Me voilà de retour à mon hôtel pour un bilan de ce premier jour de Worldcon en Finlande. Déjà, il me faut tout de suite mentionner que c’est un pays à la pointe de la civilisation, car LE CARRELAGE DE LA SALLE DE BAINS EST CHAUFFANT. Oui madame. Rien de meilleur quand tu prends ta douche les yeux pas en face des trous et que le monde te paraît hostile et froid sorti de la couette.

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Mais ces considérations n’intéressant guère que Jacob Delafon, la convention en elle-même, donc. Le Messukeskus (centre de congrès) (j’ai toujours tendance à lire « mais qu’est-ce qu’y a ») se situe dans un sympathique parc de loisirs et terrains de sport, et on y retrouve les étapes habituelles de toute Worldcon qui se respecte : salles de conférence, expositions, stands d’éditeurs et vendeurs en tous genres…

Eh bien, cela m’embête un peu de te dire ça, auguste lectorat, parce que je mesure tout le travail que représente l’organisation d’un événement de cette ampleur, et rien que l’audace de le faire mérite le respect ; peut-être suis-je fatigué, blasé, aigri, trop vieux, mais, voilà – je retire de ce premier jour une petite impression de frustration que je n’avais pas eue à Montréal et Londres. Alors attention, ça reste un splendide événement et les premiers visiteurs en auront indubitablement plein les mirettes – mais certains aspects sont venus un peu se mettre en travers du wow factor. En premier lieu, le rapport entre l’affluence et la taille des salles : sur tout le planning que j’avais prévu, je n’ai pu faire que la moitié des débats (ce qui est assez courant dans une Worldcon) mais souvent pour découvrir au dernier moment, après une demie-heure de queue scrupuleuse en tête de file devant la salle, que non c’est toujours complet en fait merci de trouver autre chose à faire (ce qui là, n’est pas top). L’espace commercial et les expos sont nettement en retrait par rapport aux Worldcons en territoire au moins partiellement anglophone, ce qui soulève clairement à la fois le courage et le risque d’organiser une convention mondiale en Europe dans un pays peu connu des Américains (certains d’entre eux ayant probablement eu peur du voyage).

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Ce qui souligne d’ailleurs la vivacité de la communauté finlandaise – et suscite le respect, ainsi, que j’avoue, venant d’un pays à la langue largement plus répandue que le finnois, une pointe d’envie. Alors certes, la Finlande a pour texte fondateur, entre autres, le Kalevala quand la France a les Rougon-Macquart, ça vous sensibilise assurément un inconscient collectif à l’épopée et à la fantasy, mais quand même. Avec tout ce que le bruit que l’on fait avec la Francophonie, je pense qu’on est en droit de se demander pourquoi, chez nous, bon sang, on n’a pas d’équivalent de la SFWA (les Finlandais en ont un, la STK), des traductions plus nombreuses à l’étranger (les Finlandais y arrivent – un peu), des éditions reliées cartonnées qui semblent faire partie du circuit normal (et pas que des éditions luxe)… Bref, ce sont des questions qui nous agitent en ce moment dans le milieu français – la reconnaissance de l’imaginaire dans les médias (laquelle influe nécessairement sur le rayonnement économique du secteur). C’est très difficile d’avoir une opinion intelligente sur la question quand on n’est là que pour quatre jours et qu’on voit les choses par le petit bout de la lorgnette, et ma perception est peut-être faussée ; mais le fandom finlandais semble assurément avoir un rayonnement à l’international que nous n’avons pas. C’est tant mieux pour eux ; mais cela pousse à se poser des questions pour soi-même – sans réponses, on est d’accord.

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Bon, sinon, l’ambiance est toujours aussi agréable, où votre connaissance de dix minutes à un workshop se met à discuter avec vous avec le naturel de si vous étiez un pote de dix ans. Cela m’avait fait ça la première fois à Anticipation en 2009 à Montréal, huit ans plus tard, je pense toujours, sans cesse, en déambulant dans les couloirs, à l’expression de Roland C. Wagner, « le peuple de la SF ». Et mon camarade de workshop, américain, a probablement eu le bon mot qui m’a fait, pour ma part, ma journée : « La tristesse de notre pays, c’est qu’on a élu un président chaotique mauvais. Et le pire, c’est que son vice-président est certainement loyal mauvais. »
Il n’y a que dans une Worldcon qu’on peut échanger des analyses aussi claires et incisives de la politique internationale (et qu’on peut les partager avec des gens qui les comprennent).

Bon, demain (enfin, aujourd’hui pour toi, auguste lectorat), je vais m’efforcer de voir si je peux mieux louvoyer avec le programme.