite maison s’est intéressée à elle et lui a proposé un contrat sur mesure.
Je vois donc dans l’autoédition une manière de toucher des éditeurs qu’on ne connaît pas ou à qui on n’aurait pas pensé et, de fait, à qui on n’aurait jamais envoyé de manuscrit.
Un peu le même principe que de jeter une bouteille à la mer.
Ensuite, je connais très bien les embûches et les difficultés que de se faire un nom en étant autoédité, mais avec de la persévérance, on y arrive.
De toute manière, quand on voit comment évolue le monde de l’édition à l’heure, qu’on soit publié à compte d’éditeur, d’auteur ou autopublié, c’est presque toujours à l’auteur de faire sa propre publicité. Les grosses maisons ne se concentrent réellement sur la promotion de seulement quelques auteurs de best-sellers et les petites sont noyées dans la masse. Pour espérer sortir du lot et se créer une communauté, c’est à l’auteur de mettre la main à la pâte.
J’aimerais ajouter également qu’étant, vous et moi, auteurs de l’imaginaire, nous savons qu’un manuscrit francophone de SFFF part déjà avec un double handicap : celui d’être écrit dans un genre mal vu en Europe francophone et d’être rédigé en français, langue qui nous discrédite face aux auteurs anglophones.
J’étais un peu éberluée quand j’ai vu vos introductions, surtout celle concernant les soumissions simultanées, mais j’ai trouvé vos arguments très juste et j’ai été convaincue.
Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de croire que les éditeurs ne sont que des commerciaux comme les autres qui considèrent la littérature comme un vulgaire produit de consommation. Je pense donc que c’est à nous, auteurs, de trouver un juste milieu afin de tirer au mieux notre épingle du jeu 🙂
Les *bons* éditeurs ne sont pas que des commerciaux sans vergogne. Ils ont à coeur la rentabilité de leur maison (évidemment !) mais aussi ce qu’ils fournissent au monde, et j’en ai entendu plusieurs dire parfois « on va perdre de l’argent avec ce livre mais c’est pas grave, il faut qu’il existe ». C’est avec ceux-là qu’il faut travailler. De toute façon, on finit toujours par être malheureux chez ceux qui vendent la littérature comme des yaourts. 🙂
Je plussoie vivement les propos de Lionel.
A quels parfums les yaourts ?
Parfum DOLLARS
(ça sent un peu la cocaïne)
Hé, si je ponds une bouse mais qu’un bon vendeur de merde édite mon truc et le fait vendre à des millions d’exemplaires, je serais pas mécontent.
l’astuce c’est de les trouver, ces éditeurs là, et qu’ils veuillent de nous 🙂
On y arrive.
j’ai bon espoir 🙂
Le mieux ne serait pas de devenir pote avec l’éditeur, en commençant par le flatter sur facebook, pour qu’il trouve ensuite impossible de te refuser de t’éditer ?
Suffit de faire usage d’alcool et/ou de sexe. Voire des deux. Voire de l’un menant à l’autre. Pour toi pour l’éditeur. Voire les deux.
lol, j’ai un roman à finir à proposer à deux potes, je leur en ai parlé, les choses sont claires : si c’est impubliable, c’est impubliable, point barre. on est potes ok, mais bisness is bisness, faut pas confondre ^^
[…] de Lionel Davoust publié sur son blog le […]
oh sympa, je me demandais quand relancer… je vais lire !
« Soumissions simultanées » on dirait une prise de catch d’une violence extrême
Ou un titre de film du samedi soir.
Sur TMC